La discussion tournait vraiment au dialogue de sourd... Tout aussi acharnés l'un que l'autre, qu'il s'agisse de l'humaine aux yeux vairons ou au monstre qui se tenait face à elle, nul n'avait l'intention de céder un pouce de terrain. Toute confrontation physique semblait désormais écartée, c'était à celui qui parviendrait à faire admettre ses arguments à l'autre, à prouver qui avait raison, entre massacre de l'homo sapiens et le tolérer.

Mettre tous les humains dans le même panier ? T'es encore vivante non ?

Un observateur extérieur aurait même pu prendre ça pour la dispute de pépé mémé, l'un tentant de prendre le dessus sur l'autre sans grand enjeu, puisqu'aucun ne changerait d'avis, trop profondément ancré dans ses convictions.

Votre Institut accueille les mutants qui parviennent à s'échapper oui...

La critique était claire. Si les méthodes brutales et instinctives de la Confrérie étaient aisémen criticables, ce n'était certainement pas les gosses terrorisés au fin fond de cellules glacées qui y trouvaient à redire lorsque leurs gardiens étaient exterminés en une fraction de seconde et qu'une main secourable les sortait de l'enfer... Kenjiss n'avait pas entendu parler de telles actions du côté de l'Institut.

Kenjiss fronça les sourcils. Parlementer avec les fanatiques ? Il n'avait jamais essayé. La plupart étaient exécutés rapidement, sans arrières pensées. Quant à ceux qui voulaient faire changer les choses...

On s'occupe des fanatiques qui vous dérangent tant figurez vous... De quoi allez vous vous plaindre ?

Il était vrai que la Confrérie avait un lien plus ou moins direct avec une bonne partie des attaques mutantes récentes dans l'hémisphère nord. Le plus souvent indirectement, par un financement discret ou un document utile, mais c'était parfois les troupes de choc qui prenaient directement le relais, avec toutes les précautions qui s'imposaient bien entendu... Sans aller jusqu'à prétendre qu'ils étaient partout, les confrères avaient quelques belles réussites à leur actif... La tête d'un leader extremiste américain, en plein New York était l'un des meilleurs exemples.

Le pardon ? Elle TENTERAIT ? Presque sidéré, Kenjiss rabaissa lentement sa main, fixant June d'un regard noir (à croire qu'ils ne faisaient que jouer avec leurs yeux depuis dix minutes... ). Essayer... Parce qu'elle en aurait la volonté ? Envie de pardonner ? A ces CHOSES ?

Un geste très noble ouais... Et impossible quand tu as retrouvé ton fils sur ton palier, roué de coups et laissé à demi mort... Sa seule faute ? Avoir hérité du gène X de ses parents.

La police n'avait jamais élucidé les raisons de l'explosion de cette bonbonne de gaz dans le squat qui abritait le gang minable à l'origine de cette abomination... Kenjiss ne tremblait plus à présent. Ces histoires, ces mots, il les avait tant répétés un peu partout. Il avait dit bien d'autres choses aussi, bien plus hypocrites, devant les caméras avides de sensations fortes, qui n'attendaient qu'une chose, qu'ils se mette à hurler sa haine au monde humain...

La manière de le faire... Nous n'avons pas le choix. Il y a vingt ans, l'Institut a tenté de protéger un sénateur qui pronait cette entente dont tu espère tant... Il a été assassiné en quelques semaines. Les Etats Unis sont devenus pires que les nazis du siècle dernier en ce qui concerne les mutants. Le reste du monde nous tolère à peine. Si d'autres acceptent de discuter, tant mieux pour eux. J'ai dépassé ce stade depuis longtemps.

Kenjiss reprit son souffle après quelques minutes de répliques quasi ininterrompues... Il ouvrit la bouche une dernière fois... Hésita avant de lâcher quelques mots, empreints d'un égoïsme presque palpable.

Qu'est ce que nous avons à perdre de toute façon?

Des personnes atteintes d'une surdité irréversible alors. Ou bien simplement ancrées dans leur convictions, persuadées d'agir au mieux pour leur cause. Et c'était bien souvent là, le problème. Chacun agissait à sa manière en pensant avoir raison. June soupira, malgré tout ce qu'elle avait pu dire, elle s'était heurtée à un mur. Evidement, venant du Directeur de la Confrérie, le contraire aurait été surprenant. Cependant, elle devait bien admettre qu'elle était toujours là, bien vivante. Pour le moment en tout cas. Mais elle eut l'intime conviction qu'il ne devait pas y en avoir eu beaucoup avant elle qui pourrait encore en dire autant ! Il y avait peut-être un soupçon de progrès.

"Manifestement, oui"

June saisit parfaitement la critique et se retint tout juste de riposter par un argument tout aussi bas. Ils ne pouvaient évidement plus intervenir là où la Confrérie était déjà passée... Leur but n'était pas non plus de se disputer les mutants comme de vulgaires choses dans le but de les attirer sous leurs toits ! Ils laissaient encore le soin aux jeunes mutants de décider où ils désiraient aller.

