[HJ : Kenjiss, Terry, Maria, Daniel, Twik']

Kenjiss avait dit : "Resplendissez, c'est clair ? Et écrasez-moi les morues de l'Institut..."
La mission, pour cette fois, était aisée. Mais Maria, prenant en pitié ces dames de l’Institut qui ne pouvaient pas avoir la même classe naturelle qu’elle, avait décidé de ne pas trop en faire… Les écraser, oui ; les désintégrer, non ! Ce serait donc une robe de soirée « sobre »…

Spoiler:

Prenant bien garde de ne pas se prendre les pieds dans les plis de soie, Maria gravit quelques marches des escaliers et domina l’assemblée de cette position surélevée. Superbe ! D’un pur point de vue luxe-plein-les-mirettes, le TransAtlante tenait toutes ses promesses. Elle avait hâte de rencontrer les initiateurs de ce projet, peut-être réussirait-elle à les amener à s’associer à la Confrérie Moderne ?

Twikjeya était là, à quelques pas en contrebas et, comme à son habitude depuis « l’incident de la cuisine », elle faisait tout son possible pour éviter que leurs regards ne se croisent. Mais cette situation touchait à sa fin, Maria avait vu dans cette inauguration du TransAtlante l’occasion rêvée de briser cette glace qui s’était cristallisée entre elles. Ce soir, elle lui apporterait un verre de cette vodka fleurant bon le continent russe et la supplierait de rétablir le dialogue…

Ces considérations en tête, elle commença à regarder un par un les invités. Dès les premières secondes, elle réussit à repérer une tête connue. De l’autre côté du hall, près des ascenseurs, engoncé dans un costume bleu, un de ses « partenaires » de Chicago : Deklan Fanel. Comment pourrait-elle faire pour lui pourrir un peu sa soirée ? Il était en train de discuter avec un vieil homme affublé d’un haut-de-forme... Un vieil excentrique à en croire sa tenue, son maintien général et ses grands gestes.
A cet instant, le Destin avec un grand D prit les projets diaboliques de la russe sous son aile : l’excentrique en question fit léviter quelques instants sa canne avant de la rattraper alors qu’un agent de sécurité à la mine patibulaire, baraqué, lunettes et costume noirs, holster évident, descendait les escaliers juste à côté d'elle. L’occasion était trop belle !
"_ Excusez-moi, monsieur, fit-elle avec un sourire charmant en arrêtant l’agent d’une main, il y a deux mutants là-bas qui s’amusent avec leurs pouvoirs bizarres… Pourriez-vous leur demander d’arrêter, s'il vous plaît ? Ça me fait peur !"

La brute, flattée que son rôle de protecteur soit reconnu par une jeune femme en détresse, se figea pour regarder dans la direction indiquée. Deklan exhibait une plume qu'il venait de créer avec du sable.
"_ Je vais voir ce que je peux faire, madame, répondit-il sur un ton sévère, ne vous inquiétez pas ! Merci pour votre vigilance !"

Il lui fit un sourire façon chevalier pourfendeur de dragons et partit à grands pas en direction des deux mutants. Bien mouchardé, Maria ! Le remontage de bretelles était sur le point de débuter, il ne manquait qu’un sachet de popcorns ! Quand Deklan se retournerait pour voir à qui il devrait d'être surveillé étroitement pour le reste de la soirée, elle le gratifierait d’un charmant salut de princesse accompagné d’un sourire moqueur de petite peste.
Mais, avant que l'agent de sécurité n'arrive à destination, une voix proche détourna l'attention de Maria.
-« Toujours là ? »

Daniel Gray ! Apparemment, il s'adressait à Twikjeya. Maria n’avait pas encore eu l’occasion de croiser ce petit parvenu à la Confrérie mais, d’après les bruits de couloirs, l’arrogance de cet homme multiple était proportionnelle à son potentiel… Mieux valait montrer les dents tout de suite !
"_ Bonsoir monsieur Gray, fit-elle d’une voix acide, personne n'était chargé de vous apprendre la politesse et les bonnes manières chez vous ? Pensez-vous vraiment qu’il est convenable de saluer une dame avec un « Toujours là ? » ?"

Resplendissez !

