Forum de Jeux de Rôle Futuriste - Inspiré des Mutants de Marvel (X-Men)
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Sujet: [RP] Par l'odeur alléchée... Dim 21 Mar 2010 - 18:42
Gabrielle avait erré dans l'aime des professeurs avant de retrouver l'escalier principal. L'objectif secret de ses pérégrinations avait été de découvrir la cuisine dans ce vaste bâtiment. La jeune femme s'était levée tôt pour arriver en Angleterre puis dans le manoir de l'Institut et son petit déjeuner lui semblait dater de l'aube des temps. Ainsi, par l'odeur alléchée, elle avait fini par atterrir dans cette vaste pièce et elle devait dire qu'elle était impressionnée. Durant ses études, Gabrielle avait vécu chichement et sa cuisine à elle datait bien des années 2000 au minimum contrairement à celle-ci avec ses placards aménagés dans les murs, son design futuriste et sa télécommande magique. Alléchée, la jeune femme se décida pour une omelette et appuya sur les boutons correspondants. Elle se sentait un peu étrangère dans cette grande cuisine qu'elle ne connaissait pas. Elle avait presque l'impression d'être en faute et se serait bien passé de repas si son estomac n'avait pas protesté aussi bruyamment. L'omelette cuisait tranquillement. Gabrielle s'assit sur une chaise et tapota son ventre.
"Plus que quelques minutes mon vieux!"
Elle se leva en un bond, s'étira et jeta un coup d'œil affamé à la poêle en se léchant les lèvres.
"C'est prêt!"
Elle installa alors son assiette et ses couverts sur le plan de travail et la remplit de l'omelette.
"Bon appétit!" lança t'elle en français et elle se jeta sur son repas.
Les yeux fermés, une expression extatique sur le visage, Gabrielle savourait son repas bien mérité.
Koji Ashton
Type Gamma
Sujet: Re: [RP] Par l'odeur alléchée... Dim 21 Mar 2010 - 20:04
La neige avait cessé de tomber sur Londres, au grand soulagement de tous les Londoniens. Il n'y avait guère que les enfants pour ne pas s'en réjouir : c'était qu'ils craignaient qu'elles fondent avant le week-end, et de ne pas pouvoir étreindre leurs luges en dévalant les rues en pente de la capitale. Mais les travailleurs de la City, qui n'étaient plus désormais obligés de lutter interminablement avec leurs parapluies pour rejoindre leurs bureaux, avaient accueilli cette soudaine clémence du ciel avec une émotion toute britannique : ils avaient haussé les sourcils.
Koji, pour sa part, en avait profité pour s'aventurer en ville. Emmitouflé dans son épais manteau noir, dissimulé à moitié par son écharpe ocre, les mains gantées et dans les poches, il errait au hasard des rues, dans les vieux quartiers de la capitale, sans destination très précise. Il voulait simplement prendre l'air, espérant que les dernières bourrasques de vent mettraient un peu d'ordre dans ses idées.
C'était que d'ordre ses idées, et ses sentiments, en avaient un peu besoin. Les unes étaient tournées vers des chiffres, vers les cours d'actions dans plusieurs bourses, vers des calculs savants, et des projets d'investissement. Sa majorité approchait, et Koji allait bientôt disposer d'une somme d'argent confortable qu'il comptait bien faire fructifier : depuis ses derniers déboires avec l'université, qui l'avaient poussé, joints à sa rupture avec William, vers l'Institut, il avait décidé que certains obstacles ne devaient plus à l'avenir le contrarier, et l'argent lui semblait un excellent moyen d'en dissiper une partie.
Quant à ses sentiments, eux, ils s'éveillaient finalement, après avoir sommeillé de longs mois dans une torpeur nostalgique, songeant plus au passé qu'à la vie véritable. La discussion avec Virginie au centre commercial, la rencontre de Gaël, avaient pulvérisé la carapace protectrice, construite depuis de longues années, et l'avaient laissé aux prises avec un être qu'il ne connaissait qu'assez mal, il s'en rendait compte à présent, et cet être, c'était lui-même. Et de cet être qu'il observait à présent, une chose lui était très vite apparue comme certaine : ce n'était pas, et ce ne serait probablement, un être solitaire. Assez singulièrement, il se trouvait que la blancheur de la neige partout répandue était propre à le ramener souvent à ce genre de rêveries.
C'était dans ces dispositions qu'il arpentait les rues londoniennes. De temps à autre, son regard était arrêté par une vitrine, celle d'une vieille bouquinerie ou d'un antiquaire, et il promenait son regard de connaisseur sur un meuble sans âge ou un livre un peu rare. Mais ce qui fut encore plus rare, ce fut que pendant cette promenade, il ne rencontra personne qu'il connût, lui qui ne cessait d'ordinaire de croiser telle ou telle de ses connaissances, lorsqu'il avait la mauvaise idée de baguenauder dans les rues de la capitale (et de quelques autres capitales dans le monde).
Ce ne fut qu'à l'heure du déjeuner qu'il se mit en quête d'un taxi automatique, pour revenir vers l'Institut. Il avait assez marché à son goût, et il n'aspirait désormais à rien d'autre qu'à regarder défiler lentement sous ses yeux le paysage blanc de la ville. Il trouvait que la promenade avait finalement mis un peu d'ordre dans ses idées, si ce n'était dans ses sentiments, et si ceux-là demeuraient dérangés, il était néanmoins un peu plus résolu à leur offrir des perspectives d'avenir.
C'était soudain cette résolution (imprudente ?) qui le poussa, à peine débarqué au portail de l'Institut, à se mettre en route vers les bâtiments, et précisément vers la cuisine : il voulait parler à une personne, une personne bien particulière, et il supposait que le meilleur moyen de la rencontrer dans le dédale des couloirs, c'était de se rendre à la cuisine, et si cette personne ne s'y trouvait pas, de l'y attendre, car sans doute elle ne manquerait pas d'y passer.
Et cependant, il ne se pressait guère, allait dans le parc comme un promeneur, parce que, pour une fois, son esprit s'avérait incapable de planifier soigneusement l'avenir et d'examiner en toute objectivité les multiples développements auxquels sa situation pouvait donner lieu : il voulait voir cette personne, mais ce qu'il lui dirait, la manière de se comporter avec elle, le regard qu'il poserait sur elle (dans le sien), c'était ce qu'il ne parvenait pas à décider. Il lui semblait que sa situation était absurde, inextricable, et en quelque manière puérile. Et pourtant, elle n'en avait pas moins à ses yeux quelque chose de plaisant.
Ce fut donc un peu trop tôt à son goût (et pourtant pas tout à fait assez vite) que ses pas résonnèrent dans le vestibule, puis dans les couloirs. A chaque fois qu'une fenêtre se profilait au loin, et faisait éclater une blancheur dans l'horizon sombre des murs, il manquait de sursauter, avant de se rendre compte que c'était bien sûr la neige qu'il apercevait et qui, dehors, recouvrait les pelouses de l'Institut. Quel petit adolescent stupide il faisait – et comme c'était agréable !
Et finalement, c'était la porte de la cuisine, mais la pousser, l'ouvrir et découvrir la pièce (et ses occupants ?) lui semblait soudain une tâche insurmontable, et sa lâcheté habituelle dans ce genre de situations l'incitait à fuir, puis sa mauvaise foi lui soufflait qu'il se comportait comme un enfant, que cette attente était sans intérêt, et qu'il valait mieux qu'il rentrât se terrer dans sa chambre, pour s'occuper de choses plus sérieuses. Mais Koji avait mis une heure et demie ce matin à choisir ses vêtements, à s'assurer qu'il était aussi beau que possible - ce qui lui avait confirmé les regards de quelques jeunes filles croisées plus tard dans les couloirs et qui avaient, bien malencontreusement, laissé tomber leurs affaires, dans l'espoir qu'il les aidât à les ramasser, mais lui n'avait pas entendu : il songeait à la neige – et il trouvait que ce temps aurait été bêtement employé s'il ne poussait pas la porte, qu'il poussa donc.
Koji n'était pas homme à ressentir la surprise (il n'y avait guère que Gaël pour y réussir), et encore moins à la laisser paraître, fût-elle aussi mauvaise que de trouver un intrus dans la cuisine qui venait perturber tous ses plans – et comme il n'était pas homme non plus à être injuste et à tenir rigueur à un tiers d'interférer dans ses projets de midinette, il n'en tint pas rancune à Gabrielle, et ce fut avec toute sa douceur habituelle et sans âge qu'il la salua.
« Mademoiselle Blackwood, vous avez un piètre photographe. Vous êtes bien plus belle en vrai que sur vos clichés. »
Il ne l'avait jamais vue (et n'était à vrai dire pas censé s'introduire dans les dossiers de l'Institut et explorer les fiches des nouveaux arrivants) et lui adressait la parole pour la première fois, et pourtant, c'était avec un naturel désarmant qu'il la complimentait sur sa beauté, quoiqu'elle eût sans doute dix ans de plus que lui et qu'elle fût désormais, en quelque manière, une adulte qui dans ces lieux était supposée avoir sur lui autorité.
« Vous ne m'en voudrez pas trop, je l'espère, si je vous tiens compagnie. Je suis en pleine chasse et cette cuisine me paraît une piste prometteuse. »
Il lui adressa un sourire pétillant d'espièglerie, qui contrastait curieusement avec le ton calme, profond de sa voix de sage, et le regard d'une intelligence profonde et analytique qu'il avait posé sur la jeune femme en entrant dans la pièce. Il sortit les mains de ses poches, quitta gants et manteau qu'il déposa sur un tabouret, et se proposa d'inspecter le placard à gâteaux.
Il était venu hier soir, et il y avait une boîte de cookies pleine. La boîte était toujours là, et toujours pleine : il était persuadé qu'elle ne le demeurerait pas toute la journée, et avec un sourire de satisfaction, que venait tempérer un peu une légère nervosité dans sa voix, il murmura, à moitié pour lui-même :
« Prometteuse, en effet. »
Sans rien prendre dans le placard, il revint vers Gabrielle, et s'installa sur un tabouret en face d'elle, commençant, comme à son habitude, à s'y balancer avec négligence, en se rétablissant guère que quand son équilibre semblait tout à fait compromis.
« Je vois que vous venez d'arriver de France. Le vol n'a pas été trop désagréable ? »
Il ne l'avait pas regardée, excepté en entrant dans la cuisine, accaparé qu'il avait été par ses recherches dans le placard à friandise, puis par la porte de la cuisine, et ce ne fut qu'après avoir posé sa question, avec l'espèce de douceur bienveillante qu'un vieillard prendrait pour interroger une jeune femme sur les désagréments d'un voyage en calèche, que ses yeux étaient venus se poser, avec une assurance parfaite, dans ceux de la psychologue, de sorte que la manière dont il avait pu deviner qu'elle venait de France était une sorte d'énigme.
Toujours était-il que depuis qu'il était rentré dans la cuisine, Koji avait finalement songé qu'y rencontrer la jeune femme était une bonne chose : sa conversation le distrairait sûrement pendant l'attente, qui peut-être serait longue. Et rencontrer la malheureuse qui avait été assez folle pour s'engager comme psychologue à l'Institut lui paraissait une aventure tout à fait singulière et digne d'intérêt.
Gabrielle Blackwood
Type Alpha
Sujet: Re: [RP] Par l'odeur alléchée... Lun 22 Mar 2010 - 0:39
Quelque fois, il suffit d'un rien pour illuminer votre journée et en ce jour d'hiver, ce fut une omelette qui réconcilia Gabrielle avec la vie d'ici-bas. Un petit plaisir de la vie qui la faisait se sentir plus à son aise, un peu moins étrangère... Elle se repencha sur les derniers mois. Il était quelque part effrayant d'avoir fini ces études. L'on tirait un trait sur tout un épisode de sa vie qu'on ne revivrait plus jamais, on quittait ses derniers lambeaux d'enfance. Effrayant oui mais à la fois excitant. De nouvelles perspectives s'offraient à la jeune femme, tout un nouveau monde. C'est ainsi qu'une nouvelle personne fit irruption dans sa vie sous les traits d'un jeune homme élégant. Gabrielle réprima un sursaut lorsqu'il poussa la porte de la cuisine, à la manière d'une petite fille prise en faute.
