Maria n’aimait pas cette situation ! C’était aussi frustrant que d’assister à un concert sans bande son ! Il était évident qu’une discussion télépathique passionnée se déroulait entre Lemington et le patron et elle n'y avait pas accès ! Qu'est-ce que ces deux piliers pouvaient bien se raconter ? A en juger par les expressions faciales, la télépathe semblait dominer l'échange. Kenjiss, lui, paraissait troublé, immobile sur ses deux jambes. Etait-il possible que cette harpie ait osé paralyser psychiquement son adversaire pour l’empêcher d’agir ? Que devait faire la russe dans ce cas ?
Elle décida d’attaquer… Avec des mots :
"_ Vous refusez encore mon offre d’échange, soupira-t-elle de déception, comment voulez-vous, avec cet esprit de fermeture, qu’on n’écoute pas vos anciens élèves quand ils s’accordent à vous comparer à une secte ?"

***Верь мне, мне будет легко найти несколько внушающих доверие свидетелей чтобы подкреплять этот тезис перед журналистами***
[HJ: ***Crois-moi, il me sera facile de trouver quelques témoins crédibles pour étayer cette thèse devant les journalistes.*** /HJ]

Ce bouclier psychique improvisé… Fonctionnait-il ? Pas à cent pour cent, ç’aurait été trop beau ! Malgré la barrière de la langue, Lemington semblait capable de pouvoir connaître l’orientation globale de ses pensées… Mais peut-être pas le sens exact, elle s'en assurerait avec les réponses à suivre de la télépathe.
Maria nota dans un coin de sa tête qu’il serait intéressant de parler avec Henri de cette expérience, juste pour voir s’il jugeait possible qu'elle puisse se perfectionner dans ce sens.
" _ Et puis, vous vous exprimez comme si nous étions en guerre les uns contre les autres, Miss Lemington, ajouta-t-elle sur un ton moralisateur, que se passerait-il d’après vous si nous nous rencontrions sur un terrain « non neutre » ? Craignez-vous que nous vous sautions dessus ? Et vous, le feriez-vous ?"

Elle profitait de l'attention divisée de Lemington pour transformer le dialogue en monologue :
" _ Nos « confréristes », comme vous les appelez, poursuivit-elle très rapidement, sont avant tout de jeunes mutants paumés, à la découverte de leur pouvoir, traumatisés par des années de traque et de persécution… Ils pourraient certainement vous raconter des histoires à vous glacer le sang ! Je ne me trompe guère en affirmant que vos propres élèves ressemblent également à ça ? Ne serait-il pas plus intéressant pour eux de voir que leurs expériences douloureuses communes les rapprochent plutôt que les divisent ? Ne seriez-vous pas en train de vous tromper de combat, miss Lemington ?"

Vis à vis de la main nue de Maria, Samarah était sur ses gardes, elle le lui avait bien fait comprendre télépathiquement : elle ne se laisserait pas surprendre.
Mais ce n’était peut-être pas le cas du jeune mutant à ses côtés. Enjoleuse, la confrériste s’approcha à nouveau de Luc :
" _ Et puis regardez-nous, votre protégé et moi, fit-elle en tournant autour du mutant en question, ne sentez-vous pas une idylle inter-école poindre entre lui et moi ? Quelques minutes que nous nous connaissons et, déjà, nous avons un rendez-vous ! Détruiriez-vous dans l’œuf une histoire qui a des chances de devenir merveilleuse ? Auriez-vous une bottine à la place du cœur, miss Lemington ?"

A ces mots, elle se plaça à la gauche de Luc et passa tendrement son bras droit autour des épaules du mutant, sans aucun geste brusque. La main nue de l’amoureuse flottait maintenant à quelques centimètres du visage de l’amoureux. Bloody Mary souriait.
***Оставь спокойный Kenjiss, Lemington, или я не буду сомневаться в том, чтобы пускать кровь твоему ягненку***
[HJ: *** Laisse Kenjiss tranquille, Lemington, ou je n’hésiterai pas à saigner ton agneau.*** /HJ]

C’était certainement une menace dérisoire, mais c’était tout ce que la russe avait trouvé pour l’instant pour venir en aide au patron.

Au bout du couloir, une voix se mit à retentir :
"_ Messieurs-dames ! L’holoprojecteur a été remplacé !! La conférence va pouvoir reprendre !"

Et il y eut un nouveau coup. Son cerveau encaissa. Kenjiss faillit gémir de souffrance. Elle savait y faire la garce... Le tatoué se crispa. Elle tentait de l'acculer encore davantage, de le faire céder, de le réduire à néant mentalement, tout en lui laissant miroiter le faible espoir de s'en sortir indemne.