C’était plus facile à dire qu’à faire. Surtout quand on voulait éviter au maximum de dévoiler son anatomie… écailleuse. Terry avait mis longtemps à se décider sur la tenue qu’il porterait lors de cette soirée d’inauguration. Finalement, son choix s’était porté sur un costume blanc. Sans vouloir faire écho à la tenue de Maria, évidement puisqu’il n’avait découvert la robe de cette dernière qu’à la dernière minute. Au moins, ils resplendiraient effectivement tous les deux. Difficile de passer inaperçu tout de blanc vêtu.

Comme tout le monde, le Caméléon avait entendu parler de cette station et comme tout le monde à son bord, il ne put s’empêcher d’admirer la merveille de technologie que représentait la TransAtlante. Un soupçon trop portée sur le luxe, peut-être, mais hélas, on ne referait pas le monde, encore moins son système économique mondial. Le mutant n’avait pas bronché lors de la fouille obligatoire. L’agent de sécurité l’avait vaguement palpé, plus intéressé par ses mitaines –blanches pour une fois- qu’autre chose. Comme si elles pouvaient cacher une arme quelconque. Terry les avait donc ôtées une fraction de secondes, laissant apercevoir ses mains étranges. Satisfait ou bien légèrement dégouté, allez savoir, il laissa passer le mutant qui remit ses précieuses mitaines. Il avait réussi à camoufler toutes ses écailles, il n’allait pas s’en séparer maintenant.

C’est donc un groupe resplendissant de Confrères qui débarqua sur la TransAtlante. Afin de s’assurer un bon point de vue, Kenjiss s’était dirigé vers les escaliers surplombant la salle. Amusé, Terry put apercevoir certains regards interrogateurs sur leur passage. Si sa tête, celle de Kenjiss et Maria étaient plus ou moins connues, ce n’était pas encore forcément le cas pour Daniel et Twikjeya. Et si cette dernière restait, comme à son habitude, discrète et silencieuse, le jeune Daniel retrouvait dans la TransAtlante une partie de son ‘monde’. Luxe et paillette à profusion. Certes, Terry aurait pu appartenir à ce monde aussi, mais ses honorables parents l’avaient renié… Le mutant avait donc tiré une croix –douloureuse- sur sa famille et tous les avantages que pouvaient représenter le fait d’être un Nohlann. Bien qu’il était parfois tenté de les étriper pour leur cruel manque de… normalité, ses proches étaient à présent autour de lui… La Confrérie.

"La soirée te semblera certainement familière, Daniel, mais je te prierais de rester convenable."

Puis, il jeta un coup d’œil à Maria qui, lui semblait-il, complotait déjà un mauvais coup alors qu’un garde s’éloignait d’eux.

"Et ça vaut aussi pour toi. Resplendir ne veut pas dire se faire remarquer. On sait tous que l’Institut est présent ce soir, ce n’est pas le lieu ni le moment de s’envoyer des flèches"

Son regard se posa dans celui de Maria. Il ne souffrait d’aucune objection. Puis, il le laissa vagabonder dans la salle. Ils avaient une belle vue d’ici, alors autant en profiter. Cela lui permettrait de faire un recensement discret des forces en présence… L'Institut d'un côté, eux de l'autre et au milieu la Lib'Corp... Belle soirée en perspective !

« Je suis d’accord, chef » ? Alors que Daniel avait joué les immondes goujats en comparant Maria à une institutrice de pensionnat, voilà qu’il s’écrasait maintenant comme un insecte devant Terry ? « Je suis d’accord chef », incroyable ! Un demi sourire de panthère aux lèvres, la russe toisa du regard le jeune minet qui était en train de s’éloigner :
"_ Ainsi, vous semblez préférer répondre aux ordres d'un instituteur plutôt qu’à ceux d'une institutrice ? Miaula-t-elle à voix basse, seules deux théories peuvent expliquer ce comportement : soit vous êtes un horrible misogyne qui estime ne pas avoir à recevoir d’ordres de la part d’une femme, soit vous êtes simplement homosexuel… "

Elle intensifia son sourire carnassier.
"_ Les dires ne mentiraient donc pas non plus à votre sujet…" Ajouta-t-elle simplement.

Maria avait du venin à revendre et c’est avec plaisir qu’elle le distribuait à tous ceux de son entourage qui le méritaient. Mais comme Daniel s’éloignait déjà dans le brouhaha assourdissant du hall, elle ne sut pas s’il avait pu profiter pleinement de ses paroles empoisonnées.