*Tu as trop interiorisé l'interdit parental jeune fille! * se tança mentalement Gabrielle avant de réprimer un petit sourire triste en pensant à celle qui avait symboliser les seuls parents que Gaby ait jamais eu: Granny. Ce qu'elle pouvait lui manquer! Un petit air nostalgique peint sur le visage, Gabrielle n'était cependant pas au bout de ses surprises. Le jeune homme connaissait son nom et visiblement aussi son visage puisqu'il lui parla, assez galamment il le faut dire, de son physique. Quelque peu décontenancée par cette entrée des plus étonnantes, Gabrielle se reprit bien vite et répondit du tac au tac:
« Je serais bien égoïste de vous priver ainsi de votre piste Monsieur, la cuisine est assez grande pour nous deux. Et en ce qui concerne mon physique, je me suis toujours dit que j'étais peu photogénique, il faut dire que je trouve l'exercice si artificiel qu'il m'est difficile de me composer un expression acceptable. »
D'un geste de la main, elle lui désigna les autres chaises afin de l'inviter à s'asseoir s'il le souhaitait. Gabrielle l'observa du coin de l'œil. Il semblait si jeune d'apparence mais ses paroles et son ton lui donnait une certaine maturité qu'il semblait se plaire à affecter. De même, il semblait avoir plaisir à être maitre des choses et de la situation, à avoir quelque part un certain avantage vis à vis des connaissances sur la jeune femme. Il était quelque part tiraillé entre deux tendances, entre deux âges. Elle le vit s'emparer victorieusement du paquet de cookies.
« Etait-ce donc la proie que vous chassiez avec tant d'âpreté? » demanda t'elle avec un petit sourire en coin. Le jeune homme revint s'installer non loin d'elle, s 'installant avec nonchalance. Il l'interrogea alors sur son voyage.
« Plutôt bien. Le trajet n'était pas des plus longs et comme je n'ai pas l'habitude de voyager, il suffisait d'un rien pour me fasciner. L'hotesse a du me trouver pire qu'une enfant! »
Elle eut un petit rire comme pour se moquer d'elle-même.
« Je dois dire que je trouve l'Institut vraiment magnifique. Cet alliage de tradition et de modernité. Vous disposez d'un véritable petit cocon pour vous épanouir. »
Comme pour confirmer ses dires, Gabrielle jetta un regard autour d'elle. Puis elle pencha doucement la tête de côté et s'adressa au jeune homme.
« Puis-je vous demander votre prénom et votre nom? Cela me semble si guindé de vous appeler Monsieur, surtout que comme vous semblez le savoir, je risque de rester quelque temps, du moins je l'espère, ici. »
Gabrielle observait ce jeune homme si singulier, songeant à son futur travail. Certains des pensionnaires avaient du subir des choses atroces: abandonnés de tous, souvent chassés, menacés, blessés, l'Institut leur offrait un havre de paix et Gabrielle à l'avenir participerait à ce petit paradis en les aidant à rétablir leur esprit.
« Vous semblez savoir beaucoup de choses à mon sujet. J'avoue pour ma part que venant à peine d'arriver, je découvre l'Institut. Pouvez vous me parler de comment les choses se passent ici? Comment sont organisés vos journées? »
Le jeune homme lui semblait être un bon intermédiaire, de par ses capacités évidentes d'observation mais aussi parce qu'en tant que pensionnaire, il lui offrait l'avantage d'avoir un point de vue différent de celui de ses dirigeants ou de l'opinion publique.
Koji Ashton
Type Gamma
Sujet: Re: [RP] Par l'odeur alléchée... Lun 22 Mar 2010 - 1:34
Ah ! Que voilà une personne prolixe ! Koji était ravi de voir que leur psychologue, charmante au demeurant, était d'une conversation engageante – c'était qu'il avait un peu parlé sans réfléchir, dans la mesure, bien entendu, où cela lui était possible (sans doute avait-il un peu la tête ailleurs), et il craignait d'avoir formulé les choses de manière un peu intrusive. Les réponses de la jeune femme (car de toute évidence, jeune, elle l'était encore) le rassuraient, et lui apprenaient, plus que les détails de son voyage, qu'elle était d'un caractère des plus agréables.
C'était que croiser des gens qui répondissent à vos questions en toute cordialité n'était pas toujours une chose évidente à l'Institut – du moins Koji le supposait-il. Il était vrai qu'il ne se mêlait guère à ses camarades, excepté ceux qu'il avait croisés par hasard et avec qui il s'était lié d'une de ces curieuses amitiés dont il était capable. Sa propension à deviner d'où les gens venaient, ce qu'ils pensaient, ce qu'ils allaient faire, ce qu'ils dissimulaient, n'était pas du goût de tous, et sans qu'il fût vraiment détesté par ses camarades, qui le connaissait trop peu pour cela, il n'en menait pas moins une vie marginale.
Cela ne l'avait pas empêché de constater que bien des jeunes gens qui circulaient dans les couloirs de l'Institut étaient pour le moins réservés, quand ils n'étaient pas franchement sauvages. La chose ne le surprenait pas, au demeurant : comme Gabrielle, il songeait aux vies difficiles qu'ils avaient menées pour la plupart avant de rentrer à l'Institut, et combien ces existences pénibles avaient laissé dans leur quotidien, dans leurs caractères, des marques profondes, des marques peut-être indélébiles.
Or, Gabrielle, lui semblait, pour l'heure, à peu près normale, en dehors du fait qu'elle le fût sans doute trop pour l'être en effet. D'ailleurs, il avait comme l'impression qu'elle faisait tous les efforts du monde pour s'exprimer dans un langage plus vieux qu'elle, et que derrière ce voile de politesse maîtrisée, une jeunesse encore vive mourait d'envie de s'exprimer plus librement. Il était prêt à parier que c'était son premier poste de psychologue – naturellement, elle cherchait à faire bonne impression. Comme il la comprenait ! La tâche pour elle s'annonçait des plus rudes.
Il l'écoutait avec un sourire attendri, comme un grand-père écoute sa petite fille parler de son premier voyage en avion : avec un amusement qui n'était pas, qui n'était jamais, une moquerie. Son regard s'envolait parfois du visage de la jeune femme, pour se perdre par la vitre, derrière elle, où il apercevait la neige (toujours la neige), pour effleurer un instant la porte immobile, avant d'être à nouveau capturé par les mèches de cheveux de la psychologue, qu'il remontait jusqu'à ses yeux.
Il la laissa parler autant qu'elle le désirait – c'était qu'il était expert dans cette sorte de silence attentif, dans lesquels on se sent toujours écouté quoique l'interlocuteur ne dise jamais rien. Et quand la jeune femme eut fini, quand elle lui eut posé ses questions, il laissa éclater dans le silence un rire d'une jeunesse irrépressible, qui contrastait avec la sagesse patiente de son regard, et la tendresse d'ancêtre de son sourire.
« Mademoiselle Blackwood, vous êtes une adepte de la difficulté – sans cela vous ne seriez pas ici pour exercer votre métier – et donc vous me posez une question difficile, ce n'est que justice. Heureusement, vous me posez également une question facile, je crois que nous allons pouvoir nous en sortir. »
Le petit discours de la jeune femme l'avait visiblement mis d'excellente humeur, puisque son anglais avait pour une fois perdu un peu de son élégance mélancolique pour se réfugier dans la même joie pétillante qui animait son regard – et peut-être l'attente dans la piste chaude de la cuisine n'était-elle pas non plus étrangère à cet entrain. C'était que la conversation qu'il comptait avoir avec la personne qu'il attendait, toute désagréable qu'elle promît d'être, n'en demeurait pas moins – une conversation avec cette personne.
Cependant, il avait quitté son tabouret pour se glisser vers le frigidaire – à défaut de manger, il avait un peu soif.
« Je m'appelle Koji. Koji Ashton. Voilà pour la question simple. »
Depuis quelques semaines, Koji avait compris que son nom cessait d'être une information anodine, mais pas encore au point qu'il cherchât à le dissimuler. C'était que depuis la publication de son livre de philosophie, les journaux universitaires de diverses disciplines, et parfois même les grands quotidiens, le mentionnaient, pour tel ou tel point de sa théorie, ou pour ses petites excentricités au sein du milieu scientifique. Il avait bien conscience d'être, pour les média, une figure bien plus agréable à présenter du savant qu'un vieux mathématicien dessèche – c'était flatteur sans doute, mais il craignait que cela entravât un peu le calme de son existence (calme relatif puisqu'il lançait ses chaussures sur les intervenants des congrès scientifiques).
Il revient à sa place avec un verre d'un liquide difficilement identifiable, à l'odeur douteuse et qui avait vaguement l'apparence du lait, dont il but une gorgée avant de se faire quelques secondes songeur – il songeait apparemment à la réponse qu'il allait formuler, mais en réalité à toutes sortes d'autres choses, à des calculs mathématiques, à des théories physiques, à des romans qu'il venait de lire et à ses cours de piano.
« Ce qui nous amène donc à la question compliquée. Je crains de vous décevoir un peu en vous parlant de l'organisation de mes journées, parce qu'elles ne correspondent à rien à celles que mènent mes camarades. »
Il y avait une once de tristesse dans cette constatation, et qui de toute évidence ne naissait pas de la désolation qu'il professait de ne pas pouvoir renseigner exactement la jeune femme. Parfois, il aurait aimé être juste un peu moins anormal, ou bien anormal d'une autre façon, qui lui permît de partager un peu plus la vie de ses camarades – ses camarades étant, bien entendu, un pluriel qu'il trouvait très approprié et qui était, en réalité, d'une parfaite mauvaise foi.
« Et qui pis est... Je me suis peu penché sur le fonctionnement de l'Institut. Mais voyons, voyons, essayons de nous tirer de cela. »
Il abandonna un instant son verre (et la substance étrange qui l'emplissait) pour se pencher vers le tabouret où il avait abandonné ses affaires, et, après avoir un peu fouillé dans les poches de son manteau, il en extirpa une feuille de papiers (il en avait toujours sur lui) et un stylo noir. Il étala la feuille entre lui et Gabrielle, et commença, avec une précision et une rapidité quasi effrayantes, à tracer un plan de l'Institut. Il ne s'arrêtait que pour se pencher à nouveau vers son manteau, prendre une nouvelle feuille et entamer le plan d'un nouvel étage. Et pendant qu'il dessinait (sans regarder sa feuille d'ailleurs), il continuait à parler, comme si tracer un plan aussi précis relevait du griffonnage automatique.
« Donc, voici à peu près comment les choses se disposent. Ici, les salles communes, et les salles de cours. Les chambres des élèves. Individuelles ou non, chacun à sa convenance. Les appartements du personnel. Je suppose que votre bureau sera dans l'infirmerie, qui est de ce côté, vers la bibliothèque. Nous sommes dans la cuisine, donc ici. »
Et à peine avait-il fini de parler que Gabrielle se retrouvait en possession d'un plan absolument exact de l'Institut (en dehors de ses parties secrètes au sous-sol, donc Koji avait calculé l'existence mais qu'il n'avait pas jugé opportun de reproduire pour l'instant), et Koji, pour sa part, avait repris le verre entre ses mains, pour le boire à petites gorgées, comme si la démonstration de force intellectuelle qu'il venait de faire ne s'était absolument pas passé.
D'ordinaire, il était plus prudent, et ne laissait ses pouvoirs se découvrir que lorsque cela était réellement nécessaire, lorsqu'il ne parvenait pas à l'empêcher. Mais dans le cas présent, cette précaution lui semblait doublement inutile : non seulement il était à l'Institut depuis trop longtemps pour que le secret fût encore vaillant, mais Gabrielle, par ses fonctions, aurait très rapidement accès à sa fiche. Il était ridicule de lui cacher ses petites dispositions.