Malheureusement pour elle, Samarah Lemington n'affrontait pas quelqu'un que des arguments en apparence raisonnables suffisaient à convaincre....

De... La torture Lemington ? Le ton était narquois, vicieux, empreint de la douleur qui continuait à broyer son esprit agité... Tu compte me torturer pour me faire parler ?

Et le rire du tatoué résonna dans le crâne du Cerbère de l'Institut. Un rire atrocement déformé par la compréhension toute relative du mutant des arcanes de la télépathie, tordu par sa souffrance, altéré par sa haine... Bon dieu mais pour qui se prenait elle ? Il en avait déjà tellement prit dans la gueule, qu'il s'agisse de torture humaine, mutante, physique, psychique... Les taules de la CIA valaient celles du cercle oui. Et cela faisait déjà bien longtemps qu'il avait appris à ne plus redouter la souffrance. Dès qu'il était "né" ou qu'il avait prit conscience de n'être plus qu'un rat de laboratoire... Qu'est ce qu'un type qui avait vécu trente ans pareils pouvait craindre encore de la part d'une tortionnaire ? Le visage de June passa à nouveau devant ses yeux, sans qu'il tente d'en apercevoir davantage que le regard effrayé de la jeune humaine. Ne rien révéler. Oui il la protégeait... Et de toute façon, jamais, malgré ce qu'il avait enduré, ce qu'on lui avait fait subir, ce qu'ils lui avaient fait regarder, jamais le tatoué n'avait cédé...

Me faire souffrir ? Mais que peux tu faire pauvre folle ? Tu crois que je révèlerais plus facilement ce que je lui ai fais comme tu dis si bien ? Que peux tu me faire perdre encore ? Qu'est ce qu'il me reste ? Crâme moi les neurones je t'en prie ! En trente ans, tes amis ont eut le temps de me former !

Brusquement, il y eut du mouvement. Bloody saisit un mec par le cou, enlaçant amoureusement le jeune homme en laissant sa main dériver jamais bien loin de la jugulaire du malheureux... Elle l'avait visiblement reconnu et tentait de l'aider... Ou bien se contenait de provoquer Lemington, de la mettre au défi de l'abattre en public...

Les protéger de ma folie ? Comme tu l'as si bien fais avec... June ? C'est cela oui, pars ! Va la retrouver ! Malheureusement, tu n'as pas respecté mes ordres...

Kenjiss posa négligement une main sur la colonne contre laquelle il s'appuyait. En apparence, rien ne changea chez le tatoué pas plus que sur la masse de béton... Car le directeur de la Confrérie avait bien évidement pris la peine de mettre une paire de lentille sur ses yeux, histoire de pouvoir activer son pouvoir sans devenir pour autant un lampadaire... Ses lèvres se retroussèrent sur un demi millimètre, un sourire mauvais apparut.

Alors ? Une colonne qui s'abat, un toit qui tombe, des morts partout, un crime horrible ?

Le débat, si on pouvait appeller comme ça la série de coups bas, avait clairement dérivé. June paraissait moins importer que la victoire d'un des deux clans... Kenjiss tentait en outre de protéger une autre amie qui risquait bien plus de la part de Sam que lui. La névrosée n'était tout de même pas assez folle pour aller jusqu'au bout avec un type tout aussi déterminé qu'elle. Du moins l'espérait il. Dans le cas contraire, ce serait vraiment facheux pour toute cette assemblée... Kenjiss ne savait pas s'il parviendrait à dégager Terry et Maria à temps, mais il s'en moquait bien. Eliminer Samarah valait bien un sacrifice de leur part... Si ils en étaient réduits à cette extrémité.

Encore un ptit coup ? Tente encore de me faire parler ! Je suis sûr que la colonne cèdera à l'instant où tu me feras mal... Et en gros titre demain, Samarah Lemington, seule mutante capable d'un tel désastre, responsable de la mort de six cents personnes... Le directeur de la Confrérie déplore une telle irresponsabilité de la part de sa confrère... Ah et au cas où tu pense m'arracher mon masque, je lâche la colonne aussi. Ce serait une... chute regrettable pour cette histoire non ?

Pas fier de son mauvais jeu de mot, Kenjiss reporta son attention sur sa blonde et peu farouche secrétaire. Ouais fallait aussi compter avec ça... Bloody était volontaire, c'était le moins qu'on pouvait dire... Et malgré son exposition au courroux de Lemington, elle n'en restait pas moins une épingle dans le pied de cette dernière. Il laissa à nouveau la haine déformer ses mots. Cette dingue ne pouvait pas les faire céder !