Terry rappela alors Maria à l’ordre. Elle détourna machinalement son regard pour voir, de l’autre côté de la salle, où en étaient ses deux "victimes".
A l'aide de gestes étranges que la distance ne lui permettait pas de décoder, les deux mutants semblaient être en pleine séance de baratin avec l’agent de sécurité qu’elle leur avait gracieusement envoyé. Elle ne sut pas ce qu’ils lui racontèrent mais, au bout d'un moment, le pauvre employé prit ses jambes à son cou et sortit du hall à toute vitesse, non sans avoir auparavant jeté des coups d’œil alarmés dans sa direction.
Voilà qui constituait un indice précieux quant à la répartition du budget de cette soirée d'inauguration : apparemment, les organisateurs avaient réalisé des économies sur les agents de sécurité en ne les prenant que bon marché, c'est à dire au-dessous d’un certain QI… Pourvu que l’argent ainsi économisé ait été consacré à la qualité du Champagne !
Deklan et son vieux compagnon tournèrent le regard vers elle. Elle les salua d'un geste de la main accompagné d'un grand sourire.
"_ Rassure-toi Terry, murmura-t-elle du bout des lèvres, je serais irréprochable, je n’oublie pas que je suis en sursis depuis la mésaventure de notre propre inauguration…"

Malgré sa conviction intime d’avoir été celle grâce à qui ils avaient pu capturer l’humano, Maria était condamnée à traîner cette histoire comme un boulet accroché au pied.
"_ … Mais je ne fais que dire bonjour à notre compagnon de galère, Deklan. Tu te souviens de lui, n'est-ce pas ?"

Ce n’était qu’une question rhétorique.
"_ Et d’ailleurs… J’y pense…"

Maria attrapa son sac à main et l’ouvrit pour en sortir une superbe montre à quartz du plus pur style début XXIème.
"_ … Il faut toujours que je la lui rende !"

D’un geste lent et ample, comme si elle agitait un drapeau blanc, elle tint à bout de bras la montre de Deklan et l’agita jusqu’à ce que le propriétaire la remarque. Elle l’avait gardé précieusement depuis cette mission-suicide avec le BGCDCA près de Chicago...
"_ Que va maintenant faire notre ami, le bonhomme de sable ? Se demanda-t-elle à voix basse, osera-t-il venir me la réclamer ou attendra-t-il que je la lui rapporte moi-même ?"

La Confrérie ! Monsieur Kenjiss, accompagné de monsieur Nohlann, mademoiselle Yevgeniyen, monsieur Gray et… mademoiselle Elkash !

Maria venait de descendre la dernière marche, une nuée de personnes l'entoura tout à coup. Sans trop savoir comment, elle se retrouva avec une coupe de champagne à la main et un petit four au fond de la gorge. Ce bain de foule l'électrisa et lui remit immédiatement les pieds sur Terre. Maria la confrériste s'éclipsa ; la porte-parole de la Confrérie Moderne prit sa place. Il était plus que temps qu’elle se mette au boulot !

Elle serra une foule de mains, se présenta des dizaines de fois, fut honorée de quelques baisemains, fit des compliments sirupeux au kilo, joua la mondaine en gloussant aux plaisanteries insipides de ceux qui l’entouraient... Tout cela en prenant soin de bien déambuler parmi les invités tout en restant satellisée autour du groupe confrériste.

Au détour d'une conversation inintéressante avec une personne inintéressante, elle repéra Kenjiss en retrait, miraculeusement esseulé depuis plusieurs secondes. Sans prendre le temps de réfléchir, elle sauta sur cette occasion pour s’approcher et lui faire un rapide compte-rendu de ses premières observations.
" _ J'ai repéré nos deux premières cibles diplomatiques, boss, chuchota-t-elle à l’attention de Kenjiss, la première : Leon Asakura… Il est là-bas, occupé à faire le beau devant les journalistes. Il serait judicieux d’en profiter pour prendre les devants et aller lui serrer amicalement la main devant holocaméras… Au nom, bien sûr, de la philosophie de paix et d’entente que le TransAtlante est supposé représenter ! Crois-moi, le geste sera très vendeur !"

Maria pointait du doigt le zébulon asiatique au costume blanc immaculé qui, comme un petit singe de foire, faisait des pirouettes au milieu de journalistes ravis. Lentement, son index pivota en direction d'une créature en robe noire où le « suggéré » avait laissé place au « carrément visible ».
"_ Et voici notre deuxième cible : une certaine June Appelby, elle est la secrétaire adjointe de la Lib’corp, l’organisme responsable de tout ce truc !"

