[Octobre 2051 ?]

Lee Street, à Cape Vincent, près du ferry en direction de Point Alexandria. Alex est accoudé au bar du Green Stuff, un pub austère mais accueillant. Il discute chiffons avec le gérant, des potins du coin, comme de bon vieux amis qui viennent seulement de se retrouver après des années de séparation. En fait il n’en est rien, car ils ne se connaissent que depuis une demi-heure. Une pression à la main, il est facile de faire connaissance, encore plus quand l’établissement est vide.
Cela dit, le téléporteur a déjà visité la région par le passé, mais il n’en dit rien à son « nouvel ami ».

« Oui, je prends le prochain ferry pour rejoindre Kingston. »
« Le Canada ? C’est pour rejoindre de la famille ? »
« Oui, un cousin, et quelques amis d’enfance. »
« C’est bien ça, la famille, tout ça. C’est important. C’est dans les moments difficiles qu’on s’en rend le mieux compte. »
« Je suis bien d’accord » Ajout-il sans conviction. Un flash voile ses yeux.
« Moi, j’ai un frère aussi au Canada, je prends souvent le Ferry, vu que depuis les réformes il peut même plus me rejoindre grâce à son navire ... »
Un visage anguleux, jeune.
« … Il est pécheur, il possède un crevettier aussi … »
Innocent. Terriblement familier.
« … Vous connaissez ce vieux classique ? Celui où on voit un américain qui court tout le tem… »
*Je suis désolé …* Se dit-il intérieurement.
« … Ben dans le film, il achète un crevetier après avoir fait la guerre du Golf … J’crois bien … »
Il revient à lui, son visage s’illumine de nouveau.
« Pardon ? Un quoi ? »
« Un crevettier, un bateau pour pêcher les crevettes. Toujours est-il que … »

Ils trinquent, échangeant un sourire fugace. Alex ne passera pas par la douane, il n’a aucune chance de ne pas être repéré par les détecteurs. Que se soit de métaux, à cause de son attirail quelque peu étrange à la poitrine, ou encore détecteurs de mutants ultra perfectionnés. C’est comme s’il se donnait à la police, avec sur le front, une pancarte multicolore et luminescente, marquée « Mutant ».
Il ne nagera pas non plus, car il ne peut plus se le permettre depuis son cancer. Non, dans une heure le soleil se mettra tout doucement à se coucher, et il en profitera pour se téléporter sur le pont du navire. Ni vu, ni connu.
Les plans les plus simples sont souvent les meilleurs.

Il s’est assis sur un banc humide et gelé, avec vue sur la terre qu’il vient de quitter. Entre ses jambes, son sac de voyage. Il a juste pris le nécessaire, Micky saura quoi faire pendant son absence ... De nouveau ce flash. Une petite tête brune.
Il n’a jamais quitté son pays natal aussi longtemps. Aussi abrutis que les sénateurs pouvaient l’être, son cœur avait toujours été ancré à Boston. Quelque part au loin, la ville fourmillait surement d’activité. Jadis la plus peuplée de mutants du pays, il n’y en avait plus un seul. Et dire que c’était là bas que leur avenir à tous s’était joué.
Un pincement au cœur, puis une douleur aigue le ramène à la réalité. Bientôt il sera au Canada, à Kingston. Une fois à terre, il pourra souffler un peu, les canadiens sont un peu plus tolérants. De la main gauche, il cherche dans sa poche un étui en plastique et d’une pression, en fait sortir un comprimé blanc qu’il gobe d’un coup. Un antidouleur, en attendant qu’il trouve un endroit plus tranquille.

Le voyage en avion s’est bien passé. Jamais il n’a senti aussi peu de suspicion après lui. Comme si le Canada faisait parti d’une autre planète. Il a montré son passeport, a sonné au détecteur de métaux mais a montré sa carte de « grand malade » -une fausse carte biométrique qui indiquait qu’on lui avait greffé un pacemaker. Ces stimulateurs cardiaques en métal qu’on vous insère dans le corps-.
Et, comme si de rien n’était, Alex Turner quittait le continent américain … Direction, Londres.