"Je viens de le dire, la vie des fanatiques m'importe peu, je regrette juste d'être obligée d'en arriver là."

Et pour le pardon, oui elle tenterait même sans garantie d'y parvenir. Mais, visiblement, c'était là, la différence fondamentale entre la jeune femme et le mutant. Lui, n'en n'était plus capable. Il avait renoncé à cette possibilité. Il le reconnaissait lui-même. Dommage. Etant peu au courant de la vie passée du Directeur, elle ne comprit pas immédiatement où il voulait en venir avec son histoire de gamin et de palier. Avant de se rendre compte qu'il devait probablement parler de lui. De sa propre histoire sans doute. Et June put commencer à comprendre d'où lui venait sa haine. Rien n'était plus dure à encaisser que la trahison d'une mère. Elle même en savait quelque chose pour avoir été, aussi lâchement abandonnée. Tiens, deuxième point commun. A la différence, qu'elle avait réussi à passer au dessus et à vivre avec cette inconnue quelques part dans ses racines.

Aussi loin que cela pouvait remonter, elle se souvenait de cette histoire, avec le Sénateur Gordon. Triste histoire, en vérité. Car il aurait pu faire avancer les choses d'un sérieux bond en avant s'il n'avait pas été assassiné. Et alors, peut-être qu'ils ne se retrouveraient même pas à discuter vainement dans cette ruelle actuellement. A sa dernière question, empreinte d'égoïsme, June se contenta d'apporter une réponse humaniste. Et comprendrait celui qui voudrait.

"Tout, peut-être"

June allait s'éloigner. De toute façon leur discussion n'amenait à rien. Et elle se recula légèrement pour amorcer son départ. Lorsqu'elle aperçut du mouvement à l'entrée de la ruelle, dans le dos du mutant. Deux silhouettes les épiaient, curieuses et entamèrent un pas dans leur direction. June, toujours sur la défensive écarquilla les yeux. Ce n'était pas le moment d'avoir des ennuis alors qu'elle venait d'échapper à une mort précoce. Ce fut son côté paranoïaque qui prit le dessus. Très vite, elle refit face au mutant sans lui laisser le temps de broncher. Elle lui murmura, ses yeux fermement planté dans les siens.

"Surtout, ne m'écrase pas ! Et ne te retourne pas !"

Que des voix retentirent dans le dos du mutant et que June eut... une réaction très féminine. Elle se jeta littéralement dans les bras du mutant, priant pour que ce ne soit pas la dernière chose qu'elle ferait aujourd'hui. Et elle tenta de l'embrasser. Du moins, c'est l'impression qu'elle voulut donner en dérivant au dernier moment plutôt sur le côté et apercevoir les gens qui se tenaient à quelques mètres derrière Kenjiss. Elle tenait quand même un minimum à sa vie et tant que l'illusion était bonne... Inutile de pousser le vice plus loin et de froisser davantage la dignité de Kenjiss, qui avait déjà été mis à rude épreuve au cours de l'heure écoulée.

- Tout va bien pour vous madem...mons... Euh, jeunes gens ? On a entendu du bruit et...

La jeune femme les coupa vivement.

"Du bruit ? Je ne sais pas, nous venons d'arriver et... nous étions quelque peu occupé. N'est ce pas mon chéri "? minauda-t-elle du mieux qu'elle put avec un sourire d'adolescente amoureuse.

C'était très stupide, vraiment banale comme excuse, mais en général ça marchait aussi très bien. Elle espéra donc que les deux curieux se contenteraient de son mensonge. Ils leurs lancèrent un regard vaguement guoguenard, pensant sans doute avoir surpris un jeune couple qui se dévergondait et ils firent demi-tour, non sans lancer à June un sourire qui en disait long... Il y avait quand même d'autres endroits pour s'envoyer en l'air...

Ouf... Elle ne s'en était pas trop mal tirée... A un détail près, la réaction de Kenjiss qui ne tarderait pas à lui tomber dessus. Trop occupée à prier pour qu'il ne brise pas les effets de sa petite comédie lors d'un nouvel accès de rage, elle ne s'était pas encore dégagée de ses bras...

A vrai dire, si elle avait du parier sur son action gagnante, June ne l'aurait pas fait. Bien consciente que ses chances de réussite frisait à peu près le zéro absolu. Mais bizarrement et à son grand soulagement, le mutant tatoué entra dans son jeu. Sans discuter. Juste un peu crispé et méfiant. Normal, quoi. Tandis qu'elle feignait de chercher avidement ses lèvres, elle sentit ses bras se resserrer -doucement- sur son dos. Et pour la deuxième fois dans la journée, elle ne put retenir un frisson au contact du mutant. Elle mit ça sur le compte de l'adrénaline, espérant vivement qu'il ne s'agisse de rien d'autre.