Que décide tu Lemington ? Un mort ? Six cent morts ? Appelle tes potes, réveille toi ! June ? Ta réputation ? Ton Institut ?! Amuse toi Lemington, tue moi si ça te tente tant ! Décide toi !

Luc sentait bien qu'il y avait une forte tension maintenant. Quelque chose se passait entre cette Miss Lemington et quelqu'un, il suffisait de voir son regard pour le comprendre. Et c'était surement pas quelque chose de bien. Luc essaya de voir qui elle regardait, mais la russe ne lui en laissa pas le temps. Tout en parlant, elle se rapprocha de lui. Un peu trop près à son gout d'ailleurs.

* Qu'est-ce qu'elle nous mijote celle là? J'aime pas sa façon de tourner autour de moi comme ça. *

Surtout qu'il voyait sa main dénudée jouer les mains baladeuses. Quand Luc repensait à ce qu'elle avait fait à son bras, il ne pouvait s'empêcher de se concentrer sur les mouvements lent de la russe. Elle jouait, et lui était prit dans son jeu, qu'il le veuille ou non.

Luc écoutait la conversation, et comprit qu'elle prenait une tournure politiquo-médiatique. La confrérie avait par le passé eu des activités... plutôt brutales. Aujourd'hui ils essayaient de faire oublier cette image de mutants assoiffés de sang et de vengeance. Une guerre médiatique qui les opposaient à l'Institut, qui lui se faisait plutôt discret. Tout le contraire de la confrérie.
Il y avait des enjeux, et Luc lui se retrouvait aujourd'hui prit dans l'engrenage.

Allons bon. Voila qu'elle commençait à s'accrocher à son bras. Il vit avec inquiétude la main dénudée frôler son bras, passant très près de sa manche de chemise. Il espérait que le tissu empêcherai une nouvelle agression. Il ne fit rien pour se dérocher, par peur de déclencher des... représailles sanglantes.

Elle le prenait pour un membre de l'Institut!! Luc comprit cela quant elle parla de... un idylle inter-école?? Et puis quoi encore? Luc n'avait jamais ressentit le besoin de se rendre dans un institut ou quoique ce soit du genre. Il avait accepté facilement qu'il soit un mutant, et ne cherchait pas à en savoir plus. Mais là, il se retrouvait prit entre deux feux, entre les deux camps qu'il n'avait jamais approché. Plutôt... brutal comme mise en matière non?

Elle changea de position. Son bras droit autour de ses épaules. Près de son cou. Luc sentait le souffle de sa main qui frôlait sa peau, jouant avec ses nerfs. Est-ce que ça devenait une menace? Luc n'en savait rien, mais il préféra mettre fin au jeu par lui même. Tant pis si ça se passerait mal. Il saisit doucement le poignet de la russe, évitant soigneusement tout contact avec sa paume ou ses doigts, et passa son bras par dessus sa tête, se dégageant de la prise dangereuse.

" Désolé mais j'aimerai que vous évitiez ceci s'il vous plait. Je n'ai pas pour habitude d'avoir de tel contact avec une personne que je ne connais pas, Mademoiselle. "

Son regard était calme, mais il lui fit comprendre qu'il n'apreçiait vraiment pas ce genre... d'amusement. Il jeta un coup d'oeil à Miss Lemington, avant de penser:

** Désolé mais je pense que votre conseil arrive un peu tard. Juste pour vérifier, c'est bien elle qui m'a blessé tout à l'heure n'est-ce pas... avec sa main... **

Un des responsables de la conférence intervint pour signaler que la conférence allait pouvoir reprendre... enfin un échappatoire. Du moins Luc l'espérait.

De la torture… d’une certaine façon, oui. Cela en était. Même si le tatoué se targuait d’y être aujourd’hui insensible. Samarah se doutait bien évidement que Kenjiss ne serait pas aussi facile à faire craquer que n’importe qui. Elle n’était pas stupide. Même si la torture mentale demeurait une arme redoutable. Sa préférée, sûrement. Elle en mourait d’envie d’ailleurs. Depuis le temps que Kenjiss la provoquait. Hélas pour elle, et tant mieux pour lui, elle avait actuellement d’autres priorités.

