[RP] Monsieur Angus Madsen

Pouvoir · Type Sigma

Maria expira lentement. Une volute de fumée blanche sortit de sa bouche, signe d'un rafraîchissement de l'atmosphère.
La russe remonta consciencieusement le col de son manteau de cuir blanc et détacha ses longs cheveux blonds pour qu'ils lui tiennent lieu d'écharpe.
"_ Merde, pesta-t-elle à voix basse, j'espère qu'on ne va pas poireauter trop longtemps…"

Elle sortit de son pull angora un pendentif en or, véritable bijou et d'orfèvrerie et d'électronique, et l'alluma d'une simple pression du pouce.
L'écran tactile scintilla, une petite animation holographique tournante apparut. D'abord la date : Mardi 21 novembre 2051, suivie de l'heure : 17h27 et du lieu : La Valette, République de Malte.

Elle l'éteignit et le rangea à l'abri des regards, dans le creux de ses seins.
"_ Bon, plus que trois petites minutes à attendre et nous serons enfin autorisés à rentrer !"

L'homme à qui elle parlait était un mutant tout comme elle, peut-être même un futur confrériste si elle jouait finement ! C'est-à-dire en évitant, par exemple, de lui demander, dès le premier soir, d'enterrer un cadavre de géant vert dans une forêt.
Elle se hissa sur la pointe des pieds pour observer le vieux bâtiment derrière la grille.

Le lycée Dom Mintoff était un établissement modeste, voire quelconque, avec ses quelques mille cinq cent élèves.
Mais, la semaine précédente, un évènement aux allures anodines l'avait propulsé sous les feux des projecteurs : un prof de littérature, Angus Madsen, s'était un peu emporté contre un élève.
La presse locale s'était emparée du sujet et avait relayé l'information à toutes les télés du monde.
Et pour quelle raison la mayonnaise avait-elle prise ? Parce que le prof était un superior et l'élève un simple inferior !
En quelques heures, ce lycée de la banlieue de La Valette était devenu aussi tristement célèbre qu'Hiroshima... Et cela, sans qu'il n'y ait une seule victime ! Mais ce qui s'y était produit, tout anecdotique que ce fût, était au cœur des préoccupations actuelles des honnêtes gens... Surtout dans un pays comme Malte où le drapeau bicolore était à l'image du schisme violent entre les populations humaines et mutantes.

Et quand, pour une raison ou pour une autre, tous les médias de la Terre se focalisaient sur un seul lieu, Maria Aleksandrovna Yevgeniyen, représentante officielle de la Confrérie Moderne, se devait d'y être !

La sonnerie annonçant la fin des cours retentit enfin jusqu'à leurs oreilles, les deux visiteurs étaient désormais autorisés à entrer dans l'enceinte !

La grille s'ouvrit lentement devant eux, dans un sinistre grincement métallique.
"_ Plutôt carcérale comme ambiance ! Ironisa Maria en se tournant vers son compagnon, le sourire aux lèvres, pas étonnant qu'ils tournent tous dingues là-dedans !"

Elle fit un pas en avant :
"_ Allons trouver la salle des profs ! Madsen m'a certifié qu'il nous y attendrait."

Déjà, les premiers élèves sortaient à grands pas des locaux et commençaient à former un raz-de-marée humain que les deux mutants auraient à traverser à contre-courant.

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Basile avait eu une nouvelle fois droit à un épisode assez atypique venu ponctuer sa vie, remerciements dus au destin sans doute. Depuis que cette Maria, imminente confrériste dont apparemment la réputation n'était pas à refaire, s'était pointée au Mathisse animée d'un objectif qui demeurait encore brumeux, voire louche, Basile n'avait pas vraiment eu le temps de voir filer les évènements, c'était le cas de le dire. Un délai très court séparait l'arrivée de la jeune femme tout de blanc vêtue sur les parvis humides de Seattle et celui de l'escapade à Malte, et les deux mutants s'y trouvaient désormais bel et bien. Une escapade potentiellement mouvementée, si Basile en croyait le topo que la confrériste avait eu la décence de lui faire dans l'avion : « Pour vous aider à vous faire une idée sur le terrain » lui avait-elle assuré. Basile restait cependant sceptique face à cette logique de recrutement, mieux valait rester lucide même si le mutant avait volontiers sauté sur l'occasion par pur intérêt de curiosité.
Curiosité actuellement remise en cause par une longue attente...

En effet, les deux mutants patientaient soucieusement devant l'entrée d'un lycée, lieu de rencontre prévu avec ce professeur dénommé Angus Madsen, suspecté d'avoir utilisé ses pouvoirs contre un de ses élèves et objet d'une polémique qui avait traversé les frontières de l'île. L'opportunité pour Maria de faire valoir la Confrérie dans ce débat était bien sûr beaucoup trop heureuse pour être laissée de côté, d'où la présence conjointe des deux mutants...
Basile tira fébrilement une nouvelle bouffée sur sa cigarette et fourra le bas de son visage dans son écharpe de laine. Un coup d'oeil furtif vers sa coéquipière l'informa qu'il n'était pas le seul à se les geler, mais il fut vite rassuré par le gadget de la russe :

Bon, plus que trois petites minutes à attendre et nous serons enfin autorisés à rentrer !
Pas trop tôt ! soupira Basile.

L'allure du l'enceinte de l'école n'avait rien d'accueillante, surtout à la vue des grilles imposantes qui barraient l'accès, et Basile rejoint Maria quant à ses impressions :

Dingues ? Plutôt gentillet comme adjectif ! J'ai plutôt comme l'intuition qu'on s'apprête à entrer dans une usine à psychopathes ! Dit en riant Basile.

La mutante s'était mise à avancer :

Allons trouver la salle des profs ! Madsen m'a certifié qu'il nous y attendrait.
Soyons fous... lui répondit Basile.

Emboîtant le pas à la confrériste, Basile se trouvait maintenant face à une marée d'élèves pressés de sortir et tentait tant bien que mal de se frayer un chemin dans la foule, ne sachant pas vraiment où se diriger. La tentation d'utiliser son pouvoir se fit pressante, mais mieux valait ne pas agrandir la liste d'élèves victimes d'un débordement mutant, pas vrai ?

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Mardi 21 novembre 2051

A peine Luc était-il retourné en France que Virginie avait reprit ses activités extrascolaire. Les cours recommençaient sans vergogne, alors qu’elle devait retourner à la Lib’ Corps, pour tenir son poste d’assistante. L’affaire du lycée Dom Mintoff était sur toutes les lèvres. Virginie se rendait compte –un peu honteuse- qu’elle avait totalement occulté ses responsabilités durant ces jours de vacances. Elle était amoureuse ce qui changeait ses priorités. C’était bien normal, non ? Ce qui le fût un peu moins, fût que dans la même heure, son ancien patron et le Contrepoison la contacte pour la même raison.

Ils avaient besoin de quelqu’un sur place, à Malte, auprès de ce mutant, qui d’effrayait la chronique. Si pour Mister Johnsson c’était l’occasion d’une interview exclusive, pour Tony c’était un cas d’urgence. Une affaire comme celle-ci pouvait encourager les gouvernements à suivre l’exemple américain. Virginie avait donc fait sa valise et roulé jusqu’à l’aéroport. Qu’elle ait enfin dix-huit ans facilitait grandement les choses. Puisqu’ainsi même madame Hara ne pouvait plus lui interdire d’aller en voyage juste après la reprise. Ainsi donc un travail de pigiste servirait d’alibi à une certaine Sand Petal.

Le vol fût l’occasion de se confronter à un devoir de physique. Peine perdue ! Elle se renseigna donc un peu plus sur sa destination. La situation géopolitique n’était pas des plus encourageantes. Il faudrait être prudente. D’ailleurs c’était peut être un peu fou de partir seule ainsi… Ce professeur allait réellement être dans une position périlleuse. Virginie devait croiser les doigts pour arriver avant la violence. Il faudrait peut être demandé l’aide du Fil… Avec un visage connu par le monde entier impossible de vivre en paix. Ceci dit la mutante ne pouvait pas se permettre de faire des suppositions hâtives. Il fallait avant tout entrer en contact avec ce monsieur.

La Valette était en effervescence ! Refusant l’idée de prendre un taxi, dans une ville inconnue, la demoiselle prit les transports. Une solution inconfortable pour ces angoisses permanentes. Fort heureusement l’idée que quelqu’un allait avoir besoin d’aide aidait à refouler quelques vagues d’angoisses. Il était un peu plus de dix-sept heures lorsqu’elle trouva la bonne rue. Il était pratiquement impossible de manquer l’établissement avec toute la vie qui régnait dans son périmètre. La petite anglaise nota avec soulagement qu’aucune autorité policière n’était encore sur place.

Lorsque les premiers lycéens commencèrent à sortir Virginie alla aux limites de la foule pour avancer vers la porte du bâtiment. Faisant tout son possible pour passer inaperçue elle avançait d’un pas vif et déterminé. Ses bottes de cuire, sa jupe courte et son petit blouson, lui donnait un tout autre aspect que la fille du Nouvel Institut. L’apparence est un atout que Koji et David l’enjoignaient à mettre un peu plus en valeur. Hors de Londres elle pouvait –non elle devait- être quelqu’un d’autre.

Dans la cours elle fila comme une ombre impatiente d’en finir avec une obligation contrariante. Ignorante qu’à quelques mètres se trouvaient deux connaissances de son autre vie. En replaçant son sac « de classe » sur son épaule elle avança vers l’accueil. Une grande inspiration pour se donner du courage. Même si jouer l’élève perdue devait être tout à fait dans ses cordes ! Le dos droit et un sourire poli pour interroger la dame qui regardait la fin de journée se rapprocher.

-« Bonjour madame. Je cherche monsieur Madsen partout. Il faut absolument que je le trouve j’ai mon devoir…. »

L’employée attrapait déjà le cahier des emplois du temps professoraux. La tactique toute simple était souvent la meilleure ! A l’air bougon de la dame ce genre de question devait être –très- courente. Virginie attendait en évitant de regarder les passants. Cette petite avait du courage de poursuivre les cours avec un mutant. Voilà ce que pensait sa soixantaine au dos fatigué. Les consignes étaient bien claires : aucune stigmatisation pour le moment… Alors elle se contenta de fournir l’information d’une voix atone.

-« Il doit être en 319, troisième étage, au fond à gauche. »

Et comme Virginie n’avait pas pour habitude de manipuler son prochain, elle prit le temps de la remercier. Avec ce petit sourire encore enfantin mais plus entièrement innocent.

-« Oui, je vois laquelle s’est. Merci beaucoup madame ! Bonne fin de journée ! »

Elle repéra la porte qui menait aux escaliers et commença à grimper les trois étages. Personne ne la regardait vraiment. Une silhouette parmi ma masse pressée de quitter l’école. C’était tant mieux.

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Gaël baissa la tête le plus discrètement possible, puis la releva pour s'enfoncer dans son siège en se rappelant que ses cheveux blancs étaient parfaitement reconnaissables. Ce n'était pas qu'il détestait à ce point Virginie, il n'avait simplement pas envie de lui parler et, par voie de conséquence, pas envie d'être vu. Il préférait réfléchir un peu durant le vol. D'ailleurs, pourquoi allait-elle à Malte ? Cela avait sans doute un lien avec l'évènement qui s'était produit récemment. Il passa discrètement la tête dans la rangée pour jeter un nouveau coup d'œil à la jeune fille. L'espace d'un instant, il douta de ce qu'il avait vu : Virginie ne s'habillait jamais de la sorte. Cachait-elle un penchant pour les minijupes et bottes de cuir qui ne se révélait qu'en dehors de l'Institut ?