Kenjiss, encore sous le coup de la surprise la regarda les yeux écarquillés. Mais il comprit néanmoins assez vite le 'rôle' qu'elle avait voulu lui attribuer et ce fut à son tour de surprendre la jeune femme. Lorsque, ignorant ses paroles, il en vint directement au geste en plongeant confortablement sa tête au sein de sa nuque, laissant ses lèvres frôler sa peau. Immédiatement parcourue d'une nouvelle rivière de frissons ! Bon, là, ça devenait franchement gênant cette hypersensibilité ! Et les battements de son coeur un peu trop rapides n'arrangeaient pas non plus les choses...

Vu leur situation, la menace qu'il lui lança perdit absolument toute crédibilité aux yeux de June. Au point qu'elle en devint presque comique. Aussi June répliqua, toujours perdue dans le regard de son 'amoureux transit'

"Mais tu ne le feras pas... Pas cette fois ! Moi aussi, je t'aime mon amour !" déclara alors fébrilement June avec toute la passion que la situation le lui permettait avant de s'adresser aux curieux, leur faisant ainsi comprendre qu'ils venaient de déranger leur 'fougueuse étreinte'.

Ils comprirent heureusement le message et laissèrent ce couple pour le moins étrange à leur affaire.

La jeune femme avait à présent quitté le regard du mutant, posant ses yeux vairons sur les deux hommes afin de s'assurer qu'ils s'éloignaient. Ce n'est que lorsqu'elle les vit disparaître au coin de la ruelle qu'elle se détendit et que les muscles de son dos se relâchèrent sous les mains du mutant. Restait maintenant l'épineux problème de s'expliquer avec le grand patron. Qui ne se fit pas attendre. Sa question avait fusé comme une flèche.

"Ca, comme tu dis, ça s'appelle un réflexe et de l'improvisation. Et quand on a pas les moyens de réduire son adversaire au silence en un quart de seconde, c'est vachement utile à la survie, tu vois. Surtout quand tu grandis dans la rue !" décréta June le plus sincèrement du monde

Décidant qu'il serait par contre plus que sage et judicieux de quitter l'étreinte du mutant, elle entreprit de se dégager doucement des mains qui la serraient encore... L'espace d'un instant, elle se demanda d'ailleurs pourquoi il la tenait toujours. Il aurait du s'empresser de la repousser... elle n'était qu'une souillure après tout ! Non ? Et à présent, il ne tenait qu'à lui de la lâcher.

Cette fois c'était sûr, s'il ne la pulvérisait pas, ce serait Sam' qui s'en chargerait...

Comme il fallait s’y attendre, le contact rapproché du mutant avec la jeune femme lui permit de ressentir à peu près tous les changements corporels qui trahirent ses émotions. Mais June balaya le doute étrange qui l’avait envahie d’un battement de sourcil et ignora le sourire malin du mutant. C’était stupide. Elle devait s’imaginer des choses… En tous les cas, au-delà de la tournure plus qu’étrange qu’avait prise la situation, June se consola en se disant qu’ils venaient probablement d’éviter une petite catastrophe. ‘Ils’ car elle remercia intérieurement Kenjiss de l’avoir suivie sans se poser de questions, alors qu’il aurait très bien pu la broyer, lui aussi d’un simple battement de sourcil. Il n’aurait plus manqué qu’on la retrouve morte ou bien qu’elle se retrouve en première page des journaux, sur une scène de crime… enlacée par le leader de la Confrérie. Ce ‘petit accident’ aurait sans difficulté aucune brisé des années de travail. Et elle aurait perdu toute trace de crédibilité au sein de son association. Oui, vraiment, elle devrait réfléchir avant d’agir, au lieu de foncer dans le tas et de se poser les questions après. Car en cet instant, elle était loin de se douter des conséquences futures que son geste allait avoir…

Confidence pour confidence, le mutant lui avoua une infime partie de son passé. Surprise d’un tel relâchement de sa part, la jeune femme le regarda subitement d’un air très étonné :

"Ah bon ? Je l’ignorais… "

Oui, ça forcément qu’elle l’ignorait ! Kenjiss n’était pas vraiment du genre à raconter sa vie à n’importe qui. Encore que… n’était-ce pas exactement ce qu’il était en train de faire là ? June eut un sourire amusé et rétorqua :

"A croire qu’on n’est pas si différents l’un de l’autre finalement…"

Lorsqu’elle tenta de se dégager, le mutant comprit rapidement le message et il la lâcha, mettant fin à leur étreinte… douteuse. Presque à regret apparemment, mais comment aurait-elle pu le savoir ? La jeune femme ne se fit pas prier et s’éloignait déjà de lui –oh pas pour fuir, non- disons simplement pour remettre une distance normale et de sécurité parfaitement inutile entre eux. Estimant qu’elle avait suffisamment usé de la patience du mutant. Par contre, elle n’avait absolument pas prévu ce qui allait suivre !

