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[RP] Ach. Mon ombrelle est cassée - terminé

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MessageSujet: [RP] Ach. Mon ombrelle est cassée - terminé [RP] Ach. Mon ombrelle est cassée - terminé EmptyVen 19 Mar 2010 - 22:06

Décembre.

Il n’y avait pas d’institution plus vénérable, ni sise dans une bâtisse qui inspirât plus le respect, que le célèbre Conservatoire de Londres, qui faisait régner sur le monde des arts le bon goût à l’anglaise. Que la majorité des élèves brillants de l’endroit fussent étrangers, c’était ce qui ne parvenait pas à ternir la fierté patriotique de son directeur, et des quelques professeurs qui y étaient encore anglais eux-mêmes. Car après tout, qu’importait que son peintre le plus talentueux fût un jeune Turc, tant que le regard de la Reine avait veillé sur lui, c’est-à-dire : lui avait tout appris ?

Depuis le dix-neuvième siècle son élégante façade en brique, raffinement de l’architecture britannique, découpait sa silhouette imposante dans les rues où ne circulaient plus, depuis bien longtemps, les carrioles qu’elle avait d’abord regardées ; désormais, c’était sur des voitures rapides et modernes qu’elle jetait une ombre au charme délicieusement suranné. Et s’il y avait quelqu’un dans cet immense dédale de couloirs qui participât à entretenir ce charme, ce devait être, sans aucun doute, Mademoiselle Irene Fichte.

Cela ne faisait guère que quelques semaines que Mademoiselle Irene Fichte dispensait son savoir de pianiste aux élèves, plus ou moins jeunes, de l’établissement, et il fallait bien avouer que, les premiers jours, ses collègues n’avaient pas été dans leur accueil sans une certaine froideur. C’était que de références, la jeune femme n’en avait pas, et pour tout dire, certains se demandaient, et d’autres ne se demandaient même pas, pour quelles raisons le directeur avait bien pu l’engager. Mais Mademoiselle Irene Fichte avait donné un récital, et les derniers doutes furent vite dissipés.

Et en moins de temps qu’il n’en fallait à Sviatoslav Richter pour jouer une étude de Chopin, Mademoiselle Irene Fichte était devenue un personnage irremplaçable du Conservatoire. Chaque jour, une toilette nouvelle, à laquelle était soigneusement assortie une ombrelle, illuminait de sa présence les murs du Conservatoire, et les couloirs semblaient résonner à nouveau d’un anglais tout victorien. Les regards des élèves s’arrêtaient sur elle, mais c’était moins à sa personne qu’ils songeaient, qu’à des rêves historiques : Mademoiselle Irene Fichte cultivait l’art de se faire remarquer tout en restant discrète.

Professeur, Mademoiselle Irene Fichte était consciencieuse, et parfois même sévère. Certains de ses élèves lui trouvaient une rigueur toute prussienne. C’était que Mademoiselle Irene Fichte ne se laissait pas émouvoir aisément par les cabrioles pseudo-romantiques des adolescents auxquels elle avait affaire, tout virtuoses qu’ils fussent. Ce qu’elle exigeait d’eux avant tout, c’était une maîtrise technique irréprochable, sans aucune pitié pour leurs pauvres doigts meurtris.

Il n’y avait à vrai dire guère qu’un seul élève pour ne pas se plaindre des exigences quasi tyranniques de Mademoiselle Irene Fichte, et cet élève, c’était Koji Ashton. Koji Ashton s’était inscrit au Conservatoire peu après son entrée à l’Institut. Il avait déjà les diplômes qu’il pouvait souhaiter en musique (bien entendu), et néanmoins il désirait pratiquer encore, encore un peu. Avant de rencontrer Mademoiselle Irene Fichte, il avait connu treize professeurs différents, et réussit à se disputer avec chacun d’eux, à propos d’une note de Prokofiev ou d’un détail de l’histoire de la musique. Si peu d’élèves souhaitaient avoir Mademoiselle Irene Fichte comme professeur, peu de professeurs souhaitaient avoir Koji Ashton comme élève. Il était donc en quelque sorte tout naturel qu’ils se plussent.

