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[RP] Le petit nouveau.

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Artie Chastel

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Artie Chastel

Alias : Tail (à ne pas utiliser avant mon niveau 3 !)
Race : Mutant
Clan : Institut
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MessageSujet: [RP] Le petit nouveau. [RP] Le petit nouveau. EmptyVen 16 Avr 2010 - 2:21

- Septembre 2051 -

La rentrée des classes n'avait jamais été un moment agréable pour Artie, et encore moins dans un nouvel établissement. Celui-là, même s'il avait quelque chose de spécial, ne faisait pas exception à la règle. Déjà un petit mois qu'il était là, et il n'avait toujours pas réussi à s'intégrer. Il restait constamment enfermé dans sa chambre, par peur de ce qu'il trouverait en sortant... ou de ce que les autres lui trouveraient, à lui, ce garçon de treize ans, du haut de son mètre cinquante-sept maladif. Sa situation de crise mutante ne s'était pas améliorée, oh non, bien au contraire. Sa peau continuait toujours à le démanger. D'ailleurs, si Alfred le majordome ne venait pas régulièrement faire le ménage dans sa chambre, le sol serait parsemé de lambeaux de chair. Tout à fait charmant. Alors il préférait rester ses journées enfermé dans sa chambre, à écouter de la musique doucement, pour ne déranger personne. Tout se passait bien.
Jusqu'à l'arrivée du nouveau.

Artie ouvrit la porte de sa chambre. Premier jour de cours, dans une classe composée d'autant de jeunes de son âge que d'autres bien plus vieux. Heureusement, pas de devoirs. Non pas que ce fut épuisant, mais il ne s'était pas encore remis de son trimestre d'oisiveté. Si on pouvait appeler oisiveté le fait de fuir sa famille en découvrant qu'on est un mutant. Il avait hâte de pouvoir oublier en s'allongeant sur son lit, casque vissé sur ses petites feuilles de choux, seul dans le calme et la plénitude que lui procurait ce désir. Sauf qu'il n'était pas seul.

Au premier coup d'œil jeté, Artie vit tout de suite que l'ordre de la pièce avait été complètement dérangé. Son bureau, d'ordinaire à gauche, en face de son lit, se trouvait désormais à droite. A la place, on avait aménagé un deuxième lit...
Et quelqu'un avait été livré avec, apparemment.

Assis sur ce nouveau lit, dos tourné à Artie, il y avait un garçon, un peu plus grand que lui à première vue. Il se retourna en entendant la porte qui s'ouvre, et le gamin pâlot reçut comme un coup à l'estomac. Non seulement parce qu'il savait dès cet instant qu'il ne serait plus tranquille, mais qu'en plus, le regard qui faisait face au sien était tout bonnement à couper le souffle. Des yeux félins, à la couleur d'ambre. Des yeux non pas de chat, mais bien de tigre. Un énorme tigre, enfermé dans une cage trop étroite. Et le visage mat qui les encadrait, doux et... effrayant à la fois. Effrayant d'une élégance animale, mais encore grotesque, primitive. Un mignon petit chien acculé, qui peut mordre avec la violence d'un rottweiler. En pleine mutation.


- Salut.

Le nouveau avait parlé. Le même âge qu'Artie, ça crevait les yeux. Sa voix paraissait étonnamment normale, comparé à on visage si troublant. Il sourit, étirant ses lèvres fines, juste assez pour qu'Artie se rende compte qu'il s'agisse d'un vrai sourire. Un comme il n'en avait pas eu depuis... pfouh, depuis la Guerre des Deux-Roses, au moins.

- Je m'appelle Ulrich. Moranteau. Tu es mon colocataire, non ?

Ulrich ? D'origine germanique ou juive, Artie hésitait. Il savait, pour l'avoir lu sur un site de prénoms qu'il avait visité pour créer un de ses personnages de récit, qu'Ulrich voulait dire "Loup Puissant". Et c'était exactement ce qui se trouvait en face de lui. Un loup puissant. Et lui n'était qu'un cerf à sa merci.

- Heu... j... balbutia Artie. Oui... Arthur...

Ulrich sourit davantage.

- Enchanté de faire ta connaissance, Arthur.