A peine fut-elle à nouveau libre de ses mouvements que le Confrériste eut –à nouveau- une réaction totalement imprévisible et hors de propos. Elle sentit une poigne d’acier se refermer sur son bras et son rythme cardiaque qui venait tout juste de se calmer atteignit sans doute le pic le plus élevé de son existence. Elle ne réagit pas. En fait, même si elle avait eu la possibilité de voir son regard viré au gris, elle n’en aurait jamais eu le temps. Elle n’aurait strictement rien pu faire. Le mutant semblait posséder des réflexes encore plus aiguisés que les siens. Sans doute une séquelle de son existence passée. Et la jeune femme se sentit projetée contre le mur. Cependant pas aussi violemment que ce qu’elle avait redouté. En fait, elle eut juste l’impression de se sentir subitement légère et de subir un bond indépendant de sa volonté. Et comprit que le mutant s’était servi de son pouvoir.

"Mais qu’est- ce que… "

Elle ne cria même pas. Sans doute trop surprise et sa protestation, qui ressemblait davantage à un murmure, se noya quelque part au fond de sa gorge. Plaquée contre le mur, elle vit le mutant s’approcher près, vraiment très près d’elle comme absorbé par son regard étrange. Son champ de vision s’étant soudainement résumé au visage du mutant, June ne put que lui rendre cette fascination mutuelle. Se perdant cette fois dans les yeux métalliques du mutant. Tout aussi étrange que les siens. A leur façon. L’âme de Kenjiss était-elle réellement aussi froide que le gris de son regard ? Un instant, elle en douta. Car elle n’y aperçut aucune trace de violence, ni d’animosité. Fixant le visage qui s’approchait de plus en plus du sien, June ne se rendit pas compte que le mutant lui avait laissé une ‘issue de secours’. Et, de toute façon, qu’aurait-elle fait si elle l’avait vue ?

Finalement, alors qu’elle pouvait maintenant sentir son souffle frôler sa peau, Kenjiss sembla retrouver l’usage de la parole. Fin de la comédie ? Mais dans sa voix, June perçut une nuance, comme un doute soudain. Et si… ce n’était plus une comédie ? Indubitablement, quelque chose, encore infime, venait de changer.

"A toi de me le dire, mon grand " souffla June si près du visage du mutant que ses lèvres frôlèrent presque les siennes

June n'avait pas crié. Elle n'avait pas fuit. A quelques centimètres de Kenjiss se dressait toujours la petite silhouette hardie de l'humaine, qui se tenait sans trembler sous la masse bien plus imposante du tatoué. En apparence, le rapport de force était totalement inégal. Mais ils étaient dans une situation où la force ne comptait guère plus...

Leurs lèvres se frolèrent, reculèrent... Au plus infime des tremblements, au moindre souffle, elles s'effleuraient. Kenjiss ne bougeait pas plus que June lorsque celle si répliqua, lui retournant sa propre question. Le mutant hésita, une fois de plus. Qu'est ce qu'il était en train de faire avec cette... humaine ? Qu'il tente d'embrasser une inconnue qui l'avait aidé à se procurer un peu de drogue à peine légale, passait encore. Mais une ... humaine ? Ce n'était pas le dégout qui le faisait hésiter, mais le doute. Toute sa vie il s'était battu contre cette espèce... Les plus extremistes d'entre eux certes. Mais tous ne l'étaient ils pas au fond d'eux ? Et ne restaient ils pas en définitives. inférieurs ? L'étape suivante de l'évolution était représentée par les mutants, certainement pas par les humains... Alors quel intérêt d'aimer une sous race ? Sans parler du risque de détruire sa crédibilité auprès de la Confrérie... Quand bien même il la dirigeait, on ne pouvait pardonner telle faiblesse... Détruire le but de sa vie pour un besoin tellement basique ? Condamner les mutants ?

Et puis il y avait cette éruption. Ce qu'il ne contrôlait pas. Son attirance physique. Son corps qui ne mentait que rarement... Après tout, n'avait il pas été intéressé par June avant d'apprendre qu'elle était humaine ? Elle n'avait pas changé suite à sa révélation... Et puis... C'était tout de même lui qui les avait foutu dans cette situation, alors qu'ils venaient de se décoller de leur étreinte forcée ! C'était lui qui n'avait pas hésité à replonger dans les ennuis qu'il venait à peine de quitter !

Ces pensées n'avaient fait que traverser l'esprit du mutant. Une fraction de seconde s'étaient à peine écoulées. Il n'avait pris aucune décision censée. Pas le temps pour... C'était son instinct qui agissait. Sans aucun égard pour les éventuelles conséquences de ses gestes.

Pour ma comédie, lis les journaux...