*Crois moi ce n’est pas l’envie qui manque ! Mais tu as de la chance, je ne suis pas dans de bonnes conditions pour le faire ! *

A nouveau son regard, noir de colère s’était replongé dans les yeux masqués du mutant et à sa provocation, elle rétorqua, son étau mental emprisonnant toujours aussi férocement l’esprit du mutant :

*La seule chose qu’il te reste encore… la vie ! Et crois moi, si ce n’est pas aujourd’hui, je me rattraperai ! Tu es un véritable danger public ! Alors ne me tente pas davantage !*

Elle devait déjà faire un immense effort sur elle-même pour ne pas céder à cette envie, cette haine qui la dévorait. Une seule pensée… il suffisait d’une seule pensée pour terrasser le mutant. Mais elle ne pouvait pas. Pas ici et pas maintenant. Car il assurait ses arrières avec la vie des innocents qui les entouraient. Samarah ne vit pas ses yeux changer de couleur à cause des lentilles qu’il portait probablement, mais elle connaissait suffisamment le mutant pour savoir qu’il ne plaisantait pas lorsqu’il menaçait de tuer la foule.

*Je n’ai pas d’ordres à recevoir, encore moins venant de toi ! Et tes menaces ne me font pas peur*

Par contre… ses pires craintes se retrouvèrent confirmées lorsqu’il susurra dans son esprit le nom de son amie. Avec tant de délectation que la jeune femme en eut une moue écœurée et le sentiment qu’on lui transperçait le cœur avec un poignard. Elle n’avait plus le temps de fouiller plus profondément l’esprit du mutant. Elle devait agir. S’il avait des réponses, il ne les lui donnerait pas. Elle devrait les trouver elle-même. Néanmoins, elle attaqua une dernière fois. Au moins pour son amour propre.

*Je l’avoue, cette idée m’a effleuré l’esprit mais, cela ne servirait pas à grand-chose. Tu n’as même pas le cran d’assumer tes apparitions publiques ! Des problèmes de conscience peut-être ?*

Elle envisageait déjà de partir lorsqu’elle se rappela que Maria la harcelait toujours avec ses belles paroles. D’ailleurs celles-ci la firent sourire. Ses pensées un peu moins, car elle ne les comprit pas entièrement due à cette fichue barrière linguistique. Il y avait peut-être bien un moyen de passer au dessus, mais cela prendrait trop de temps. Et elle n’en avait pas. Il faudrait qu'elle essaie un jour. Reprenant un ton qu’elle espérait le plus courtois possible mais néanmoins direct, elle répondit :

"Là, je crainds que vous vous égariez, ma chère. Je ne vois pas nos anciens discréditer ainsi leur refuge. Il vous faudrait trouver des petits pantins pour cela. Les convaincre de débiter de telles âneries et enfin, essayer de le faire croire à la presse."

Certes, elle se doutait que Maria était parfaitement capable d’élaborer un plan pareil. La preuve ? C’est qu’elle le pensait à l’instant. Même si l’idée demeurait floue pour la mutante, elle avait sans doute légèrement incité sa réponse quand elle crut déceler dans l’esprit de la Russe des aperçus de gros titres. Ou alors, son esprit était aussi diabolique que celui de Maria. A voir.

"De plus, je peux vous retourner l’argument. Je ne suis pas fermée à des propositions tant qu’elles restent raisonnables. Or ici, ce n’est pas le cas."

Introduisez un cheval dans votre domaine et celui-ci ouvre les portes à son armée. Pas question de prendre ce risque inconsidéré.

"Et vous ? Nous ne répliquons que lorsque nous sommes attaqués, nous."

Et elle insista très fortement sur ce point. Lorsqu’elle parla de leurs pensionnaires respectifs, Maria marqua un point. Elle devait le lui reconnaître.

"J’admets en effet, que cela doit être le seul point commun entre nos deux institutions. Pour le reste, je ne partage résolument pas votre avis !"

La Russe sembla avoir bien reçu son message car elle menaça une autre cible de son attaque sanglante. Son voisin. Qui devait certainement regretter de s’être levé ce matin. Exaspérée par tant d’enfantillage, Samarah leva les yeux au ciel avant de répliquer :

"Je ne connais pas ce jeune homme, je le laisse donc vivre sa vie comme il l’entend, décréta-t-elle, puis en plongeant son regard sombre dans celui du jeune homme et précisa, je lui recommanderai simplement d’être prudent, il ne sait pas dans quoi il met les pieds."