Si Mademoiselle Irene Fichte appréciait tant Koji Ashton, c’était qu’il ne se plaignait jamais, parlait peu, à vrai dire, et exécutait toutes ses directives avec la plus scrupuleuse attention. Il jouait avec une précision mathématique qui lui paraissait nécessaire, à elle, pour qu’émerge plus tard toute l’émotion propre de la musique. Cette émotion, elle la sentait d’ailleurs vibrer en lui, mais trop maladroite pour s’exprimer encore. A son humble avis, il aurait besoin d’un autre être humain pour refléter dans son regard ses songes. Mais elle le connaissait trop peur pour juger s’il était assez dégourdi pour en attraper un.

Pour sa part, si Koji Ashton appréciait tant Mademoiselle Irene Fichte, c’était pour sa précision mathématique, dont il sentait qu’elle n’était pas une sèche rigueur. En quelque sorte, il avait la sensation confuse que la jeune femme pouvait comprendre un peu de ce qu’il était : être de calculs et de sentiments tout à la fois. C’était donc une entente muette, mais certaine, qui régissait leurs rapports. Irene tapotait le sol de la pointe de son ombrelle pour fixer le rythme, et Koji suivait de mieux qu’il pouvait.

La vie de professeure de piano paraissait singulièrement reposante à Irene Fichte, et si elle ne s’y ennuyait pas, c’était qu’elle y songeait comme à des vacances. De temps à autre, elle allait dans l’un ou l’autre musée de la ville, elle regardait les tableaux, et tant qu’elle ne ressentait pas un désir impérieux de les subtiliser pour les revendre sur le marché noir, elle estimait que ses vacances pouvaient durer encore un peu. Et comme elle n’avait pas souvent pris des vacances, elle avait de quoi s’offrir des toilettes discrètement luxueuses et un appartement très confortable.

Ce n’était pas, cela dit, qu’elle menât une vie tout à fait paisible. Il lui arrivait de temps à autre de tuer le temps en vendant des armes qui lui tombaient entre les mains, en laissant filtrer quelques informations sur tel ou tel projet de la Défense. C’était ces petites distractions qui lui permettaient de ne pas devenir apathique et d’entretenir ses réflexes professionnels. Mais enfin, comme elle n’avait fait enfermer personne à l’asile depuis des mois, on ne pouvait guère dire qu’elle fût très active.


« Nein ! Nein ! Nein ! Plus rapidement. Vous avez dix-sept ans que diable. Vous devez être capable de jouer cela rapidement. »

Cette imprécation teintée de germanophonie avait été proférée à grands renforts de moulinets de l’ombrelle, puis Mademoiselle Irene Fichte avait posé la dite ombrelle, remonté ses manches, poussé les mains de son élève, et s’était mise à jouer avec une vitesse prodigieuse. Même les yeux pourtant implacables de Koji ne parvenaient pas à suivre les doigts virevoltant sur le clavier. Mais à peine une minute plus tard, la jeune femme interrompit le torrent musical.

« Ach. Ja. Je crois que la leçon est terminée. Bon, bon, bon. Allez. Ne boudez pas. Ce n’était pas si mal. Mais vous travaillerez vos gammes. Ah, et accompagnez-moi à mon bureau. J’ai une partition à vous donner. »

Elle s’était relevé du banc, et en un instant, la professeure sévère et sans âge s’était transformé en une ravissante créature échappée de la Belle Epoque, avec sa robe à l’architecture complexe et son chignon délicat. Elle avait repris son ombrelle et s’était mis en route, sans attendre que Koji fût prêt – c’était qu’à lui il fallait un temps considérable, pour bien mettre son manteau, son écharpe, et s’assurer d’un coup d’œil dans la vitre qu’il était toujours aussi charmant. Elle marchait en effleurant le sol, à chacun de ses pas, de la pointe de son ombrelle, comme une sylphide éthérée.

Koji marchait, selon son habitude, un pas derrière elle, et elle semblait ne pas y songer. Elle semblait d’ailleurs songer à autre chose, et ce n’était pas sans rajouter à l’éther de son personnage : qui la croisait dans les couloirs pouvait penser vraiment qu’elle vivait dans un autre monde, si peu semblait-elle prêter attention à celui qui l’entourait en effet. Cela ne l’empêchait pas de se frayer avec adresse un chemin à travers la masse d’étudiants qui déferlaient à cette heure-ci dans les couloirs.