Il retira sa tête du couloir pour la reposer à sa place, sur le fauteuil de l'avion. C'était étrange tout de même, ce cher Madsen n'était pas réputé pour sa violence. En fait c'était plutôt le contraire : Gaël ne gardait que de bons souvenirs de ses cours. Un prof sympathique à tous les points de vue, même s'il ne s'était jamais douté qu'il était mutant. Il en était encore maintenant proprement sidéré. En fait, il lui en voulait presque de ne pas avoir révélé sa nature, et se sentait attristé d'avoir du le découvrir en pareilles circonstances.

Heureusement pour ses projets de solitude méditative, Virginie avait une place plus en avant dans l'appareil et le trajet put se dérouler en toute quiétude. Gaël s'endormit bien vite sur son siège pour n'être réveillé par une hôtesse qu'au moment de l'atterrissage. Un peu plus tard, il suivait Virginie dans les transports en commun. Ou plutôt, Virginie le précédait, ce qui confirma les raisons de sa présence. Elle était elle aussi là pour voir son ancien prof. Son agacement cru lorsqu'il s'aperçut qu'elle avait étudié l'itinéraire et ne fit à aucun moment d'erreur de trajet, ce qui signifiait aussi qu'ils allaient arriver ensemble. Il continuait toujours de se faire discret même s'il savait qu'ayant un but commun, ils allaient sans doute finir par devoir s'adresser la parole.

Quand ils parvirent enfin au lycée, il la laissa prendre un peu d'avance pour observer l'entrée de loin. Deux silhouettes attendaient déjà patiemment devant les grilles sinistres, à coup sûr des journalistes ou quelque chose de ce genre. Gaël eut un sourire. Il y serait avant eux.

Il fit le tour du bâtiment pour se retrouver devant un mur de briques rouges disjointes, guère plus haut qu'un homme. Les élèves savaient très bien comment sortir et rentrer dans l'établissement quand les grilles étaient fermées, secret de Polichinelle qu'un journaliste a pourtant peu de chances de découvrir. Avec un peu de chance il y serait avant la sonnerie et...

Trop tard. Les premiers élèves jaillirent des couloirs qui s'encombrèrent très vite. Gaël craignit de rencontrer un de ses anciens amis. Il n'était pas débordant de reconnaissance envers eux, et s'il pouvait éviter ne serait-ce que de les avoir dans son champ de vision il était d'avis que tout le monde s'en porterait bien mieux. Il maudit une fois de plus ses cheveux qui le rendaient facile à reconnaître même de loin.

Il s'orienta vers les salles de littérature, passant rapidement devant pour les fouiller du regard à la recherche de son objectif.

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Elie pestait. Son contrat se terminait dans moins de deux semaines et tout s’était parfaitement déroulé jusqu’à maintenant. Elle n’avait rencontré aucun problème majeur durant son remplacement, la jeune femme s’était même assez bien intégrée au sein de l’école, contrairement à son contrat précédent à la Public School of Dublin. Tout était vraiment parfait. Jusqu’à la semaine dernière. Il avait fallu que cet incident vienne faire tout basculer la semaine dernière. Cela avait fait le tour de l’établissement à une vitesse inimaginable.

Mais Elie avait du mal à croire la version qui circulait dans les couloirs de l’école –celle qui défavorisait bien évidemment son collègue. Elle ne le connaissait pas vraiment mais dès sa première rencontre en salle des professeurs, le vieux monsieur lui avait laissé une bonne impression. Et puis, s’il était réellement mutant, solidarité oblige, Elie ferait tout pour le défendre. Personne ici ne connaissait son statut de mutante – c’était un secret qu’elle gardait jalousement lors de tous ses déplacements.

C’était d’ailleurs pour cette raison que la jeune femme se hâtait à travers les couloirs du bâtiment scolaire pour se rendre à la salle des professeurs. Elle avait longuement hésité car elle risquait son anonymat dans cette affaire. Mais elle avait finalement décider de s’entretenir avec lui, au moins pour obtenir la véritable version des faits tandis que les médias en diffusaient déjà pas moins d’une dizaine différentes sur toutes les chaînes de télévisions maltaises et internationales.

La jeune femme referma doucement la porte de l’antre des professeurs derrière elle. Elle jeta un coup d’œil circulaire à la pièce mais elle ne trouva pas le professeur Madsen. Il ne devrait sans doute pas tarder. Elle s’installa dans le fond de la salle et se servit un café. Elle serra la tasse entre ses longs gants noirs et attendit patiemment. Il ne devrait pas tarder…

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Les couloirs défilaient les uns après les autres, sans aucun effort d'originalité. Comme beaucoup d'établissement scolaire, les locaux de ce lycée puaient le fonctionnel aseptisé.
Le décor remarquable qui s'offrait aux yeux du visiteur brillait par sa monotonie : deux portes blanches numérotées, un extincteur, des casiers d'élèves, une porte coupe-feu… Deux portes blanches numérotées, un extincteur, des casiers d'élèves, une porte coupe-feu… à perte de vue !

Basile et Maria s'étaient rapidement égarés dans ce dédale ennuyeux.
"La salle des profs ? Ben, c'est à côté du CDI !" Leur avait indiqué, dans un anglais approximatif, un jeune homme qui s'était éclipsé avant d'avoir pu révéler les coordonnées géographiques dudit CDI...

Il n'y avait rien de correctement indiqué dans cette baraque... rien en bon anglais en tout cas ! Ces fichus indigènes méditerranéens tenaient tant à leur langue insulaire quasiment morte qu'ils avaient rédigé tous les plans et tous les panneaux dans ce maltais indéchiffrable pour le commun des mortels.
Et l'anglais, la langue universelle ? C'était pour les chiens ?
Bande de sales réacs !

Ce fut au détour d'un couloir, qu'ils croisèrent Le Messie.
Il était descendu sur Terre rien que pour eux deux, s'était incarné dans la chair d'un modeste agent d'entretien et avait eu l'infinie mansuétude de leur indiquer enfin une direction claire et précise !

Il n'y avait pas de mystère quant à l'errance prolongée des deux trekkeurs : ils s'étaient juste plantés de bâtiment dès le début !

Même si Maria sentait la rage bouillir à l'intérieur comme un lac de lave dans un four à micro-ondes, elle réussissait à conserver la zénitude sur son visage détendu et souriant…
S'il y avait la moindre chance de recruter ce mutant aux capacités particulièrement adaptées à d'éventuelles missions d'espionnage, c'était à condition qu'elle réussisse à dissimuler suffisamment longtemps son caractère exécrable !

Depuis le début de leur périple, elle cherchait à détendre l'ambiance et à donner le change en parlant de sa propre expérience de lycéenne, à savoir combien elle détestait les sciences et combien elle en avait fait bavé tous ceux qui avaient cherché à les lui enseigner !

Enfin, ils parvinrent devant la porte de la salle tant recherchée, celle sur laquelle était suspendue l'affichette : "kamra tal-persunal" : "Salle des professeurs".
Elle donna trois petits coups d'index sur le battant et, attendant une réponse de l'intérieur, se tourna vers Basile :
"_ Et toi ? Quel genre d'élève étais-tu au juste ? Demanda-t-elle avec un charmant sourire, celui qui allait voir le prof à la fin de l'heure pour demander des exercices en plus ou celui qui aurait mérité de recevoir une bonne paire de baffes ?"

Elle n'oubliait pas la deuxième mission qui l'amenait ici : le recrutement !
Et la moindre information -même la plus anodine- qu'elle réussirait à grappiller sur la personnalité du jeune homme pouvait s'avérer utile !

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Maria et Basile avait enfin émergé du chahut de la masse, mais s'offrait désormais à eux un dédale uniforme, à la recherche d'une salle des professeurs introuvable. Sans mauvais jeu de mots, le décor de l'établissement demeurait exagérément scolaire, si bien que les deux mutants restaient égarés dans l'immaculée conception des couloirs malgré eux. Maria, zélée, s'occupait de glaner le peu d'informations que voulaient bien livrer les différentes personnes croisées, et Basile passait un bon moment à l'observer. La mutante, durant ses pérégrinations, s'efforçait de garder une humeur calme et régulière qui peinait à dissimuler sa frustration grandissante. Cet effort de bienséance amusait bien évidemment le mutant qui avait, depuis le départ, deviné les réelles intentions de l'ambassadrice de la Confrérie moderne. Fallait-il lui signifier ? Non, c'était pour l'instant beaucoup trop précipité et puis, pourquoi gâcher son plaisir à interrompre le numéro de cette drôle d'actrice ?

Maria venait d'interroger un élève qui n'avait réussi qu'à déblatérer une phrase incompréhensible, et la russe, regardant Basile avec une touche de désespoir, ne put cette fois-ci cacher un air délibérément dépité :

Pas très bavards ces Maltais ! Conclut Basile.

Se tournant vers l'autre extrémité du couloir où ils se trouvaient, les deux mutants aperçurent un membre du personnel de l'établissement non loin d'eux, source fiable d'informations en soi nonobstant un accent anglais déplorable. Ainsi la salle des profs se trouvait carrément dans un autre bâtiment... Le visage de Maria redoubla d'effort pour conserver sa sérénité. Basile pouffa discrètement :

Allons-y, on a que ça à faire !

Toute la durée du trajet fut ponctuée d'anecdotes lycéennes généreusement délivrées par Maria en personne, à qui l'environnement de l'enceinte rappelait visiblement de vieux souvenirs. Ou peut-être était-ce encore une autre tentative pour détendre l'atmosphère et installer Basile dans un climat confortable et confiant ? Le mutant n'en tenait en réalité pas vraiment compte. Maria était de très bonne compagnie, c'était le principal, en tout cas pour l'instant.

Arrivés devant la porte de la pièce tant recherchée, la mutante ne tarda pas à toquer. Enjouée, elle se tourna vers Basile pour lui demander à son tour des renseignements sur sa vie d'élève passée, et le mutant lui répondit tout naturellement, presque trop précipitamment :

Entre les deux ! Du genre à faire des bêtises sans se faire gauler et à assurer assez pour éviter le moindre soupçon...

Basile fit la moue. C'est qu'elle savait y faire, la Maria. Certes l'info n'était peut-être pas capitale, mais elle demeurait une info tout de même, et Basile l'avait balancé sans plus y réfléchir. L'éloquence de la russe était envoûtante, mieux valait s'en méfier.
Un tout petit peu...

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C’était comme de revenir à la fin du lycée. La dernière année, quand tout le monde devait commencer à « réviser ». Les filles trépignaient déjà à l’idée de la fête de noël, les garçons commençaient le championnat et les profs… Elle n’avait pas vraiment aimé le lycée. Virginie n’aimait pas vraiment l’école en soi. On y demande trop de résultats codifiés. Elle préférait -mille fois- écouter les vieux voisins raconter la crise économique de 2008, plutôt que de déchiffrer des courbes sans queue ni tête dans un manuel abscond.