« Quant au fonctionnement... Eh bien, rien que de très classique, je suppose. Les élèves vont en cours, ils font leurs devoirs. Ils se font des amis, ils se disputent, ils jettent des boules de feu, ils se réconcilient. Ils tombent amoureux et ils s'envoient des SMS à longueur de journées. Puis ils se retrouvent dans des recoins du parc, quand il fait beau, sous la Lune, la nuit. Certains passent à travers les murs pour espionner le vestiaire des filles, ce qui n'est pas toujours utile quand elles se rendent invisibles. »
A nouveau, alors qu'il évoquait toute cette vie qui se menait au sein de l'Institut sans qu'il y prît vraiment part, cette vie de ces jeunes gens qui avaient son âge et qui étaient si différents de lui, il avait laissé affleurer sur ses lèvres le sourire de tendresse paternelle qu'il avait eu d'abord pour Gabrielle, mais cette fois-ci, il se teintait d'un peu de la tristesse nostalgique que l'aïeul a en contemplant les jeux des enfants qui pour lui sont révolus – quoique pour Koji, ils n'avaient jamais été les siens.
Sauf l'un d'entre eux. Koji tombait amoureux à peu près toutes les heures, ce qui était soit une source d'incorrigible inconstance (lorsqu'il tombait amoureux d'une autre personne que celle de l'heure précédente), soit de passion renouvelée, mais tumultueuse, lorsqu'il tombait amoureux de la même personne, qu'il venait d'envisager d'un aspect nouveau, ou simplement de redécouvrir, comme pour la première fois, dans ses souvenirs, soit enfin de terribles complications, lorsqu'il tombait amoureux d'une personne nouvelle sans cesser de l'être de la première. Il n'était cependant pas très disposé à se reconnaître cette curieuse habitude.
« Quant à l'organisation des choses. Il y a des directeurs, je suppose, que nous ne voyons pas souvent. Mademoiselle Lemington assure la sécurité de l'établissement. Des professeurs, également. Je ne saurais trop vous renseigner sur la hiérarchie, je suppose que vous découvrirez cela bien assez tôt à votre goût. »
Il s'interrompit, presque à la fin de sa présentation, il en avait bien conscience, un peu succincte du fonctionnement des lieux, puis un sourire malicieux s'installa sur son visage. Il prit un air de fausse innocence, en baissant les yeux sur son verre presque vide.
« Et s'agissant du règlement intérieur... Eh bien, curieusement, je dois vous avouer mon ignorance complète de ses règles. »
Curieusement.
Gabrielle Blackwood
Type Alpha
Sujet: Re: [RP] Par l'odeur alléchée... Mar 23 Mar 2010 - 23:50
Gabrielle avait un peu l'impression que les rôles s'étaient inversés. Le jeune homme la regardait d'un air bienveillant, quelque peu indulgent, à la manière d'un aîné et Gabrielle se sentait presque « gamine » à ses côtés. Le jeune homme restait d'ailleurs assez silencieux, une attitude qui avait le don de déclencher chez Gabrielle de véritable flots de paroles, comme pour remplir le silence. Elle se mordit la lèvre inférieure, un peu génée de s'être ainsi livrée mais elle était heureuse de croiser quelqu'un dans ce grand batiment pour l'instant inconnu. Le jeune homme se mit à rire et Gabrielle sortit de ses rêveries. Il jaugeait ses questions, les trouvant difficiles. Il semblait à présent plus jeune et surtout moins maitre de soi, comme s'il avait l'habitude de se contrôler parfaitement en permanence, de surveiller ses gestes et ses paroles. Que cela était triste pour un si jeune garçon de se restreindre ainsi. Gabrielle supposait que derrière ce comportement se cachait une histoire sans doute pas évidente. Elle lui sourit pour l'inciter à continuer et à surmonter la difficulté qu'il disait éprouver ou non face à ses questions. « Je ne voulais pas vous créer autant d'ennuis! » lança t'elle dans un trait d'humour légèrement moqueur. Il se dirigea alors vers le frigo et en sortit un étrange mélange. Intriguée car curieuse de nature, la jeune femme tenta de se servir de son odorat pour en apprendre plus sur la mysterieuse boisson. Du lait? Non plus que ça? Du lait caillé? Non, elle donnait sa langue au chat. Il se présenta alors et Gabrielle, un large sourire aux lèvres, répondit aussitôt:
« Enchanté de vous rencontrer Monsieur Ashton!Pour ma part, je me nomme Gabrielle Blackwood comme vous le savez déjà. »
Elle ne lui dit pas de l'appeler Gabrielle, elle en avait bien envie bien sur, peut-être que cela viendrait plus tard mais il fallait tout de même établir une certaine distance entre elle et les élèves, afin qu'elle puisse les guider en gardant une certaine autorité et sans passer pour leur « copine ». Il revint s'installer auprès d'elle, songeur et Gabrielle en profita pour l'observer. Le jeune homme semblait délicieusement androgyne, se plaisant sans doute à ce mélange des genres. Il semblait de même prendre plaisir à surprendre, de par son apparence bien entendu mais aussi par ses connaissances. D'ailleurs, comme le lui confirmèrent ses paroles, le jeune homme se considérait à l'écart des autres et de la norme. Cette originalité paraissait volontaire chez lui mais il était parfois difficile de porter ce statut de marginal sur de frèles épaules d'adolescent, Gabrielle en avait fait l'experience.
« Vos journées sont-elles si exotiques que cela Monsieur Ashton? Menez vous une double vie? »
Elle avait choisi d'opter pour un ton humoristique dans sa communication avec le jeune homme, cherchant par là à le décomplexer et à le faire sortir de la carapace de contrôle qu'il semblait s'être forgé. Il avoua alors son ignorance du fonctionnement de l'Institut. Il était vrai qu'il n'était ici qu'un élève et que Gabrielle aurait pu s'adresser à quelqu'un de plus approprié pour ses questions mais elle appréciait toujours d'avoir un avis plus informel sur la situation. Il abandona alors son verre -Gabrielle y jeta un regard dans l'espoir d'en découvrir plus mais non...boisson vitaminée? Yaourt brassé? Enfer et boule de gomme! Il s'adonna alors à une véritable démonstration de force ou plutôt de pouvoir sans doute en traçant sous ses yeux ébahis un plan, assez détaillé de tout l'Institut. La jeune femme ne put se retenir d'ouvrir grand la bouche. Les pouvoirs tout aussi divers des mutants l'avaient toujours impressionnée.
« Ouaaaaaaouuuuh! »
Considérant son atittude quelque peu enfantine, elle tenta d'étayer son propos.
« euh....vraiment impressionnant...Cela doit être utile quand vous vous perdez! Enfin ça le serait pour moi, j'ai un sens de l'orientation médiocre...Je me perds même sur un parking alors... »
Assez parlé d'elle-même, elle écouta religieusement ses commentaires, hochant de la tête pour lui signifier qu'elle comprenait.
« Si vous acceptez de me le donner, je crois que je vais le transporter en permanence avec moi, impossible de me perdre avec cela. »
Elle observa à nouveau le plan, s'extasiant devant la facilité avec laquelle il l'avait dessiné. Cela la fascinait.
« et en quoi consistent vos pouvoirs exactement? Excusez moi de vous poser cette question, je comprendrais que vous ne souhaitiez pas répondre mais c'est vraiment intéressant. On dirait que vous êtes une sorte de ...euh encyclopédie vivante ambulante, un véritable puit de science et je dois avouer que je vous envie beaucoup, cela m'aurait été très utile dans mes études! Je suis un peu jalouse. »
Elle se mit à rire tout bas et replaça derrière son oreille une mèche folle qui virevoltait sur son visage. Il lui détailla rapidement le fonctionnement assez basique de l'Institut.
« De véritables adolescents en somme! » résuma t'elle avec bonne humeur.
Gabrielle était heureuse que l'Institut ne ressemble pas à un ghetto et que les élèves ne soient pas trop centrés sur leurs pouvoirs mais qu'ils développent une vie normale. Gabrielle nota alors cet air tristement nostalgique sur le visage du jeune homme. Il semblait parler de ses camarades comme s'ils n'appartenaient pas véritablement au même monde. Cela était compréhensible, après tout n'avait-on pas répété aux mutants qu'ils n'étaient pas humains, qu'il étaient des « monstres »?Comment se sentir normal après cela? Comment appartenir au monde? C'est alors qu'un sourire malicieux se peignit sur son visage quand il évoqua les règles. Gabrielle lui lança un clin d'œil amusé.
« Oui comment enfreindre les règles dont on n'a pas connaissance? On peut toujours prêcher l'ignorance! » Elle songea alors qu'elle ferait partie du staff sensé faire respecter les susdites règles.
« Enfin, je crois qu'un minimum de règles est nécessaire quand on vit en commun ainsi, même si cela fait partie intégrante de l'adolescence de tester les limites du cadre qui l'entoure. »
La jeune femme s'étira sur sa chaise et sauta à terre. Ses muscles déjà mis à mal par le long voyage protestaient de sa trop longue station assise. En quelque enjambées, elle s'empara d'une belle pomme rouge et y mordit à pleine dent. *L'on a raison de m'appeler Blanche-Neige* songea t'elle en dégustant son fruit.
Elle s'appuya contre le mur, tournée vers Koji.
« Je peux vous poser une question? »
Elle enchaina sans attendre de réponse.
« J'aurais aimé renforcer la cohésion des pensionnaires de l'Institut. Pensez vous que cela est une bonne idée? J'aurais aimé faire une sorte de réunion avec toute sorte d'exercice visant à augmenter la confiance de chacun dans ses coéquipiers. Les mutants présents dans l'Institut viennent d'horizons tellement différents, je pense qu'il pourrait s'agir d'une bonne chose d'apprendre à chacun à mieux se connaître et de former un véritable groupe. »
Elle lui livrait là les quelques idées qu'elle avait notées lors du voyage en avion. Si elle s'adressait à lui, c'est qu'il connaissait la réalité du terrain. Ce soutien était-il nécessaire et applicable?
« Ma question peut vous désarçonner je pense, mais je viens à peine d'arriver et je n'ai pas encore pu prendre la température auprès des élèves, noter les besoins de chacun mais aussi de l'Institut en général et je souhaiterais m'adapter au plus vite. »
Gabrielle aimait la franchise et à vrai dire, elle détestait les gens qui s'adressaient aux personnes plus jeunes qu'eux d'un air condescendant. Koji avait beau avoir bien 10 ans de moins qu'elle, son avis était aussi précieux qu'un autre. Elle avait toujours encouragé les gens qui l'entouraient et les patients lors de ses stages à s'exprimer.
« Je souhaite vraiment pouvoir aider tous les élèves présents dans l'Institut! »
La voix de Gabrielle avait pris un ton plus exalté. Aider les autres, cette formule était au centre de sa vie et de ses ambitions. Elle ne souffrait pas du complexe de Mère Thérésa, mais elle désirait pouvoir rendre le monde un peu meilleur, ne serait-ce qu'à son niveau et par la-même trouver un rôle, une place, une fonction dans le monde.
Koji Ashton
Type Gamma
Sujet: Re: [RP] Par l'odeur alléchée... Jeu 25 Mar 2010 - 12:26
Il y avait une chose à laquelle Koji ne se ferait peut-être jamais, du moins l'espérait-il, c'était la réaction des membres de l'Institut, lorsqu'il faisait, sans vraiment y prendre garde, démonstration des capacités nées de sa mutation. Paradoxalement, ce n'était que depuis qu'il l'avait rejointe que cette mutation lui apparaissait si exceptionnelle, ou plus exactement qu'il sentait à quel point, pour les autres, elle pouvait le paraître. Jamais il n'avait eu autant de marques d'étonnement, d'exclamations de surprise, lorsqu'il dessinait un plan, réalisait un petit calcul de tête ou déduisait les activités d'une personne en observant ses vêtements.
Sans doute cela s'expliquait-il par la réticence légendaire des universitaires et des savants à reconnaître à d'autres la supériorité intellectuelle qu'ils désirent tant incarner. Koji avait vécu dans les laboratoires et les universités pendant des années, et chaque fois, sa réputation le précédait ; chaque fois, les érudits du lieu le regardaient s'installer avec une méfiance déjà empreinte de jalousie, bien décidés à ne pas le laisser prendre le pas sur eux, à tenir bon, à ne jamais faire paraître la moindre trace de déconvenue.