Kenjiss s'était en effet rarement confié à ce point. June avait même pu voir le chef de la Confrérie, l'implacable tatoué, vouer leur cause à l'échec... Avouer son désespoir. Parler franchement. Pour une fois. La mascarade des bons mutants sauveurs d'humains était loin... C'était bon pour la façade. Il n'avait même pas essayé de lui faire avaler ça à la jeune femme... Sa comédie était bien loin... Sa question à lui, muette, était évidente. Qu'en était il de la comédie de l'humaine ?
Sans attendre ou sans entendre la réplique de son interlocutrice, il se lança. Ce fut après une fraction de seconde d'hésitation que Kenjiss avança résolument son visage marqué, lançant ses lèvres à la conquête de celles de ... l'humaine. Le tatouage parut frémir... De haine peut être. Qu'importe. Sa main avait instinctivement glissé derrière la tête de June, basculé sur sa nuque pour la presser doucement, comme pour l'empêcher de fuir, tout en sachant parfaitement qu'il ne pourrait exercer aucune pression sur son cou si elle s'esquivait devant la monstruosité tatouée qui s'avançait. Le tueur d'humains...

Leurs visages avaient à présent dépassé sans scrupules la limite injurieuse de la simple intimité. June sentit le souffle chaud du mutant sur sa peau et cessa de respirer. Enfin pas tout à fait, mais c’est l’impression qu’elle eut lorsque quelque chose se cala au fond de sa gorge. La dernière bouffée d’air qu’elle avait avalé refusait de passer. La jeune femme déglutit. Mais qu’est-ce qu’elle était en train de faire ? Elle-même ne le savait même plus. Tiraillée entre ses convictions et sa fidélité. Songer aux conséquences. Faire un choix, là, ici et immédiatement fut trop dur. Alors, dans cette étrange bulle immatérielle, au côté du plus improbable des prétendants, June abandonna toute volonté de lutter contre sa conscience. La comédie vola en éclat, pour laisser la place aux sentiments. Passion réelle. Elle ne se l’expliquait pas. Mais il y avait quelque chose chez Kenjiss qui l’attirait. Peut-être dangereusement même. Ou peut-être était ce simplement physique ? Elle n’aurait su le dire. Elle qui, se rendant compte à qui elle avait à faire dans la pharmacie, avait pensé qu’il n’était pas 'si mal', au lieu de prendre ses jambes à son cou ! Cela lui coutait déjà de devoir le reconnaître.

Et puis… l’improbable se produisit. Le monde s’arrêta. Pour eux.

Fracassant probablement au passage ses idéaux, le mutant rompit la dernière distance qui le séparait encore du doux visage et goûta aux lèvres de la jeune femme. Son cœur fit un bond dans sa poitrine. Elle ne chercha même pas à les éviter. Elle les accueillit aussi précieusement qu’un cadeau interdit. Il n’y avait plus de mutant, plus de monstre, plus de tatouage. Plus de tueur sanguinaire. Mais seulement un homme. Elle sentit la main du mutant sur son corps qui la poussa légèrement vers l’arrière et emportée par son élan, elle posa délicatement la sienne sur sa joue.

Elle ignora combien de temps dura ce surprenant échange, qui ne tenait absolument plus de la comédie. Cela lui sembla être une éternité. Mais toutes les bonnes choses, mêmes les plus exquises car interdites, ont une fin. Et June fut ramenée à la réalité aussi brutalement qu’elle l’avait quittée lorsque son communicateur-téléphone portable se mit à vibrer dans sa poche…

Elle sursauta, comme un enfant pris en flagrant délit et ses lèvres quittèrent instantanément celles du mutant. A regret. Toujours limite enlacée dans les bras de Kenjiss, elle fouilla nerveusement sa poche pour s’emparer de son fichu gadget électronique –toujours à sonner quand il ne faut pas ! Elle décrocha. A l’autre bout du fil, elle reconnut une voix familière

- June ? C’est Camille. On a un problème ici. Il faut que tu rentres.

Et son visage se figea… Incapable d’articuler la moindre parole.

-June ?? répéta la voix, inquiète de n’avoir aucune réponse.

Et June ne se déroba pas. Kenjiss fut presque surpris de sentir ses lèvres sous les siennes, s'entrouvrant légèrement. Une main se posa sur sa joue, June s'avança jusqu'à se coller à lui, l'embrassant avec plus d'ardeur... Le tatoué s'appliqua, doucement, comme s'il craignait de briser ce qu'il tenait à présent dans une étreinte qui n'avait plus rien de simulée. Une humaine... Il était en train d'embrasser une humaine. Et cette pensée n'éveillait pas le moindre mouvement de recul, bien au contraire... Il perdit la notion du temps, yeux fermés, savourant les lèvres de June parcourant les siennes, sa chaleur contre son torse...

Aucune des deux races ne semblait pressé d'interrompre ce baiser. Trop de conséquences risquaient d'en découler... Un oeil extérieur aurait observé une scène particulièrement étrange. Au fin fond d'une ruelle peu acceuillante, mal éclairée, se tenant un étrange couple. Une femme aux yeux vairons et à l'épaisse chevelure brune embrassait sans la moindre appréhension un colosse au visage étrange, sur lequel était plaqué un énorme tatouage à l'aspect peu engageant... Le même type lambda qui passait par là aurait été encore plus surpris d'apprendre que la femme était membre d'une association d'aide aux mutants tandis que le tatoué, mutant, prônait en secret l'éradication pure et simple d'une bonne partie des humains sur terre... Et que l'une risquait d'être broyée par sa télépathe de meilleur amie, tandis que l'autre serait saigné à blanc par une secrétaire russe folle à lier.