Mais le pire était à venir, le pire, c’était le hall. A cette heure-ci, Koji craignait qu’il fût quasi impossible de se frayer un chemin vers l’escalier qui menait à l’étage, et aux bureaux des professeurs. Mais c’était sans compter sur la roublardise de contrebandière d’Irene Fichte, qui avait ralenti un peu son pas, et regardait par la fenêtre, pour faire des commentaires indifférents sur le temps, l’architecture londonienne et la musique anglaise. Ils arrivèrent dans le hall quand il n’y restait guère que des troupes de retardataires.

Irene avait levé son ombrelle et la pointait désormais vers le plafond, en commentant en allemand – elle ne parlait en anglais avec Koji que pendant ses leçons, parce qu’elle y était tenue par le règlement – les peintures du plafond, et Koji lui-même avait levé le nez pour observer les détails sur lesquels elle attirait son attention, quoique ce fût parfaitement inutile : il avait jeté un coup d’œil à ce plafond la première fois qu’il était entré dans le bâtiment, et désormais, tout était gravé dans sa mémoire.

De sorte que ni l’un ni l’autre des deux mutants pianistes ne regardait où il allait : ils échangeaient des plaisanteries fines en allemand, tout en contemplant le plafond, et bientôt la suite inévitable de ce genre de situations se produisit. Irene Fichte rentra dans ce qui lui sembla d’abord être un poteau en acier renforcé, et qui s’avérait être en réalité Virginie Parish, une élève de son collègue de danse, Chris Peterson.


« Ach, commenta Irene Fichte en reculant d’un pas, je vois que la danse vous réussit, Mademoiselle Parish. Vous vous endurcissez. »

La jeune femme arrangea d’un geste expert sa robe, avant de contempler son ombrelle, sa si fragile et précieuse ombrelle, qui n’avait pas aussi bien résisté qu’elle à cette rencontre titanesque.

« Schade. Je crains de n’avoir pas le même attirail que Mary Poppins. »
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Virginie Parish

Type Sigma

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Virginie Parish

Alias : Résilience
Race : Mutante
Clan : Le Nouvel Institut
Age du perso : 18 ans
Profession : Employée de la LC et Membre du Contrepoison
Affinités : Ami(s): Institut
Ennemi(s): Anti-mutants
Points XP : 1171


-PERFORMANCES-
Pouvoir: Résistance physique et sens hyper développés
Type: Sigma
Niveau: 5

MessageSujet: Re: [RP] Ach. Mon ombrelle est cassée - terminé [RP] Ach. Mon ombrelle est cassée - terminé EmptySam 20 Mar 2010 - 1:46

Tout le monde à des petits secrets dans la vie. Virginie Parish n’échappait guère à cette loi humaine. Loi humaine qui d’ailleurs s’adaptait parfaitement aux individus mutants. L’institut était légal, mais pour autant, il restait un établissement tout juste toléré. Il fallait donc éviter d’aborder le sujet en lieu public. C’était d’ailleurs devenu une habitude pour cette jeune adulte active et en recherche de reconnaissance. La question mutant était encore bien trop sensible en société et en intimité. Et puis monsieur Peterson n’avait pas besoin de le savoir se justifiait elle toute seule. Notre danseuse avait donc éclipsé cet aspect de son existence. Depuis quelques semaines maintenant sa cachotterie accaparait deux soirs de chacune de ses semaines. Ainsi que, quand la chance se présentait, toutes les heures qu’elle eu put libérer pour l’entretenir.

Ce n’était toujours pas assez. Ses cours réunissaient douze étudiants, tous plus où moins attachés à cette école depuis le début de l’année dite scolaire. La seule raison pour laquelle on l’avait acceptée, si tard, était bien pour ses atouts techniques et physiques qui pour une fois cohabitaient très bien dans l’un des moules de ce monde. Sans doute cette situation aurait put la mettre dans une position difficile. Bien sûr les premières heures avaient été lourdes de retenues. Mais s’était oublier le pouvoir de la passion. Bien vite la timidité ennuyeuse avait du laisser le champ au travail consciencieux. Ce n’est qu’ainsi que Virginie avait put comprendre combien cette activité lui avait manqué. Le retour vers le classique avait été le retour vers un équilibre progressif. Il y avait dans l’exercice des gestes quelques choses de libérateur.