~ ~ ~ ~

Trois heures plus tard, le véhicule ralentissait le long de ce qui semblait être un mur d’enceinte. De grosses pierres engoncées dans du mortier sur près de deux mètres de haut. Un frisson parcouru l’échine du mutant.
Le taxi s’arrêta finalement devant ce qui semblait être l’unique entrée de la propriété : un immense portail en fer forgé. De l’autre côté, on apercevait un chemin entouré d’une pelouse dont l’entretien se rapprochait plus de l’obsession maladive que du simple passe-temps du dimanche. Avant de descendre et de prendre son bagage dans le coffre, il régla sa course -avec un petit pourboire- et attendit que le chauffeur disparaisse au coin de la route avant de se tourner vers l’entrée. Sur la droite, sur plaque de fer noire d’une trentaine de centimètres de côté était inscrit « Institut Charles Xavier – Établissement pour jeunes surdoués. »

* Comme au bon vieux temps * Songea-t-il, mélancolique.

D’un pas tranquille, il pénétra dans l’enceinte de la propriété, sac en main, et avançant jusqu’aux marches du perron. Sur les côtés, Alex devinait la majesté du bâtiment, mais l’entrée était de loin bien plus sublime que ce qu’il avait osé imaginer. Une immense porte en chêne à double battants l’empêchait de pénétrer dans le bâtiment. Du coin de l’œil, il aperçut une sonnette aux airs ridicules. Il appuya sur l’interrupteur, et attendit patiemment que le majordome vienne lui ouvrir …

Octobre 2051. Trois mois qu’il avait atteint sa treizième année. Et deux qu’il avait atteint l’Institut. Deux mois qu’il était là, et Artie ne connaissait toujours pas le manoir dans son intégralité. Il était tellement vaste pour un si petit être… qui ne s’en souciait pas vraiment, d’ailleurs.

Artie dévala l’escalier principal, Ulrich à sa suite. C’était l’après-midi. Un après-midi bien caractéristique d’Automne puisque des feuilles mortes passaient en voletant devant les fenêtres, se détachant des arbres proches du parc.
Malgré son léger mal de tête, Artie sauta les trois dernières marches et atterrit avec un claquement retentissant sur le sol. Heureusement, il n’y avait personne de présent à cette heure-ci de la journée : les étudiants étaient en cours ou dans leur chambre, et les adultes avaient bien d’autres occupations que de flâner ici.

Le jeune garçon, accompagné de son meilleur ami, jeta un coup d’œil à droite, puis à gauche avant de se précipiter vers le bureau d’accueil. Ulrich le suivit d’un pas plus calme, mais néanmoins rapide. Cette hâte n’avait rien de vraiment justifié ; juste que, quand un professeur demande à ce qu’on lui rapporte quelque chose, les élèves tentent toujours de faire le plus vite possible, afin de satisfaire leur éducateur.

Artie contourna le bureau et s’arrêta devant le panneau de clés : il n’y en avait pas beaucoup pour un établissement aussi grand. Artie fronça les sourcils, parcourut le tableau du bout des doigts. Derrière lui, Ulrich finit par le rejoindre. Il semblait un peu stupéfait par l’énergie que dégageait le jeune mutant d’habitude si calme, si docile. Pour lui, d’autre part, ce changement de comportement assez brusque – qui n’allait pas durer, il le savait – ne pouvait s’expliquer que par l’humeur. Artie, pour la première fois depuis son arrivée entre ces murs, semblait enthousiaste. Était-ce parce qu’il s’était enfin décidé à penser que son avenir n’allait pas se paver uniquement de problèmes et de malheurs ?

- Alors, J5, J5… marmonna Artie. Ha !