Ce furent les miracles de la technologie moderne qui tira les deux tourtereaux du coin de rêve dans lequel ils s'étaient réfugiés. June tressauta entre ses bras, se détachant des lèvres du tatoué en farfouillant dans sa poche. Kenjiss retint un sourire. Peu d'organisations utilisaient des appareils aussi sophistiqués. Il savait, pour avoir commandé une version équivalente pour l'usage confrériste, que l'appareil était également un traceur. Et donc qu'il avait visé juste,que l'Institut ne rôdait pas loin autour de June... Il ne la lâcha pourtant pas, sachant parfaitement que ce coup de fil risquait fort d'abréger la rencontre. (June n'était pas la directrice de son organisation et elle ne pouvait certainement pas hurler d'une voix de stentor qu'elle les laissait se démerder tout seul, à la différence d'un certain tatoué... )

Effectivement, on demandait sa présence. Une certaine...Camille ? Le tatoué nota ce prénom dans un recoin de son esprit. C'était toujours bon à savoir. June s'était figée, étrangement silencieuse. Pour ce qu'il savait d'elle, cela ne lui ressemblait pas. Du tout. Kenjiss réfléchit rapidement, autant qu'il pouvait le faire en évitant de trop penser à l'humaine diablement mignonne qu'il enlaçait toujours, et à ce qu'ils venaient de faire à l'instant. Pour éviter de réaliser, de faire face à l'avalanche de problèmes qui risquait d'en découler... Espérant que ce coup de fil ne soit pas le premier d'une longue série. Kenjiss baissa la voix, préférant éviter d'être entendu sur haut parleur dans la moitié de l'Institut. Glissant sa tête vers l'oreille opposée au communicateur, il murmura.

'Pas possible qu'ils nous aient repérés... Y a que Lemington qui aurait pu nous choper, et elle m'aurait déjà envoyé la moitié de Londre sur la tronche plutôt que de te laisser aussi... Il sourit. Vulnérable.

J'espère...

Toute l’horreur de la situation la frappa à cet instant précis. Comme si tout redevint absolument clair. Ils venaient de faire une belle connerie. Mais hélas, une délicieuse connerie. Ce fut bien ça le problème. Et ni l’un ni l’autre ne furent capables d’imaginer les répercussions qu’un simple baiser pouvait avoir. Car, indéniablement et d’une façon ou d’une autre, ils étaient à présent dans une foutue merde. Son communicateur continuait de crachoter une voix de plus en plus inquiète, soudain méfiante.

- June ? Est-ce que ça va ? Aurais-tu des… ennuis ?

Non, du moins pas encore. Mais ils ne tarderaient sûrement pas. D’autant que la jeune femme venait à coup sûr de signer son appartenance à l’Institut en exhibant cette saleté de communicateur. Le mutant, loin d’être stupide utilisait probablement des outils de communication similaire pour sa Confrérie.

"Je… euh…. non… Non, ça va… Ne t’en fais pas. Tout va bien, parvint à assurer plus ou moins la jeune femme d’une voix à peine tremblotante. Un problème ?"

Oh oui, ça aussi, ils en avaient en. Mais impossible que Camille soit déjà au courant. Comment aurait-elle pu ? Aux dernières nouvelles, Sam’ n’était pas encore connectée à son esprit 24h sur 24. Et heureusement. Non, il devait s’agir d’autre chose. Du moins l’espéra-t-elle. D’un geste vif, son index frôla sa bouche et elle intima le plus grand silence au mutant lorsqu’il lui chuchota les mêmes doutes qu’elle au creux de son oreille. On ne devait surtout pas savoir qui se trouvait avec elle dans cette ruelle. Sous aucun prétexte ! D’autant qu’il était encore loin d’imaginer la véracité de ses propos ! A un détail près… il se pourrait très bien qu’elle se retrouve ensevelie au côté de Kenjiss lorsque Samarah apprendrait ce qu’elle venait de faire. Son statut de meilleure amie venant à peu de chose près de passer à celui de traitresse. Elle plaqua un instant sa main sur son communicateur pour empêcher d’être entendue et murmura, à peine audible :

"Tu ne crois hélas… pas si bien dire" révélant ainsi à demi-mot une relation de plus en plus proche avec la mutante

Puis, elle remit son communicateur près de son oreille et enchaîna, redoutant terriblement la réponse :

"Que se passe-t-il ?"

A l’autre bout du fil, Camille dut trouver bien étrange le temps de réponse de la jeune femme mais n’insista pas et exposa la situation :

- Le jeune Ted est en pleine crise, il a besoin de ses médicaments. Tu sais ce qui arrive quand il ne se contrôle plus… As-tu réussi à passer à la pharmacie ?