Ce qui ne la connaissait pas appréciaient avant tout sa douceur et son endurance. Etats pour lesquels, sa silhouette gracile et sans doute belle était plus que réceptive. Quand Virginie s’engageait pour les mutants elle devenait une jeune femme vive et combative. Lorsque que le piano donnait l’accord c’était la femme à venir qui apparaissait souvent. La maladresse quotidienne était effacée par une intuition du mouvement. C’était comme si devant les miroirs se cacher ne rimait plus à rien. Plus elle dansait et plus la prise sur son réel était puissante. Alors les bras d’un inconnu ne pouvaient plus la brusquer. Les paroles devenaient, mêmes malveillantes, les litanies de ses pas. Des pas naturellement proches de la perfection d’ailleurs.

Parce qu’avec son sens du labeur et son degré d’exigence, mademoiselle Parish devenait un modèle d’apprentie. Ses connaissances de bases plus quelques conseils avisés avaient tôt fait de la mettre à niveau. Un professeur de l’Institut ne l’aurait sans doute pas crut en la voyant. D’ailleurs elle-même n’avait pas tout à fait conscience de la qualité dont elle faisait preuve. Parce que toute perfection du geste mise à part, il y avait ce souffle unique qui émanait d’elle. Celui qu’elle devait à toutes ses blessures de vie, tout son caractère et toutes ses aspirations. On la comparait volontiers à la nymphe sortie des bois venue frôler la terre mortelle. Comparaison simple et poétique qui l’avait fait rougir comme ces créatures innocentes et si désinvoltes.

Un fautif en particulier peut être la taquinait gentiment. Celui qui avait à la guider tout le long d’une prestation. Un jeune homme qui sans doute, était charmé par la fraîcheur d’une âme encore nouvelle. David était son prénom et Apollon son surnom implicite. Il avait pour vocation la danse, vivait et mourrait sans doute pour elle. Et cet amour inconditionnel, le rendait d’une patience d’or envers tout individu un tant soit peu sincère sur le sujet. Et d’un charme, d’artiste presque maudis, dont il jouait avec brio. Oui, il avait cette ora qui séduisait toutes les jeunes filles de bonnes familles qui côtoyaient ce lieu. Si Virginie n’avait pas eu le cœur prit sans doute aurait elle remarqué plus que sa gentillesse douce heureuse. Par exemple ce petit air qu’il avait en lui lançant une pomme. Alors qu’ils quittaient tous la salle, les cheveux humidifiés par la douche et le sourire exsangue.

Mais Virginie sortait de ces séances comme un consommateur d’opium de son fumoir. Un sac de sport accroché à l’épaule elle marchait droit devant elle sans même vérifier la direction. Ses mains occupées à former une queue de cheval libérée. Comme la plupart elle portait le noir couleur de la rigueur et de l’élégance classique. C’était l’une des rares occasions de la voir avec autre chose qu’une robe. Puisque ici la silhouette avait toute son importance, elle portait la tenue adéquate. Soit un pantalon, qui ne faisait que couvrir sa peau de noir, plutôt que de la dissimuler et le débardeur de circonstance, tout à fait saillant.

L’escalier bondé ne lui posa aucun problème, plus vive qu’un ruisseau elle filait vers la sortie. Il y avait encore cet article à clore pour le lendemain et cette faim de loup qui la poussait à l’air libre. Elle était à contre courant des visiteurs. C’était la fin d’après midi et bientôt son absence serait remarquée. Le nouvel an se rapprochait à grand pas. Qu’allait-elle faire ? Elle l’ignorait encore. Entendit-elle l’allemand rieur ? Sans doute pas. Elle était tout à ses calculs de dissimulation car cela aussi était un secret bien gardé. Elle s’était arrêté une seconde pour voir passer un joli blond amical un peu plus loin. Et le choc raisonna dans sa structure osseuse. Il lui fallu une seconde pour comprendre, une autre pour entendre et une dernière pour analysés. Ses yeux océans à la brillance satisfaite prient la lueur de la confusion virginienne.

-« Ho…. Madame Fichte, pardon, je… bonsoir excusez… Koji ? »

Alors que les excuses perlaient à sa rose bouche la vision de son ami l’arrêta net. Une seconde de suspend où un millier de question affluaient sans pudeur. Mais on ne lui laissa pas loisir de comprendre mieux la situation. Car la voix de la pianiste annonçait un verdict dès plus déplaisant. Un petit drame matériel et terrible pour elle. Dans toutes les répercussions qu’il put avoir au prés de cette presque inconnue. La confusion de la jolie blonde s’appuya d’une culpabilité sincère et tant soit peu démesurée. Virginie ne savait pas qu’Irène était une mutante et que donc elle aurait put entendre l’explication là plus honnête. Alors elle donna la seule réponse qui lui semblait logique.