La vie avec Molly lui avait fait trop vite découvrir l’école de la rue. Celle où il faut penser d’abord aux factures, aux rendez-vous, et aux transports. Dix-huit ans et déjà toutes les clés en main pour la vie adulte. Ou presque… La demoiselle avait conscience –tout de même- d’en savoir, plus que la moyenne, sur certaines choses. Elle savait que ce qu’elle avait été forcée de découvrir se savait d’ordinaire après la remise d’un diplôme devant les parents. Pourtant elle avait, cette désagréable impression, de ne pas en faire assez. Les échos de sa conversation avec sa mère en étaient responsables. Ils lui faisaient progressivement baisser les épaules. Quand, quand serait-elle à la hauteur, pour madame Alison Parish ?

Sur le pas de la porte N° 319, elle vit les deux derniers élèves entrain de ranger leur affaire. Angus Madsen n’était pas dans la pièce. Bien… Il fallait donc chercher ailleurs. Le plus simple était de trouver le nid : La salle des professeurs. Pourquoi ne pas avoir demandé son emplacement à la dame de l’accueil ? Lorsqu’elle chercha un plan sur les murs son regard croisa celui jeune maltais. Il l’observait en souriant. Virginie eut besoin de quelques secondes pour se rappeler qu’elle ne devait pas rougir. Il lui parla en maltais elle répondit en anglais.

-« Excuses-moi, je n’ai pas encore apprit la langue. Je suis en visite. Je… viendrai peut être pour le prochain trimestre et… je voulais voir un peu à quoi ça ressemblait ici. »
Il s’était rapproché en rehaussant son bagage sur son épaule. Avec ces longs cheveux blonds parsemés de dreadlocks il avait un air bohème très bien entretenu. Ce qui lui rappelait ce nouveau camarade danse au convervatoir.
-« Bienvenue à Dom Mintoff…
La question implicite réclamait quelques précautions. Une mauvaise habitude prise depuis qu’elle avait vécu dans une ville anti-mutant. Comme souvent elle choisi de dire un demi mensonge. Son troisième prénom n’était connu d’absolument personne si ce ne sont ses deux géniteurs.
-« Cristal, je m’appelle Cristal, merci…
La suite allait de soit et la jeune fille le laissa se présenter en cherchant la meilleure façon de lui demander la direction de…
-« Thibault. Alors je te fais une petite visite guidée si tu veux. J’ai un cours de violon qui ne commence que dans une heure et demi. Alors… »
C’était magique tout ça. Elle eut une pensée pour Koji et sa musique ce qui l'aida à prendre un peu plus confiance.
-« C’est très gentil. En fait, je dois surtout trouver la salle des profs pour…
Pour… pour… il fallait que toute son histoire soit banale et…
-« C’est en bas… suis-moi. »
La petite londonienne le remercia d’un sourire en essayant d’occulter le fait qu’elle était entrain de manipuler un jeune inconnu sans sourciller. Elle avança à ses côtés en l’écoutant lui raconter la vie dans l’établissement. Il lui parla aussi de toute l’affaire mutante. Donnant un avis sur la question qui lui rappela immédiatement la réalité. Fort heureusement sa mutation était invisible la plupart du temps… Thibault lui simplifiait les choses en entretenant une conservation. Bientôt le couloir se présenta devant eux.
-« Si tu as le temps après ça… »
L’anglaise jeta un regard à sa montre le temps de formuler sa réponse. Le plus logique, le moins vexant c’était…
-« Eh bien mon père vient me récupérer au quart… »
Il eut un air sincèrement déçut ce qui fit naitre de la surprise teintée de culpabilité dans le cœur de Virginie. Mais c’était oublier trop vite qu’il était de l’autre côté. Dangereux pour elle et pour son entourage.
-« Arf, bon tant pis… on se verra surement en janvier alors ! »
Cependant il ne lui avait encore fait aucun mal. Autant laisser une bonne impression. Et puis peut être qu’un jour les opinions évolueraient.
-« Oui… Merci encore ! »

Le jeune homme lui fit alors un petit clin d’œil pour clore la rencontre. Et Virginie se demanda pourquoi diable tous les garçons qu’elle croisait lui faisaient des clins d’œil ! Elle le regarda s’éloigner pour aller accoster un groupe d’ami entrain de sortir. Il revenait à sa langue et parlait avec entrain. Lui tournant le dos elle ne vit pas le petit sourire complice qu’ils échangèrent en la regardant reprendre son chemin. Il y avait un peu moins de monde à présent. Elle alla un peu plus vite craignant que l’homme est déjà quitté les lieux.

La porte de la salle s’ouvrait… Mais ce qui l’arrêta ce furent les deux silhouettes qui s’apprêtaient à entrer. Même après cinq mois la jeune mutante pouvait reconnaître la crinière de la confrériste. Celle qui avait eut un comportement dés plus douteux sur la Trans Atlant. Prudence Parish. Même après un an elle savait qui était à côté de cette jeune femme. Ce qui voulait dire… que la Confrérie était au courant de l’affaire. Pire que Basile faisait partie de la Confrérie. Cela l’étonnait et même la contrariait un peu. Vouloir dissimuler son identité était peine perdue. Elle devait donc se raccrocher aux raisons journalistiques… Zut et zut !

Lorsqu’elle fût à leur portée Virginie afficha un air surprit qu’elle espérait détendu.

-« Basile, ça fait un bout de temps ! »

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Il pesta quand il comprit enfin que son ancien professeur avait déserté les salles de cours. Plus qu'une seule solution à présent, aller en salle des profs et prier le dieu des aléas de la vie quotidienne pour qu'il y soit également. Et puis aussi, tant qu'à faire, pour ne croiser personne de connu. Et arriver avant Virginie.

*Peut-être que ça fait un peu trop de miracles pour un seul dieu...* pensa-t-il en souriant intérieurement.

Pendant qu'il marchait au milieu de ses semblables, ses oreilles indiscrètes saisirent une conversation qui parlait d'une blonde qui avait demandé son chemin. Il pensa immédiatement à sa collègue de l'Institut, mais il s'avéra rapidement qu'il avait tort car le lycéen narrant ses exploits de la journée se mit à imiter un fort accent de l'est en parlant anglais, puis à demander si le lycée allait se mettre à enseigner le russe. Gaël lâcha là la conversation. Même si Virginie aurait très bien pu imiter un accent russe (bien qu'à vrai dire l'utilité de ce geste ne lui parvint pas pleinement), elle n'aurait jamais pu se faire passer pour une prof à cause de son âge et surtout de ses vêtements.

Il laissa donc les lycéens conjecturer sur l'utilité des cours de russe (qui, à en croire le premier, semblaient plus attirants par la plastique de l'enseignante que par les débouchés professionnels) et se hâta de rejoindre la salle des professeurs... pour tomber nez-à-nez avec trois autres personnages. Ceux qu'il avait vu devant les grilles et Virginie.

Aïe.

*Dieu des aléas de la vie quotidienne, tu m'as mis dans une sacré merde.*

Il tenta de de rebrousser chemin en bredouillant quelque chose d'obscur dans le dialecte local, mais il était trop tard et l'oeil vif de Virginie l'avait déjà repéré. Il essaya de se redonner contenance et afficha un air surpris très calculé, tandis que des pensées assez décousues l'assaillaient.

*Parti comme c'est, elle va me poser des questions, questions auxquelles je ne voudrai pas répondre. Elle sait que je ne suis pas majeur et que je n'ai pas le droit d'être ici ? Il y a un risque qu'elle le répète ? La meilleure défense c'est l'attaque, je ne dois pas lui laisser l'opportunité de me demander des réponses que je n'ai pas envie de fournir.*

"Virginie ? Mais, qu'est-ce que tu fais là ? Tu n'es pas à l'Institut ?" Il désigna d'un petit coup sec du menton les deux sinistres compères (tiens, une blonde. Si elle parlait russe, il y en avait un qui allait être déçu car elle n'était sans doute pas venue pour enseigner) qui se tenaient entre la porte de la salle des profs et les deux élèves de l'Institut. "Vous vous connaissez ?" demanda-t-il finalement sans s'adresser à personne en particulier.

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Il ne devrait plus tarder… oui, sauf qu’il n’arrivait toujours pas ! Elie, pourtant relativement calme de nature, commençait à s’inquiéter franchement. Son collègue aurait-il décidé de fuir à cause du tapage médiatique qui résultait de cette affaire ou pire encore sous le poids de la culpabilité ? Non. Définitivement, non. Elie ne pouvait pas se résoudre à cette éventualité. Elle n’imaginait pas le vieil homme agir de cette façon.

Entre ses mains, son café était déjà presque froid. La mutante pesta. Les machines de l’école n’étaient pas ultra performantes pour servir du café chaud, il était tout juste tiède à l’arrivée dans votre tasse. La jeune femme jeta un coup d’œil circulaire à la salle. Personne ne faisait attention à elle. Mais cela aurait été trop risqué de le réchauffer naturellement. Aussi se releva-t-elle pour aller se resservir d’un café plus ou moins chaud. Et c’est lorsqu’elle s’apprêtait à retourner à sa place qu’elle entendit les quelques coups déposés de l’autre côté de la porte.

Les professeurs avaient de la visite, semblait-il. N’étant qu’intérimaire dans cette école, en général elle laissait les autres ouvrir la porte. Beaucoup d’élèves ne la connaissait pas et c’était plus ou moins réciproque. Néanmoins, étant cette fois-ci la plus proche de la porte (les deux seuls autres collègues présents dans la pièce semblaient très intéressés par ses corrections de copies pour l’une et son journal pour l’autre) Elie fit demi tour en direction de la porte. Sa tasse dans une main, elle ouvrit la porte de l’autre, gardant sa main gantée sur la poignée.

C’est ainsi que la jeune femme se retrouva face à quatre jeunes personnes. Une véritable petite invasion pensa-t-elle. Elle était déjà prête à les envoyer vers ses collègues malgré leurs occupations –une telle délégation devant la salle des professeurs restait bien souvent synonymes de requêtes importantes ou bien de contestations – lorsqu’elle reconnut une tête plutôt publique tandis qu’une autre lui sembla vaguement familière dans l’assemblée. Prudente, la jeune femme avança d’un pas et se posa dans l’embrasure de la porte. Son regard passa d’une tête à l’autre avant de s’arrêter plus précisément sur celle de la porte parole de la Confrérie. Un sourire poli collé aux lèvres, elle décida de jouer la carte de l’étonnement

« Que désirez-vous jeunes gens ? »

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Maria adressa un sourire engageant à Basile alors que celui-ci en révélait un peu plus sur sa personnalité.
La température dans le couloir n'ayant rien de torride, elle fourra les mains bien profondément dans les poches rembourrées de sa veste.
"_ Ah, ah ! Je vois ! Tu faisais donc partie de la race des élèves fourbes ! Plaisanta-t-elle avec son accent de l'Est, celui qui lui faisait rouler interminablement les R et que ses dix-huit mois au Canada n'avaient pas réussi à évincer, le petit truand au fond de la salle qui fait ses coups en douce… Je vois bien de quoi tu veux parler ! Pour ma part, j'ai toujours préféré agir de…"

... face, allait-elle dire quand une voix qui ne lui était pas inconnue l'interrompit.
-« Basile, ça fait un bout de temps ! »

Maria tourna la tête et l'étonnement provoqua l'élévation de ses sourcils blonds platine sur trois étages.
Premier étage : Virginie Parish ? Ici ?
Voilà qui était inattendu ! "Le Monde est petit" dictait bien pertinemment la sagesse populaire.
La dernière fois que les deux blondes s'étaient croisées, c'était à bord de la TransAtlante, pendant le naufrage.
Maria était alors attifée en mariée mi-punk, mi-zombie, encore chamboulée par la révélation de l'ignominie de Kenjiss. Elle avait confié une arme à feu à Virginie pour que celle-ci pourchasse Jessie, l'humanoïde terroriste.
Sans doute avait-elle réussi sa mission puisqu'elles étaient encore toutes deux vivantes. Mais, depuis cet épisode, Maria n'en avait eu aucune nouvelle.