Il se leva et avança vers lui d'un pas vif, puis lui tendit la main d'un air assuré. Artie la regarda une seconde, puis la serra. Elle était ferme, et semblait vouloir garder celle d'Artie prisonnière de sa poigne. Mais Ulrich lui lâcha la main et leurs bras retombèrent, chacun de leur côté. Un silence s'installa entre eux, comme un visiteur incongru dans un canapé, qui prend la place entre deux personnes sans se gêner. Puis finalement, contre toute attente, ce fut Artie qui le dégagea d'un ton prudent :

- Hem, alors tu... tu es nouveau, c'est ça ?

Ulrich le regarda à nouveau intensément. Il semblait s'amuser à le dévisager. Son visage apparaissait comme celui d'un effronté à qui on ne peut imposer aucune règle. Et si c'était le cas, Artie ne donnait pas cher de sa peau.

- Bien sûr que je suis nouveau, sinon tu ne serais pas aussi surpris de me voir ici ! Ah, et ferme la bouche, on dirait que ta mâchoire va se décrocher.

Il plaça deux doigts sous le menton d'Artie et exécuta lui-même son ordre. Puis il partit dans un rire clair et sincère. Et, sans vraiment savoir pourquoi, Artie finit par le suivre, toute nervosité subitement oubliée.
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MessageSujet: Re: [RP] Le petit nouveau. [RP] Le petit nouveau. EmptyVen 16 Avr 2010 - 17:56

- Fin Septembre 2051 -

L'automne londonien s'annonçait déjà morose en ce début de week-end. Un week-end gris, et triste. Mais un week-end malgré tout, et de ça, Artie allait profiter.

Vendredi soir. La fin des cours venait d'être annoncée par la sonnerie stridente, et les élèves se déversaient en flots irréguliers dans les couloirs de l'Institut. C'était à ce moment-là que le bâtiment était le plus bruyant, et le plus désordonné aussi. Beaucoup d'élèves sortaient dehors, dans le parc, avec leurs amis, ou alors regagnaient leur chambre. Auparavant, Artie aurait pris le deuxième choix. Mais plus maintenant. Plus depuis qu'Ulrich était là.

Cela ne faisait même pas un mois qu'il était là, et les deux garçons étaient déjà inséparables comme les doigts de la main. Ils s'entendaient à merveille. Toujours à traîner ensemble, on ne les voyait jamais l'un sans l'autre. Pas même pour dormir, puisqu'ils partageaient la même chambre.

Malgré cette amitié aussi forte qu'inattendue, ni Artie, ni Ulrich n'avait encore évoqué leur passé avant l'Institut. Peut-être par crainte de ce que l'un découvrirait de l'autre. Parce que parfois, on ne voulait entendre que ce qu'on voulait savoir.

Les deux camarades longèrent la grille du parc et allèrent s'installer près d'un chêne en train de commencer à perdre ses feuilles, afin que plus tard d'autres repoussent. Comme une mue. Les feuilles quittaient leurs branches, puis se laissaient porter sur quelques mètres, avant de retomber sur l'herbe qui dansait tranquillement sous la brise. A la grande surprise d'Artie, de nombreux autres élèves étaient aussi sortis, habillés de pied en cap pour parer l'humeur maussade de Dame Nature.

Assis dans l'herbe à côté d'Artie, appuyé sur ses mains tendues en arrière, Ulrich inspira une grande bouffée d'air et tourna la tête vers son ami :


- Alors, ce premier contrôle ?

Artie le regarda droit dans les yeux. Ce regard le déroutait toujours autant.

- Facile, répondit-il avec un sourire, l'Anglais est la seule matière où je puisse me permettre de me vanter.

Ulrich passa une main dans ses cheveux fauves élégamment dépeignés. Son souffle formait de légers nuages blancs qui s'évaporaient dans l'air.

- Moi, l'Anglais... dit-il en regardant le tronc de l'arbre près d'eux, c'est pas mon point fort.

- Oui, j'avais remarqué, lança Artie sur un ton exagérément ironique.

