(Le British-Conférence sur l'évolution)

En quelques pas, Samarah avait laissé la foule et les confréristes derrière elle. Et malgré son inquiétude croissante, elle se félicita d’avoir été capable de se contrôler. Plus ou moins. Alors que les invités en étaient sûrement encore en train de se demander pourquoi ils se retrouvaient plongés dans le noir, la mutante elle posa les pieds sur les marches du British à l’extérieur. Elle les dévala d’un pas décidé. Ne s’arrêtant qu’une fois les grilles du musée franchies. Elle se retourna et inspira un grand coup. Pour tenter de se calmer. Un peu.

Deklan l’avait suivie à son grand soulagement car il était le seul à pouvoir l’aider. Elle avait entendu sa question et décida de le rassurer.

"Je pense qu’ils ne risquent rien. Je suis partie et Kenjiss est toujours vivant. Maria n’a donc plus aucune raison de s’en prendre à eux"

Puis se rendant compte que son ami risquait de ne pas tout comprendre, elle lui résuma la situation. Elle avait bien senti dans son comportement lorsqu’ils se trouvaient à l’intérieur qu’il s’était interrogé sur les réactions de son amie. Mais elle n’avait pas eu le temps de lui raconter tous les détails. Mine de rien, tenir une conversation à vive voix en même temps que deux échanges télépathiques demandaient une certaine concentration.

"Je suis contente que tu aies compris mon appel, enchaîna alors Samarah, reconnaissante. Kenjiss était présent dans la salle. Masqué, c’est pour cela que tu ne l’a sans doute pas reconnu et que tu as du te demander pourquoi j’étais si tendue. Mais ce n’est pas tout. Il s’est passé quelque chose entre lui et June. Je… Je ne sais pas très bien quoi." finit-elle par avouer rapidement

Son angoisse montait de plus en plus, même si certaines explications étaient nécessaires. Ils perdaient un temps sans doute précieux.

"Il m’a résisté… son esprit est un des plus complexes que j’ai eu à affronter. Mais je crois qu’il lui a fait du mal."

Sa voix se faisait de plus en plus aigue. La mutante était en général solide, elle ne craquait pas souvent. Mais dès qu’on s’en prenait à ses amis… Samarah sentit ses nerfs la lâcher. Petit à petit, la panique l’envahissait.

"Deklan, il faut que tu m’aides ! Je dois savoir où se trouve June. J’ai du grillé tous les appareils à l’intérieur du British. Je n’ai donc plus aucun moyen de m’assurer qu’elle va bien ! Peux-tu te rendre rapidement à l’Institut ?"

Même avec les années, Samarah admirait encore l'esprit de déduction de son ami. Avec les détails qu'elle venait de lui apporter, il identifia sans peine leur ennemi. Samarah confirma d’un simple hochement de tête. La main de Deklan posée sur son épaule la rassura et réussit même à la calmer un peu. Il fallait qu’elle se ressaisisse si elle voulait retrouver June de façon efficace. La preuve qu’elle ne faisait rien de bon quand elle était perturbée, c’est que la cabine téléphonique indiquée par Deklan lui avait complètement échappée. Elle se précipita vers cet espoir tombé du ciel mais il se révéla bien vite vain. De retour près de son ami, elle souffla rageuse :

"En panne, ça aurait été trop beau"

Son ami lui montra alors un passant et sa proposition implicite était très claire… mais malgré l’envie, Samarah se retint. Elle aurait effectivement pu immobiliser cet homme et lui emprunter son portable, mais cela aurait encore été perçu par une attaque mutante sur un pauvre citoyen lambda. Et même si les choses demeuraient relativement calmes en ce moment, il suffisait parfois d’une étincelle pour tout embraser à nouveau. Elle secoua la tête.

"Non, je ne suis pas une voleuse… Et ça pourrait mal tourner…"

Dernière possibilité, la moto de Deklan. Possibilité subrepticement adoptée lorsqu’il lui lança un casque. En temps normal, Samarah n’aimait pas trop ces engins qu’elle jugeait beaucoup trop dangereux. Mais parfois, les circonstances exigeaient des exceptions. Elle enfila son casque et grimpa à l’arrière de la moto, derrière Deklan.

"Mets les gaz ! Si on a des problèmes en route, je m’en chargerai… "

L’homme au téléphone portable passa près d’eux, l’oreille justement accrochée à son téléphone. Samarah se mordit la langue. La tentation était trop grande. Et puis, il s’agissait de June quand même !

* et puis zut ! au diable la bonne conscience !*

D’un simple regard, elle fit trébucher le pauvre homme à terre et retint son portable dans les airs avant de l’appeler près d’elle. Ca n’avait durer que quelques secondes, il n’aurait sans doute pas le temps de comprendre ce qui lui était arrivé. Attrapant le précieux téléphone, elle hurla à Deklan

"Maintenant fonce !"