Deuxième étage : Virginie connaissait Basile ?
Cela ne pouvait signifier qu'une seule chose : le Nouvel Institut avait eu déjà fait une tentative d'approche de son protégé… Et le fait qu'il ait eu la bonne idée de ne pas les rallier était plutôt de bon augure pour ses projets !

Troisième étage : Virginie ne venait-elle pas de la snober outrageusement ?
M'enfin quoi ? Aux dernières nouvelles, elles étaient toujours en bons termes ! Ne l'avait-elle donc pas reconnue ? Pourtant, Maria ne pensait pas avoir changé physiquement. Y avait-il du lavage de cerveau Lemingtonien derrière tout ça ?

Contre mauvaise fortune, la porte-parole choisit de faire bon cœur :
"_ Virginie ! S'exclama-t-elle avec un grand sourire en ouvrant les bras, joli flocon de neige ! Mais que diable fais-tu ici, dans ce trou perdu au milieu de tous ces bouseux ?"

Avec un peu de chance, les élèves maltais qui étaient en train de passer à quelques mètres d'eux ne maîtrisaient pas suffisamment l'anglais nappé d'accent russe pour comprendre l'insulte.

Ce qui l'amenait là ? La question était purement rhétorique tant la réponse était ultra-évidente : l'affaire Madsen, évidemment !

Mais avant que Virginie n'ait le temps soit de lui exprimer la joie réciproque de leurs retrouvailles, soit de lui cracher au visage, un jeune homme s'était discrètement approché du trio.
"Virginie ? Mais, qu'est-ce que tu fais là ? Tu n'es pas à l'Institut ?"

Maria referma ses bras accueillants et resta le regard fixé sur la couleur de cheveux peu commune du garçon. Deux possibilités : soit il était un mutant, soit il avait vingt ans de retard niveau mode... Le boom de la coloration capillaire blanche s'étant produit en 2030 en Russie !
Mais les paroles du jeune homme ne laissaient que peu de doute quant à la bonne réponse.
"Vous vous connaissez ?"

Elle ne répondit pas… Ou plutôt n'eut pas le temps de répondre, car la porte de la salle des professeurs s'ouvraient enfin !

Une jolie brunette… Probablement une prof !
« Que désirez-vous jeunes gens ? » Demanda-t-elle sans une pointe d'accent maltais.

Il ne fallut qu'une seconde à la porte-parole pour retrouver ses réflexes :
"_ Euh... Bonjour, lança-t-elle avec un sourire Colgate©, Maria Aleksandrovna Yevgeniyen, de la Confrérie Moderne. J'ai rendez-vous avec Monsieur Madsen… Est-il ici ?"

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Maria avait accueilli l'aveu de Basile avec un sourire narquois. Apparemment, cette prise de position l'amusait, ou peut-être était-ce la sournoiserie infantile du mutant qui la faisait sourire. Bien sûr, la russe continua sur sa lancée et se mit, à son tour, à décrire ses comportements de classe passés. Plus franche et plus directe, Basile n'aurait pas su dire mieux.

Je me demande bien pourquoi ça ne m'étonne pas le moins du monde ! S'exclama Basile.

Tandis que Basile se tournait, allègre, vers la porte sur laquelle Maria avait frappé quelques secondes plus tôt, une voix étonnée, enjouée et douteuse vint les interpeller :

-« Basile, ça fait un bout de temps ! »

Ce ton ? Cette douceur ? Basile, sans même s'être retourné complètement vers Virginie, avait déjà une idée très proche de la personne à laquelle il allait être confronté. Cette voix, il ne l'avait entendu qu'une seule fois, qu'un seul soir : le mutant aurait pu la reconnaître entre mille. Une fois dans son champ de vision, la jeune mutante lui adressa un sourire enjoliveur, et Basile lui rendit la pareille. Cela faisait combien de temps déjà ? Un an ou deux ? Quel pur fruit du hasard ! En tout cas, la jeune fille timide et pleine de bonté qu'il avait rencontré à New York avait décidément bien changé, ne serait-ce qu'on niveau de son allure. Basile se réjouit de ce changement : elle avait sûrement enfin déniché sa voie, son credo de vie, ou tout simplement grandit. Basile s'avança vers elle pour l'embrasser :

Tu as bien changé Virginie ! Basile lui sourit une nouvelle fois, Bien plus jolie que la dernière fois... Qu'est-ce que tu fabriques ici ?

L'infaillible question bête avait été enfin posée... par Basile, évidemment. L'affaire Madsen avait fait l'objet d'un tel engouement médiatique qu'il ne fallait pas s'étonner de la présence d'autres personnes que Maria ou lui-même. Mais Virginie ? Avait-elle réellement des raisons particulières à son voyage à Malte ? Basile la trouvait un peu jeune pour s'engouffrer dans le dangereux milieu de la médiatique, mais peut-être avait-elle un coeur d'aventurière... ce qui ne serait pas sans plaire à notre cher mutant. Un bref coup d'oeil vers sa coéquipière confrériste l'informa qu'elle non plus n'était pas une illustre inconnue aux yeux de Virginie... Basile avait même perçu une lueur de rivalité dans les regards respectifs des deux blondes. C'était quoi le deal au juste ?

*On me promet un peu plus de piquant on dirait...*

Soudain, une touffe blanche vint perturber ces joyeuses retrouvailles. Et encore un autre que Virginie connaissait ?! Le jeune homme semblait avoir le même âge qu'elle, et malgré cette rencontre anodine, les deux mutants semblaient tous les deux faire partie de... l'Institut ?? Virginie faisait partie de l'Institut ? Virginie était une mutante ? Basile, qui comprit aussitôt la raison du ton aigri qui régnait entre les deux femmes, se tourna une nouvelle fois avec un air ahuri vers Maria qui grimaçait sans discrétion à la vue de la chevelure du nouvel arrivé. La réunion de ces trois mutants risquait d'être explosive, et Basile n'avait aucune envie de jouer les médiateurs... Il glissa à l'oreille de la russe :

J'espère que vous n'allez pas faire sauter la baraque à cause de vieilles rancoeurs... Vous m'oublierez tous les trois vite fait bien fait sinon !

Mais sans que Basile ait terminé sa phrase, une jolie brune, un professeur probablement, leur ouvrit la porte. Maria s'empressa de lui demander une entrevue avec Monsieur Madsen, en attente d'une réponse positive...
Basile jetta un dernier regard, perplexe, vers Virginie et son camarade.

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Le souvenir de New York, de leur rencontre, de leur nuit, la plongea pendant une seconde dans la nostalgie. Elle, à seize ans à ne rien savoir de son lendemain, lui, malheureux endeuillé par la perte d’un ami. C’était si loin. Dire qu’elle n’avait pas demandé un nom de famille, un numéro, quelque chose, pour le garder dans sa vie. Oui le hasard faisait parfois bien les choses. Les grands yeux bleus l’observaient avec la même joie un peu surprise. Et lorsqu’il lui fit la bise, ses joues rougirent, comme la dernière fois. La complicité esquissée la rendait naturellement confiante. Elle avait aimé cette rencontre. Mademoiselle Parish n’avait pas tant changé que cela. Elle … avait un corps de jeune femme, la majorité, un pouvoir en pleine croissance. Pourtant son tempérament commençait tout juste à s’apaiser. A la remarque de Basile elle comprit que les conseils amicaux donnaient ceci quelques résultats.

-« Merci Basile… mais heu, tu es à la Confrérie Moderne ? Je… travail. Et toi ? Je suis contente de te voir ! »

Il fallait qu’elle en ait le cœur net. C’était sincère. Le recroiser, même dans ces circonstances, lui faisait se rendre compte de son erreur. Basile aurait put être un véritable ami depuis tout ce temps. A peine avait-elle vue la bonne fortune se profiler, sous les traits d’une vieille rencontre, que la voix de Maria la força à détourner le regard. Maintenant plus proche d’elle, Virginie retrouvait la beauté slave, dans toute sa dévastatrice splendeur. La même intimidation l’empêcha de faire un mouvement pour entretenir la jovialité ambiante. Le hasard ne faisait pas toujours bien les choses non plus… A en voir l’allure de la femme, les séquelles du crash étaient oublié. Tant mieux. Même si la jeune fille se sentait plus en adéquation avec la comparse aux cheveux bruns. Et puis elle se souvenait très bien, qu’à cause de cette dominatrice… Alors sa voix resta prudente. Virginie était naïve mais pas stupide. Elle devait se protéger avant tout.

-« Bonjour Maria… »

Miracle ou enfer la jeune fille resta muette de surprise. Gaël Calafel ? Ici ? Maintenant ? C’était en cherchant une explication dans les alentours, qu’elle avait croisé son regard, un sourire confus pour toute réponse. Était-elle entrain de rêver ? Combien y avait-il de chance pour qu’elle se retrouve entourée par … trois personnes si différentes ? La présence de Maria était logique. Celle de Basile étrange mais plausible, s’il devenait un confrériste, puisqu’il semblait être un mutant ! Mais Gaël ? Ce camarade de pensionnat aussi silencieux qu’énigmatique. Avait-il quelques attraits pour la lutte citoyenne ? Elle ne savait donc rien de lui. Elle ne savait que ce que Koji avait bien voulu partager. Rien du tout. En deux phrases il venait de la mettre face à un grand –très grand- mur. Les mains cherchaient vainement à s’occuper pour dissimuler l’augmentation de la nervosité. Comment allait-elle se sortir de là (Encore une fois.) ?

-« En fait je viens voir… »

Deuxième coup de chance ! La question de la professeure l’arrêta dans ses houleuses –pathétiques- justifications. L’hypothèse était donc la bonne. Ils étaient là pour la même raison. Comment allait-elle faire pour entrer en contact avec monsieur Madsen, sans avoir à se démasquer ? Pour le moment être la pigiste du NYNW lui sauvait la mise. Encore fallait-il que ce monsieur accepte de recevoir une jeune journaliste. La demoiselle pouvait avouer, sans trop de danger, qu’elle était une mutante, mais c’est tout. Cette unique caractéristique allait-elle suffire, pour créer une confiance relative avec un total inconnu ? Tout aurait été plus simple si elle avait été la seule sur les lieux.

Virginie devait prendre une décision. Rapidement. Elle extrayait, de son sac noir, la carte du quotidien américain. Grâce soit donné à son patron de la lui avoir laissé ce passe-droit malgré son rapatriement. Elle usa de ce ton qu’elle prenait face aux individus qui entraient à la Lib Corps, dévoilant une facette que personne ne connaissait ici. En fait… Basile avait raison, dans le fond, la londonienne avait beaucoup grandie. Bien plus qu’elle ne voulait le reconnaître.