Ulrich fit mine de lui frapper l'épaule. Rien de bien méchant, bien entendu, juste une petite boutade comme ils avaient maintenant l'habitude de faire entre eux. Mais Artie, derrière son sourire, finit par se rendre compte que son ami aurait pu, s'il l'avait vraiment voulu, lui déplacer l'épaule... non pas qu'Ulrich était musclé, oh ça non. Mais il se dégageait une telle puissance de lui, c'en était intimidant. Et ce simple geste qui se voulait amical, se transformait soudain en acte meurtrier.

Tu te fais trop d'idées, mon gars.


Son regard fut attiré par la main visible de son compagnon. Elle semblait... déformée. Intrigué, il l'observa plus attentivement. Le bout de ses doigts paraissait avoir gonflé. Mais pas à la manière d'un ballon... Plus comme une croissance. Sa mutation avançait. Une chose qu'ils avaient en commun... tout comme le passé, Artie en était quasiment sûr. Il sentit un léger picotement dans le dos, se sentant soudain mal à l'aise.

Ulrich tourna à nouveau le regard vers lui et Artie tenta de paraître le plus normal possible, hélas une seconde trop tard. Son ami s'en rendit compte, et toute joie s'effaça de ses traits à moitié bestiaux.


- Quelque chose ne va pas ? demanda-t-il à voix basse, sur le ton de l'inquiétude et de la confidence.

Il se déplaça de quelques millimètres vers Artie. Ce n'était que quelques millimètres, mais pour Artie c'était bien plus, aussi stupide que ça puisse paraître.


- Non... c'est rien. Juste... un mauvais souvenir qui remonte, voilà tout.

Le changement d'expression sur le visage d'Ulrich fut pratiquement imperceptible, pourtant Artie le remarqua bel et bien. Soudain, le jeune garçon perdait de sa charmante animalité, remplacée par une sorte de malaise compatissant.

- Tu veux qu'on en parle ? demanda-t-il, avec un semblant de timidité.

Et voilà, on y était. Bingo. Artie ressentit un excès de culpabilité pour avoir du en arriver là, mais il était trop tard pour reculer. Il avait trop peur de refuser cette confidence à son seul ami. Et en même temps... il avait tellement envie de connaitre les raisons qui avaient pousser Ulrich à venir ici. Alors, en voiture Simone.
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MessageSujet: Re: [RP] Le petit nouveau. [RP] Le petit nouveau. EmptyMer 21 Avr 2010 - 21:09

Artie contempla le reste du parc, les autres adolescents jouant ensemble ou, comme lui et Ulrich, discutant tranquillement assis dans l’herbe. Il observa une fille d’environ dix-sept ans en train de faire tournoyer une poignée de feuilles mortes au creux de sa paume, sous le regard amusé de ses camarades, avant de finalement se décider à commencer son récit. D’abord hésitant au début, il fixait ses chaussures en jouant machinalement avec des brins d’herbe, puis au fur et à mesure qu’il prenait confiance en lui, il s’exprima avec plus de facilité, d’aisance, en regardant son compagnon bien en face. Il lui raconta brièvement son enfance, et passa au grave malaise qu’il avait eu dans un magasin, la conversation qu’il avait surpris à l’hôpital, la découverte de ce qu’il était réellement et la fuite qui s’était ensuivie. Mais alors qu’il en parlait, il ressentit une drôle d’impression et s’aperçut que c’était de la colère, dirigée contre lui-même. Pendant tout le temps qu’il racontait, Ulrich n’avait pas bougé d’un poil, telle une statue qui dardait sur Artie un regard aussi attentif que déstabilisant. Tel un gardien silencieux. Il avait remonté ses genoux contre sa poitrine et les avaient entouré avec ses bras. Ses cheveux – Artie venait de remarquer qu’ils possédaient en fait une légère teinte cinabre – étaient caressés par la brise et semblaient vouloir s’envoler avec elle. Quand Artie se tut enfin, on entendit plus que les éclats de voix et les rires des autres étudiants à travers le parc. Puis, finalement, Ulrich s’agita un peu avant de déclarer d’un air grave :

- Tu as été très courageux.

Artie le dévisagea d’un air triste et, pour la première fois, sans que cela ne le rende confus.

- Non, répondit-il. J’ai été tout, sauf courageux. J’ai abandonné la seule famille qui me restait, à savoir ma mère, juste parce que je craignais de me faire planter une foutue seringue dans le bras. C’est pas ce que j’appelle du courage.