Subtile confirmation du conseil tout juste donné auparavant. Après, les histoires de cœur… ça n’était pas vraiment la tasse de thé de Samarah. Le sien, emmuré dans sa forteresse mais pourtant bien présent, la faisait déjà assez souffrir comme ça. Si en plus, elle devait s’occuper des histoires des autres, on n’allait pas s’en sortir ! Néanmoins, lorsqu’elle perçut la question de Luc, elle lui répondit. Il avait le droit de le savoir

*Oui, en effet. J’ignore si c’était un accident ou non, mais j’en suis presque certaine…*

De sa colonne, il semblait que cette fois ce soit Kenjiss qui n’avait pas oublié Samarah car il décida de l’attaquer une dernière fois. Tout perfide qu’il était, il connaissait les points faibles de la mutante. Et pour toute réponse… le tatoué, ainsi que toute la foule présente, eut droit à un soudain black-out total. Le British s’étant vu soudain privé d’électricité. L’holoprojecteur à peine ressuscité retournant derechef au paradis des appareils électroniques. Ainsi que tout les appareils électroniques présents dans la pièce. Paix à leur puce.

Son choix, Sam l’avait fait dès le début. Elle n’abandonnerait pas June. Il ne voulait pas être démasqué ? Tant mieux pour lui, elle n'avait pas le temps de jouer. Dans le noir, une dernière pensée transperça l’âme du mutant

*Cette affaire n’est pas terminée, je te le garantis. Un jour, nous aurons l’occasion de régler nos comptes*

Et sur cette menace de défi à venir à peine dissimulée, la mutante fit volte face en dévisageant Maria.

"Vous m’envoyez navrée ma chère, mais je dois mettre fin à cet échange. J’ai… certaines obligations qui m’attendent ailleurs"

Puis, une précision mentale atteignit son esprit.

*Ah… eh si un jour je désire réellement m’en prendre à ton cher patron, crois bien que tu ne pourras rien y faire… Je te le laisse, pour cette fois. Va donc le remettre sur pied, il a l’air d’avoir quelques petits soucis*

Quelque part, June l’attendait. En espérant qu’il ne soit pas trop tard. Dans un murmure télépathique, elle intima à Deklan de la suivre. S’il l’avait suivie, il ne devait pas être trop éloigné et il recevrait le message. Et, sans plus de cérémonie, elle fila vers la sortie… à l’anglaise. Guidée par sa colère. Abandonnant la Russe dans un vent… monumental et pas très poli. Pas très élégant non plus. Mais ça valait mieux que de tout faire sauter. Non ? Et puis de cette façon, 600 personnes pourraient rentrer saines chez elles. Et l’Institut ne risquerait pas sa réputation. Finalement, elle n’avait pas du choisir tant que ça. Le plus dur fut juste de laisser le tatoué en vie… Et de griller avec une précision extrême les appareils dans le périmètre bien délimité du British, lui permettant un repli plus ou moins discret et efficace. La panne générale risquant d’être ajoutée à celle qui avait interrompu la conférence précédemment. Lorsque le courant serait rétabli, la mutante serait déjà loin. Le seul problème ? Son communicateur avait également grillé… Il lui était donc impossible de joindre June immédiatement. Ignorant évidement, que Kenjiss en serait tout aussi incapable qu’elle. Sous la colère, elle n’y avait pas pensé. Elle se serait bien giflée, si elle l’avait pu.

L’échange durait et Terry aurait presque pu palper la tension qu’il y avait entre sa confrère et Samarah. Mais leur discussion quelque peu houleuse ne semblait pas être la seule responsable. Visiblement, il y avait quelque chose d’autre. Toujours à l’écart, Terry observait Maria et surtout le comportement de la mutante ennemie. Et il ne fallait pas être devin pour comprendre qu’elle menaçait d’exploser d’un moment à l’autre lorsqu’on la connaissait un peu. Ou du moins, lorsqu’on savait de quoi elle était capable.

Prudent, Terry décida de suivre le regard de la mutante. Celui-ci se posa sur un garde de la sécurité… qui lui parut étrangement familier. Le Caméléon fronça ses sourcils avant de retenir un juron. Derrière ce garde, se cachait en réalité ni plus ni moins que Kenjiss ! Son cher patron était là aussi. Et il s’était bien gardé de le leur faire savoir. Bon. Au moins, il savait à présent la raison de l’énervement de Lemington. Elle avait du le repérer dès le début et elle s’en méfiait. Comportement en soi légitime. D’autant plus que son ennemi s’était dissimulé pour rester incognito aux yeux de ceux qui ne le connaissaient pas. Aux yeux de ses proches collaborateurs aussi, apparemment. Sauf que là, c’était plus ou moins raté.

Terry se sentit frustré du manque de confiance flagrant dont Kenjiss faisait preuve envers ses subordonnés. Pour quelle autre raison leur aurait-il caché sa présence ici ? Certes, ils avaient manqué leur coup lors de la Conférence de Presse. Mais ce n’était pas une raison pour les baby-sitter durant toutes leurs missions. Il devrait mettre certaines choses au point avec lui. Mais plus tard. Là, ils avaient un problème.