-« Je n’ai pas rendez-vous, mais je dois le rencontrer également. Le papier que je viens faire a pour but de rétablir les faits. Mon journal ne suit pas la politique générale à l’encontre des citoyens mutants. Nous voulons l’aider. C’est important madame. Très important. »

Elle était entrain de mentir, de travestir des faits. Ne pas avoir le choix facilitait un peu la comédie. Virginie n’avait pas assez confiance envers la russe pour la laisser seule avec le maltait. On lui avait confié une mission. Elle s’en acquitterait de son mieux. Son attention se porta sur Gaël. Il devait lui aussi expliquer la raison de sa présence. Elle soupçonnait que celle-ci datait d’avant l’Institut. Son regard fût attiré par celui de Basile tandis qu’il les observait. De tout ce groupe c’était bien lui qui la rassurait le plus. C’était une promesse, cette fois elle ne le laissera pas filer sans rien faire.

La vie du lycée continuait assez indifférente à tout ce remue-ménage. Une bonne chose en soi. I fallait en profiter. Elle avait eu de la chance que son guide improvisé disparaisse avant que tout ce beau monde ne se rencontre ! La prochaine fois elle dirait -peut être- non à ces chers supérieurs.

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"Et moi je... euh... hrrmm..."

Gaël jeta un rapide coup d'œil circulaire à tous les protagonistes de cette étrange scène. Il était le seul à n'avoir aucune raison d'être présent. Enfin, aucune bonne raison, à moins que prendre un billet d'avion sur un coup de tête n'en fut une.

Après quelques hésitations il renonça à finir sa phrase, espérant que la jeune femme -qu'il n'avait d'ailleurs jamais vu auparavant, c'était étrange de se dire qu'un nouveau personnage s'était établi dans la faune du lycée en son absence- le considère comme appartenant à l'un ou l'autre groupe, et se contenta de hausser vaguement les épaules en faisant un imperceptible pas en arrière.

Il profita de cette retraite prudente pour détailler plus attentivement les visages qui s'offraient à lui. La blonde avait rapidement prit le contrôle de la situation semblait-il. Elle était le porte-parole de la Confrérie ? C'est vrai qu'elle avait l'air de quelqu'un qui pourrait passer à la télévision sans problème. Gaël cilla presque devant le sourire éblouissant qu'elle adressa à l'enseignante. Il nota également qu'elle était bien, très bien habillée.

Ce fut ensuite l'homme qui fut la proie de son regard. Il était également bien habillé, quoique de manière un peu plus décontractée. Il avait aussi l'air plus détendu que sa comparse, presque nonchalant. Le maltais se demanda dans quelles circonstances il avait croisé Virginie. Sans doute faisait-il lui aussi partie de la Confrérie Moderne... Gaël n'était pas très bien renseigné sur les différences entre la Confrérie et l'Institut. Il savait qu'il y avait eu une rivalité passée, sans se douter à quel point les anciennes blessures étaient encore vivaces lorsqu'il s'agissait de rappeler de douloureux souvenirs, ou des différences idéologiques entre les deux pôles mutants.
Il croisa un instant le regard de l'homme et lui adressa un clin d'oeil rapide, avant de reporter son attention sur Virginie.

Il la réexamina avec un nouveau sursaut de curiosité, et eut la sensation très étrange qu'elle se méfiait de la porte-parole sans trop deviner pourquoi. Il avait été un brin admiratif en apprenant qu'elle travaillait pour un journal apparemment pro-mutants, mais n'aurait su dire s'il était véritablement étonné ou pas par cette information. Il faudrait qu'il pense à lui demander de quel journal il s'agissait, qu'il lise au moins une fois un de ses articles. Cela ferait de la conversation pour le retour, s'ils avaient là encore des places dans le même appareil.

La seule sur laquelle il négligea de s'attarder fut bien évidemment l'enseignante. Il nota rapidement des traits plutôt fins et relativement jeunes, mais ne prit pas la peine d'essayer de les mémoriser, certain qu'il ne la reverrait pas de sitôt. Il verrait son professeur tôt ou tard, même si au vu de la tournure des évènements il serait sans doute le dernier à y passer. Tant pis.

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Bingo !

La présentation de la porte-parole acheva de confirmer ses soupçons. Et si la Confrérie prenait la peine de se déplacer jusque Malte, les raisons n’en étaient pas moins difficiles à deviner. Elie s’attarda à nouveau sur la petite troupe qui lui faisait face et si son regard ne fit que survoler les deux jeunes garçons, il acheva sa course sur l’autre jeune fille blonde. Une journaliste. Un vague sourire se dessina sur ses lèvres. Cette fois, elle en était sûre, elle avait déjà croisé sa route, bien que l’adolescente ne s’en souvienne probablement pas. Et tant mieux. Il était encore trop tôt…

« Mon collègue n’est pas encore là, mais il ne devrait plus tarder. Son cours s’est terminé il y a déjà 10 minutes »

*A moins qu’il n’ait décidé de fuir de l’île* ironisa Elie pour elle-même

Mais les prévisions de la jeune femme se révélèrent bientôt exactes lorsque la tête du professeur Masden émergea du couloir adjacent à la salle des professeurs. Quand il leva la tête en direction d’Elie, on put lire un certain étonnement sur son visage angulaire. Quelques rides supplémentaires se plissèrent sur son front légèrement dégarni et ses yeux curieux interrogèrent en silence ceux de sa jeune collègue qui ne tarda pas à répondre à sa question muette.

« Angus, je disais justement à ces jeunes personnes que tu n’allais plus tarder ! Ils aimeraient te parler… »

Angus Madsen s'arrêta dans le couloir, étonné, et sembla même hésiter avant de reprendre sa route. Même si le ton employé était frais et cordial, Elie ne douta pas un instant que le vieux professeur ne sut pas pourquoi tous ces jeunes voulaient lui parler. Les bruits qui couraient dans les couloirs ces derniers temps se faisaient de plus en plus lourds en doutes et suspicions. Selon Elie, il était temps de mettre les choses au point et de clarifier la situation pour de bon. Et bien qu’au final, cela ne relevait pas spécialement de ses affaires, la curiosité titillait la jeune femme. Son vieux collègue était-il comme elle ? Et surtout… comme eux ? Car si elle faisait face à la porte parole de la Confrérie, nul doute que les jeunes qui l’accompagnaient, à défaut de tous appartenir à l’organisation mutante, étaient au moins mutants… A nouveau, elle promena son regard sur le groupe de jeunes et s’attarda sur Virginie. Depuis combien de temps cette demoiselle était-elle à Malte ?

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Le sourire crispé, Maria fit un pas en arrière pour laisser Virginie révéler la raison de sa présence à l'enseignante. Basile en profita pour lui glisser quelques mots à l'oreille.
J'espère que vous n'allez pas faire sauter la baraque à cause de vieilles rancœurs… Vous m'oublierez tous les trois, vite fait, bien fait sinon !

Qu'allait-il donc imaginer ? Maria se pencha à son tour discrètement vers le mutant.
"_ Il n'y a aucune espèce de rancœur entre Virginie et moi, chuchota-t-elle entre ses dents, ou alors, je n'ai pas été mise au courant ! Aux dernières nouvelles, nous étions en bons termes !
Quant au gamin, je ne l'ai jamais rencontré. Remarque, ça ne veut rien dire… Il m'est déjà arrivé d'être détestée par des inconnus !"

L'enseignante qui les avait reçu se mit à fixer un point derrière l'épaule de Maria.
« Angus, je disais justement à ces jeunes personnes que tu n’allais plus tarder ! Ils aimeraient te parler… »

Comme si elle était dotée d'une colonne vertébrale agrémentée d'un roulement à bille, Maria pivota automatiquement. Un quinquagénaire aux cheveux blancs et au regard malicieux s'était approché du petit groupe, un cartable en main. Il était habillé d'un costume-cravate marron old fashion, légèrement élimé au niveau des coudes.

Spoiler:

"_ Monsieur Madsen, fit Maria très rapidement en tendant la main, je suis Maria Aleksandrovna Yevgeniyen, on s'est parlé à l'holophone… Je suis…"

"_ … la représentante de la Confrérie Moderne, c'est bien ça ? Termina le vieux professeur, enchanté de vous connaître, mademoiselle, et heureux de pouvoir mettre un visage sur une si jolie voix...
Mais... Je ne pensais pas que vous viendriez accompagnée de tous vos sympathisants !"

Avec la rapidité de l'éclair, Maria se décala sur le côté et saisit Basile par le bras pour le mettre en avant.
"_ Voici monsieur Basile Feuillade, fit-elle sur un ton enjoué, un superior comme nous. Il a été touché profondément par votre histoire et il voulait vous rencontrer !"

Si Madsen tiqua sur le terme de "superior", il ne le montra pas ! Il serra la main de Basile avec un sourire franc et observa le reste du groupe dans l'espoir qu'il lui soit présenté... Ce que Maria ne ferait pas !

Le regard du professeur s'arrêta immédiatement sur le visage de l'adolescent aux cheveux blancs.
"_ Gaël ? Fit-il en fronçant les sourcils, tu es Gaël Calafel, c'est bien ça ?"

Il avait reconnu du premier coup d'œil son ancien élève au look si particulier.

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Spoiler:

Si les quelques murmures que Maria lui avait glissé se voulaient rassurants, l'effet escompté ne fut pas au rendez-vous. Non, quelques paroles douces ne suffiraient pas à extirper de l'esprit de Basile l'idée que la Confrérie et l'Institut étaient des ennemis ancestraux, et nul besoin d'avoir côtoyé l'un ou l'autre, ou les deux simultanément, pour en avoir conscience. Le mutant espérait juste que sa seule présence éviterait d'exacerber d'éventuelles tensions, après tout, ils avaient tous d'autres chats à fouetter.

D'ailleurs, l'objet de leur visite, en chair et en os, ne tarda pas à venir les rejoindre, un air franchement cordial sur le visage malgré les circonstances peu reluisantes. L'enseignante qui les avait accueilli un peu plus tôt facilita les choses à sa manière, il fallait dire que c'était direct, comme entrée en scène. Sans attendre, Maria se présenta, ainsi que Basile lui-même, tout en omettant les deux jeunes de l'Institut. Basile tilta, en dépit de la poigne joyeuse que lui tendait Monsieur Angus Madsen.

* Bien sûr Maria, aucune raison de s'en vouloir... *

Cependant, Basile tourna rapidement son attention vers le vieux bonhomme. Après la présentation élogieuse que lui avait offerte Maria, mieux valait être avenant.

- C'est évidemment un plaisir pleinement partagé, Monsieur Madsen. Vous n'êtes pas sans savoir la raison de notre venue, je suppose. Autant vous aider au plus vite, nous sommes là pour ça.

Basile, frappé de cette habitude dont il n'arrivait jamais à se débarrasser, analysa discrètement le professeur du regard. L'homme avait une allure tout ce qu'il y avait de plus banal, ce qui déçut un peu le mutant, qui s'attendait à plus spectaculaire. Néanmoins, son intuition lui chuchotait que cet homme était loin d'être d'un calme et d'une chaleur à toute épreuve, et cela dans la moindre situation. Le débat entre lui et Basile accompagné des autres promis par l'impact médiatique de l'affaire allait dévoiler un tout autre personnage, Basile le présentait. On ne pouvait rester indifférent face à de telles accusations, et il avait hâte de voir son indignation et sa colère à l'oeuvre.