- Attends, répliqua Ulrich, t’as fait un choix que beaucoup n’auraient pas eu la volonté de faire. Tu as décidé de protéger ta mère des dangers qui pourraient l’atteindre concernant ta situation, et ce même si pour cela, elle doit souffrir de ta disparition. Mais ça, c’est rien comparé à ce qu’elle aurait pu subir si tu étais resté.

Artie ne sut pas trop comment prendre cette réponse ; Ulrich lui avait jeté ça à la figure avec une dureté qui laissait penser qu’il était bel et bien responsable, mais pourtant les mots disaient le contraire. Et le regard fier et admiratif de son ami aussi. Ulrich aurait tout aussi bien pu le menacer de mettre en doute ses paroles.

- Mais le vaccin aurait pu me… risqua Artie.

Il ne put continuer car Ulrich le coupa aussitôt :

- C’est des conneries, cette histoire de vaccin. Juste bon à arrondir les fins de mois des médecins.

Une énième fois de plus, Artie resta bouche bée, complètement désarçonné par la maturité qui transcendait du jeune mutant au teint mat. Une détermination sauvage qui ne demandait qu’à être soutenue. Mais Artie, sans savoir quoi faire, à nouveau désorienté, se remit à arracher l’herbe à côté de lui.

- Australie.

Artie releva la tête sans comprendre :

- Quoi ?

Ulrich avait brutalement rougi. Pas beaucoup, mais juste assez pour qu’Artie le remarque :

- Je viens d’Australie. Mes parents sont venus s’y installer juste avant ma naissance. Mon père est d’origine française, et ma mère est allemande. J’ai quelques notions des deux langues… enfin bref, ils ont fini par m’envoyer ici après la découverte de ma mutation, cet été. Ils ne sont pas anti-mutants, c’est juste pour que j’apprenne à la développer et à la maîtriser en toute sécurité et assurance. D’ailleurs, ils comptent venir me voir, d’ici quelques mois.

- Tu as eu plus de chance que moi, alors, lâcha Artie en considérant qu’Ulrich ne devait pas se livrer aussi facilement avec des gens qu’il ne connaissait pas.

- Je ne le nie pas, répondit Ulrich avec un petit signe de tête. Mais ça n’empêche qu’on a fini dans le même sac.

Il eut un petit sourire qui se voulait rassurant, puis ajouta :

- En parlant de ça…

Artie sut aussitôt quelle serait sa question. Non pas qu’il l’avait attendue, mais à présent elle lui paraissait tellement évidente qu’il se demanda comment ils avaient fait pour ne pas encore aborder le sujet.

Comme Ulrich hésitait, il acheva la phrase à sa place :


- … ma mutation ?

Le visage de son camarade s’éclaira, et il acquiesça de la tête. Artie soupira :

- Pour tout te dire, je n’en ai aucune idée. La seule mutation que j’ai pu constater, c’est que je perds de la peau un peu partout où je passe… et de donner un peu plus de boulot à Alfred.

- Ce n’est que le commencement, ne l’oublie pas, s’enquit son ami, ce qui n’eut pas le don de réconforter Artie.

- Peut-être, admit ce dernier. Et toi ? Qu’est-ce qu’il t’arrive exactement ? Pour être honnête, j’ai eu du mal à cerner ta mutation.

Ulrich leva les mains en signe d’impuissance :

- C’est pas bien plus glorieux que toi… à part ça… - il montra le bout de ses doigts enflés – et parfois des maux de tête et de ventre…

- Ah, comme moi ! s’étonna Artie. En ce moment, c’est surtout les maux de ventre…

- Et tu ne m’en as pas parlé ? lança Ulrich en plissant les yeux.

- Je… fit Artie, qui se recroquevilla soudain sous ce regard accusateur, c’est-à-dire… je ne voulais pas t’ennuyer avec ces petits détails, voilà.

Ulrich éclata de rire :

- M’ennuyer ? Artie, Artie, Artie… enfin quoi, je suis quoi pour toi ? Un bouche-trou ?