Il saisit la clé en question pendue au panneau et repartit ipso facto vers les marches, Ulrich sur les talons. Le jeune mutant au teint mat l’avait accompagné sous autorisation de l’enseignant, au cas où il arriverait quelque chose de grave à Artie. Sait-on jamais.

Ils avaient franchi la moitié du grand hall qu’un son clair les fit s’arrêter net : la sonnette d’entrée. Quelqu’un, donc. Un visiteur.

Les deux adolescents échangèrent un regard.

- Euh… fit Ulrich.

Ils regardèrent alentour, mais il n’y avait personne d’autre qu’eux pour aller ouvrir. Artie fit un pas en avant.

- Tu ne crois pas qu’on devrait retourner en cours ? s’enquit Ulrich. Alfred s’en chargera.

- Il n’est pas là, remarqua Artie.

- Très juste. En fait, je me demande si…

- … s’il n’avait pas prévu qu’on ouvre.

Un regard échangé. Une lueur d’amusement. Artie tendit la clé à Ulrich :

- Remonte, je m’en occupe.

Ulrich prit l’objet avec un clin d’œil et un sourire de fauve joueur et s’exécuta. Artie, seul dans le hall, s’approcha des deux larges battants en chêne qui formaient l’entrée. Il tira sur la poignée de cuivre noire et froide. Les portes s’écartèrent dans un grincement sinistre, laissant pénétrer un courant d’air dans la majestueuse demeure. Une petite silhouette se découpait sur le ciel tourmenté, drapée dans un long manteau gonflé par la brise, un sac à la main.

Artie déshabilla du regard l’inconnu, de la tête aux pieds. C’était un homme d’une quarantaine d’années, aux cheveux blonds. Ses yeux aux iris électriques croisèrent ceux marron du petit malade. Il parut un peu étonné de voir que celui qui venait l’accueillir n’était pas le majordome, comme il devait s’y attendre, mais un garçon de treize ans qui ne savait pas vraiment quoi faire.

- Euh… risqua Artie, la main sur la porte, bonjour…

Peut-être aurait-il mieux fallu retourner en cours.

- Je peux vous aider ?

Du coin de l’œil, Alex aperçoit un oiseau se poser sur la pelouse. Il a quelque chose dans le bec, surement un ver ou un morceau de pain trouvé on ne sait où. Un deuxième ne tarde pas à le rejoindre et tout deux se battent pour le déjeuner. Des pies. On devait être en milieu d’après-midi et derrière les oiseaux, des feuilles rousses voletaient au rythme de la bise.

Il n’attendit pas longtemps avant que quelqu’un ne lui ouvre. C’était sans nul doute un jeune mutant d’une dizaine d’années, tout au plus. Il n'était pas beaucoup plus petit que l'ex-« X-Forcien » et avait (du moins, c'est ce qu'Alex avait cru voir) des bouts de peaux abimés, notamment sur sa main.
Le téléporteur fut surpris, non pas par sa jeunesse, mais plutôt parce que ce n'était pas un adulte qui l'accueillait. Il s’attendait effectivement à voir un homme âgé et bougon, en costume et queue de pie, préoccupé par on ne sait quel souci de gestion de l’établissement, ou de bêtise d’élèves sournois, et tout droit sorti des préjugés habituels sur les majordomes.

Non, il avait en face de lui le parfait petit élève, à peine assez grand pour attraper la poignée (mais non plus si petit que ça, Alex n’est quand même pas grand non plus) mais on devinait une lueur de curiosité dans ses yeux en amande.

« Bonjour. Je m’appelle Alex. »

Aussi étrange que cela pouvait paraitre, il ne savait pas trop quoi demander. Il était venu ici car les humanoïdes l’avait retrouvé (et accessoirement dévasté sa boutique), cela signifiait donc qu’il n’était plus en sécurité aux États-Unis. Hors, il avait besoin d’un endroit où il puisse s’occuper de … Lui, dira-t-on.