Tous n'étaient pas toujours aussi mal disposés à son égard, bien entendu, et il s'était fait des amis, beaucoup d'amis, un peu partout dans le monde : il n'y avait guère de grande ville de la planète où Koji ne fût certain de rencontrer une généticienne, un historien, une physicienne, qu'il eût connu sur les bancs de telle ou telle grande université, et avec lequel il se fût lié d'amitié. Et pour beaucoup de ces savants, plus vieux que lui, déçus par des années d'adversité futile, Koji était un vent de fraîcheur à l'endroit duquel ils ne concevaient aucune adversité.
Cependant, ils étaient tous persuadés qu'un être aussi intelligent ne pouvait que reconnaître sa propre intelligence. Persuadés que pour Koji, l'avis du commun des mortels était une information à peu près négligeable, qui ne portait pas à conséquence et ne pouvait guère être source de satisfactions. C'était que, pour eux, Koji était surtout une intelligence cérébrale, et ils ne songeaient jamais qu'il pût avoir une intelligence plus profonde, plus diffuse, une imagination à la fois puissante et destructrice, mère de rêveries inépuisables et de doutes torturants.
Alors, loin de le jeter dans une quelconque sensation de monstruosité, loin de miroiter son exclusion sous ses yeux, les surprises qu'avaient fait paraître Gaël, Virginie, ou bien à l'instant Mademoiselle Blackwood, étaient pour Koji de petits instants précieux. Il se sentait, pour quelqu'un, un émerveillement – quelque chose qu'il avait fait était apprécié par quelqu'un : c'était suffisamment rare pou le mettre de bonne humeur.
Il tendit bien volontiers le plan à son interlocutrice – et alors il songea à l'autre plan qu'il avait dessiné, de cette pièce précisément, plan exactement semblable, trait pour trait, si ce n'était le petit personnage qu'il y avait ajouté, si ce n'était la personne pour laquelle il l'avait dessiné – où était-il ce plan à présent ? Rejeté, peut-être, sans intérêt, dans un coin de sa chambre – mais à quoi ressemblait sa chambre, quels livres, quels disques, sur ses étagères, quels vêtements dans son armoire ? Le regard de Koji avait quitté, pendant une seconde, le visage de Gabrielle pour regarder par dessus l'épaule de la jeune femme, par la fenêtre, la neige qui enveloppait le parc.
Et pendant que l'après-midi qu'il avait passé avec Gaël se déroulait à nouveau dans son esprit, à une vitesse qui pour tout autre eût rendu le souvenir tout à fait incompréhensible, il écoutait la question de la jeune femme. Son regard délaissa sa contemplation hivernale pour se reposer sur elle. Il n'était pas encore habitué à cette question. Avant qu'il arrivât à l'Institut, personne ne la lui avait vraiment posée, et pour lui, c'était toujours un exercice nouveau que de s'expliquer.
Un sourire triste passa sur son visage – sourire un peu fatigué, sourire de milliers d'années.
« Hélas, Mademoiselle Blackwood, vous excellez dans les questions difficiles. Cela dit, il y a une réponse simple à votre question, mais cette réponse ne vous fera pas vraiment apercevoir ce dont il s'agit. Disons que je suis, selon toute probabilité, l'être humain le plus intelligent au monde, et à vrai dire le plus intelligent de l'histoire de l'humanité. Pour la réponse compliquée, je crains que nous n'ayons besoin de vivre pour nous soutenir. »
Il avait dit cela sans l'ombre d'une fierté – et à vrai dire, aucune fierté ne semblait jamais se répandre sur son visage lorsqu'il faisait allusion à ses capacités. Seule une tristesse vague, et comme consciente de l'absurdité de sa situation, un peu amère, se laissait lire sur ses traits. Ce n'était pas qu'il trouvât désagréable d'être intelligent, si intelligent : cette mutation était la source, à ses yeux, de beaucoup plus d'avantages que de désagréments. Mais il sentait trop la distance irréductible qu'elle mettait entre lui et n'importe quel autre être au monde, humain ou mutant, pour être heureux de sa situation.
Il s'était levé pour fouiller à nouveau dans le frigidaire, et revint poser un verre devant Gabrielle, dans lequel il versa l'étrange mixture qu'il y avait dans le sien, avant de remplir ce dernier à nouveau.
« Ceci... Est une spécialité de la ville de Valencia en Espagne. Cela dit, on en fait aussi à Malte. »
Le nom de Malte répandit, pendant une seconde, sur son visage un air rêveur – qui disparut aussitôt.
« Horchata de chufa. C'est fait à partir de souchet. Je ne vous promets pas que vous apprécierez... Le goût est pour le moins particulier. Mais c'est sans aucun doute une expérience à faire. »
Il s'était rassis, et ses yeux avaient retrouvé le chemin du regard de Mademoiselle Blackwood. A nouveau, une tristesse soucieuse s'était emparé de son air. Il savait, à vrai dire, fort bien comment présenter son cas à la jeune femme : c'était qu'à une psychologue comme elle, il était fort peu probable qu'il fût tout à fait étranger. Surtout à une psychologue anglophone.
« Mademoiselle Blackwood. Je suppose que, pendant vos études, vous avez dû lire, à l'occasion, le Journal anglo-américain de psychologie expérimentale. Une institution vénérable, paraît-il. Vous souvenez-vous du numéro paru il y a quatre ou cinq ans, sur la psychologie mutante ? Il a fait grand bruit dans le milieu de la psychiatrie. Beaucoup considèrent qu'il y avait là des contributions majeures. Pour ma part, je crains d'être un peu moins enthousiaste. »
Au cours de sa petite introduction, une légère gêne avait commencé à s'insinuer dans la voix de Koji. Les souvenirs se précisaient à mesure qu'il les évoquait, et naturellement, son imagination et sa mémoire se chargeaient de les rendre aussi cuisants que si les évènements se fussent déroulé au moment précis où il parlait. Et ses yeux, par pudeur, et pour ne pas laisser voir la tristesse qui croissait peu à peu en lui, s'étaient détourné de ceux de la jeune femme.
« Bien. Vous vous souvenez peut-être du cinquième article du numéro, par le professeur Charles Fordiver. L'article à propos du patient K0103. Le titre devait être à peu près : Mutation mentale et effacement de la personnalité, un cas de psychose adolescente. Comme je suppose que vous allez ouvrir des dossiers au nom de chacun des élèves, je ne puis que vous encourager à joindre au mien cet article. Quoique j'espère qu'on écrira un jour de moi une biographie plus flatteuse. »
Les heures et les heures d'entrevue avec le professeur Fordiver s'assemblaient à nouveau dans sa mémoire, il revoyait chaque détail de ce bureau qui lui avait paru d'abord si chaleureux, et dont il ne gardait maintenant qu'un souvenir glacial. Questions interminables, réponses incertaines : c'était au début de sa mutation, et si celle-ci n'avait pas cessé depuis de le faire souffrir, il en avait maîtrisé peu à peu les manifestations les plus dangereuses et les plus désagréables, à peu près. Mais à l'époque, il était encore perdu – dans ce grand bureau glacial.
« Pour le cas où vous ne l'auriez pas lu, je vais vous préserver la fraîcheur du développement, qui ne manque pas de pittoresque. Je ne peux résister cependant au plaisir de partager avec vous la conclusion flatteuse : selon Monsieur Fordiver, on ne peut guère espérer de moi plus que quelques années de vie avant que je sombre dans la plus profonde des folies, et alors je serai incapable de me reconnaître dans un miroir, de rien faire par moi-même, perdu dans des personnalités et des mondes qui ne seront pas les miens. »
La conclusion de l'étude ne semblait, cependant, pas l'inquiéter outre mesure, et si triste il demeurait, c'était d'en avoir été un jour été l'objet, et de pouvoir y lire le témoignage de l'incompréhension dans laquelle il était rejeté – le récit, en quelque sorte de sa propre monstruosité. Pendant un ou deux années, cependant, cette conclusion, l'éventualité de sa folie, l'avait terrorisé : il l'avait crue possible, probable, et même très probable. Mais il avait grandi, il avait mûri (incroyablement), et il lui semblait à présent que ce danger était écarté.
Il but une gorgée d'horchata, avant de reprendre ses explications.
« Cela dit, beaucoup des observations du professeur sont exactes. Certaines personnes à qui je parle de ma mutation, auxquelles je dis qu'il s'agit, disons, d'une intelligence surhumaine, s'imaginent que je suis simplement plus rapide dans mes raisonnements, plus efficaces. Voyez-vous ? Comme si mon intelligence était une intelligence humaine, très très améliorée. Il y a un peu de cela. Mais en réalité, c'est une intelligence d'une autre sorte. Un autre fonctionnement. Mes pensées sont si puissantes, mes souvenirs si exactes, mon imagination rend mes rêveries si précises, que la réalité pour moi, le monde que l'on peut toucher, le temps qui passe, toutes ces choses, n'ont pas l'importance décisive qu'elles peuvent avoir pour vous. Ce que je suis, ce que je ne suis pas, ce qui se passe, ce qui ne se passe, les futurs possibles, les passés révolus, se présentent devant moi avec des prétentions dont la force ne dépend pas entièrement de leur effectivité. »
Il laissa échapper un léger soupir, se rendant compte qu'il lui faudrait des heures et des heures d'explication pour espérer faire saisir à quelqu'un d'autre combien sa vie pouvait être différente de celle des autres.
« C'est très difficile pour moi de vous décrire cela. Disons que je suis à la fois personne et tout le monde. Nulle part et partout. La conscience du monde, mais dans une rêverie lointaine. C'est à peu près la réponse la plus satisfaisante que je peux apporter à votre question pour l'instant. »
Ce long discours disposait au silence, d'autant plus qu'il était douloureux. Koji avait cessé de paraître, s'il le paraissait encore un peu, l'adolescent insouciant, soigneux de son apparence, perpétuellement séducteur, charmant mais volage, sans inquiétude et sans remord, qu'il était encore pour beaucoup de ses camarades de l'Institut qui ne le connaissaient pas et le jugeaient sur son apparence (et surtout pour les jeunes filles qui étaient saisies de curieuses maladresses à son passage en lui jetant des regards de biche effarouchée).
Et cependant, quelque pesant que fût le silence, Koji s'empressa de bondir sur la question suivante de Gabrielle, très soucieux probablement de ne pas laisser le temps à la jeune femme de poursuivre la conversation sur sa mutation. Il n'avait pas l'habitude d'en parler, pas l'habitude d'évoquer les souvenirs qui entouraient la date de son apparition : l'effort qu'il venait de fournir était considérable, et c'était le seul dont il se sentait capable, pour l'heure. Peut-être, un autre jour, ou même plus tard (car ces notions-là n'étaient pas très claires pour Koji), lui en parlerait-il plus en long.
« Quant à votre seconde question, eh bien... Vous savez... »
Il finit son deuxième verre d'horchata, puis ses yeux, un peu calmés, revinrent se poser dans ceux de Gabrielle.
« Les jeunes gens ici... Eh bien, l'Institut est un foyer pour eux. Mais parfois, je suppose que même ici, ils ont l'impression de n'être que des mutants. L'impression que le seul problème qu'ils aient soit leur mutation. Comme si leur personnalité se résumait à cela. Je crois que beaucoup d'entre eux aimeraient avoir d'autres problèmes. Des problèmes puérils, quotidiens, de petits problèmes d'adolescent. Et qu'on leur parle de cela. Pour se sentir un peu comme les autres, parfois. »
Pour quelqu'un qui vivait la nuit, qui passait dans les couloirs de l'Institut comme un fantôme, et ne parlait guère qu'à deux ou trois des autres pensionnaires, Koji avait l'air d'avoir consacré un temps considérable (peut-être plusieurs minutes !) à méditer les problèmes de ses camarades.