La russe avait facilement reconnu la demoiselle grâce à tous les holos de presses qu'elle avait pu dénicher sur le net.
"_ En tant que représentants officiels de la Confrérie, l’un de nous deux devrait aller lui faire un peu de lèche... Et cela, avant que l’Institut ne mette, en premier, le grappin dessus."

Maria Aleksandrovna Yevgeniyen : 50% mondaine, 50% porte-parole, 100% machine de guerre diplomatique ! Elle but une gorgée de champagne, les yeux toujours tournés vers la créature brune.
"_ Je suis consciente que toutes ces mondanités te cassent les pieds, Kenjiss, mais nous devons nous sacrifier pour notre image ! Alors, de qui te charges-tu ? D'Appelby ou d'Asakura ?"

Daniel ne l’avait même pas fait tourner la tête. Le jeune homme paraissait avoir trouvé une adversaire à sa taille en la personne de Maria… Twikjeya souriait. Sa robe ondulait doucement autour d’elle descendait les dernières marches, bonne dernière du groupe. La jeune slave avait la ferme intention de faire bonne figure, d’honorer la Confrérie par un comportement exemplaire… Somme toute, rien de plus que d’habitude. Il n’y avait que le cadre qui changeait. La sombre dame n’avait toutefois pas pu s’empêcher d’ajouter une touche de son cru à sa tenue pourtant très correcte… A présent que les risques de contrôles semblaient définitivement écartés, la jeune brune avait posé quelques doigts habiles sur ses boucles. Une minuscule pièce de métal avait été retirée de chacune, pour être raccrochée à l’extrémité. Et si les bijoux gagnaient encore cinq centimètres une fois déployés, atteignant une taille grotesque pour la plupart des gens –Twik les portait toutefois toujours avec son élégance naturelle- ils exposaient à présent leur véritable intérêt aux yeux de tous. Repliées, la lame de rasoir était dissimulée. Dépliées, elle présentait son tranchant à tous. Oh ce n’était qu’une minuscule lame, tranchante au possible mais incapable d’ouvrir la moindre gorge. En fait, elle ne risquait pas de faire grand-chose d’autre que de provoquer force jaillissement d’hémoglobines à coup d’entailles superficielles… Et la confrériste avait poussé la maniaquerie jusqu’à fabriquer des boucles strictement identiques, s’offrant ainsi deux lames de rasoir tout en sachant qu’une seule ne lui était réellement utile lorsqu’elle décidait d’utiliser son sang. Malgré toute sa précision, Twikjeya n’était pas capable de façonner deux objets en même temps, à partir de deux coupures différentes… Mais l’esthétisme ne primait il pas ? Elle devait juste veiller à ce que personne ne tente de lui chuchoter quelque chose en collant ses lèvres un peu trop près de ses oreilles…

Hélas pour elle, son répit n’était que de courte durée. Kenjiss fut certes enlevé dès qu’il eut posé la pointe hors de prix de sa chaussure sur le sol de la plate forme, mais les talons de la demoiselle n’eurent pas à attendre longtemps pour être entouré par une bonne demie douzaine de compagnes ou compagnons tout aussi malmenés qu’eux. Twikjeya s’était pourtant préparée à ce qui allait suivre, mais elle n’avait jamais imaginé devoir affronter pareille euphorie, pareil bruit… En trois secondes, on lui arracha la main une dizaine de fois pour y coller une paire de lèvres moites, on la complimenta sur sa tenue avec forces conventions d’usages avant finalement de revenir au sujet principal : Mais qui était elle ?! Diantre ma chère, nous ne vous avions jamais vue auparavant, et que c’était dommage, et que…

Bien que n’ayant pas remis les pieds en Sibérie depuis son départ de l’orphelinat, Twikjeya n’eut qu’une envie, y repartir illico ! A quelques mètres d’elle, Kenjiss souriait allègrement, enchainant coupes de champagnes et sourires niais dans un combo dévastateur. La jeune slave se força à se reprendre. On comptait sur elle. Ce n’était qu’un événement comme un autre. Trouver le contrôle, la cadence… Prendre une coupe de champagne tout d’abord, c’était visiblement l’usage. La jeune slave enchaina sur un sourire éblouissant à l’attention des plus pressants, but une petite gorgée avant d’attaquer de sa plus belle voix.