Outre le fait que Maria prenait ostensiblement un malin plaisir à provoquer Samarah, cette dernière se retenait d’exploser la couverture de leur chef. Il devait intervenir avant qu’il ne soit trop tard. Aussi sournoisement qu’un serpent, Terry se fraya un chemin dans la foule pour arriver à hauteur de Maria qui s’en prenait à présent au jeune homme qu’elle avait blessé. Pas bon du tout ça. Il posa sa main sur l’épaule de Maria pour réfréner ses ardeurs et accessoirement, lui signifier sa présence. Il salua également Samarah et le mutant, d’un mouvement sec de la tête, un sourire crispé sur ses lèvres.

"Je suis navré d’interrompre votre passionnante discussion, jeunes gens. Mais Maria, je crois que tu vas devoir remettre ton rendez-vous galant à plus tard."

Son ton calme et direct était clair. Et dans un simulacre de courtoisie, ne souffrait d’aucune réplique. Elle arrêtait immédiatement ses frasques ou il se ferait un malin plaisir à lui faire récurer de fond en comble la Confrérie à leur retour. Elle avait merdé une fois. Pas question de réitérer ce non-exploit en incitant Samarah à commettre l’irréparable. Ce n’était pas le moment. Ce n’était pas l’endroit. Seulement, il n’avait pas prévu que celle-ci prendrait les devants en faisant sauter toute l’électricité du British. Lorsque la lumière disparut, sa main se referma davantage sur l’épaule de Maria, comme pour l’inciter à ne surtout rien faire de regrettable. Et il retint un soupir d’exaspération.

*Qu’est-ce que c’est encore que ce bordel maintenant ?*

Machinalement, il voulut s'assurer que la mutante et Kenjiss n'en profiteraient pas pour s'entretuer, mais comme au bout de cinq secondes, le musée était toujours debout, il abaissa quelque peu sa garde. Et comme, il ne pouvait pas faire grand chose de plus dans le noir, il ne s'inquiéta pas davantage. Il n'y avait plus qu'à attendre que les générateurs de secours prennent le relais. Et ils pourraient enfin, peut-être, y voir... plus clair dans cette affaire.

Les générateurs de secours avaient enfin pris le relai : la lumière était revenue. La main de Terry posée sur son épaule, Maria regardait toujours là où, quelques secondes auparavant encore, miss Lemington lui parlait. Le corps de la russe restait immobile comme un piquet, bouillonnant d’une haine silencieuse.

Une chose était devenue claire à cet instant : elle venait de se trouver un nouvel objectif à atteindre à court terme ! Un jour, elle saignerait à blanc cette garce de miss Lemington !
Non pas parce que la télépathe avait dominé la conversation – A tort ou à raison, Maria jugeait au contraire que, sur ce point là, c’était elle qui avait marqué le plus de points – .
Non pas parce que Lemington avait menacé le patron – Juste avant le black out, Maria lui avait d’ailleurs répliqué télépathiquement : ***Mon cher patron est assez grand pour se défendre seul, je ne suis pas sa tante. Par contre, tes fragiles élèves, qui ont-ils pour se protéger quand tu ne les regardes pas ?*** sans même utiliser le russe – .
Non pas parce que Lemington lui avait mis un vent monumental – Maria avait décrété qu'il fallait voir cela comme de la lâcheté pure et simple – .
Non, si la confrériste avait maintenant la rage, c’était parce qu’à cause de cette psycho-télépathe, son petit bijou électronique omnifonctions dernier cri acheté à prix d’or la semaine dernière en Inde restait complètement inerte au creux de sa main gantée. Une petite fumée grise s’échappait même de son holoécran, comme une âme s’évaporant vers le royaume des cieux.

Cette sauvage ne connaissait donc pas la valeur des vraies choses matérielles de la vie ? Cette barbare électronicide n’avait donc aucun respect pour les merveilles de la technologie moderne ?
Elle paierait pour cette infamie… Au prix de son sang ! Fulminante, Maria se tourna vers Terry :
" _On n’a plus rien à faire ici, grinça-elle en serrant les dents, on se tire fissa en faisant semblant de ne pas avoir vu le boss… Ca évitera les discussions gênantes au milieu de la foule. On lui demandera des explications une fois rentrés « à la maison »."