« Et sans doute que ce foyer serait plus accueillant, en effet, s'il était quelque chose comme une famille. La formation d'un groupe cohérent m'apparait en effet une nécessité, si ce n'est une urgence. Pour sortir certains élèves de leur isolement. »
Koji ne songeait pas que Gabrielle pût l'impliquer dans ces élèves isolés : c'était que pas un seul instant il ne s'était senti ici élève. Sa mutation ne l'incitait guère à s'impliquer dans les entraînements, et il n'allait pas en cours. Et jusqu'à lors, il n'avait pas songé que l'on pût un jour lui demander de participer à des activités – avec tous les autres élèves.
Gabrielle Blackwood
Type Alpha
Sujet: Re: [RP] Par l'odeur alléchée... Mer 7 Avr 2010 - 13:36
(je suis honteuse pour mon temps de réponse, je n'ai pas vu les jours défiler, je suis honteuse. Mea culpa)
Le jeune homme sembla avoir du mal à expliquer son pouvoir mais après tout, chaque capacité était particulière et les pouvoirs évoluant, un mutant n'était jamais véritablement au fait de ses capacités maximums. La réponse pouvait sembler prétentieuse, à vrai dire, elle titilla la curiosité de Gabrielle. L'être le plus intelligent du monde, mon dieu à quoi d'autre allait-elle se confronter dans cet institut? Mais le jeune homme ne semblait pas en tirer fierté, il énonçait cela comme il aurait pu lire la liste des courses à effectuer.
« Ma foi c'est impressionnant...Mais j'imagine que cela ne doit pas être évident de n'avoir personne à sa mesure, pas de véritable égal... »
Gabrielle médita cette réflexion. Devoir à chaque fois adapter son discours, ses pensées pour que les gens puissent comprendre, ce devait être épuisant. Puis n'avoir personne avec qui véritablement échanger, discuter, débattre... Un étranger parmi les hommes et même parmi les mutants. Elle jeta un regard légèrement ému sur le jeune homme, décelant en lui des blessures enfouies.
Koji se leva alors et servit à Gabrielle l'étrange mixture. Du genre aventureuse et d'ailleurs d'une nature curieuse, la jeune femme se pencha sur le verre avec un petit sourire et huma doucement le parfum qui s'en dégageait. Une spécialité espagnole? Interessant. Elle aperçut l'expression sur le visage du jeune homme. Nostalgique? Triste? Amère? Elle eut du mal à identifier la nature de ce sentiment. Elle se reconcentra sur sa boisson et souleva délicatement le verre, y faisant tournoyer le liquide.
« Bon allez je tente, advienne que pourra!! »
La boisson avait un goût de lait sucré. C'était bon et rafraichissant. Koji la renseigna d'avantage sur le nom et la composition du liquide.
« Chaque expérience, bonne ou mauvaise, est toujours intéressante. Ma foi, je trouve cela très bon et je pense que je pourrais même l'apprécier d'avantage cet été! »
Gabrielle dégusta encore quelques gorgées, charmée de découvrir de nouveaux goûts.
« Horchata de chufa, je retiens même si à mon avis, on ne trouve pas cela dans tous les magasins. »
Mais le moment n'était plus à la légereté. Le visage du jeune homme redevint grave. Il semblait porter un poids sur ses épaules et hésitait à se lancer. Gabrielle prit une expression affable et attendit, ne cherchant pas à pousser le jeune homme. Il lui parla alors d'un article. Gabrielle ne disposait pas de la mémoire de Koji mais elle avait toujours été passionnée par la question mutante et toutes les questions psychologiques qui lui étaient liées. Au fur et à mesure que Koji parlait, le souvenir revint en sa mémoire. Elle acquiesça alors silencieusement pour montrer au jeune homme qu'elle avait en effet lu ce papier mais sans prendre la parole pour ne pas l'interrompre. Il insinua alors qu'il était le patient dont parlait l'article ou du moins qu'il en présentait les mêmes symptomes. Gabrielle elle aussi se replongea dans ses souvenirs. Les conséquences des pouvoirs mutants pouvaient se montrer désastreuses. Paranoia, squizophrénie, ces cas-là se multipliaient. Koji devint alors plus amer. Il lui cita la conclusion du professeur. Un avenir bien funèbre en effet.
« Vous savez, le professeur Fordiver n'est pas parole d'évangile, il ne dispose pas de la science infuse. A mon avis, il faut toujours relativiser ce que l'on entend. L'homme et sa psyché sont vraiment imprévisibles. »
Gabrielle sentait bien qu'elle cherchait par là-même à rassurer le jeune homme. Son cas était préoccupant. Après la rapide description de son pouvoir et le lien fait avec cet article, Gabrielle comprenait mieux l'arme à double-tranchant que constituait son intelligence. Il tenta alors de lui faire mieux comprendre comment fonctionnait son intelligence. Il ne se considérait pas humain, du moins, pensait Gabrielle, il se sentait hors des critères et de la compréhension humaine. La jeune femme saisit alors une portion du pouvoir du jeune homme, comment il pouvait voir les choses.
« Je crois que je mentirais si je disais que je comprends votre pouvoir. Cela dépasse l'entendement humain et je ne peux même pas envisager de me mettre à votre place. »
Gabrielle avait du mal à s'exprimer elle aussi. Elle souhaitait apporter son aide à Koji mais ne savait pas comment formuler ses pensées.
« Votre intelligence vous place à part de l'humanité, de tout être vivant. Votre capacité change votre vision du monde, de l'univers, du temps. Je pense que cela peut vous conduire à vous isoler et à vous sentir monstrueux. Un sentiment légitime mais je crois que le professeur Fordiver a ignoré un facteur dans l'étude de votre cas: l'environnement. Peut-être différait-il à l'époque, mais aujourd'hui vous disposez d'une sorte de foyer et d'une sorte de famille. Je crois que cela va vous inciter à vous maintenir dans ce monde et aussi à vous percevoir à travers le regard des autres. Si l'être humain est en grande parti prévisible, il reste tout de même un Autre, un inconnu qui résiste, sans doute de façon minime mais tout de même à vos capacités. Vos camarades peuvent toujours vous surprendre, je le crois et cette surprise, ce hasard qui vient immiscer dans l'équation donne du piment à votre vie et vous pousse à vous accrocher. C'est du moins ce que je pense. Je me trompe peut-être mais votre avenir n'est pas aussi funeste. Je pense que chacun dispose d'une force pour influer sur sa vie et son destin. Je pense que vous en avez le pouvoir. »
Tout cela était confus et l'on pourrait lui opposer beaucoup d'arguments mais Gabrielle parlait aussi avec son cœur. Elle restait au fond une grande optimiste. Le jeune homme était resté silencieux. Il lui avait fait un grand honneur en lui confiant ainsi une de ses peurs car la jeune femme n'était après tout qu'une inconnue. Il semblait s'être débarrassé de son masque, de l'apparence qu'il affectait en public.
Il évoqua alors sa deuxième question qui, d'une certaine façon, était lié à son problème. L'institut représentait son attache au monde mais aussi à la santé de son esprit. Gabrielle l'écouta religieusement. Avoir un avis de l'intérieur était plus que précieux. Cela conforta ses idées. Les jeunes de l'Institut avait tendance à ne se définir que par leur mutation qui pouvait leur poser tant de problèmes mais ils restaient des humains et encore plus des adolescents. Leur rappeler pourrait s'avérer utile dans la définition de leur identité. Koji semblait véritablement s'appesantir sur le problème mais à travers ses paroles, Gabrielle sentait qu'il se percevait comme extérieur à ce microcosme. Elle se fixa alors comme objectif de l'engager dans ce groupe car lui aussi faisait partie de ses élèves isolés.
« Bien, mon idée n'est donc pas si mauvaise. Je contacterais les dirigeants de l'Institut pour mettre tout cela en place. Cela me semble un peu violent de commencer de suite par des exercices de groupe alors que les pensionnaires ne me connaissent même pas. » Gabrielle s'étira sur sa chaise et jeta un coup d'œil à la fenêtre. Il faisait si bon à l'intérieur et c'était un plaisir d'observer bien au chaud la neige du jardin. Elle finit son verre, appréciant à nouveau le liquide sucré. Son regard vert se posa à nouveau sur Koji.
« Avez vous beaucoup voyagé? Vous avez parlé de Malte tout à l'heure. Je trouve le fait de voyager merveilleux, rencontrer de nouvelles personnes, des façons de vivre différentes. Ça permet de relativiser beaucoup de choses je trouve.
La jeune femme posa son coude sur la table et appuya son menton dans sa main, l'air nostalgique.
« J'aurais aimé voyager plus. Quand j'ai décidé de partir pour mes études, j'étais effrayé de quitter le monde que j'avais toujours connu. Mais la France est véritablement passionnante et si différente des Etats-Unis. Je suis fascinée par sa culture, son rapport au passé. Cependant, ce pays a parfois l'esprit un peu étriqué, à la manière de certains pays insulaires. »
Gabrielle lui livrait un pan de son passé et certaines de ses pensées.
« Mais les Etats-Unis sont si gigantesques qu'ils en deviennent inhumains. Si disparates aussi avec tous ses états mais c'est ce qui fait son interêt. »
Elle se tourna alors vers Koji.
« Et vous? Quel est votre pays préféré? Je dois avouer que la perspective de découvrir l'Angleterre, Londres et ses environs, s'avère passionnant. »
Gaël Calafel
Type Alpha
Sujet: Re: [RP] Par l'odeur alléchée... Mer 7 Avr 2010 - 19:04
BOM !
Un coup sourd retentit dans la cuisine, provenant de l'extérieur. L'origine en était un pied qui avait malencontreusement heurté la fenêtre de la cuisine, et qui se trouvait à présent suspendu à mi-hauteur. Il descendit doucement avant de se poser sur le rebord, bientôt suivi de son jumeau. Enfin un tronc apparu ainsi qu'un bras qui tâtonna le bord de la fenêtre avant de trouver l'ouverture pour la faire pivoter et l'ouvrir. Le corps glissa vers l'intérieur de la pièce, dévoilant au regard de ses occupants un visage pâle encadré de cheveux de la même couleur que la neige qui recouvrait le sol. Celui-ci détailla soigneusement les deux personnes qui se trouvaient sur son chemin, une lueur de curiosité animant ses pupilles. Son visage s'éclaira à la vision de Koji.
"Salut Koji. Eh bien, je dois dire que je ne m'attendais pas à trouver de la compagnie ici."Il jeta un œil au reste d'omelette, puis sur sa créatrice."Surtout qu'il est un peu tard pour déjeuner. Vous êtes Mademoiselle Blackwood? Les profs ont pas arrêté de nous parler de vous. Ils menacent à tout bout de champ d'envoyer le prochain fautif chez la psy."Il leva soudain les yeux vers un placard entrouvert pour y discerner une boîte de cookies."D'ailleurs il se pourrait que je vous rencontre très bientôt, vu que je suis selon toute probabilité ledit fautif.Il ouvrit le placard et saisit la boîte avant de la poser sur la table, puis laissa son sac à dos tomber à terre."Je reconnais que s'échapper du cours par la fenêtre à l'insu de son professeur n'est sans doute pas conseillé par le règlement. Bah, on verra bien s'il s'en apercevra ou pas."Il prit un cookie pour le manger pensivement.
Après quelques secondes de battement, Koji eut à nouveau le privilège d'être la cible du regard de Gaël. Celui-ci le détailla lentement, peut-être un peu plus longuement que nécessaire. Koji avait magnifié l'art de se faire attirant sans avoir l'air de le faire exprès.
"Tu as l'air... herm... resplendissant aujourd'hui. Plus que d'habitude."
Il soutint le regard de Koji juste assez de temps pour appuyer ces paroles frivoles, puis plongea la main dans l'obscurité de la boîte de cookies. Ils étaient vraiment délicieux.