Et elle s'aggripa au dos de Deklan. Si elle avait une confiance aveugle en son ami, c'était loin d'être le cas en ce qui concernait sa cylindrée, un horrible engin de mort, selon elle !

Samarah avait refusé la proposition de Deklan concernant le téléphone du passant. Si c'était lui, il n'aurait pas hésité. Il fallait bien choisir parmi ses priorités, et 2 minutes de crédit d'un inconnu lui paraissait pus primordial. Surtout vu la situation qui semblait assez préoccupante pour la cerbère.

"On le paiera à la limite s'il veut..."

Cela ne sembla pas vraiment la convaincre, alors il attendit qu'elle finisse de monter sur la photo tout en faisant ronronner la bête mécanique. Deklan était décidé à mettre le mode "speedy gonzales" et un simple "arriba arriba arriba !" déclencherait une détonante accélération.

Malgré son attente d'un signe pour le départ, tel un pilote de course devant le drapeau, il n'oubliait pas la rétiscence de son amie envers les gros engins. Il le sentit dans sa manière de s'accrocher. Assez forte, à en broyer peut être quelques os. Il eut un léger rictus qui montrait plutôt un calme avant une tempête.

Une fois le signal donné, il accéléra légèrement pour prendre la route et une fois qu'ils y furent un mouvement rapide du poignée les amena à une vitesse considérable. Deklan ne portait pas de casque, il n'en jugeait pas nécessité à ce moment là, ou tout du moins, il serait plus nécessaire à Sam qu'à lui en cas de chute. A la limite, il finirait en crèpe sablée sur un mur ou comme air bag pour la demoiselle. Dans ces cas là, la notion de peur de la vitesse devient considérablement moins dramatique.

Malgré la situation, Deklan gardait ce petit sourire, qui lui était caractéristique depuis son enfance. Ce sourire et même ce regard empli d'une certaine folie sans doute, mais qui était caractéristique des situations qui lui paraissait mouvementées, dangeureuses, mais surtout... qui le sortait de la platonie d'une existence trop prisonnière. La leur qu'Il revienne était présente tous les jours, et ces moments d'adrénaline balayait d'un coup, d'un tas toute pensée dirigé vers cette obscurité consumante.

*Plus vite... Plus vite... Plus vite...*

Si Sam avait vu son regard, elle n'aurait peut être pas continué à lui faire confiance. En tout cas, elle devrait bien s'accrocher.

Il n'avait que le point d'arrivée en tête. Mais soudain un obstacle vînt lui barrer la route : la circulation assez dense des voitures. Il ne lui fallut pas une seconde pour directement se diriger sur le trottoir et claxonner pour se frayer un chemin entre les passants. Le nombre de noms de d'oiseau qui fusèrent fut énorme mais l'arpenteur silencieux en bruyante accélération n'en eut cure.

*On va essayer un autre chemin !*, dit-il dans sa tête au cas où Sam était encore attentive à ce qu'il se passait autour d'elle.

Mais dans la série des chats noirs, on pouvait en voir un autre. Celui-ci ayant le poil noir et blanc, des miaulements semblables au cri d'un animal sur lequel on aurait marché sur la queue, les yeux lumineux renvoyant des rayons bleus et rouges, avec pour nom marqué sur son collier... "Police".

"C'est pas le moment !"

Immédiatement Deklan passa en mode fantome. Du sable parcoura la photo pour aller masquer les plaques d'immatriculation et sa tête prit la forme d'un casque de moto à la visière opaque. S'il voulait éviter les problèmes plus tard, ainsi que pour son fils, l'identité des fuyards devait rester inconnu. Et oui, maintenant Sam était devenu une fuyarde... Tel Bonnie & Clyde, les deux mutants s'échappaient à grande vitesse. Deklan essaya de les semer par des techniques différentes mais rien n'y faisait. Ces flics à la bedaine beignetisée avait enfin pris des cours de pilotage visiblement. Comment faire pour les larguer?

Une idée lui vînt à l'esprit, mais un détour devait être pris. Il se souvînt qu'il y avait un chantier dans le coin. Ralentissant légèrement, il passa dans des ruelles, puis arriva dans une grande avenue. Le chantier en vue, un sac de sable s'effondra d'une hauteur de 15 mètres se répendant dans un brouillard beige.

Immédiatement après avoir franchit le brouillard, le sableux prit un virage à 90 degrés pour passer dans une ruelle. Il roula alors moins vite quelques secondes pour calmer les ardeurs de l'engin qui aurait pu signifier sa présence aux oreilles attentives. Deux voitures aux sirènes alarmantes passèrent. Du renfort avait été pris mais heureusement, le plan avait fonctionné.