Luc, le jeune homme qui s’était dégagé de son étreinte était toujours là. Un bon point pour lui, il n’était pas de l’Institut... Et tout ceux qui n’étaient pas de l’Institut étaient des confréristes potentiels, cela méritait bien d'oublier les autres mauvais points. La russe fouilla la poche intérieure de sa veste, en sortit une carte de visite et la lui lança :
" _ Pour le verre, dit-elle avec un sourire, je propose qu’on se voit à Vancouver. Ca te paraîtra sûrement trop loin, mais avec le train transatlantique, tu peux y être en à peine trois heures. Tu verras, au Canada, on trouve des bars bien plus sympas que dans cette contrée de buveurs de thé. Appelle-moi dès que ton premier pied se pose sur la surface du continent américain, j'accourrai !"

Elle le gratifia d’un clin d’œil complice et se détourna pour s’enfoncer dans la foule, suivie de près par Terry :
"_ Première étape de ma vengeance, expliqua-t-elle à son confrère en se frayant un passage vers l'amphi, trouver Farnsworth ! On va lui raconter qu’on est de l’Institut, qu’on regrette de ne pas l’avoir entendu jusqu’au bout et qu’on serait ravis de l’inviter Lundi prochain entre nos murs pour une conférence privée… Si on lui dit qu’il sera grassement payé pour la peine, il ne pourra pas refuser ! Imagine leur tête quand ce somnifère ambulant viendra frapper à leur porte en espérant être dédommagé pour son déplacement !"

La revanche était certes peu glorieuse mais, désormais, tout ce qui pourrait pourrir un minimum la vie de Lemington mériterait d'être accompli avec zèle !


A la recherche de Farnsworth pour monter son plan diabolique (suivie ou non par Terry).

Et brusquement, tout cessa. Alors que Kenjiss hurlait mentalement voilà quelques secondes, que Lemington répliquait d'une voix tout aussi sèche et de plus en plus crispée au fur et à mesure qu'elle prenait conscience de n'avoir aucun espoir de tirer quelque chose du tatoué, le silence s'imposa. De même que les ténèbres. Durant une fraction de seconde, Kenjiss se demanda si Samarah n'avait pas décidé de lui faire péter les nerfs optiques... La vague de panique avorta avant même de déferler lorsqu'il entendit les cris aux alentours et aperçut les lueurs des veilleuses. Et il sentit en même temps les griffes télépathiques de la mutante se retirer doucement de son esprit encore sonné par les "coups" de la cerbère. Mais il n'en avait pas fini... Et ce fut avec une vitesse que seule la pensée permettait d'atteindre que Kenjiss eut le temps de lancer une dernière pique.

Tu ferais bien d'avoir peur Lemington, tu ferais bien... Retarde cette rencontre, dis toi que je t'ai résisté sans même utiliser mon pouvoir... Que feras tu lorsque je me déciderais à bouger pour t'écraser ?

Et tout s'acheva. Dans la pénombre qui régnait désormais dans le hall, Kenjiss se redressa. Bordel... Son crâne résonnait. Une tocsin sonné pendant une semaine à côté de ses oreilles auraient eut le même effet. Le mutant était dans les vapes, ou presque. Mais il se força à réfléchir, en profitant de sa liberté de penser à présent retrouvée... Les souvenirs qu'il avait exhumé pour faire face à Lemington réintégrèrent lentement sa mémoire. Certains y étaient restés. Samarah n'avait vu, ou perçut, que ce qu'il voulait réellement lui montrer... Car outre les souvenirs de June bien moins effrayée que ceux qu'il avait laissé entrevoir, se glissaient, sournoises ombres noires, des réminescence bien plus terrifiantes, bien plus douloureuses... Des choses qu'il n'avait jamais révélé à quiconque. Sa fuite de vingt ans n'avait pas été une vaste balade à travers le monde comme il l'affirmait parfois... Il avait fallut que... certaines choses arrivent pour qu'il décide de rebâtir la Confrérie.

Kenjiss secoua la tête. Ce n'était pas le moment. Samarah n'allait pas le laisser libre de ses mouvements si elle n'avait pas prévu. Le tatoué grimaça en voyant l'état de son communicateur. A moins de monter sur le toit pour envoyer des signaux de fumée, il ne pouvait plus en faire grand chose... Et Sam était déjà partie.
Avec un peu de chance, la névrosée de l'Institut n'avait pas broyé les neurones de Maria et de Terry en s'enfuyant, folle furieuse. Evidement, une mauvaise langue aurait répliqué que les neurones de la blonde mutante ne risquaient pas grand chose...

De toute façon, il n'avait pas le temps de s'en assurer... Lemington avait oublié une chose. Tout privé de moyens de communication qu'il était, Kenjiss restait tout de même l'un des mutants les plus rapide de cette planète... Le visage du tatoué se fendit d'un sourire revanchard.... Kenjiss décolla contre la colonne dans le silence le plus parfait, s'élevant à trois mètres sans même plier les jambes. Trop facile, vraiment. Et dire que personne ne pouvait même s'en rendre compte. Son oreillette grésilla.