-« Je ne l’ai pas non plus madame et j’en suis désolée. Mais je vais vous la remplacer. Je pourrais en trouver une semblable je pense. Pardon, vraiment… j’étais ailleurs et…. Ho… je suis si désolée pour ce joli objet. »

Plus elle parlait, plus elle songeait que cela pouvait mériter sanction où pire colère de la part de la belle artiste. Après tout la jeune fille ne savait guère plus que le nom de cette interlocutrice. Elles étaient toutes les deux des jeunes recrues. Cela dit les marque de la langue allemande l’intimidait un peu et de façon irrationnel. Ce n’est que grâce aux effets de la séance dont elle sortait que sa voix restait assez calme et son cœur à peu prés silencieux. Autre chose pourtant, aussi… Koji venait de la prendre en flagrant délit et cela l’inquiétait. Plus qu’une ombrelle, n’importe quelle ombrelle. Comment allait-il réagir en sachant qu’elle ne lui avait pas avoué cela ? L’omission faisait il parti du mensonge dans ce cas là ? Insidieusement son angoisse reprenait le dessus. Un sourire piteux aux lèvres elle attendait leurs deux condamnations. Dire que l’après midi avait bien commencée.
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Koji Ashton

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MessageSujet: Re: [RP] Ach. Mon ombrelle est cassée - terminé [RP] Ach. Mon ombrelle est cassée - terminé EmptySam 20 Mar 2010 - 12:41

D’Irene Fichte, Koji avait deviné quelques petites choses qui n’étaient pas étrangères à sa ponctualité aux leçons. Sans doute il voyait en elle la pianiste exceptionnelle qu’elle était, la grande rigueur dont elle faisait preuve et qui manquait, à cette époque, à beaucoup de musiciens, mais il y avait en elle autre chose qu’une artiste : une vie qu’il entrevoyait, une vie presque secrète, et qui correspondait si peu à la jeune femme délicate qu’il côtoyait trois fois par semaine qu’il se demandait parfois si ses capacités d’observation et de déduction, pour une fois, ne l’induisait pas en erreur, et si un zeste d’esprit romanesque – car il était persuadé de n’en avoir qu’un zeste – ne le conduisait pas à broder toute une tapisserie sur ce qui n’étaient peut-être que des motifs de dentelle.

Il avait remarqué sur la peau entre le pouce et l’index de la main droite de la jeune femme de légères traces d’éraflure, qui lui faisait soupçonner qu’elle utilisait des armes à feu. Peut-être s’entraînait-elle simplement au tir, et il devait y avoir de nombreuses jeunes personnes respectables qui, dans une ville dangereuse comme l’était Londres, ressentaient le besoin d’avoir de quoi se protéger. Mais il trouvait que le personnage de la jeune femme en détresse convenait assez peu à Irene Fichte.

Quand elle lui avait parlé en allemand pour la première fois, il ne lui avait fallu qu’une demi-seconde pour distinguer dans sa voix l’accent de Berlin – cette ville que lui-même avait tant fréquentée, et qu’il avait aimée, peut-être plus qu’aucune autre, mais que pour rien au monde, désormais, il ne voudrait trouver à nouveau. Mais il y avait quelque chose d’étrange jusque dans cet accent allemand : ce n’était pas qu’il fût vulgaire, mais enfin, il n’était pas aussi distingué que pouvaient l’être aujourd’hui les tenues de la jeune femme. C’était imperceptible, sans doute, pour beaucoup, mais pour une oreille aussi entraînée que celle de Koji – et la distinction des accents était une de ses aptitudes les plus développées – la question ne manquait pas de se poser, de savoir de quelle manière la jeune femme avait accompli un tel bond dans l’échelle sociale.