* Un peu d'action suffirait ! *

Voulant couper court au passage obligé et fatiguant des présentations, Basile reprit la parole, coupant Monsieur Madsen dans ses retrouvailles avec Gael et s'accaparant quelque peu le rôle de Maria, non sans s'amuser.

- Monsieur Madsen ? Il serait plus confortable de s'installer à l'intérieur de la salle pour que nous discutions au plus vite de l'affaire qui vous concerne. Je ne veux pas vous brusquer, mais il serait sage de régler cette histoire au plus vite, vous ne trouvez pas ?

- Oui, vous avez probablement raison. Allons-y.

Adressant un sourire malicieux à Maria, Basile posa sa main droite sur l'épaule du professeur pour l'inciter à entrer. Une fois tous assis, le mutant tendit une nouvelle fois la perche au senior :

- Inutile de nous raconter les faits mécaniquement, nous sommes déjà tous au courant. Personnellement, je serais plus intéressé par votre version de l'histoire, Monsieur Madsen...

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Gaël échappait comme par magie à la curiosité collective. Virginie n’eu pas à cœur d’insister sur la raison de sa présence. Ils auraient bien l’occasion d’en reparler en tête à tête tous les deux. Il était celui qu’elle pouvait questionner le plus aisément. Un mutant indépendant et une confrèriste étaient moins communs dans son quotidien. Qu’en à cette jeune femme elle ne s’en souvenait effectivement pas. C’était tout de même étrange que tous les mouvements pro-mutants soient réunis devant la porte d’un lycée. Dire qu’ils n’arrivaient même pas, à organiser des inaugurations, sans que cela ne tourne au drame planétaire.

Le professeur les rejoignait bientôt. La demoiselle se tournait légèrement pour l’observer. Elle avait vu des photos dans les médias. Mais des photos ne permettaient jamais de voir ce qui importait vraiment chez une personne : son aura. Ce vieux monsieur en avait une particulière. Une aura qui la mettait en confiance. Virginie sentait sa bouche se détendre en un sourire chaleureux. Il y avait de quoi prendre peur face à une telle meute de curieux. Restant un peu en retrait pour ne pas encombrer le passage elle remarquait que l’enseignante l’observait. Un petit picotement le long de sa nuque l’incita à l’éviter.

Maria prenait bien évidement les commandes s’imposant pour débuter le dialogue avec le mutant. La confrérie avait déjà été en contact avec monsieur Madsen. L’institut non, ou alors, dans le secret. Quel intérêt avait la première à apporter son aide au professeur ? Le rallié probablement… Basile en prisonnier déclenchait une envie de révolte chez la londonienne. Ne pouvait-il pas exprimer seul son opinion ? Les yeux d’azurs trahissaient la contrariété tandis que les présentations se faisaient d’elles-mêmes. Ainsi donc son camarade était un ancien élève ! Voilà qui rendait la situation un peu plus douce.

Virginie s’osait pas les interrompre elle. Elle se présenterait un peu plus tard. Le culot de Basile la prenait par surprise. Il était si pressé d’en venir aux ennuis ? Le voir dans le rôle du commandant avait quelque chose de surréaliste. Elle ne l’avait jamais imaginé en meneur. Cependant le mutant, tout le monde, obtempérait rapidement. La salle était pour ainsi dire déserte. Virginie entrait la dernière et refermait la porte avec délicatesse. A l’inverse des adultes elle restait debout un moment. Tout en suivant la conversation d’une oreille elle étudiait l’endroit. Ses sens à l’acuité de plus en plus avérés cherchaient le moindre signe de danger. Elle était comme une biche à l’attente du chasseur.

Par habitude sa silhouette se portait jusqu’à la fenêtre. Un papillon appelé par la lumière. C’était la seule source qui pouvait être prise d’attaque. Celle-ci donnait sur la rue principale. Un point de vu parfait pour voir la masse médiatique s’agiter sans fin. Virginie en ressentait une certaine gêne. Elle n’aimait pas savoir tous ces gens, ces requins, à leurs pieds. Ils n’attendaient qu’une chose… Son holophone vibrait dans la poche de sa veste. Ses doigts peints l’en extirpait pour lire le sms de son supérieure direct. Alors que le mutant débutait son récit elle répondait par une phrase brève et affirmative à la question. La première étape était un succès. Angus expliquait calmement, comment une situation qu’il avait toujours voulu éviter, venait de dégénérer.

Virginie laissait son sac tomber à ses pieds avant de prendre un calepin et un stylo. Elle était contre le mur muette et fluette tout à l’écoute. Il fallait bien donner l’impression de tenir son rôle.

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Quand monsieur Madsen invita la petite troupe de visiteurs à entrer dans la salle des professeurs, les trois derniers occupants étaient justement en train de partir.
Sur le pas de la porte, Angus reçut, au passage, quelques poignées de mains chaleureuses, nappées de petites phrases de soutien.
Visiblement, le bonhomme était estimé de ses pairs !
Avant de refermer la porte derrière eux, les trois déserteurs saluèrent leur collègue miss Powell de simples hochements de tête amicaux.

"_ Bien ! Lança Madsen quand ils furent seuls, maintenant nous sommes tranquilles pour discuter !"

Laissant les visiteurs s'asseoir à leur convenance, il se dirigea vers une borne rectangulaire blanche et posa son pouce droit sur un petit capteur rectangulaire rouge. Une lumière laser vint analyser l'empreinte digitale de bas en haut, une trappe s'ouvrit quasi-immédiatement, révélant un gobelet rempli de liquide noir fumant.
"_ Puis-je vous offrir un jus de chaussette ? Demanda-t-il en se tournant l'assistance, je vous préviens, il n'est pas extra : il a un arrière-goût de café !"

Sans même attendre les réponses, il appuya cinq fois de suite sur la borne et fit passer tour à tour les gobelets chauds.
Il déchira un petit sachet de sucre avant de reprendre la parole.
"_ Vous voulez donc connaître ma version des faits ? Murmura-t-il avec un sourire, c'est un bon commencement… Beaucoup de gens devraient en prendre de la graine, notamment certains journalistes à sensation !
D'ailleurs, j'aimerai d'abord connaître vos propres versions ! Je suis curieux de savoir comment cette histoire se raconte à l'étranger !"

Maria, assise au premier rang, répondit la première :
"_ Et bien, d'après mes infos holonet, l'incident a eu lieu il y a tout juste une semaine.
On raconte qu'excédé par le comportement d'un élève, vous avez utilisé votre pouvoir de mutant contre lui… Ce qui l'a choqué au point de le rendre complètement neurasthénique !"

Les lèvres de Madsen se pincèrent. Il prit un temps pour réfléchir.
"_ Pas si mal, déclara-t-il au bout de quelques secondes, à vrai dire, je m'attendais à pire… J'ai entendu tellement de bêtises infâmes !"

Il posa ses fesses contre la photocopieuse et porta un regard rêveur sur les néons blancs de la salle.
"_ Adrian… …" Commença-t-il

Il hésita quelques secondes.
"_ Adrian n'est pas un élève ! Pour être plus précis, il n'a pas le temps de l'être, trop occupé qu'il est par des problèmes personnels qui le dépassent !
Son contexte familial –je vous passe les détails- fait qu'il ne peut accepter l'autorité scolaire.
Le fait d'entendre à la maison que l'école, ça ne sert à rien et que les profs, il faudrait les pendre aux tripes des mutants, ne l'a pas rendu particulièrement indulgent à notre égard… Et c'est horrible car, imbécile comme il est en train de le devenir, il risque de reproduire le même schéma sur ses propres futurs enfants.
Enfin passons… Adrian, donc, une fois encore, a voulu repousser les limites : il a profité d'une remarque que je lui faisais concernant sa méthode de prise des notes, inexistante, pour me lancer à la figure un "va te faire foutre, sale muto" !"

Repensant à cet épisode, Angus eut un sourire désabusé aux coins des lèvres.
"_ En temps normal, je l'aurais mis simplement à la porte, pour me débarrasser du problème rapidement et continuer mon cours avec le reste de la classe… Mais là, la fin de l'heure allait sonner, j'ai décidé d'attendre pour le garder avec moi.

Erreur fatale : je n'ai pas pensé à garder un témoin… Trente ans d'enseignement et pas fichu de respecter cette règle de base."

Il fit une courte pause pour boire une gorgée de son café.
"_ Je me retrouve donc nez à nez avec Adrian, je lui remonte les bretelles, je l'assomme avec un bon discours moralisateur anti-raciste, je lui demande des excuses… Et là, sans prévenir, il tente de m'envoyer son poing dans la figure.
J'ai fait un peu d'aïkido dans ma jeunesse, je m'en suis servi pour arrêter son coup et l'immobiliser avec une clef de bras inoffensive. Vexé comme un pou, il est parti en courant.

Las, j'ai quitté l'établissement, le moral dans les chaussettes et bien décidé à en parler au principal dès le lendemain matin !"

A mesure qu'il parlait, l'humeur du professeur s'assombrissait.
"_ Mais je n'en ai pas eu l'occasion. Le soir même, deux policiers ont frappé à la porte de mon appartement et m'ont ordonné de les accompagner jusqu'au commissariat.

Là-bas, un inspecteur m'a expliqué que les parents d'Adrian avaient porté plainte pour coups et blessures et utilisation de mes pouvoirs de mutants sur leur cher enfant ! Ils ont entendu ma déposition, m'ont retenu en garde à vue vingt-quatre heures. L'enquête est toujours en cours, mais j'ai eu l'autorisation de retourner travailler…"

Angus Madsen était assis sur une des tables, le dos voûté, les yeux plongés au fond de son gobelet vide. Il soupira profondément.
"_ Je n'en dors plus la nuit..."

De la fenêtre ouverte de la salle des professeurs, une rumeur se fit entendre : un brouhaha indistinct constitué de centaines de voix humaine... Comme si des manifestants défilaient dans une rue voisine.

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Elie n’eut pas le temps de refuser le café proposé par son collègue que celui-ci lui tendait déjà un gobelet.

*bah… jamais deux sans trois…* songea-t-elle en acceptant dans un sourire

La jeune femme saisit le gobelet fumant et s’installa à l’écart du groupe, près de la fenêtre. Ils ne tardèrent pas à se lancer dans le vif du sujet et Elie ne perdit pas une miette de la conversation. De par sa mutation, cette affaire la concernait. Mais d’un autre côté… avait-elle raison de s’en mêler ? Dans deux semaines, son remplacement se terminait et elle quitterait les lieux comme elle était venue, en toute discrétion, laissant son collègue Angus derrière elle.