« Sais-tu où je pourrais trouver le majordome, ou un adulte ? »

Le sac sur l’épaule, il devait ressembler à tout ces nouveaux venus qui trouvaient ici un havre de paix ou des réponses à leurs dizaine de questions. Pourtant, ce visiteur là n’était pas perdu. Turner savait tout ce qu’il y a à savoir sur le gène-X. Comment fonctionnent les pouvoirs, d’où ils viennent, comment les maitriser. Bref, Ce n’était pas ces réponses qu’il recherchait.

L’espace d’un instant, le jeune garçon lui fit pensé à lui quand il était jeune. Car il y eut un temps où il accueillait les nouveaux venus à la place du majordome de l’époque. Il avait aimé ça d’ailleurs et avait connu un bon nombre de mutants. Qu’est-ce qu’il avait pu être idiot dans sa jeunesse … C’était à en avoir honte. A grimper sur le lustre, embrasser les nouvelles venues et recevoir des claques monumentales … Bref. Un véritable abruti.

Il avait même accueilli une mutante nue, un jour où il avait énormément neigé. C’était une lycan-truc, une femme-loup en quelque sorte, et quand son état redevenait normal, elle était nue. Il s’en souvenait comme si c’était hier. Elle s’appelait Gabrielle.

Artie jeta un coup d'œil derrière lui, dans le hall toujours vide, puis reporta à nouveau son attention sur le dénommé Alex.

- Il n'y a aucun adulte disponible, répondit-il, et le majordome est occupé...

Le garçon hésita. Alex avait une tête plutôt sympathique... devait-il le laisser entrer tout en prenant la responsabilité de ce qui pouvait arriver ?

« Alfred serait intervenu s'il savait que ce Alex était douteux, se dit-il, ou s'il était étranger à cet endroit. »

Fort de cet argument, il s'écarta et ajouta :

- ... mais vous pouvez entrer, en attendant.

Il emmena l'homme aux cheveux blonds à l'intérieur de la bâtisse. Artie se massa la tempe en grimaçant. Son mal de tête empirait lentement, mais sûrement. Il regarda du coin de l'œil son compagnon. Le sac qu'il portait indiquait qu'il venait sans doute de loin... Artie se frotta le poignet, de la peau s'en détachant.

- Voulez-vous boire quelque chose ? demanda-t-il, la voix bien plus assurée qu'auparavant.

Artie mit un court instant à se remémorer le chemin des cuisines, puis en prit la direction lorsque Alex eut donné son approbation pour un verre. Alors que les secondes s'écoulaient une à une au fur et à mesure que les deux garçons s'éloignaient de la salle de classe d'Artie, l'adolescent commençait à s'inquiéter pour son absence prolongée.

Tant pis. Ulrich se chargerait des explications.

- Heu... très bien, répondit Artie, un peu dérouté par la familiarité du nouveau-venu.

Ils franchirent le couloir désert menant aux cuisines. Le silence devenait de plus en plus pesant. Les problèmes de peau du jeune garçon n'arrangeaient rien : il s'empressa de soulager une démangeaison au niveau du cou, au prix de son épiderme qui s'estropia un peu plus, et toussa, mettant à mal sa légère migraine qui n'était plus si légère.

ils entrèrent dans l'une des cuisines impeccables et Artie se tourna vers Alex, se rendant soudainement compte qu'il ne s'était toujours pas présenté à lui :

- Un thé ? Un soda ? ... Au fait, moi c'est Arthur, mais tout le monde m'appelle Artie.

Il tendit le bras au maximum en se hissant sur la pointe des pieds et ouvrit l'un des placards. Il saisit un verre du bout des doigts, le fit glisser jusqu'au creux de sa main et alla le poser sur la table, faisant signe à Alex de s'installer en attendant sa réponse.