En effet. Bien que particulièrement attachée à la cause que nous défendons tous, je n’ai que peu de temps à consacrer aux apparitions publiques. C’est d’ailleurs fort regrettable, c’est un aspect non négligeable dans la réconciliation…

Ah oui ma chère, tout à fait… Twikjeya se replia dans ses tranchées pour ne pas succomber au feu verbal qui récompensa ses efforts, s’applicant à suivre à la lettre ce que ses facultés d’analyses lui dictaient. Le troisième type sur la droite, l’obèse engoncé dans son costume, paraissait sous le charme. La sombre dame n’hésita pas une seconde et planta son regard dans le sien.

Mais il me semble vous avoir déjà vu…

Et c’était reparti. Somme toute, le jeu était relativement aisé à mener. La sombre dame cligna des yeux. Facile mais déplaisant. Elle détestait parler trop, parler pour ne rien dire, s’afficher publiquement sans en tirer le moindre profit… La dame des glaces promena son regard dans la salle. Elle nota aussitôt la présence de Virginie, avec la sous secrétaire de la Lib’corp qui s’attira un regard appuyé pour sa tenue… Twikjeya n’était certainement pas pudique mais la coupe de la robe lui déplaisait fortement. Les membres de l’Institut ensuite… Peu la connaissaient. Aucun échappatoire. Dommage. Un cliquetis de boucles d’oreilles accompagnèrent son mouvement de tête, s’attirant des cris émerveillés de la part de ses bourreaux. La jeune mutante gratifia son précédent interlocuteur d’un sourire qui le fit presque baver, et s’attaqua sans vergogne au suivant, celle qui lui demandait déjà le nom de son bijoutier. Seigneur… La soirée consistait donc à être résolument stupide et fortement inintéressant pendant six heures ? Malgré son peu de compréhension de l’individu, Twikjeya savait fortement que la dame qui lui faisait face n’avait strictement rien à faire de ses boucles d’oreilles et la catégorisait sans doute déjà comme une pouffiasse sans cervelle. A trop sourire, on se faisait des ennemis… Ah. Monsieur était le mari de Madame…

Non à vrai dire je suis chirurgienne à l’hôpital de Vancouver. J’assure également les cours de biologie de la Confrérie. Non non vous me flattez…

Madame tirait la tronche, la démone l’entrainait sur un terrain où elle ne connaissait rien. Et Twikjeya s’ennuyait…

La nuée de journalistes qui leur tomba dessus alors qu’ils descendaient les escaliers hérissèrent les écailles du Caméléon. En vieillissant, l’homme caméléon se rendait compte qu’il supportait de moins en moins les apparitions publiques. Et dire que sans un certain gène X, il aurait aimé devenir mannequin… Ce rêve d’adolescent était révolu depuis longtemps. Heureusement pour eux –et surtout l’image à laquelle ils tenaient tant-, malgré son aversion identique pour la foule, Kenjiss s’en sortait très bien tout seul. L’habitude sans doute…

Daniel semblait avoir compris le message et plus étonnant encore, il accepta la remarque sans broncher. Ca en serait presque louche, connaissant le caractère impétueux, voire totalement irrespectueux du gamin. Mais Terry, malgré cette hypocrisie évidente, décida d’enterrer la hache de guerre pour ce soir, du moins tant qu’il se tenait à carreau. Aussi approuva-t-il seulement d’un signe de la tête avant de le laisser régler ses comptes avec Maria. Tant que ces deux-là ne faisaient pas tout sauter, ils étaient bien assez grands pour se débrouiller seuls. Il la sentie néanmoins vexée que Daniel se réfère à son autorité plutôt qu’à la sienne.

"Modère quand même tes paroles, Maria. Ici, les murs ont des oreilles" se contenta-t-il de dire à la jeune russe face à ces allusions déplacées.

Elle le rassura, promettant de se tenir elle aussi tranquille –l’incident de la conférence de presse était encore trop frais dans les mémoires pour se permettre le moindre faux pas- et Terry descendit les marches à son tour. Il feignit de ne pas voir les journalistes qui désiraient l’interviewer. Il laissait le baratin aux bons soins de Kenjiss. Soudain Maria salua quelqu’un dans la foule et Terry suivit son regard.