Comme tout le monde, Elie n’avait entendu que les rumeurs. Aussi porta-t-elle une attention toute particulière à la version que leur délivra Angus lui-même. Lorsqu’il parla de journalistes à sensation, la jeune femme ne put retenir une grimace de dégout. Ces types étaient une vraie plaie, notamment pour la profession et les journalistes désireux de faire leur boulot correctement mais également pour leur cible.
Parmi les plus virulents à l’heure actuelle, il y avait ce John Rickdan, qui depuis la catastrophe de la TransAtlante avait pris pour cible les gens à l’origine de l’événement, notamment la Lib’Corp. Et lui comme beaucoup sans doute à présent avait remarqué l’absence prolongée de la nouvelle sous-directrice…De par ses déplacements, Elie se tenait un maximum informée aussi avait-elle des yeux et des oreilles presque partout. Plutôt pratique quand vous aviez des choses à surveiller aux quatre coins du globe.

La jeune femme raccrocha aux paroles de son vieux collègue lorsqu’il en arriva au moment important de l’histoire. La confrontation, son manque de prudence –ne jamais rester seul avec un élève ! L’une des premières choses que l’on vous apprenait lors de votre formation- et son arrestation, suivie de l’enquête. C’était toujours la même chose. La crainte, la méfiance, la suspicion à cause de la différence.
Au plus il parlait, au plus Elie sentait qu’elle s’énervait intérieurement. Enfin presque. Le café dans le gobelet entre ses mains s’était mis à frémir légèrement et la jeune femme, lorsqu’elle s’en aperçut, se mordit la lèvre. Elle passa discrètement sa main gantée au dessus du gobelet et se hâta de le finir d’une seule traite. Il était brûlant mais son organisme était naturellement protégé contre les brûlures. Et heureusement.
Son collègue disait-il la vérité ? Elie avait envie de le croire. Il semblait sincère et réellement touché par toute cette histoire mais hormis sa parole, il n’y avait aucune preuve hélas… Et chacune des parties pouvaient raconter ce que bon leur plaisait pourvu de se défendre et d'enfoncer l'autre. Une des raisons pour laquelle Elie ne s'était jamais vue dans une carrière juridique...

La jeune femme se releva et alla jeter son gobelet à la poubelle. C’est à ce moment-là qu’elle se rendit compte de l’agitation dans les rues à l’extérieur de l’école

"On dirait qu’il y a du monde dehors… Et du monde pas spécialement content si j’en juge leurs airs menaçants… Je pense qu’ils savent qu’un représentant de la Confrérie Moderne se trouve à l’intérieur de nos murs, mademoiselle Yevgeniyen"

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Une fois tous introduits dans la salle des professeurs, Monsieur Madsen était entré dans une parade de séduction assez louche pour que Basile douta de sa sincérité... ou de ses capacités mentales. En effet, le bonhomme, malgré la relative tension de la situation, se livrait à tous les charmes et politesses possibles envers le groupe, distillant une gaieté surnaturelle et malvenue dans la pièce. Était-ce là son pouvoir mutant ? Non, impossible, beaucoup trop grotesque pour en faire tout un camembert médiatique. Mais alors quoi ? Était-il si idiot pour ne pas percuter la gravité de la situation, ou essayait-il de mettre dans sa poche tous ces mutants venus le secourir ?

" Puis-je vous offrir un jus de chaussette ? je vous préviens, il n'est pas extra : il a un arrière-goût de café !"

Basile eût un sourire crispé. Sans même demander son reste, un gobelet à l'aspect plus que douteux vint se nicher avec force dans sa main. La mascarade ne faisait qu'apparemment commencer.

- Quelle délicate attention... murmura Basile.

Sans accorder le moindre égard aux autres suppliques du professeur, Basile se concentra sur le discours que venait d'entamer ce dernier. Bien sûr, il n'avait pas pu s'empêcher de s'introduire de façon mielleuse, mais le mutant ne lui en voulait pas. Autant se faire mousser quand on le pouvait !

Suite à sa demande, Maria s'empressa de lui fournir la version des faits la plus globale. Nouveau soupir désobligeant. Basile grogna intérieurement, mais écarta rapidement sa frustration. Madsen avait visiblement décidé de ne plus tourner autour du pot, et était enfin entré en plein dans le vif du sujet. Encore que... Basile trouva cela plus que discutable.

Alors ce n'était que ça ? Un élève récalcitrant un peu violent et un professeur désemparé, se sentant fautif de son acte, malgré sa culpabilité subjective ? Dans son immense déception, Basile eût du mal à gober l'intégralité des dires du professeur. Certes, certains médias ne manquaient pas une occasion de remettre en cause la condition des mutants, mais auraient-ils osé s'approprier cette affaire avec si peu de matière ?

Le mutant regarda attentivement Madsen. Entre deux gorgées de café, le maltais parachevait son histoire, à grands renforts d'effets larmoyants.

"Je n'en dors plus la nuit..."

Basile renifla de manière sarcastique. Au moins pourrait-il bien jouer la comédie...
Il se leva et balaya la salle du regard, l'air hautain. L'autre professeure s'était dirigée vers la fenêtre, attirée par un brouhaha extérieur de plus en plus envahissant. Basile la suivit, et tout autant qu'elle, assista au spectacle pitoyable mené par de joyeux lurons dresseurs de pancartes anti-mutantes.

*La vache, ils sont nombreux.*

Elie suggéra que la présence conjointe de la porte-parole de la Confrérie et d'Angus Madsen exacerbait les ressentiments déjà imposants dans l'opinion publique. Basile sourit à cette petite pique, et ajouta :

- Mais non, mais non. Nous savons tous que c'est notre cher professeur qui déchaîne autant les passions, n'est-ce pas ? dit Basile non sans un reproche face la crédibilité du discours qu'ils venaient tous d'entendre. Et puis, je suis persuadé que Maria a pris toutes les précautions nécessaires à notre discrétion. Basile s'adressa à Madsen, Pourtant, ces gens sont bien là, crachant votre nom avec mépris à qui veut bien l'entendre. Pour une futile clé de bras, c'est bien ça ?

L'homme jeta un dernier coup d'oeil en contrebas. La foule, déchaînée, s'attaquait à présent au portail du lycée, qui n'allait pas tarder à céder sous la pression de dizaines de manifestants bien déterminés à le faire tomber. Basile se retourna vers Madsen :

- Voilà qui conforte indéniablement votre version des faits, je suppose.

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Proposer un mauvais café à une gourmette comme Virginie c’était comme de lui faire une mauvaise blague. Elle acceptait pourtant le gobelet fumant avec un sourire un peu coincé. Elle le gardait dans sa main indifférente à sa chaleur tandis que l’ironie de Basile lui tirait un fugace sourire. Ce monsieur parlait vite. Lorsqu’il évoqua les journalistes professionnels du scandale elle pensa immédiatement à celui qui l’avait interrogé après la catastrophe de la plateforme. Certes le WYNW n’était pas le meilleur des quotidiens mais au moins il n’était pas rempli de mensonge !

Le résumer de la confrériste était assez semblable à ce qu’elle avait lu sur le réseau. Le Contrepoison manquait cruellement d’informations sur cette affaire. Virginie avait quelques aprioris. Mais c’était ceux d’une jeune fille de dix-huit ans encore capable de croire au genre humain. Elle écouta la véritable histoire de monsieur Madsen avec bienveillance. Les Parish n’avaient jamais clairement dit qu’il fallait éliminer la « race mutante ». Mais ils soutenaient ceux qui le disaient. Des Adrian Virginie en avait croisé pendant toute sa scolarité.

Un quiproquo, c’était un quiproquo, qui était entrain de ruiner la vie d’un homme. La cohue dans la rue attira son ouïe avant tout les autres. La jeune fille tournait son visage vers mademoiselle Powell. Elle avait raison. Maria avait probablement attiré les projecteurs du monde entier sur ce lycée. Apparemment l’indépendant était très sceptique. Il sous-entendait que le professeur mentait. Virginie n’avait pas le temps de protester. Et puis à quoi bon ? Elle n’était pas ici pour laver l’honneur d’un homme, mais pour lui éviter de mal finir. Alors elle s’éloignait de la fenêtre pour s’approcher du maltai. Elle, elle, le croyait.

-« Autant ne pas prendre de risque. Nous sommes tous la pour vous aider. Je crois qu’on devrait sortir avant d’être assiégés. »

Elle ignorait la verve de son ami pour avancer vers la sortie de la salle. Les critiques sous-jacentes excitaient les convictions de la jeune mutante. Les sirènes de la police sonnaient. Mais elle était encore loin et Virginie suivait leur approche à l’affut. Le son du métal malmené lui rappelait la chute de l’Oiseau Blanc. Elle en avait fait des cauchemars pendant des jours. Elle replaçait vivement son sac sur son épaule et ouvrait la porte. Les gens commençaient à courir dans les couloirs. Le groupe de protestataires avait réussi à entrer dans la cour de l’établissement. Tout cela sentait le roussi.

-« Lequel de vous à une voiture ? »

Mademoiselle Parish perdait un peu de cette image naïve. Elle ne pouvait pas se permettre de croire que tout allait bien se passer. Pourtant elle l’espérait du plus profond de son cœur. Elle s’avançait un peu dans le couloir. Ils devaient sortir. Le plus simple était d’aller à contrecourant des assaillants. Ses beaux yeux détaillaient ce vieux monsieur. Il avait le droit de retrouver le sommeil tranquillement chez lui. Ils étaient quatre à pouvoir le protéger. A moins que la prof soit pour de bon de leur côté ? Impossible de perdre de précieuse minutes.

-« On ne doit pas rester statiques ou ils vont nous trouver. »

Si Koji avait été là il aurait trouvé un plan en moins de deux. Si Luc lui avait serré la main Virginie aurait eu assez de courage pour servir de bélier à la petite bande. Mais maintenant elle devait s’encourager toute seule et veiller sur l’ami d’un ami. Elle commença à avancer dans le long couloir en vérifiant que les principaux intéressés obtempéraient. C’était le moment de prouver que e séjour à l’Institut portait ses fruits. Pourvu qu'elle ne croise pas son gentil guide...

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Maria avait écouté l'histoire du prof jusqu'au bout, les yeux mi-clos, signe d'une écoute concentrée.
"_ L'affaire est claire, monsieur Madsen, lança-t-elle en portant le gobelet de café à ses lèvres, vous avez été désigné "bouc émissaire mutant du mois" par la communauté humaine ! C'est scandaleux, mais vous n'êtes pas le premier dans ce cas. Souvenez-vous, le mois dernier, on accusait un gardien de prison indien mutant de vampiriser les détenus. Son pouvoir ? Augmenter la croissance des plantes !"

Elle réprima une grimace de dégoût au contact du breuvage nauséabond sur sa langue, posa le gobelet sur la table et l'éloigna délicatement pour ne pas être tentée, par inadvertance, d'en reprendre une gorgée.
"_ Mais ne vous en faites pas, continua-t-elle sur le même ton, vous avez le soutien inconditionnel de la Confrérie Moderne ! Nous avons l'habitude de ce genre d'affaires. Nous allons mettre à votre disposition nos meilleurs avocats… Vous serez blanchi d'ici peu et je prophétise que vous allez recevoir d'alléchants dommages et intérêts pour l'ignoble diffamation dont vous avez été victime !"

La prof brune qui était restée avec eux s'approcha de la fenêtre pour identifier la rumeur venue de l'extérieur, Maria décida de ne pas y prêter attention :
"_ Par contre, simple curiosité : en quoi consiste votre pouvoir, monsieur Madsen ?