Artie ouvrit la porte du frigo et prit une bouteille de soda, sentant le froid artificiel caresser son avant-bras et sa main. Le dos tourné à Alex, il écouta celui-ci lui demander de prendre congé et de retourner en cours. Mh. Pourquoi donc ce changement si brusque de comportement ? Était-il réellement inquiet pour le garçon ou... était-ce autre chose ? Peut-être voulait-il rester seul pour une quelconque raison...

Ou était-ce Artie qui le dérangeait ?

Un sentiment de malaise s'empara du petit adolescent. Il se frotta la nuque, ce qui était représentatif du trouble chez lui, et revint vers Alex, le plastique frigorifié de la bouteille lui glaçant les doigts.

- Ne vous inquiétez pas pour moi, je n'ai... rien à faire, de toute façon.

Son hésitation avait rendu le mensonge peu convaincant. Il rougit, s'empressa de servir son visiteur et se détourna pour ranger la bouteille. Foutu mal de tête...

- Non, Alfred ne se dédouble pas... il est médium, il sait d'avance ce qui va se passer... enfin, à ce que j'ai compris.

Il ne comprit pas la dernière phrase d'Alex, qui apparemment se voulait drôle. Mais cela ne fit qu'empirer un peu plus son malaise. Un frisson désagréable lui parcourut l'échine et pendant un instant, le silence retomba. Mais Artie n'allait pas le laisser faire une fois de plus, oh non.

- Alors... hem... vous êtes... je veux dire, tu es... un mutant ?

Pourtant la télépathe était bien là. A rôder quelque part entre les murs de l’Institut. Et ce ne fut pas Alfred, ni les caméras de surveillance qui l’avertirent de la présence du téléporteur, mais bien lui-même. Une empreinte soufrée s’oubliait difficilement, même après plus de 20 ans. Samarah fut réellement surprise. Le téléporteur avait disparu en même temps que l’Institut à Boston. Et depuis, elle n’avait plus jamais eu de nouvelles. A regret et comme beaucoup d’autres mutants qu’elle avait connus à cette époque, son ancien coéquipier avait fini par être considéré pour mort. Alors, quand elle sentit sa présence entre les murs de la bâtisse, elle crut d’abord que son pouvoir lui jouait encore des tours – vu son état de fatigue avancé, cela n’aurait rien eu de très étonnant. Elle décida néanmoins de se rendre vers la source de l’émission

*C’est pas cool de laisser un p’tit jeune faire l’accueil ! Hein !*

Lorsqu’elle entendit sa voix résonner dans sa tête, Samarah ne put plus douter. Et au fur et à mesure qu’elle s’approchait de la cuisine, un fin sourire se dessina sur ses lèvres. Apparemment, le mutant avait su conserver son humour

*Ils s’en sortent mieux que moi… J’ai accueilli Artie, demande lui ce qu’il en pense, je suis sûre qu’il s’en souvient encore*

Alex devait forcément se souvenir qu’elle détestait accueillir les gens. Même 20 ans après, cela ne lui réussissait toujours pas et elle effrayait plus souvent qu’elle ne mettait en confiance. La mutante ouvrit doucement la porte de la cuisine et apparut dans l’embrasure. Avait-elle changé en 20 ans ? Sûrement oui. Tout comme le téléporteur lui apparut changé lui aussi. Il avait grandi et vieillit comme elle, mais ce n’était pas quelques centimètres en plus qui laissaient planer autour de vous un sentiment d’avoir déjà vécu trop de choses. Certains évènements vous marquaient à vie. Et ce n’était pas sa maigre silhouette ni son corps fatigué qui démentiraient cela. Pourtant, la mutante souriait toujours donnant ainsi l’impression que son état ne l’inquiétait pas. Une manipulation supplémentaire. Cela faisait quelques jours à peine qu'elle avait ouvert la lettre de son amie...

Aujourd’hui, les rôles semblaient avoir été inversés. Après son entrée plutôt fracassante à l’époque, à l’Institut de Boston, la mutante n’avait pas oublié que le premier visage qu’elle avait aperçut là-bas était celui du téléporteur.