Et ces tenues, justement, n’avaient pas non plus échappé au regard inquisiteur du jeune homme. C’était qu’en charmeur professionnel, il avait acquis une science pratiquement illimitée de la mode, et il était capable d’évaluer le coût, de déterminer la provenance, de telle ou telle parure. Or, il était pour lui évident qu’un salaire de professeur de piano, fût-ce au Conservatoire Royal de Londres, ne permettait pas de s’offrir des toilettes au luxe certain. Et Irene Fichte n’était pas mariée ; du moins, elle n’avait jamais porté d’alliance, puisqu’il n’y avait pas de marque sur son doigt. C’était donc que cette fortune, probablement, était la sienne. Fortune bien mystérieuse, dès lors.

Et puis, il y avait ses yeux. Des yeux violets. Ce n’était pas comme des tentacules ou une queue de lézard, bien sûr, mais tout de même, il était difficile pour un observateur comme lui, et un bien plus piètre observateur également, de passer à côté de ce détail marquant du physique de sa professeure. Elle était forcément, en quelque manière, une mutante. Mais ce pouvait fort bien être une mutation discrète dont la seule manifestation était cette couleur un peu hors du commun, et qui ne prêtait pas à plus de conséquences. Mais elle jouait d’une façon – d’une façon telle que souvent, il songeait qu’il y avait quelque chose, dans cette musique, qui n’était pas tout à fait naturel. Des notes qu’il n’était pas humainement possible de jouer. Pas avec seulement dix doigts et deux mains. Mais la manière dont elle parvenait à ces exploits, inaudibles pour qui n’avait pas une oreille exercée de musicien, demeurait pour le jeune homme un mystère.

Ce n’était pas cependant à toutes ces énigmes que le métisse songeait, dans les couloirs du Conservatoire, en prêtant une oreille attentive aux propos de sa jeune professeure, dont ils rejoignaient le bureau. Dans ces situations, il se félicitait de sa mutation, qui lui permettait d’écouter avec soin un interlocuteur et de rêver à tout autre chose. Et en regardant la silhouette se découper des bâtiments de Londres que commentait Mademoiselle Fichte, c’était à son jeu à lui qu’il songeait.

Il s’était considérablement amélioré – il apprenait vite, et ce n’était pas que son esprit qui avait de la mémoire, c’était tout son corps qui emmagasinait les informations, ses muscles qui s’imbibaient des mouvements qu’on ne lui avait montrés qu’une fois – depuis qu’il travaillait avec elle, et sa technique, jour après jour, devenait plus exacte. Mais depuis quelques jours, ce n’était cependant pas sa technique qui l’intriguait, et pour laquelle il remarquait des changements considérables, mais bien le cœur même de son interprétation. Il lui semblait qu’il y avait désormais quelque chose autour de quoi tournaient ses exécutions, comme un astre qui jetait sur elles des rayons encore diffus et mystérieux.

Alors Koji repassait dans son esprit les évènements de ces derniers jours, il songeait à sa rencontre avec sa mère, aux discussions qu’il avait eues avec Virginie au centre commercial, à ses nuits de solitude passées à l’étude, à sa rencontre avec Gaël, et son esprit, qui avec une merveilleuse intelligence avait développé une merveilleuse mauvaise foi, croyait ne pas trouver dans tous ces évènements un qui fût assez marquant pour avoir influencé à ce point sa manière de jouer, et commencé à effriter une barrière qui lui résistait depuis des années. Il trouvait belle la neige, blanche comme une chevelure, qui reposait au sommet des monuments londoniens.

Comme ils croisaient de temps à autre des élèves du Conservatoire, et sans cesse plus nombreux, à mesure que les différents cours se finissaient, Koji adressait à l’une un petit geste de la tête, à l’autre un sourire (charmeur – on ne sait jamais), mais en réalité, il les connaissait peu. Ou plutôt, il savait sur eux toute sorte de choses, qu’il avait déduites en leur jetant un coup d’œil, mais eux sur lui ne savaient presque rien : il allait et venait au Conservatoire avec la même discrétion de fantôme qu’il avait pou circuler à l’Institut. On devait savoir qu’il jouait du piano, peut-être du violon, et c’était sans doute à peu près tout.

Le plafond de l’immense vestibule du Conservatoire supportait une peinture dédiée aux Beaux Arts qui avait fait son admiration lorsqu’il était rentré pour la première fois. Mais il était toujours curieux d’entendre ce que Mademoiselle Fichte avait à dire sur des arts, la peinture, l’architecture, qui n’étaient pas proprement le sien, et la culture, immense dans ce domaine, de la jeune femme (elle devait bien savoir un millième des choses qu’il savait – c’était considérable), le laissait songeur. Il avait fallu son intérêt d’enquêteur pour la mystérieuse Mademoiselle Fichte pour déjouer le sens de l’observation implacable de Koji, et faire qu’il ne remarquât pas Virginie, vers laquelle ils se dirigeaient pourtant allègrement.