« Évidement, nous étions assez peu ce jour-là pour que je me souvienne de tout le monde »

Le caméléon et l’homme sable, ainsi que Maria s’étaient vus devoir collaborer de force dans le désert quelques semaines plutôt. Un moment forcément inoubliable lorsque votre vie ne tient plus qu’à un fil…

Ils atteignirent les dernières marches et Terry promena à nouveau son regard dans la salle. Certains visages lui étaient plus familiers que d’autres. Peut-être même, y avait-il ses parents ou des connaissances de sa famille. Il n'en savait rien, cela faisait si longtemps qu'il ne les avait plus vu. Il aperçut notamment ses employés du Green Scale qu’il avait généreusement invité à bord, fermant exceptionnellement son bar de Vancouver pour quelques jours. Mais son attention resta scotchée aux paroles de Maria. La porte parole était à nouveau à l’œuvre. Et il devait reconnaître qu’elle n’avait pas tord. Faire le premier pas en direction de l’Institut et de la Lib’Corp leur assurerait encore un bon coup de publicité. Ca ne le dérangerait même pas d’aller voir l’un ou l’autre. Au moins ça l’occuperait. S'il avait aperçut la réaction de Kenjiss lorsqu'il vit la jeune femme, Terry aurait probablement été surpris. D’autant que cette June ne lui était pas étrangère. Son visage l’avait titillé la première fois qu’il l’avait aperçu. Il lui avait fallu du temps pour s’en souvenir mais finalement, la mémoire lui était revenue. Il se demanda si elle aussi se souvenait de lui. Cela faisait quand même longtemps maintenant qu’ils s’étaient connus. Il l’a suivi quelques instants du regard, avant qu’elle ne disparaisse dans la foule puis il ramena son attention sur Twik’. La dame sombre faisait son possible pour ne pas paraître mal à l’aise mais Terry n’était pas dupe. Elle n’était pas du tout habituée aux apparitions publiques.

"Je me trompe, ou bien est ce que tu t’ennuies à peu près tout autant que moi ?", lui murmura l’homme caméléon en souriant

*Hey toi là-dedans, aujourd'hui, c'est moi qui conduis. Toi tu restes en arrière, compris ?*
*Et en quel honneur s'il vous plait ?*
*Parce qu'on est invitées à une conférence ou je ne sais quoi, qu'il y aura du monde, et qu'on doit bien se tenir.*
*Mais...*
*Non. J'ai dit non. On va pas risquer de se faire attraper... étriper par le boss, à peine arrivées...*

Ainsi se combattait elle-même la pauvre Arya, en proie à ses démons intérieurs en plus de ne pas contrôler pour un sou un pouvoir encore inconnu, puisqu'elle ne l'avait jamais utilisé consciemment. Un peu plus tôt dans la semaine on lui avait recommandé que si elle tenait à revoir un peu le monde extérieur, elle devrait promettre de bien se tenir. Ce qu'elle avait promis, tout en sachant qu'il n'y avait aucune garanti. Tenu de soirée. Il fallait y aller en tenu de soirée. Quelle galère...

*Et si je prend le contrôle, tu feras quoi ?*
*Rien... promets-moi seulement que tu ne feras pas ton intéressante, ok ?*
*...*
*Promets-le moi ?*
*D'accord, d'accord. Je serai sage, je te le promets. J'observerai. Et on verra. *
*Ah non, si tu es incapable de te tenir en société, je leur dis qu'on... que je veux pas y aller !*
*Bon, bon, ça va. On a besoin d'air de toute façon. Je me tiendrai à carreau. Tu as ma parole. *

Il avait fallu que la jeune fille joigne sa tante pour qu'elle lui envoie toute de même un peu d'argent pour qu'elle se procure une « tenue de soirée », sans quoi, elle se ferai refouler à l'entrée. C'est ainsi qu'à peine deux jours plus tard, la jeune fille se retrouvait avec les autres confréristes, en tenue de soirée...