"C’est pas cool non plus de ne pas laisser la moindre nouvelle en 20 ans. Je t’ai cru mort, Alex…"

Elle observa le mutant des pieds à la tête avec sa nonchalance habituelle avant de jeter un regard entendu vers Artie. Il n'avait rien à craindre.

"Alors… qu’est ce qui t’amène enfin par ici ? Je suppose qu’après avoir attendu si longtemps, tu dois avoir une bonne raison ?"

Artie sursauta en entendant une voix vaguement familière atteindre ses oreilles, une voix qu'il n'avait entendu qu'une seule fois il y a de cela plusieurs mois. Il se retourna vivement, et son mal de tête protesta contre ce mouvement brusque. C'était bien elle, la propriétaire des lieux. Elle paraissait plus maigre et plus faible que jamais. Artie eut un frisson en apercevant son visage blafard et quasi-anorexique. Elle n'avait que la peau sur les os et pourtant, le garçon trouvait qu'elle en imposait.

- Bonjour, mademoiselle Lemington, dit-il d'une petite voix timide.

*Bon, je crois qu'il est temps de...*

Samarah Lemington s'était adressé au dénommé Alex sur un ton familier en le tutoyant. Plus aucun doute, ils se connaissaient. Et Alex avait dit qu'il était un ancien résident de l'Institut.

La curiosité d'Artie commençait à pointer le bout de son nez,et elle n'était pas prête de s'arrêter de chercher.

*Vingt ans ? se dit-il. Comment est-il possible de disparaître comme ça et réapparaître uniquement vingt ans plus tard, sans une seule nouvelle depuis... ?*

Il fallait qu'il sache. Il le voulait. L'air de rien, il se racla la gorge, se la frotta et alla chercher un verre.

- Voulez-vous boire quelque chose, miss ? demanda-t-il sur un ton angélique.

[Alex fait la même taille qu'avant! Il a pas grandi ^^ Cela dit, tu es excusée ... il est assis ]

*Ils s’en sortent mieux que moi… J’ai accueilli Artie, demande lui ce qu’il en pense, je suis sûre qu’il s’en souvient encore*

*Ça m'étonne pas du tout, tiens*

Son regard se porta instinctivement sur l'encadrement de la porte de la cuisine lorsqu'il l'entendit. Et, à moins d'être amnésique ou miro (orth ? :/), il reconnaissait bien la jeune coéquipière de l'époque : Lemington. Tout comme lui, elle avait beaucoup changé. Elle semblait fatiguée et épuisée, quoique qu'il n'en dit rien, sans le vouloir il se souvint de l'ancienne directrice qui, tout comme Samarah aujourd'hui, avait eu une foule de soucis dans la tête et cela s'était ressenti pendant un temps sur son physique.

Elle lui rappelait Malicia.

Ouais, je sais. Mais c'est une longue histoire.

Une raison, oh, oui, il en avait une bonne! Il avait deux-trois comptes à régler et quelques coups de pied au cul à donner. Mais ça, il ne pouvait pas le faire dans la cuisine. Après tout, c'est un Saint Lieu pour les estomacs affamés.
Tout en finissant son verre, il fixa son regard sur celui de la télépathe. Il savait qu'elle le lirait, et il pensa au TransAtlante, et notamment au moment du discours, lorsque la confrérie graissait la patte de son homologue en compagnie de la nana de l'association de hippies.

J'aimerai bien avoir quelques explications à propos de ça. Mais comme je suis sympa et de bonne humeur aujourd'hui, je vais attendre d'avoir en face de moi ce crétin de Léon ou l'Icewoman.

J'imagine qu'il y en a au moins un dans le trio qui va pouvoir m'expliquer, parce que je l'ai mauvaise celle là.