Et même quand la voix d’Irene Fichte fit jouer dans son anglais un délicieux accent allemand, Koji ne baissa pas tout de suite les yeux : un détail de la peinture auquel il n’avait pas prêté attention auparavant, et dont Mademoiselle Fichte venait de lui dire admirer particulièrement, lui rappelait singulièrement une certaine lumière qu’il avait vue jetée sur une des nombreuses photographies de l’île de Malte qu’il avait parcourues, ces derniers jours – afin de se cultiver, disait-il. Mais le nom de Parish fit descendre ses yeux avec la rapidité d’un éclair, et déjà son regard enveloppait Virginie, la détaillait d’un seul coup, comme s’il la voyait toute entière, comme si rien qu’en la regardant, il devinait ses moindres secrets, ses pensées les plus cachées – c’était son terrible regard, d’une profondeur noire, son regard captivant de toute son intelligence analytique.

Sans doute Koji était-il surpris de trouver Virginie ici ; mais les sentiments comme la surprise, qui ne durait qu’un temps, se produisaient si vite chez le jeune homme, et étaient si tôt suivi par des conclusions et des hypothèses, qu’ils ne parvenaient jamais à aucune expression, son corps n’étant pas aussi rapide que sa pensée. La surprise avait déjà été dissipée par la déduction : Virginie venait prendre des cours de danse ici depuis assez longtemps pour que Mademoiselle Fichte la connût, et ainsi donc, cela faisait plusieurs semaines, au moins, que son amie lui cachait cette partie de sa vie.

Cette conclusion contraria un peu Koji. Ce n’était pas, vraiment pas, qu’il en voulût le moins du monde à Virginie : il y avait bien des choses de sa vie, et presque à vrai dire la plus grande partie de sa vie, que son amie ignorait, soit qu’il prît soin de le cacher, soit qu’il n’eût jamais trouvé vraiment l’occasion de lui en parler. Il ne trouvait pas que l’amitié dût les incliner à toutes les confidences, et il comprenait fort bien que la jeune femme éprouvât le besoin de vivre une vie propre, solitaire, loin de l’Institut et des regards, de voir d’autres personnes que les mutants qu’elle fréquentait à longueur de journées – et du reste, il trouvait que la danse lui allait formidablement bien. Ce qui le contrariait, c’était de ne pas avoir deviné plus tôt de quoi il retournait : il s’en voulait d’être si distrait parfois.

Mais comme il se doutait que Virginie devait se sentir coupable de lui avoir caché ses cours de danse (ce qui n’était pas une hypothèse difficile à formuler, puisque Virginie se sentait coupable à peu près vingt-trois heures par jour), le jeune homme s’empressa de lui décocher un de ses plus beaux sourires, ce qui ne manqua pas de faire hausser un sourcil à Mademoiselle Fichte, qui était dès lors persuadé que son élève préféré tentait de séduire la belle Mademoiselle Parish – ce n’était pas plus mal, songea-t-elle, si cela pouvait l’aider à être plus expressif. Cette hypothèse de Mademoiselle Parish était bien injuste pourtant : Koji devait être l’un des rares (jeunes) hommes de ce bâtiment à regarder Virginie dans les yeux. Ce qui ne l’empêchait pas de la trouver absolument ravissante.

Profitant de l’attention détournée de Mademoiselle Fichte, Koji extirpa les mains de ses poches et commença à masser ses doigts meurtris – il avait beau ne jamais se plaindre pendant les leçons, ces derniers n’en manquaient pas de lui laisser des souvenirs cuisants. Cela dit, Koji était tellement avide de sensations nouvelles que la douleur physique avait toujours pour lui un charme discret. En massant ses mains endoloris, il songeait que Virginie ne devait pas être aussi surprise que lui de le rencontrer ici : c’était que quand ils se promenaient dans Londres, où qu’ils allassent, les deux jeunes gens rencontraient invariablement une connaissance de Koji, avec qui ce dernier discutait quelques minutes dans une langue étrangère, avant de se séparer et d’expliquer à Virginie que c’était une amie qui était généticienne, biochimiste, historienne, pianiste, etc. Pourtant, pour une fois, ce n’était pas en ami, mais bien en élève, que Koji venait ici.