Koji Ashton
Type Gamma
Sujet: Re: [RP] Par l'odeur alléchée... Jeu 8 Avr 2010 - 19:06
Sans doute Mademoiselle Blackwood allait-elle devoir affronter, en exerçant sa fonction au sein de l'Institut, les réactions parfois peu amènes des jeunes mutants, et de leurs professeurs. C'était que la plupart des personnes qui se réfugiaient dans l'enceinte protectrice du manoir anglais avaient pris l'habitude, depuis plusieurs années, de fuir le regard des autres ; à l'Institut, elles avaient trouvé la paix, et l'accord tacite du silence, du regard détourné. Chacun préservait les secrets des autres : c'était la monnaie d'échange pour ne plus être regardé comme un monstre.
Qu'une psychologue vînt et déduisît des choses sur leur personnalité, qu'elle essayât de les changer, fût-ce pour les aider à se sentir mieux, n'était sans doute pas une situation que les pensionnaires, même les plus âgés d'entre eux, verraient d'un bon œil. Il y avait toutes les chances qu'ils se sentissent menacés, et Koji, sans trop savoir si la jeune femme avait conscience des difficultés qu'elles allaient devoir affronter, lui trouvait du courage.
Pour sa part, il ne s'inquiétait pas trop que Gabrielle pût percer les secrets de sa personnalité, appréhender le fonctionnement intime de son esprit et découvrir les motivations profondes de ses actes. L'eût-elle fait que c'eût été pour lui un soulagement, comme une lueur de proximité dans un monde où les êtres lui paraissaient nager dans une mer d'obscurité, séparés de lui par une distance irréductible. Hélas, il doutait que même la psychologue la plus habile du monde pût jamais le comprendre.
Aussi n'était-ce pas avec de la défiance qu'il avait écouté le petit discours de Gabrielle à son propos, son discours sur ses camarades. Ces choses, il les savait : il les avait comprises, sans avoir trop besoin de s'analyser – lui qui avait pris l'habitude de ne pas trop songer sa propre âme. Ce n'était donc pas que Gabrielle l'aidât à progresser – mais savoir qu'elle pouvait comprendre, au moins un peu, ce qu'était sa situation, et quel genre d'issues de secours il se ménageait pour fuir parfois son propre esprit lui était précieux. Il se sentait un peu moins seul, et il lui semblait que sa façon de vivre était moins absurde.
Alors dans son regard, où la chaleur enveloppante d'une sympathie d'ancien s'était répandue depuis qu'il avait commencé à converser avec la jeune femme, venait de germer des étincelles de malice, et avec un air légèrement amusé, il conclut ce petit détour de la conversation sur son propre cas.
« Eh bien, Mademoiselle Blackwood... Vous me semblez tout à fait à la hauteur de votre tâche. »
Inévitablement, les propos de la jeune femme avaient résonné avec les pensées qu'il nourissait, depuis qu'il avait décidé d'abréger sa promenade dans le quartier des Antiquaires pour revenir à l'Institut, à propos de Gaël – cet autre plein de surprises, qui protégeait son esprit de l'isolement le plus complet, qui l'empêchait de se replier indéfiniment sur lui-même, et qui était comme le souffle de vie, soudaine jeunesse, qui parfois vient animer une civilisation très ancienne, il avait l'impression de l'avoir trouvé.
Alors il fallait lui parler. Il songeait à nouveau à ce qu'il pouvait lui dire. Aux moyens qu'il avait de faire comprendre à son camarade – à son ami – à son voisin quelle était l'importance considérable qu'il avait prise, en quelques jours, à peine quelques semaines, dans sa vie. A bien des égards, ce n'était sans doute pas très compliqué : il y avait des mots et des déclarations tout prêts depuis des centaines et des centaines d'années, pour dire ce genre de choses, des livres écrits et des histoires célèbres. Il avait bien des pages et des pages de romance en mémoire, qui eussent pu l'aider.
Mais ce n'était pas tout à fait cela – pas seulement cela. C'était plus important, et peut-être aussi plus égoïste. Gaël, c'était à la fois la surprise inépuisable, l'être de mystères mouvants, que jamais son esprit ne parvenait à (ni, il était vrai, ne voulait) épuiser, et l'être en lui-même, l'adolescent de dix-sept ans, qui vivait péniblement derrière les connaissances et les réflexions du génie. C'était comme un droit d'asile qui lui était accordé dans le monde – l'assurance de ne pas se dissoudre dans l'éther des concepts.
Cela, comment pouvait-il lui dire ? Il était certain que la première partie de sa déclaration, celle qui était encore la plus simple, la plus compréhensible, était largement suffisante pour effrayer Gaël et le pousser à l'éviter indéfiniment dans les couloirs, jusqu'à ce qu'au bout de quelques semaines ils pussent échanger de vagues salutations gênées, et jamais plus se reparler – ni se regarder – comme avant. Alors de la seconde partie, il désespérait complètement.
Mais c'était, pour l'une comme pour l'autre, de ces désespoirs qui se laissent aussi aisément dissiper que former. Quand il songeait à la manière de son ami le regardait, à l'inflexion que prenait sa voix lorsqu'il lui parlait, il trouvait que l'affaire, pour être compliquée, sans doute, n'était pas pour autant aussi compromise qu'elle le lui avait semblé d'abord – et il songeait à nouveau à la manière dont lui parler. Mais comment expliquer...
Heureusement, la prolixité de Mademoiselle Blackwood ne lui laissait pas le loisir de se perdre entièrement dans ses songes, et quoique son rêveur, en quelques secondes, se fût fait bien plus lointain et rêveur qu'il ne l'avait d'abord été, une partie de son esprit continuait à prêter attention aux propos de la jeune femme – et une partie de l'esprit de Koji, c'était plus qu'il n'en fallait pour soutenir une conversation.
Et cette conversation semblait s'obstiner, de sujet en sujet, à lui présenter Gabrielle Blackwood sous son jour le plus sympathique. Car peu d'êtres étaient aussi sensibles que pouvait l'être Koji à l'atmosphère d'un pays, cet esprit subtile, distillé dans l'air, dans la nourriture, dans la langue, et qui était fait de son histoire et de sa géographie, de ses arts et des aspects le plus anodin de la vie que l'on y menait.
Le jeune métisse ne savait pas trop s'il devait cette sensibilité à ses attaches doubles, en Angleterre et au Japon, ou bien si sa mutation, qui l'avait rendu irrémédiablement observateur, l'avait fait plus apte à saisir les particularités d'une ville ou d'une nation. Toujours était-il qu'il gardait des pays qu'il avait visité à la fois les souvenirs précis qui faisaient sa connaissance encyclopédie, mais aussi une impression vague, sensation indéfinissable de la terre qu'il y avait foulée.
Il songeait à la question de la jeune femme, parcourant dans sa mémoire les pays qu'il avait connus, et laissant surgir, mais avec précaution, les sensations qui avaient été les siennes en les découvrant. Et la nostalgie dissipa peu à peu la bonne humeur tranquille du vieillard qui avait siégé sur ses traits – elle leur rendait leur jeunesse, mais une jeunesse lointaine, semblable à celle des personnages romantiques, ou des fantômes.
« Eh bien, je vous avoue que sans être tout à fait patriotique... Le Japon me manque. C'est un peu stupide, bien sûr, mais parfois j'ai l'impression que mon corps se sentirait mieux, si je pouvais revoir son océan. Les levers de soleil. La floraison des cerisiers. Si je pouvais entendre parler japonais, tout autour de moi. Voir les idéogrammes sur les bâtiments. »
Koji parlait peu de sa pays natal, non qu'il cherchât à dissimuler une origine que ses traits commençaient à révéler et que son prénom finissait toujours de découvrir à ses interlocuteurs. Simplement, il évitait le sujet pour ne pas trop sentir le manque croissant qu'il sentait en lui de ces îles. Il avait de la peine à s'expliquer le lien profond qui l'unissait à cette terre, et ce n'était pas quelque chose de précis qui lui manquait, c'était le Japon.
Mais comme l'une de ses pensées n'allait jamais seul, la raison pour laquelle il était entré dans cette cuisine d'abord revint à son esprit, et un sourire émergea du fond de sa nostalgie.
« Cela dit, il y a des choses qui m'attachent à l'Angleterre aussi. Alors ce n'est pas à regret que je demeure ici. »
Il savait d'ailleurs que, eût-il quitté les Iles britanniques pour rejoindre les Iles japonaises, les premiers lui eussent manquer comme les secondes le faisaient à présent ; c'eût été un manque différent, une autre saveur absente de son palais, mais un manque, néanmoins. C'était sa langue aussi, sa terre et son atmosphère, et il la sentait profondément en lui – une seconde mélodie que jouait naturellement son âme.
Mais ce n'était pas à l'atmosphère qu'il avait songé en répondant à la jeune femme. C'était à l'Institut qui l'avait accueilli, et à la cause mutante, pour laquelle il s'était senti naître un intérêt peu de temps plus tôt, dans le bureau d'Irene Fichte. C'était à Virginie, son amie, à laquelle il sentait qu'il avait quelque chose à apporter. C'était à Gaël. Bien sûr.
Un bruit sourd frappé contre la fenêtre força son regard à se détacher de Gabrielle, pour observer la curieuse descente qui s'opérait de l'autre côté de la vitre. A peine avait-il aperçu ce pied qu'il avait deviné à qui il appartenait : la silhouette du Maltais était gravée dans son esprit (comme toutes les silhouettes qu'il avait vues – avec un peu plus de précision, étrangement), et Koji n'avait pas besoin de plus d'un tiers de seconde pour le reconnaître.
Il voyait sa jambe, il voyait son bras, sa main se refermer sur la poignée – bientôt il verra son visage, ses cheveux blancs comme la neige et les fleurs de cerisier, il verrait ses yeux d'opale, qui chercheraient ses yeux, ses légers, ses infimes sourires, son regard si calme, la tristesse mystérieuse et indéfinissable qui l'éclairait d'une lumière lunaire. Il songeait qu'il allait le voir sans songer à ce qu'il devait lui dire.
Et quand Gaël eût achevé sa mystérieuse entrée, quand il eût commencé à lui parler, quand il eût entendu prononcé son propre prénom (avec un accent pas tout à fait fidèle au nom japonais), d'une voix qu'il eût reconnue aussi aisément que le pied, Koji sentit que son talent de comédien développé depuis quelques années allait être pris de cours – il était prêt à parier qu'il avait rougi – ou bien le chauffage de la pièce avait augmenté.
Le sourire qui s'était emparé sournoisement de son visage pour le trahir l'avait illuminé de la joie solaire qui répondait si bien aux traits de Gaël, et c'était comme si la plus excellente nouvelle du monde lui avait été annoncée – la toute pure évangile. Comme si rien n'était plus agréable que d'être assis dans la cuisine du manoir de l'Institut, en ce jour d'hiver.
Et cette fois-ci, il lui fallut plus d'une seconde pour reprendre le contrôle de son corps, singulièrement moins réactif que son esprit (qui en ce moment précis ne l'était plus autant qu'à l'ordinaire), et pour maîtriser un peu son sourire, avec autant de succès qu'un verre d'eau jeté sur un grand incendie, pour détourner le regard et observer évasivement son verre à nouveau vide, en le faisant tourner entre ses doigts nerveux.
Cette mince maîtrise ne fut pas suffisante pour l'empêcher de rire, un peu, de son rire presque enfantin, en imaginant Gaël qui s'enfuyait par la fenêtre, au milieu de son cours. C'était une surprise, une des résurrections minuscules pour lesquelles il savait pouvoir lui faire confiance.
Mais déjà une nouvelle surprise était en préparation – il sentait le regard sur son corps – il devait bien avouer que depuis quelques années déjà son corps était sensible au regard que l'on posait sur lui. Petit pêché de superficialité. Et décemment, son regard ne pouvait demeurer baisser alors que celui de Gaël l'attendait – c'eût été trahir la tradition – et les yeux de Koji (un peu contre son gré) s'étaient relevés à mesure que ceux de Gaël le détaillaient, pour enfin les accrocher au terme de leur course, et au début du compliment. Qui bien sûr força Koji à développer un nouveau sourire, plus expressif que le précédent (mais peut-être un peu moins innocent).