Electrogènes dans trentes secondes, verrouillez les portes, c'est ptet un vol !

Ben tiens... Kenjiss avait presque une pensée émue pour le pauvre Gordon plié en deux sur ses chiottes, braqué par trois membres de la police londonienne qui l'interrogerait sur sa disparition juste après la coupure de courant du British... Car le tatoué dans son costume de Gordon n'avait pas la moindre intention de rester ici. Et l'impulsion qu'il donna dans la colonne suffit à lui faire parcourir les trente mètres qui le séparaient de la sortie en dix fois moins de temps qu'il en avait fallut à une télépathe et son sableur de copain... Dix secondes plus tard et après avoir franchit la porte en se glissant discrètement contre le mur, le tatoué filait dans les rues à une allure élevée certes, mais tout de même humaine. Hors de question de se faire remarquer avec des bonds de trente mètres... Certes il restait toujours l'excuse de l'entrainement au 110 mètres haies mais Twikjeya lui avait déconseillée...

Fort heureusement pour le tatoué, depuis l'explosion des communicateurs portables vers 2010, une boutique fleurissait tous les dix mètres. Kenjiss n'eut qu'à parcourir deux rues pour tomber sur un marchand étonné qui se vit surpayé par un vigile hors d'haleine pour un malheureux communicateur modèle de base "prêt à appeller"... Le marchand relevait à peine la tête de la fortune qui venait de pousser entre ses mains que le tatoué avait déjà disparu de sa boutique pour filer dans la première impasse qu'il voyait... En trois secondes, l'emballage fut arraché, la batterie enclenchée...

Nous vous souhaitons la bienvenue pour la première activation de notre modèle ...

Kenjiss n'avait jamais été réputé pour sa patience. En temps normal, et après deux offres d'essai pour des modèles hors de prix, le tatoué aurait joyeusement broyé l'immonde instrument dans le mur... Les modèles confréristes eux, étaient fonctionnels ! Et pourtant le tatoué fit un immense effort pour se contrôler. Cette putain de saloperie de truc immonde, moche, hors de prix et dépourvu des options essentielles (balise de détresse, détonateur...) était son seul lien avec une certaine humaine qui lui avait déjà valu pas mal d'effort et de douleur... Et un bonheur qu'il n'avait que rarement entraperçu... Enfin un écran vierge de publicité s'afficha. Kenjiss activa frénétiquement l'enregistreur vocal.

June ? Kenjiss. J'ai croisé Sam au musée. Pas parlé mais elle se doute de quelque chose à force de fouiller mes neurones. Elle croit que je t'ai agressée ou un truc du genre. J'arrive aussi vite que possible, faudrait ptet que t'évite de te retrouver avec elle cette semaine... Retrouve moi au bosquet.

Et... Kenjiss fronça les sourcils. Envoyer ce truc, comme ça ? C'était pas spécialement agréable à entendre... "Ouais salut June, on est dans la merde, ramène toi vite, salut !" ... Son crâne résonna un peu plus fort. Sam l'avait amoché, ce n'était pas une raison pour agir comme avec n'importe qui. Il ralluma l'enregistreur.

Fais gaffe. J'aimerais pas qu'il t'arrive quelque chose... J'arrive

Il raccrocha. En espérant avoir fait le maximum... Il lui restait à présent une dernière chose à faire. Rendre une petite visite au véritable amour de sa vie, la seule qu'il chevauchait aussi sauvagement tandis qu'elle rugissait entre ses mains... Kenjiss adorait palper ses courbes voluptueuses, insensible à la jalousie de celle qui la jugeait d'un oeil critique. Elle lui coûtait cher, évidement. Personne n'avait une femme pareille gratuitement... Elle n'était pas de celles qui acceptaient une étreinte sauvage pour vos beaux yeux...

Dix secondes plus tard et après avoir fait un détour par le garage de l'aéroport, Kenjiss filait vers l'Institut à bord de la plus belle harley de ce coté de l'Atlantique... Un monstre de puissance et de métal. Qui plus est, c'était un modèle rare, celui que le tatoué avait sauvé de la Confrérie voilà vingt ans, alors que l'usine avait déjà fermé... Avec quelques petites modifications, l'engin filait aussi vite que n'importe quel véhicule de l'époque actuelle. Et Kenjiss maniait sa beauté d'une main de maitre, bien plus qu'un malheureux pilote sablonneux...

[ Retour au bosquet ^^ ]