Imperceptiblement, June laissa échapper un soupir de soulagement. Bien vite effacé par la gravité des propos de Camille. Bien sûr qu’elle savait ce qui se passait quand le jeune mutant perdait les pédales à cause de sa maladie. Les murs de l’Institut en portaient encore les traces à certains endroits. Né de parents vaccinés, le garçonnet gravement malade demeurait une victime parmi tant d’autres du terrifiant vaccin Genesis

"Oui, j’ai ses médicaments. J’arrive tout de suite ! déclara-t-elle avant de se rendre compte qu’elle était encore loin du refuge pour mutant. Laisse moi juste le temps d’arriver, je ne suis pas tout près et les routes sont encombrées, comme d’habitude", corrigea-t-elle consciente de demander l’impossible à sa collègue.

Quand le petit Ted entrait en crise, en général, ils n’avaient plus de temps. Cette notion disparaissant de leur langage. Or là, il lui faudrait au bas mot, pas loin d'une demi-heure pour arriver à destination. June se mordit la lèvre.

"En attendant, essaie de voir si Julia ne sait pas temporiser sa douleur." La jeune mutante dont elle parlait ayant le don de plonger les gens dans un état semi hypnotique

Et elle raccrocha, sans laisser le temps à Camille de s’étonner ou quoique ce soit d’autre. Elle comprendrait certainement qu’elle avait agit ainsi dans l’urgence.

"Eh merde ! J’y serai jamais à temps !" jura-t-elle alors rageusement. Furieuse contre elle-même et oubliant presque ce qui venait de se passer entre elle et Kenjiss…

Réduit au silence par l'index impérieux June, Kenjiss se contenta d'écouter la conversation. Le risque Lemington, confirmé par l'humaine, étant certes un élément à prendre en compte, mais le tatoué s'estimait largement capable de tenir tête à la furie de l'Institut. Elle pouvait bien lui balancer un semi remorque sur la tête, il pourrait toujours l'arrêter d'une seule main. Quand à June... Elle n'allait pas attaquer une de ses amies, si ? Boston avait tout de même bien souffert de la rage de la mutante, bien plus jeune à l'époque, et il n'y avait pas beaucoup d'innocents dans le tas... Ses pouvoirs avaient ils évolués à un niveau comparable aux siens ? Le défi pouvait être intéressant...

Sauf que ce n'était pas le sujet, et qu'il n'allait certainement pas se mettre à beugler dans le communicateur pour ameuter Lemington et tester leurs pouvoirs en plein milieu de Londre. Et qu'une nouvelle bien plus grave se profilait à l'horizon. Kenjiss perdit toute envie de baston en entendant June parler de médicaments, de douleur... Un mutant faisait visiblement des siennes à l'Institut. Le tatoué en oublia les bafouillements de June et le précipice qu'ils frôlaient dangereusement après leur petite incartade de tout à l'heure. Il y a vingt ans de cela, un jeune mutant avait bien souffert en l'absence de médoc... Et il avait faillit détruire la moitié de la Confrérie. Et quand bien même Kenjiss n'aurait rien vécu de tout ça, il n'avait pas l'habitude de laisser un frère esclave de ses pouvoirs souffrir... Il n'était plus question de domination mutante ou humaine, l'un d'eux souffrait et risquait d'en blesser d'autres. Et malgré tout ce qu'on pouvait dire sur la Confrérie, ses membres étaient pour la plupart prêt à bondir dans un brasier pour aider l'un de leur frère en difficulté avec la monstrueuse puissance que certains recelaient parfois en eux... Il dégagea doucement l'étreinte qu'il avait maintenue autour de June alors même que celle si parlait encore à son amie, brusquement redevenu sérieux, avec toute l'efficacité qui le caractérisait. D'autres auraient dit l'inhumain pragmatisme...

Tu n'y sera jamais à temps... A l'Institut ? Avec tous les indices semés depuis tout à l'heure, Kenjiss aurait eut du mal à se tromper sur les amis de June... Ca ne fait cinquante kilomètres en gros... 'Pas l'intention de laisser un gosse mourir.

Le tatoué savait parfaitement qu'un mutant en crise attendait rarement que ses médocs se soient extirpés des embouteillages londoniens. Il n'attendit pas d'éventuelles protestations de la part de June. De plus la situation qui s'offrait à lui était simple. Arriver le plus vite et le plus discrètement possible et pis basta... C'était presque agréable en comparaison avec leur propre problème... Du moins ça l'aurait été si un petit mutant n'était pas en train de souffrir à quelques kilomètres de là. Kenjiss s'assura que son propre communicateur était désactivé. Voir sur les écrans de contrôle le signal du chef se rapprocher de l'Institut pourrait fort bien aboutir à quelques tensions, surtout si ses confrères s'approchaient eux aussi pour venir le chercher. Il tendit ses muscles, passant un bras dans le dos de June.

Accroche toi. C'est pas une petite balade dans Londres cette fois...