"Tout va bien?"

Avec tout ça, il ne savait même pas si Sam avait encaissé la poursuite. Il sentait ses commentaires venir à un moment ou à un autre.

"Nous y arrivons dans moins de 5 minutes."

Deklan repartit en trombe directement vers l'Institut, le visage toujours casqué de sable. Il espérait intérieurement que Sam ne garde pas une mauvaise image de l'utilisation des véhicules à deux roues avec un gros moteur, et ose un jour remonter en selle. Il savait que cela pouvait maintenant être de l'imaginaire...

Samarah détestait les motos. Mais vraiment ! Elle les détestait viscéralement ! Avait-on idée d’inventer des engins si dangereux ? Si bruyants ? Si… laids ? Non, évidement. Elle ne comprendrait jamais les férus de ces engins, coulés dans leurs robes noires et métalliques. C’était d’ailleurs un point qu’elle n’abordait jamais avec June, son amie adorant les motos à peu près tout autant qu’elle les détestait !

Et en parlant de June… Samarah s’acharnait à présent sur le portable dérobé pour composer son numéro tout en veillant à ne pas dégringoler de ce satané engin ! Et la cabriole n’était pas aussi aisée qu’on pourrait le croire. D’autant plus lorsque le petit appareil qu’elle tenait entre ses mains ne se montrait pas du tout coopératif ! Sans compter cette moto qui tournait dans tous les sens. Trop préoccupée, Samarah avait laissé le contrôle de la situation à Deklan. Et elle ne l’écoutait plus. Elle n’aurait pas du. Pour contourner la circulation, son ami était monté sur le trottoir, au risque d’écraser les gens.

« Hello ! Vous êtes bien sur mon portable, mais je ne suis pas dispo pour le moment ! Réessayez plus tard ! Bizz à vous, qui que vous soyez ! »

Trois essais, trois appels et trois fois la voix de June qui lui répétait inlassablement la même phrase laissée sur sa messagerie. Samarah jura en balancant le portable au fond de son sac !

"Mais c’est pas vrai, ça ! J’arrive pas à la joindre !"

Si au moins elle lui avait répondu, elle aurait pu faire redescendre son inquiétude d’un cran. Mais là, elle était vraiment sans nouvelle ! Et elle pouvait toujours s’imaginer le pire. Inconsciemment ses doigts se resserrèrent autour de la taille de Deklan, traduisant son angoisse grandissante.

*June qu’est ce que tu as foutu encore ??*

Elle imaginait le pire… Non ! Cela ne pouvait pas être possible… June était toujours vivante ! S’il lui avait vraiment fait du mal, Kenjiss n’aurait pas pu s’empêcher de le lui faire savoir. Par n’importe quel moyen. Le mutant demeurait l’être le plus abject qu’elle connaissait et il y avait de ces petits plaisirs qu’on ne se refusait pas dès qu’on en avait l’occasion. Non, il s’était passé autre chose. Elle en ignorait simplement la nature. Quelque chose qu’il ne voulait pas qu’elle découvre…

Soudain, la moto dérapa sur la route et Samarah eut un haut le cœur. Elle se retourna et aperçut un gyrophare caractéristique. La police. Elle s’en rendit compte lorsqu’elle entendit les sirènes qui les poursuivaient. Ca, quand on jouait à renverser les piétons au lieu de rouler sur la route… comme s’ils n’avaient déjà pas assez d’ennuis ! La jeune femme était déjà prête à s’en occuper mais Deklan fut le plus rapide et emprunta un détour. La suite, elle ne sut pas très bien ce qui lui arrivait… hormis qu’une avalanche de sable lui tomba sur la tête et qu’elle se jura d’étrangler Deklan une fois arrivé à destination. Ah… et faire sauter sa moto aussi. Tant qu’on y était… Ca lui éviterait de se faire tuer, ou pire de tuer son fils dans un malheureux et stupide accident de la route !

"Non ça ne va pas ! June ne répond pas et tu as failli nous tuer avec ton engin ! s’emporta Samarah avant de le regretter immédiatement. Elle se mordit la lèvre et reprit, plus calme. Désolée, je suis à cran. Redémarre, il faut qu’on arrive le plus vite possible. Nous perdons un temps précieux !"

Deklan lui assura qu’ils arriveraient bientôt mais cela lui semblait tellement long ! Elle inspira pour se calmer. Elle devait se fier à son instinct et celui-ci lui soufflait que June ne pouvait pas être morte… Et il ne lui avait jamais menti…

*Fais gaffe quand même avec ta moto, tu sais que je n’aime pas ça… si on a encore des ennuis, je m’en chargerai* le supplia-t-elle une dernière fois mentalement

( Urgence, sauvetage et catastrophe)