« Je savais que tu viendrais ici. »
Il avait failli répondre : « parce que je savais que tu viendrais ici ». Mais il lui restait un soupçon de bon sens et de prudence (ou bien de lâcheté), qui l'empêchait d'avouer complètement son forfait. Son regard suivit le trajet de la main de Gaël vers la boîte de cookies.
« Cela dit, je n'avais pas prévu que tu entres par la fenêtre. Je ne suis qu'un demi-devin, Alfred garde l'avantage pour la prédiction du futur. »
Il devait avoir découvert dans la boîte de cookies ou sur la main de Gaël un signe obscur de la présence de Gabrielle, qu'il semblait avoir totalement oubliée depuis que le jeune Maltais avait fait irruption dans la pièce, car son regard rejoignit à nouveau la jeune femme, sans parvenir à dissimuler une légère gêné. C'était que Koji craignait un peu les conclusions que la psychologue parviendrait à tirer de sa distraction.
« Mademoiselle Blackwood, votre réputation vous précède. Je vous présente Gaël Calafel. Qui, comme vous pouvez le constater, n'est pas plus au fait des règlements de l'Institut que moi. Vous jouez décidément de malchance. »
Peut-être qu'avec cette sublime plaisanterie, il arriverait à détourner l'attention de la jeune femme. Peut-être. Et peut-être qu'un poulet géant allait entrer dans la cuisine pour donner un spectacle de claquettes. Peut-être.
Peut-être que Gabrielle avait tappé juste avec ses propos ou peut-être que non, Koji à sa manière était une véritable tour imprenable. Mais la jeune femme prit comme un encouragement les paroles qu'il lui lança. Si elle avait pu lui être d'une quelconque utilité, sa journée n'était pas perdue. Le jeune homme parlait peu mais la question sur les voyages sembla éveiller en lui une émotion, à la fois plus jeune et plus triste.
« Le japon? Oh ce doit être magnifique. C'est une île si particulière, comme toutes les îles d'ailleurs. Elles se développent toujours à part. Mais je pense que mon point de vue doit être empli de lieux communs et d'images préconçues, de cerisiers en fleurs et de beaux kimonos. »
La jeune femme sourit de sa propre naïveté mais lucide tout de même face à son inexperience. Finalement, il semblait presque les rôles étaient inversés...
« En effet, acquiesça Gabrielle, je crois que l'on est jamais satisfait de ce que l'on a mais le désir est un moteur de vie. Allez voir ailleurs si l'herbe est plus verte permet de se dépasser. Et puis chaque expérience correspond à une partie de notre vie, à des émotions, une odeur, une couleur, un goût particulier. »
Un bruit vint soudain interrompre leur conversation. Gabrielle bondit sur son siège, se tournant vers l'origine du vacarme pour apercevoir un pied bringuebalant par la fenêtre. La situation était plutôt étrange mais trop rapide pour que Gabrielle s'étonne véritablement. Un jeune homme apparut alors complètement et fit son entrée.
« Quelle entrée fracassante! » lança Gabrielle en riant. Il fallait dire qu'il avait ménagé son effet. Gabrielle comprit alors qu'il fallait s'attendre à être en permanence surpris dans cet institut car les pensionnaires étaient de véritables phénomènes de la nature. Le jeune homme aux cheveux de neige leur lança un sourire lumineux. Il semblait déjà connaître le deuxième occupant des lieux tout comme son identité. Cela commençait à devenir gênant, peut-être aurait-elle du bosser sur le trombinoscope des élèves durant le voyage jusqu'en Angleterre. Elle se tança mentalement pour sa première « erreur ». Elle se tourna vers Koji et apperçut une étrange expression sur son visage, si fugitive qu'elle eut l'impression d'avoir rêvé. Une sorte de douceur dans son regard, une lumière sur son visage...Après tout, elle avait bien raison. Tout espoir n'était pas perdu. Elle répondit alors à la boutade du jeune homme.
« Ainsi je suis donc le véritable croque-mitaine de l'Institut? Je vais devoir me montrer à la hauteur de ma réputation! »
Ainsi, elle était attendue. Les gens dans l'ensemble avaient souvent des a priori à propos des psy et elle se trouvait parfois confrontée à de l'agressivité gratuit comme si les gens avaient peur qu'elle lise dans leur âme. Elle se rappela alors des temps plus anciens où certains peuples avait eu peur de la photographie, comme si l'objectif pouvait dépasser l'apparence de leur corps.
« Quant au déjeuner, je crois que je vais blâmer le décalage dû au voyage et non ma gourmandise naturelle. »
Elle n'était d'ailleurs pas la seule gourmande puisque le jeune homme se dirigea vers le placard, chassant un paquet de gâteaux.
« Et bien, vous avez pris un raccourci puisque cette rencontre a déjà lieu. »
La cuisine n'était pas véritablement approprié pour un entretien, mais elle n'avait pas non plus eu le temps de s'installer dans son bureau. Il confia alors avec candeur qu'il venait de s'échapper de son cours.
« Je crois que si votre professeur s'aperçoit de votre absence, il sera peut-être honteux de ne pas s'en être rendu compte avant. Mais le cours était-il si ennuyeux que cela pour que vous en veniez à de telles extrémités? »
Les deux jeunes garçons discutèrent. Gabrielle sentit une certaine gène dans leur propos qui semblait sous-jacente mais les adolescents avaient souvent dans leur propos et leur comportement un certain aspect pataud. Koji avait ainsi prévu l'arrivée de Gaël et la jeune femme se demanda si c'était cela qui l'avait poussé à venir dans la cuisine. En tout cas, en terme de surprise, Gaël semblait parfait pour égayer la vie de son camarade par son imprévisibilité naturelle. Difficile de prévoir ce qu'il allait faire quand le jeune homme ne le savait même pas lui-même juste quelques secondes avant de l'accomplir. Koji se chargea alors de faire les présentations.
« Enchanté de faire votre connaissance Monsieur Calafel. Vos entrées sont-elles toujours aussi théâtrales? Je crois que je vais avoir du mal à m'y habituer. »
Avec humour, Koji lui rappela des propos précédents.
« Et effet, je crois qu'une véritable piqure de rappel s'impose mais comme je ne le connais pas moi-même encore pour l'instant... »
Elle lança un clin d'œil aux jeunes gens. C'était son premier jour et elle ne comptait pas jouer au père Fouettard, cependant, elle ne devait pas non plus encourager de tels comportements. Elle les rassura donc sur ce point.
« Ne vous inquiétez pas, d'ici demain matin, je devrais être au point. »conclua t'elle avec humour.
Elle observa les deux jeunes gens, leur souriant doucement.
« Si ce n'est pas trop indiscret, depuis combien de temps êtes-vous à l'Institut? Est-ce votre décision, quelque chose de muri, de volontairement décidé ou est-ce les circonstances de la vie qui vous ont conduit ici? » La question pouvait être difficile, Gabrielle le savait. Certains avaient été pourchassés, leur vie mise en danger s'ils ne fuyaient pas. Mais d'autres avaient rejoint l'Institut parce que leurs idéologies se rejoignaient.
Gaël Calafel
Type Alpha
Sujet: Re: [RP] Par l'odeur alléchée... Dim 25 Avr 2010 - 9:19
Gaël finit les gâteaux qu'il lui restait en main avant de répondre.
"Oh mes entrées ne sont pas les plus surprenantes. Il y en a qui traversent les murs ici. Pour le règlement... disons que contrairement à de nombreux élèves ici (pour ne pas dire tous, ou presque), je l'ai lu. En revanche ma mémoire est loiiiiiiin d'être infaillible. Mais attendez un peu..." Il prit son sac et fouilla dedans, pour finalement en extraire un petit paquet de feuilles agraffées. "Le voilà. Je peux vous le prêter, mais n'oubliez pas de me le rendre, j'y tiens beaucoup. Par contre l'encre a été... euh... incitée à partir sur certaines pages, donc il n'est pas vraiment complet." Le paquet atterrit sur la table de la cuisine. "Et si vous voulez vraiment le savoir, oui, le cours était ennuyant. Vous n'imaginez quand même pas que je sortirai ainsi sans une bonne raison ?" Maintenant Gaël avait soif. Il dédaigna la boisson espagnole pour se servir un grand verre d'eau fraîche, qu'il but à longues gorgées. Il commençait à mieux cerner le caractère de Mademoiselle Blackwood. Le genre de personne... soyons précis, le genre d'« adulte » qui n'allait pas se mêler aux personnes d'âge inférieur. Elle établissait de manière tout à fait volontaire une distance entre elle et eux. Gaël avait donc failli la classer dans la catégorie « Profs et assimilés ». Cependant elle s'était contentée de lui donner un avertissement lorsqu'il avait, en partie pour tester sa réaction, et en partie, il lui fallait bien l'avouer à sa conscience, pour se donner un genre, confessé d'où il s'était échappé. Un peu d'originalité ? Un peu moins de retenue qu'il ne l'avait pensé tout d'abord ? Voilà qui était intéressant !
Mais sans conteste le plus surprenant, elle semblait les mettre Koji et lui sur un pied d'égalité. Elle s'adressait à eux sur le même ton, un peu maternel, celui qu'on utilise lorsqu'on surpasse l'interlocuteur en âge. Et ça, il ne savait qu'en penser. Avait-elle fait une analyse fine sa personnalité pour en déduire qu'il avait beau être le plus intelligent, la maturité restait quelque chose qu'il n'avait pas encore acquis ? Koji avait-il dissimulé ses capacités ? Ou bien n'en avait-elle simplement pas tenu compte ? Si cette dernière hypothèse était juste, la suite allait sûrement se révéler cocasse...
Gaël reposa son verre et s'essuya la commissure des lèvres du revers de la manche et prit un air un peu pensif pendant approximativement deux secondes. "Je dirai que les circonstances de la vie m'ont conduit à volontairement décider de venir ici. Mais dire que c'est quelque chose de muri... je n'irai pas jusque là. Ceci dit je ne regrette rien, je me plais beaucoup ici. On y fait beaucoup de rencontres intéressantes..." acheva-t-il avec un clin d'oeil destiné à Koji. Il s'adossa contre le mur et reprit "Et je suis là depuis moins d'un mois. Si je peux vous retourner la question, qu'est-ce qui vous a motivé à vous installer ici ? En tout cas ça risque de ne pas être facile pour vous. Je suppose que vous devez savoir à quel points les gens n'aiment pas les indiscrets qui viennent mettre le nez dans leurs affaires sans y être invités... et la proportion de ceux qui refusent catégoriquement d'évoquer la moindre miette de vécu avant leur arrivée ici est étonnamment élevée." Mais peut-être qu'un psychologue était justement ce qui leur manquait. Gaël jaugea Gabrielle du regard. Il fallait espérer qu'elle ait les épaules assez large pour supporter une partie des tourments qui assaillaient les pensionnaires de l'Institut. Lui-même avait vite compris qu'il pouvait s'estimer chanceux. Les revers qu'il avait subi étaient minimes par rapport à d'autres. Après tout, lui n'avait tué personne à cause d'une perte de contrôle. Il n'avait pas non plus été rejeté par sa famille. Bien sûr, tous les élèves n'étaient pas des fantômes traumatisés, loin de là. Mais il y en avait. Peut-être trop pour que la psychologue en ressorte indemne, même en comptant ceux qui tairaient à jamais ce qu'ils avaient sur le cœur. Heureusement, l'Institut avait justement pour but de les aider. Gaël avait donc parfaitement le droit d'être optimiste. "Et à part ça, vous comptez faire une petite annonce, un discours ou quelque chose du genre pour signaler que vous êtes là maintenant et qu'on peut venir vous voir ? Parce que si vous optez pour le discours, il y a certains élèves qui... euh... qui sont turbulents. Et les élèves étant ce qu'ils sont (des mutants), ceux qui se montrent turbulents sont parfois difficiles à... euh..." Il fit un geste vague. "Enfin, à arrêter. Donc si je puis me permettre une modeste suggestion, faites-vous accompagner du Cer... de Miss Lemington. Elle exerce une sorte de... hem... de pouvoir dissuasif, disons. Elle n'aime pas le chahut." Et les chahuteurs ne l'aiment pas, mais ça c'est une autre histoire. Il espérait vraiment que Gabrielle opte pour l'option discours... un grand moment comique en perspective, surtout avec Miss Lemington ! Car il avait en toute conscience de cause omis de préciser que les élèves n'étaient pas les seuls à avoir subi des traumas au sein de l'Institut... et Miss Lemington avait une jolie réputation en la matière. Par exemple, tout le monde se souvenait encore de cette histoire de vitres brisées mystérieusement. Et aucun élève n'avait été puni. Par ailleurs, l'épicentre du phénomène se trouvait être une certaine chambre... (enfin ça, c'était ce que disait la rumeur, Gaël n'était pas allé vérifié) Mais cela Gabrielle s'en rendrait compte bien assez tôt, inutile de la décourager maintenant.