Heurté par cette provocation, Artie tenta de protester. Il désirait de tout son cœur lui prouver le contraire, mais avant qu’il n’ait pu prononcer un mot, Ulrich enchaîna immédiatement, sur un ton plus sérieux et plus ferme :

- Je suis là pour toi, Artie. Où tu veux, quand tu veux. Si y’a un mec qui te pose un blème, ou même si un con de cauchemar t’a foutu les boules, tu me le dis. Et rien à foutre s’il est trois heures du mat’. Tu me réveilles, et c’est tout. Et discute pas ! Sinon, tu vas faire connaissance avec le droit, et la justice, ajouta-t-il en montrant sa main droite, puis sa gauche pour ponctuer ses menaces.

Etrange façon de voir les choses. Mais qu’est-ce qui n’était pas étrange, ici ? Cette boutade, néanmoins preuve d’une amitié inébranlable, fit rigoler Artie aux éclats, très vite accompagné par l’autre garçon. Mais chacun savait que derrière cette dernière plaisanterie peu subtile, se cachait une réelle preuve d’un amour indéfectible et violent.
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MessageSujet: Re: [RP] Le petit nouveau. [RP] Le petit nouveau. EmptySam 24 Avr 2010 - 16:10

- Décembre 2051 - (Quelques heures avant « Ach. Mon Ombrelle est cassée. ».)

- Ulrich, il faut que tu en parle…

- Non. Je n’ai pas besoin d’aide.

- Bien sûr que si !

Quatorze heures venait de sonner. Dehors, le blizzard ne faiblissait pas depuis ce matin. L’ouragan blanc avait couvert l’Institut et ses environs d’un manteau neigeux de plusieurs centimètres d’épaisseur. De par ce fait, la quasi-totalité des élèves étaient présents à l’intérieur du manoir, chaque pièce étant occupée par un ou plusieurs groupes de jeunes étudiants.
Artie et Ulrich s’étaient enfermés dans leur chambre. Deux mois s’étaient écoulés depuis qu’ils avaient eu cette discussion si particulière. Mais les choses avaient changées. Si Artie avait conservé son teint valétudinaire sans grand changement, c’était à présent Ulrich qui avait été « contaminé » : son visage était plus tendu, plus fatigué, plus blafard. Lui aussi se transformait. Il avait perdu de son charme félin, mais sa férocité animale s’en était trouvée renforcée.


Artie avait peur. Il était inquiet. Pour Ulrich. Que s’était-il passé ? Tout semblait si… surréaliste. Un cauchemar. Par pitié, faites que c’en soit un. Et cette fois, Ulrich ne pourrait pas l’en tirer, puisque c’était le jeune mutant mat qui en était la cause. Il était soudainement devenu… plus brutal, plus violent, et plus insolent que jamais, ces derniers jours. Il ne faisait plus attention à rien. A croire qu’il avait ouvert la porte à l’anarchie dans son esprit.

Artie se planta devant son ami, tentant de ne pas dévoiler sa peur.

- Tu as besoin d’aide. Et si tu n’en parle à personne, c’est moi qui m’en charge.

Il déglutit en voyant Ulrich serrer les poings :

- Laisse-moi tranquille.

- Ulrich…

- LAISSE-MOI TRANQUILLE !

Un geste, un seul. Ulrich le repoussa si violemment qu’Artie heurta la porte derrière lui. La collision ne fut pas douloureuse, pas physiquement. Mais au fond de lui, Artie sentit quelque chose se rompre. Et ce fut encore plus douloureux que s’il s’était cassé le bras. Son ami, son seul véritable ami, venait de le rejeter purement et simplement.

Le silence s’abattit, chargé de toutes les émotions qui émanaient des deux adolescents : le choc. La rage. L'égarement.
Ulrich ne semblait exprimer aucun regret quant à son action. Immobile, le souffle court, précipité, il fixait Artie d’un air sombre sans donner l’impression de vraiment le voir. De longues veines battantes serpentaient le long de ses avant-bras jusqu’au dos de ses mains ballantes. Il voulut dire quelque chose. N’y parvint pas.

Artie jeta un coup d’œil à son réveil, posé sur son chevet. Il s’avança lentement vers son lit, saisit sa veste qui se trouvait en bout et lâcha d’une voix étrangement posée :


- C’est l’heure de mon cours de dessin. Je dois y aller.