Spoiler:

C'est avec anxiété qu'elle appréhendait de se retrouver en présence de temps de monde, qu'elle ne connaissait absolument pas, et qu'elle craignait une nouvelle crise, les voix, les couleurs, les sons stridents et surtout les bouts de verre... ce qu'elle craignait au final beaucoup plus que tout le reste... Arrivée dans le hall du bâtiment, elle prit une profonde inspiration afin de se calmer et « scotcha » un sourire sur ses lèvres fines. C'était elle qui avait le contrôle, pour le moment, réjouissons-nous... Elle suivi à la traine les autres, ne sachant trop où se mettre, quoi faire de ses mains, jouant parfois avec une boucle blonde qui était retombée de son chignon par accident, mais ne rendant pas le tout désagréable. Lorsqu'un serveur passa dans son orbite avec un plateau, Arya attrapa une coupe de champagne et tandis que son double diabolique tentait de lui ordonner de ne pas boire, elle but cul sec... ce qui lui arracha une grimace prodigieuse, mais qui eut pour effet de faire taire poiur la première fois depuis bien longtemps la voix si désagréable dans sa tête... Elle n'en sourit que de plus belle tout en reprenant une coupe au serveur qui n'avait pas eu le temps de repartir.

"_ Appelbidule, gare à toi, j’arrive !" Lança Maria à mi-voix tandis qu’elle quittait le tatoué.

Voilà qui était étrange : ayant le choix entre un pauvre clown décérébré aux blagues indigestes et une pure bombe atomique aux jambes interminables, le boss avait opté pour l'improbable. Maria était agréablement surprise : refusant de faire ce que n'importe quel vulgaire homme tyrannisé par ses hormones aurait fait, il avait gagné des points de respect dans son cœur.
Peut-être finalement était-ce cela être Superior ? Peut-être que ce geste réfléchi présentait les prémices de ce que réservait l'avenir aux mutants ?
Et si, à terme, les mutations génétiques successives avaient pour effet de débarrasser complètement la nouvelle super-humanité du fléau des coureurs de jupons ? Dans l’esprit extrémiste de Maria, l'idée était plausible : elle considérait que tous les vices de la planète venaient de la faible constitution cérébrale des Inferiors. Et, une fois encore, grâce à Kenjiss, ses théories sur la possibilité d’un monde idéal si les humains n'étaient pas là se trouvaient renforcées.
Ou peut-être aussi le boss était-il homosexuel ? Maria chassa cette possibilité de son esprit avec le même dégoût que si elle chassait une mouche à purin posée sur une omelette.

Son regard se dirigea vers l’endroit où elle avait aperçu la secrétaire de la Lib’corp pour la dernière fois. Mais, en l’espace de quelques secondes d’inattention, l’oiseau noir s’était envolé. Avant qu’elle ne commence à la rechercher dans la foule, elle remarqua les deux personnes avec lesquelles la secrétaire discutait avant de disparaître et les identifia immédiatement.
Un sourire mi-ému, mi-étonné se forma sur ses lèvres.
La petite Virginie, avec qui Twik’ et elle avaient partagé un petit déjeuner au lendemain de l’inauguration de la Confrérie et le petit Luc, avec qui elle avait vécu des moments intenses lors d’un rendez-vous haut en couleur dans le quartier gay de Vancouver. Les deux étaient en train de discuter gentiment, un verre de Champagne à la main.
Pour que les chemins de tous les superiors de la planète se croisent ainsi, soit le monde était aussi petit que le disait l'adage, soit Dieu/le Destin/les dieux avaient une idée derrière la tête concernant leur race.

Maria posa sa coupe de champagne vide sur le plateau d'un serveur qui passait à proximité, réajusta ses gants blancs et s’élança pour aller à la rencontre de ses deux connaissances, le sourire enchanteur aux lèvres et la main levée pour attirer leur attention.
Mais, à peine deux enjambées parcourues, le temps suspendit sa course : à la droite de Maria, des verres remplis d’eau glacée venaient de perdre mystérieusement leur équilibre.
...
Les yeux de la russe s’écarquillèrent d’horreur, elle estima à deux secondes le temps qui la séparait de la catastrophe niagaresque.
...
Centimètres par centimètres, les molécules d'eau fusèrent de leurs verres et prirent des trajectoires qui croisaient toutes inévitablement son décolleté.
...
Une seconde avant la fin des temps, la bouche de la porte-parole s’ouvrit, ses épaules se lancèrent dans une manœuvre désespérée de pivotement.
...
Cinq cent millisecondes avant le Big Crunch, les premières gouttelettes glacées s’écrasaient sur ses cheveux blonds, la russe prenait conscience que ses épaules ne seraient pas assez rapides…
...
Cinquante millisecondes avant le Jugement Dernier, les paupières de Maria se fermèrent sur ses yeux bleus pour qu'ils échappent au spectacle insoutenable de la douche écossaise...