Koji Ashton
Type Gamma
Sujet: Re: [RP] Par l'odeur alléchée... Dim 25 Avr 2010 - 15:24
De toutes les qualités, et elles étaient incroyablement nombreuses, que Koji trouvait à Gaël, la plus importante était sans doute la propension délicieuse que son camarade avait à le surprendre, à se présenter à lui de façon toujours un peu mystérieuse, ajoutant jour après jour une nouvelle facette à sa personnalité, au point que Koji éprouvait des difficultés à les maintenir dans une image cohérente, de sorte qu'il passait beaucoup de temps à réfléchir au comportement de Gaël – à penser à lui.
Mais, hélas, cette propension n'était pas sans quelques dangers. D'abord, Koji avait un peu peur. Peur qu'une nouvelle surprise détruisît ce qu'il avait compris de Gaël et le jetât loin de lui – peur qu'une soudaine saute d'humeur de son camarade détournât pour toujours les regards qu'il avait pourtant l'habitude de poser sur lui. Et puis, parfois, Gaël le surprenait, mais la surprise n'était pas des plus agréables.
Et tel était le cas, pour une fois. Il semblait à Koji que les réponses que Gaël donnaient aux questions de la psychologue, la façon dont il la jaugeait, les expressions qu'il employait, parfois son ton, même, laissaient une impression d'hostilité et d'agressivité assez déplaisantes – d'autant plus déplaisantes que le jeune homme avait été très éloigné de croire que Gaël pût en faire montrer, ou en tout cas, certainement pas devant une personne aussi cordiale que l'était Mademoiselle Blackwood.
Les plaisanteries et les facéties de son camarade, le piège qu'il tendait sournoisement à Gabrielle en l'invitant à chercher la protection de Mademoiselle Lemington, ne parvenaient à ne lui arracher qu'un sourire un peu triste et déstabilisé, et, de temps à autre, il avait même levé sur lui, fugacement, des regards réprobateurs, avant de détourner les yeux avec précipitation – c'était que tout contrarié qu'il fût par la démonstration rebelle de Gaël à Gabrielle, il voulait éviter à tout prix que son ami le considérât comme quelqu'un d'ennuyeux – de sévère – de strict.
Toujours était-il que Koji se sentait un peu mal à l'aise – et c'était bien la première fois que celui lui arrivait en présence du Maltais. Il songeait à ce qu'il avait voulu lui dire, au début, en l'attendant dans cette cuisine où il avait rencontré Mademoiselle Blackwood, et il trouvait désormais que ce n'était sans doute pas le genre de choses que Gaël aimerait s'entendre dire – du moins pas par un garçon – pas par un garçon comme lui – et alors, Koji se jugeait ridicule.
Les yeux baissés piteusement sur son verre, qu'il faisait tourner entre ses doigts, Koji donnait tous les signes de vouloir se faire oublier dans la conversation, ce qui avait toujours l'effet exactement inverse d'attirer l'attention des autres, si bien que pour parer à ce danger, le jeune homme attrapa le verre vide de Gabrielle, et partit à l'autre bout de la cuisine, le ranger, avec le sien, dans l'immense lave-vaisselle de l'Institut.
Mais comme rester à côté du lave-vaisselle à en regarder évasivement les boutons n'allait pas tarder à devenir une attitude très suspecte, Koji revint s'asseoir sur son tabouret, au bord du plan de travail, et maintenant que Gaël avait fini de parler, et de donner des conseils plus ou moins avisés à la jeune femme, il sentait que son comportement allait rendre le silence qui s'installait assez désagréable.
D'autant plus que Gabrielle n'avait pas posé la question qu'à Gaël, et Koji était prêt à parier que la jeune femme n'était pas du genre à oublier que pour sa part, il n'avait pas encore répondu et donné les raisons pour lesquelles il était venu à l'Institut. Et ce fut alors que l'horreur de la situation se présenta toute entière sous les yeux de Koji – et sans doute était-ce heureux qu'il eût rangé son verre, sans quoi il l'eût explosé en le serrant dans sa main.
C'était que, d'un côté, il n'avait absolument aucune envie de parler de ses petites histoires à Gabrielle. Ou bien, s'il ne trouvait pas trop désagréable de révéler à la jeune femme le chagrin d'amour et la déception professionnelle qui l'avaient conduit à rejoindre l'Institut, il lui semblait extrêmement difficile de mettre Gaël au courant de ses préférences. Il était entré courageux et résolu dans la cuisine, mais maintenant que son ami était là, il se trouvait téméraire et stupide d'avoir songé à tenter quoi que ce fût.
Sans doute pouvait-il mentir. Et il le faisait particulièrement bien. Il mentait même assez bien pour faire croire la plupart du temps qu'il mentait très mal, et mentir mieux quand c'était vraiment nécessaire. Mais, d'un autre côté, il songeait qu'après le petit discours de Gaël, Gabrielle devait avoir besoin que l'on donnât une marque de confiance, pour se rassurer. Et comme il l'avait trouvée très compétente, il avait envie de lui donner cette marque.
« Pour ma part... »
Manifestement, une partie de son esprit avait déjà pris la décision, mais l'autre s'accrochait désespérément aux murs pour retenir les mots qui voulaient sortir de sa bouche, de sorte que Koji paraissait soudainement bien hésitant, et bien timide, pianotant nerveusement du bout des doigts sur le rebord du plan de travail, évitant soigneusement les regards tant de Gaël que de Mademoiselle Blackwood.
« Eh bien, euh... C'est vraiment pas intéressant, en fait... »
La partie récalcitrante de son esprit se félicitait d'avoir si habilement botté en touche, mais la partie la plus volontaire trouvait la parade grossière ; elle trouvait encore qu'il était important de faire confiance à Gabrielle, de la mettre à l'aise, et qu'il n'y avait rien dont il dût rougir, ou se montrer timide, et enfin qu'il fallait bien qu'un jour Gaël apprît ce détail de sa vie. C'était d'excellentes raisons auxquelles Koji n'avait absolument aucune envie de céder.
« En fait, si je suis à l'Institut, c'est parce que... »
Il releva instinctivement les yeux, posant un regard interrogateur sur Gabrielle, puis un regard parfaitement paniqué sur Gaël, avant de le détourner, mû par cette espèce de fascination morbide qui pousse la proie à regarder son prédateur avant de se jeter dans sa gueule.
« Je voulais un poste dans une université, je le méritais, j'étais de loin le plus compétent, mais l'administration m'a refusé, à cause de ma mutation. »
C'était une excellente explication à sa présence dans ces lieux : déçu par l'iniquité du système, il avait voulu chercher un refuge dans un endroit où personne ne le jugerait plus pour sa mutation. Koji avait très envie d'arrêter là son explication, et d'enchaîner sur un tout autre sujet, par exemple le discours que Gabrielle devrait faire ou non devant l'Institut, ou bien la meilleure manière de rendre un géranium resplendissant, n'importe quoi qui pût lui éviter d'avoir à expliquer la vraie raison qui l'avait poussé à se réfugier ici.
Finalement, il n'était pas loin de penser que, quelque violente que fût la manière de le dire, l'avis que Gaël avait émis sur l'ampleur de la tâche qui attendait Gabrielle à l'Institut était loin d'être inexact. Après tout, ce qu'il avait à dire n'était pas très extraordinaire, ni très traumatisant, mais l'idée qu'une porte s'en ouvrirait sur sa vie intérieure lui était déplaisante.
Ce n'était pourtant pas la perspective que Gabrielle sût de quel côté le portait plutôt ses goûts qui le dérangeait, mais celle que Gaël le découvrît en même temps. Il supposait que son ami ne le soupçonnait, et partant, il était loin d'être certain que son ami, il le demeurerait, une fois qui le saurait. Il avait songé à toutes ces difficultés avant de venir dans la cuisine, mais tout cela avait été lointain, assez lointain pour que son imagination nourrît l'espoir que Gaël se montrerait extraordinairement bien disposé à ce qu'il avait à lui dire.
Désormais, Koji se sentait aussi stupide qu'une jeune fille qui rêvasse dans sa chambre en griffonant sur son cahier d'histoire-géographie le nom du bellâtre de la classe (à ceci près qu'il ne trouvait pas que Gaël fût un simple bellâtre, c'eût été blasphémé !), il trouvait ses espoirs puérils et mal fondés, son attitude grotesque, ses décisions légères et frivoles...
« Et puis, il y a une autre raison. »
Ceci dit, il avait beau se maudire intérieurement, et se promettre de se montrer plus raisonnable, une complaisance maladive à se confier s'était emparé de lui, et il songeait qu'une fois qu'il l'aurait dit, ce ne serait plus à dire, un secret en moins, un poids ôté de son âme, et quitte à être une midinette désespérée, autant l'être pour de bonnes raisons, plutôt que pour de simples suppositions.
Koji ramena une jambe sous lui, pour se soulever un peu sur son tabouret, œuvrant avec une souplesse qui laissait soupçonner que son sens de l'équilibre était moins aléatoire qu'il ne voulait bien le laisser paraître. Il regardait ses mains, très concentré, en cherchant la manière dont formuler les choses.
« Avant que je vienne ici, la personne... »
Dans un dernier sursaut de lâcheté (ou de bon sens !), il avait songé à détourner l'attention en utilisant des formules vagues, qui eussent laissé planer le doute, mais avec un soupir, il décida de se comporter à peu près en adulte.
« Je veux dire, le garçon avec qui j'étais depuis quelque temps m'a plaqué. Enfin, disons qu'il couchait à droite à gauche, donc je suppose que ça voulait dire qu'il ne voulait plus de moi. Du coup, ça et l'université, j'étais désespéré. Je n'avais envie de voir personne. Je voulais quelque part où vivre à peu près comme un ermite. Je veux dire, loin du monde que je fréquentais d'habitude, où je n'aurais pas manquer de le recroiser. Enfin, bref, l'Institut, ça ne m'a pas semblé un mauvais choix, du coup je suis venu ici, et je me suis plus ou moins cloîtré, pour déprimer dans mon coin, jusqu'à ce que... »
Pendant une seconde, il releva les yeux vers Gaël, pour le regarder, suspendant sa phrase, ou plutôt la finissant dans un regard, avant de les détourner à nouveau. Peut-être n'avait-il pas assez de courage par la finir, ou peut-être trouvait-il préférable que Gaël seul entendît la fin véritable, et non Gabrielle. Il haussa les épaules, et conclut évasivement.
« Jusqu'à il y a pas très longtemps. Voilà voilà. Bon et euh, pour le discours, je pense qu'il serait préférable de passer dans les classes, pour dire que vous êtes là. Enfin, je ne sais pas, vous faites comme vous voulez. C'est vrai que ce n'est pas facile. Peut-être devriez-vous demander aux professeurs, qui connaissent mieux les élèves que nous, après tout. Ils seront sans doute d'un meilleur avis, hm, oui, bien sûr. »
Il avait dit tout cela d'une traite, quasi sans reprendre son souffle, très angoissé à l'idée du silence qui allait suivre sa petite révélation. Il voulait parler, parler d'autre chose, parler pour ne rien dire, pour meubler le silence, pour détourner la conversation, grossièrement s'il le fallait, et ne pas trop songer au regard que Gaël allait poser sur lui.
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