Kenjiss la refit basculer, exactement dans la même posture que vingt minutes auparavant... Et sans la moindre gêne cette fois çi. Ils avaient déjà les pieds dans le plat, ils avaient fait pire, et après tout, ils étaient grands non ? Kenjiss assura son étreinte sur June. C'était moins des muscles de la jeune femme que des siens dont dépendait la survie de l'humaine ! Et il se propulsa d'une brusque détente dans les airs, atterissant sur le toit avant de repartir à l'horizontale... Avec des bonds trois fois plus longs qu'auparavant. Pouvoir poussé au maximum, charge supplémentaire dans les bras avec toutes les manoeuvres que cela interdisait, et arrivée à l'Institut en prime, le vol ne s'annonçait pas tranquille... Le tatoué jeta un coup d'oeil à June en rebondissant sur un mur vertical, prolongeant sa course, filant au dessus d'une avenue embouteillée au possible... Bien qu'il y ait de fortes chances qu'elle ne l'écoute pas, trop occupée à s'agripper partout. (Et son instinct de mâle douillet espérait avec ferveur qu'elle ne s'accroche pas réellement partout)

Tes copains ont intérêt à pas matter les ptits z'oiseaux à la jumelle, va y en avoir un bizarre dans leurs lunettes dans quelques minutes !

Et, bien plus dangereux que les amateurs de moineaux et autres tourtereaux, les divers détecteurs de l'Institut dont il ignorait la portée, la sensibilité... Et une espèce d'engin de mort et de destruction connue sous le doux nom de Samarah Lemington... Bien que n'ayant pas l'intention d'atterrir en plein milieu du parc, Kenjiss ne se faisait pas beaucoup d'illusion sur sa discrétion... Et pour couronner le tout, il avait embrassé la nana avec qui il allait débarquer. Une humaine en plus. Tiens il l'avait presque oublié ça...

[Tu rouvre un topic vers l'Institut ? A moins que tu préfère discuter en vol ^^]

Sentant qu'il la lâchait, elle allait répliquer, sincèrement désolée, qu'elle devait partir d'urgence mais il ne lui en laissa pas le temps. Kenjiss avait deviné sans mal la destination de la jeune femme. Plus très difficile vu la situation en même temps. Et elle acquiesça d'un simple hochement de tête. Pas question de mentir alors qu'une vie et peut-être bien d'autres étaient en danger. Très vite, elle tenta de résumer la situation :

"Ted est un gamin de 12 ans que nous avons recueilli. Ses parents, qui ont été vaccinés, nous l'ont confié car ils étaient impuissants face à la douleur de leur fils. Tu connais comme moi les effets de cette saloperie, encore plus sur les enfants de mutants. Ca l'a rendu diabétique. Et quand son taux d'insuline est trop bas, il ne parvient plus du tout à se contrôler. C'est un pyrokinésiste et vu son âge, je te laisse imaginer la catastrophe qu'il représente non seulement pour lui mais aussi pour ses compagnons..."

La jeune femme était déjà en train de réfléchir à une solution pour gagner du temps. Comme 'emprunter' la première moto qui lui passerait sous la main... lorsqu'elle sentit le sol se dérober sous ses pieds. Alors qu'elle ne se serait jamais imaginée retenter ce mode de transport hors norme, voilà que pour la deuxième fois de la journée elle se retrouvait dans les airs, avec comme seul garant de sa survie le mutant confrériste. Cette fois, elle n'eut plus le réflexe de crier, mais bien celui de s'accrocher à ce qu'elle pouvait. En l'occurence son torse, son dos et ses bras. Heureusement parce que les paroles de Kenjiss lui arrachèrent un air paniqué. En effet, entre une balade d'une centaine de mètres au dessus de Londres et une course contre la montre d'une cinquantaine de kilomètres, y avait de la marge quand même. Voire un fossé. Loin d'elle l'idée de sous estimer les capacités du mutant dont elle ignorait tout simplement les limites. Mais en tant qu'être humain, à tendance rationnelle, cela lui paraissait énorme. Presque irréalisable.
Et puis, il lui vint une interrogation tout à fait légitime. Kenjiss se servait aisément des toits et des murs pour rebondir tant qu'il était au dessus de la ville mais que ferait-il une fois au dessus des champs ? Dans l'hypothèse où ils y parviendraient, bien entendu.

Elle tenta de parler, enfin d'articuler quelques mots serait plus exact. Ce qui n'était pas évident vu la vitesse fulgurante de leur progression. Elle avait l'impression d'étouffer à chaque parole :

"Au dessus de... ville d'Harlow... rond point... y a un... bosquet d'arbres... en bord de route. Pose-toi...là"

Bien qu'elle douta qu'ils pourraient passer inaperçu sur un voyage de 50 kilomètres, elle espérait qu'en arrivant à couvert, ils pourraient au moins garder une certaine discrétion vis-à-vis de l'Institut qui était encore à 2 ou 3 kilomètres de là. Et par la même occasion d'éviter les défenses de la bâtisse !

( Institut)