L’instant d’après, il avait disparu sans même fermer la porte derrière lui. Ulrich, après quelques instants figé sur place, se sentit forcé à se tourner pour regarder par la fenêtre. A travers le blizzard déchaîné, sur le sentier menant aux grilles en contrebas, une minuscule silhouette fendait la neige pour se diriger vers la sortie du parc. Le jeune garçon eut soudain la provocante envie de frapper. Frapper quelque chose de dur, d’immuable, frapper jusqu’à ce que le cartilage de ses poings saille sous sa peau… frapper pour oublier toute autre chose que la douleur.

- Puis-je me permettre, monsieur Moranteau ?

Sur le seuil de la porte, droit et solennel, se tenait Alfred, le majordome de l’Institut. Son visage ridé révélait de la bienveillance et de la gravité à la fois. Il s’approcha du petit homme comme quelqu’un qui s’apprêtait à livrer un secret :

- Dans ce manoir, j’ai été témoin de foule de choses, que je n’ai jamais évoqué.

Ulrich ferma les yeux un instant, se sentant pris d’un vertige. Puis il secoua la tête et dit :

- Allez-y, racontez-moi.

- Je connais chaque élève ici, expliqua Alfred. Sans exception. J’ai vu, tout au long de ma carrière, toutes les sortes d’étudiants possibles et imaginables. Même si je ne le montre pas, je perçois et j’analyse chacun d’entre vous. Et, croyez-moi, jamais je n’ai vu quelqu’un d’aussi fragile que le jeune Arthur. La plupart des adolescents de son âge, tels que vous, ont été envoyés ici par leurs parents. Ils n’ont pas eu à vivre ce qu’il a vécu. A son arrivée, il semblait destiné à rester ici toute sa vie, renfermé sur lui-même, à l’écart des autres, souffrant en silence de sa mutation sans pouvoir se confier. Et puis, vous êtes arrivé. Et vous êtes devenu tout ce qu’il avait.

Ulrich, penaud, marmonna :

- N’exagérons rien…

- Et c’est là, reprit Alfred, où vous vous trompez. C’est là où vous croyez qu’il n’a pas tant besoin de vous.

Un éclair d’amusement passa dans ses yeux rehaussés de sourcils fins et blancs :

- C’est faux. Monsieur Chastel a énormément besoin de vous. Et vous lui aviez promis d’être là pour lui.

- Comment… commença Ulrich, mais Alfred ne le laissa pas continuer.

- Il vous considère comme étant tout ce qu’il a perdu, et tout ce qu’il n’aura peut-être pas. Vous êtes un père, un grand frère, qui veille et peut le protéger sans cesse, et ce même si vous n’êtes pas plus âgé que lui. Vous-même lui avez assuré. Il s’accroche à cette certitude. Faites en sorte qu’il ne la lâche pas.

Avec un dernier clin d’œil, il se dirigea vers la porte. Alors qu’il s’apprêtait à sortir, Ulrich n’y tint plus et lança :

- Vous croyez… qu’il pourra me pardonner ?

Alfred s’immobilisa devant le seuil. Se tourna légèrement vers lui, puis se ravisa. Et sortit avec un petit sourire sur les lèvres.

« Ah oui, c’est ça, je connais déjà la réponse… » soupira Ulrich en son for intérieur. Une vague de tristesse l’envahit, et il se laissa tomber sur le matelas de son compagnon. Baissant la tête vers ses genoux, il scruta ses mains ; il observa le bout marbré de ses doigts déformés ; il suivit des yeux les lignes de ses paumes calleuses qui contrastaient horriblement avec ses bras fins d’adolescents. Ses yeux se brouillèrent, mais aucune larme ne vint. Il inspira à fond. Sa respiration vibrait. Son estomac s’était contracté. La frayeur. Oui, c’était ça. Quel sentiment désagréable, mais tellement vrai. Qu’arrivera-t-il à Artie à présent qu’il lui avait prouvé que leur amitié n’était pas aussi idéale et forte qu’ils l’avaient cru ?

Mais était-elle vraiment idéale ? Une amitié ne se forge pas sans coups durs.


« J’irai m’excuser dès que son retour… » songea-t-il. Et de penser alors qu’Artie pourrait parfaitement refuser ses excuses.
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