La porte-parole n'eut pas sa réponse : toute l'attention de l'assistance s'était concentrée sur les bruits de la rue.
"On dirait qu’il y a du monde dehors… Dit la prof, et du monde pas spécialement content si j’en juge leurs airs menaçants… Je pense qu’ils savent qu’un représentant de la Confrérie Moderne se trouve à l’intérieur de nos murs, mademoiselle Yevgeniyen !"

Maria la fusilla du regard :
"_ Et pourquoi donc, je vous prie ? La Confrérie Moderne est une organisation respectable que je sache !"

Basile intervint :
- Mais non, mais non. Nous savons tous que c'est notre cher professeur qui déchaîne autant les passions, n'est-ce pas ? Dit Basile non sans un reproche face la crédibilité du discours qu'ils venaient tous d'entendre. Et puis, je suis persuadé que Maria a pris toutes les précautions nécessaires à notre discrétion.

L'intention était bonne mais, sans le vouloir, Basile jetait lui aussi de l'huile sur le feu :
"_ Mais enfin absolument pas… Pourquoi le ferai-je ? Aux dernières nouvelles, nous, les confréristes, n'étions pas considérés comme des hors-la-loi !"

La moutarde commençait à monter au nez de la russe ! Quelles étaient ces insinuations scandaleuses ?
Basile s'adressa à Madsen :
- Pourtant, ces gens sont bien là, crachant votre nom avec mépris à qui veut bien l'entendre. Pour une futile clé de bras, c'est bien ça ?

_ J'en ai bien l'impression, répondit le prof dépité en regardant la petite foule s'amasser devant les portes de l'établissement, je perçois dans les premiers rangs des visages connus de la lutte maltaise anti-mutants."

Une sirène de police se fit entendre au loin :
"_ Écoutez, s'exclama Maria, les flics arrivent ! Ils vont nous sortir de là !"

_ A supposer qu'ils viennent pour nous aider nous et pas les autres, ils risquent d'arriver trop tard !

"_ J'appelle l'ambassade, dans ce cas."

Maria extirpa son holophone de sa veste.
_ Ça m'étonnerait qu'ils arrivent à temps ! Pour qu'une telle assemblée se forme aussi précipitamment, j'imagine qu'il y a eu du nouveau concernant Adrian !

Virginie, qui n'avait pas ouvert la bouche depuis e début de leur rencontre avec Madsen, intervint :
- Autant ne pas prendre de risques. Nous sommes tous là pour vous aider. Je crois qu’on devrait sortir avant d’être assiégés.

_ Il n'y a pas énormément de sorties dans cet établissement, mademoiselle… Je pense que nous sommes bloqués.

- Lequel de vous a une voiture ?

_ Moi, mais elle est garée dans la rue, au milieu de nos amis…

Tout naturellement, le petit groupe emboîta le pas à Virginie jusque dans le couloir, elle semblait décidée à prendre la tête des opérations.
- On ne doit pas rester statiques ou ils vont nous trouver !

_ Montons dans les étages, proposa Madsen, on peut se barricader dans les greniers en attendant les secours… Et puis, si mon esprit de déduction n'est pas trop rouillé, parmi vous cinq, il doit y avoir quelques mutants… On aura peut-être assez de force ensemble pour les repousser.

Maria, qui était restée en arrière, débarqua en courant, son holophone en main.
"_ L'ambassade est prévenue, elle va entrer en contact avec le gouvernement maltais… Par contre, vous aviez raison, il s'est passé quelque chose : la chaîne d'information nationale vient d'annoncer la mort d'Adrian, apparemment, il se serait suicidé !"

Cette manifestation surprise prenait d'un coup tout son sens. La confrériste trottina derrière le petit groupe.
"_ Résumons... Qu'avons-nous comme pouvoirs en présence pour nous permettre de sortir de ce guêpier ? Le mien est inutile en ses circonstances, celui de Virginie également… Par contre, Basile, tu peux certainement quelque chose pour nous, non ? Et vous Madsen ? Et vous, madame ? Et toi, gamin ?"

Elle jeta un œil à Elie et Gaël, les interrogeant du regard. Ils n'étaient peut-être même pas des superiors, ces deux là !
"_ Pour ma part, je serai inutile." Répondit le prof sans plus de précision.

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Un léger rictus se dessina sur les lèvres de la jeune professeur. Elle quitta son poste d’observation et revint vers le groupe. Elle tenta d’afficher la plus grande neutralité du monde lorsqu’elle répondit à la porte parole confrériste.

"Eh bien cela me semble évident, non ? Peu importe ce que la Confrérie prétend aujourd’hui, là n’est pas la question. Votre présence ne fait que leur confirmer que l’incident de l’école est d’origine mutante. Et ça… ce n’est pas bon du tout. L’île est quelque peu frileuse envers les mutants… Mais je suppose que je ne vous apprends rien, n’est-ce pas ?"

La discussion s’agitait, la population s’énervait. Par réflexe, Elie attrapait déjà sa veste. En général, entre le moment où l’on s’apercevait que la situation s’envenimait et l’instant crucial où on sentait le point de non-retour franchi, il ne s’écoulait que quelques secondes à peine. Les sirènes de police apportèrent à Elie le dernier signal d’alarme. Les autres avaient déjà compris aussi. Et chacun y allait de sa suggestion pour tenter de trouver une solution. Aucune ne sembla opportune à la jeune femme.

"_ L'ambassade est prévenue, elle va entrer en contact avec le gouvernement maltais… Par contre, vous aviez raison, il s'est passé quelque chose : la chaîne d'information nationale vient d'annoncer la mort d'Adrian, apparemment, il se serait suicidé !"

Elie fit volte-face et se trouva presque nez à nez avec la porte-parole qui les rattrapait

"Un suicide ne l’est vraiment que lorsqu’il est confirmé"

Sous-entendu… Tout avait pu arriver à Adrian. Y compris un meurtre pour mettre le feu au poudre dans la population. Et bien qu’Elie n’était pas sujette à la paranoïa dans des mesures disproportionnées, elle envisageait toujours toutes les possibilités. Question de survie. Tout simplement.

Virginie proposa de bouger. Bonne idée. Angus, de se réfugier sur les toits. Mauvaise idée.

"Je ne suis pas certaine qu’aller nous jeter de plein gré dans une voie sans issue soit la meilleure des choses à faire."

La mutante avait à présent rattrapé la ‘chef’ de file. Lorsqu’elle fut à sa hauteur, elle lui confia :

"C’est un vieux bâtiment. Une ancienne maison de retraite qui a été réaménagée en école. Mais elle est toujours annexée au parc où les pensionnaires pouvaient prendre l’air. Et de l’autre côté du parc, il y a une route… On peut tenter notre chance par là"

Règle d’or lorsque vous étiez susceptible de quitter un endroit de façon précipitée : toujours se renseigner sur la configuration spatiale des lieux au préalable. Ce que la mutante avait consciencieusement fait avant de débarquer sur l’île pour son intérim. Non pas qu’elle redoutait vraiment de donner cours à des adolescents pour une durée déterminée, mais ses expériences précédentes –liées à des activités pas toujours très officielles –lui avaient appris avec le temps, le minimum syndical à appliquer en matière de sécurité.

Elie sentit le regard interrogateur peser sur ses épaules lorsque Maria aborda le sujet sensible. Leur mutation. Elie, qui faisait tout pour la dissimuler, n’aimait guère en parler. Encore moins la divulguer. Aussi se contenta-t-elle de répondre simplement

"Je crains de vous créer plus d’ennuis que de réellement pouvoir être utile…"

Il était en effet toujours plus facile de ne pas allumer un feu que d'essayer de l'éteindre, n'est-ce pas ?

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L'affaire prenait une conjoncture des plus intéressantes, Basile ne pouvait le nier. Le mutant se surprit d'ailleurs à éprouver un certain plaisir à ainsi être exposer à une situation pour le moins dangereuse pour lui et ses coéquipiers. C'était tout bonnement excitant !

Tout en ruminant ses pensées, Basile observait. Ou plutôt, il écoutait. Les autres étaient désormais sur le qui-vive, rien de plus normal lorsqu'une bande de dégénérés s'apprêtaient à envahir l'infrastructure où ils se trouvaient tous. Et cela dans un seul but : se venger de la mort d'Adrian, fait avéré par les médias nationaux, Maria venait de le confirmer.

- Très étonnant. Je veux bien croire à un coup monté pour cette partie de l'histoire, mais je reste sceptique quant à votre cas, Monsieur Madsen.

Le professeur lui lança un regard mauvais. Basile sourit intérieurement. Il s'amusait comme un petit fou. Les autres, eux, s'organisaient déjà pour savoir comment ils allaient tous se sortir de ce bourbier. Encore une fois, le mutant tomba d'accord avec la brune, toujours inconnue au bataillon :

- Fuir de l'établissement serait en effet plus censé. Si nous venions à nous barricader, je ne donne pas cher de notre peau, mutants ou pas, ils ont l'avantage du nombre. Et je ne suis pas certain que nous ressentions la même animosité qu'eux.

Maria, de son côté, avait prévenu l'ambassade. Refuge hypothétique sur lequel il ne valait mieux pas miser toute leur chance. Vint seulement la question fatidique de leurs pouvoirs respectifs. L'interrogation ne s'adressait qu'à peu d'entre eux, Basile, Virginie et Maria n'ayant pas besoin de s'attarder sur le sujet.

Or, tous se déclaraient comme "inutiles". Les facultés de Basile seraient donc le dernier recours ? Une position de force que le mutant ne souhaitait en aucun cas négliger. Bien évidemment, Angus Madsen s'était abstenu de tout commentaire, à l'instar de l'autre professeure. On n'apprenait pas à un vieux singe à faire la grimace.

- Alors c'est tout Monsieur Madsen ? Avez-vous honte, ou peur, de dévoiler quelque chose de préjudiciable ? Ne vous en faîtes pas, nous sommes des mutants tout comme vous. Vous ne choquerez personne ici.

L'accent sarcastique de Basile avait incontestablement fait mouche, traduisant son exaspération face au mutisme du professeur, qui se bornait à ne pas vouloir coopérer. Une nouvelle fois, l'intéressé le dévisagea avec mépris et dédain, attitude qui ne faisait qu'encourager le mutant dans ses soupçons.

- Bien, je vois que vous persistez à être réticent à toute collaboration. Vous êtes décidément trop secret à mon goût. Qu'avez-vous à cacher, au juste ?

Basile avait amorcé un duel. Les autres, spectateurs, restèrent muets quelques secondes, tandis que Madsen ne répondait toujours pas aux piques qu'il recevait. Un bruit tonitruant se fit entendre. L'homme se précipita vers la fenêtre. Les manifestants avaient réussi à briser le portail du lycée, et commençaient à s'y engouffrer en masse.

- Ils ont passé le portail ! Je vous conseille de faire vite Madsen, je suis le seul à pouvoir user de mes pouvoirs pour nous tirer de ce bordel sans faire de victimes, alors crachez le morceau. Je peux toujours faire fuir les autres tout en vous laissant crever ici, à la merci de ceux qui se feront un plaisir de vous tabasser avant de vous faire exécuter sur la place publique.

Basile plongea une nouvelle fois ses yeux dans ceux de son adversaire, un air de défi sur le visage.

- Verdict ?

» [Confrérie] Monsieur Daniel Gray

[RP] Monsieur Angus Madsen

[RP] Monsieur Angus Madsen

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