Mais passons, vous avez pas un mécano, genre Evolo tu vois, qui aurait un atelier dans le coin ? J'ai des petits trucs à bidouiller ... On va dire.

*Mauvaise langue*

Malgré tout, elle l’admettait sans problème, préposée à l’accueil, ce n’était vraiment pas son truc. Alex eut la délicatesse de ne faire aucune réflexion sur son état et la mutante l’en remercia intérieurement. C’était tout autre chose qui avait aujourd’hui ramené le mutant entre les murs de l’Institut. S’il y avait quelque chose qu’elle avait toujours apprécié chez le téléporteur, c’est qu’il allait droit au but. Et les images qui défilèrent dans son esprit montrèrent immédiatement le ton de la conversation. Samarah aurait du s’en douter, même si elle avait espéré un tout autre motif au retour de l’ex X-forcien. Plusieurs mois après, la catastrophe de la TransAtlante faisait encore parler d’elle. Heureusement, Alex n’avait été interloqué que par la partie officielle de la soirée. Il ignorait tout des révélations et découvertes qui s’étaient –malheureusement pour les concernés- faites en coulisse.

Une vague de contrariété passa sur son visage, néanmoins, elle se tourna vers l’adolescent et tenta de lui sourire lorsqu'elle le salua.

"Je te remercie, mais je n’ai pas soif, Artie. Par contre, il me semble que tes cours vont bientôt reprendre. Tu ferais bien d’y aller"

Manière délicate et courtoise de l’écarter de la conversation. Mais les choses qui allaient être dites entre les adultes ne devaient pas se retrouver dans des jeunes oreilles. Et l’attitude froide de la Cerbère ne souffrait visiblement d’aucune objection.

*Je vois. A toi aussi, cela t’a laissé une impression amère au fond de la gorge…*

Certes, sans doute pas pour les mêmes raisons qu’elle mais cela, Alex l’ignorait fort bien. A nouveau, elle lança un regard insistant vers le jeune garçon et la porte de la cuisine.

"Je crois que nous ferions mieux d’aller dans mon bureau. Nous avons beaucoup de temps à rattraper. Il s’en passe des choses en 20 ans… "

Non pas que Samarah aimait aller s’enfermer dans cette petite pièce qui renfermait majoritairement toute la paperasserie relative à l’Institut qui ne concernait pas directement les inscriptions, laissée à la direction, mais cela aurait au moins le privilège d’éloigner les oreilles curieuses et éviter les interruptions périodiques des gourmands qui faisaient de la cuisine leur terrain de jeu favori.

"Malheureusement, je n’ai jamais recroisé de mutants aussi doués qu’Evolo pour la compréhension de la technologie. Mais tu peux éventuellement aller voir Koji, c’est un de nos élèves. Mutation cérébrale. Il pourra peut-être t’aider… tant que cela ne porte pas préjudice à l’Institut, bien sûr"

Et oui, fidèle à son post. Le Cerbère veillait. Et elle était à présent curieuse de savoir ce que son ancien coéquipier avait bien pu faire ces 20 dernières années...

- Je te remercie, mais je n’ai pas soif, Artie. Par contre, il me semble que tes cours vont bientôt reprendre. Tu ferais bien d’y aller.

Artie croisa le regard de mademoiselle Samarah Lemington et sentit son sang se figer. De toute évidence, son ton ne laissait place à aucune protestation, ce qui serait sans doute très malvenu. Il déglutit et sa main se mit à trembler légèrement. Le jeune garçon rangea précipitamment son verre :

- Vous avez raison, mademoiselle Lemington... je devrais peut-être y aller...

Il fila hors de la pièce sans essayer de paraître précipité, sans adresser un signe d'au revoir à miss Lemington ou Alex. Une fois dans le couloir, il fila vers le hall d'entrée en essayant de mettre le plus de distance possible entre lui et la propriétaire du manoir.

[Je posterais dans le sujet d'arrivée de Eve.]