Il jeta un coup d’œil à l’ombrelle brisée de Mademoiselle Fichte, mais il était loin, très loin de se faire autant de souci que Virginie quant au remplacement de l’objet : il connaissait Mademoiselle Fichte depuis quelques semaines à présent, et il était certain de ne l’avoir jamais vue exactement avec la même tenue, ni même la même ombrelle. Quelque précieuse que fût celle-ci, nul doute qu’elle serait sans peine remplacée par une autre. Alors Koji entreprit d’apaiser son amie en lui glissant un sourire de réconfort, un de ces sourires qui lui permettait d’avoir une collection de cartes incroyables à chaque Saint-Valentin (à son grand désespoir, c’était un sourire qui marchait surtout avec les jeunes femmes), mais qu’il faisait en l’occurrence en toute innocence – ce qui sembla cependant échapper à Mademoiselle Fichte, qui haussa un nouveau sourcil, désormais résolue à jeter Virginie dans les bras de Koji, ou inversement, afin de faire de son poulain un excellent pianiste.
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Artie Chastel

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MessageSujet: Re: [RP] Ach. Mon ombrelle est cassée - terminé [RP] Ach. Mon ombrelle est cassée - terminé EmptySam 20 Mar 2010 - 18:02

D’habitude, les cours de dessin que prenait Artie au Conservatoire de Londres avaient pour don de lui changer les idées, de penser à autre chose, et cette fois-là ne faisait pas exception à la règle. Son professeur, Mr. Buckminster, était lui-même un mutant qui avait la capacité de reproduire sur papier ce qu’il voulait avec un réalisme et un détail saisissants. Un point qui rassurait déjà bien le jeune garçon, avec qui Mr. Buckminster était très agréable. En fait, il l’était avec tout le monde. Un peu trop, parfois. On le lui reprochait souvent. Mais Artie, lui, n’en avait que faire. Du moment qu’il était gentil avec lui, les autres il s’en fichait complètement.

- Non, non, pas comme ça.

Artie gomma pour la douzième fois le visage de son personnage. Derrière lui, penché au-dessus de sa tête, Mr. Buckminster lui prit le crayon et dit :

- Ton visage était trop étroit. Regarde.

Il partit d’un coup de crayon, un seul, mais cela suffit. C’était un coup de crayon parfait. D’un simple geste, il ébaucha le contour de la tête de la femme qu’ils étaient censés reproduire, et cette simple esquisse donnait une telle impression de réalisme qu’en cet instant, Artie aurait souhaité avoir le même don que son professeur de dessin. Toutes les choses qu’il aurait pu réaliser avec…

Il était encore perdu dans ses pensées qu’il ne remarqua même pas qu’il se trouvait déjà dans le gigantesque hall d’entrée du Conservatoire, son sac sur l’épaule. L’immense plafond voûté arborait une mosaïque des plus impressionnantes mais Artie n’en avait pas vraiment cure. Ce genre de peinture ne l’intéressait pas. Il était bien renfermé pour ce qu’on pouvait appeler un artiste. Ne faisait que ce qu’il aimait, et pas ce qu’on pouvait lui demander de faire.

Il se dirigea vers la sortie, le regard tellement perdu dans le vide qu’il ne vit même pas le groupe de personnes devant lui et qu’il percuta. Se reprenant, il leva les yeux vers ceux qui se trouvaient sur sa route : un professeure qu’Artie connaissait de vue, un jeune homme de l’Institut dont Artie avait le nom sur le bout de la langue, et une jeune femme que le garçon reconnut comme étant Virginie Parish, elle aussi de l’Institut.


- Euh… désolé, je… heu…

Tous trois posèrent un regard sur lui, et il se sentit tout d’un coup tout petit. Comme une souris devant un lion.
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MessageSujet: Re: [RP] Ach. Mon ombrelle est cassée - terminé [RP] Ach. Mon ombrelle est cassée - terminé EmptySam 20 Mar 2010 - 19:23

Irene Fichte exultait. Elle avait trouvé ! Enfin trouvé ! Enfin trouvé dans les bras de qui jeter son cher protégé, afin d'en faire un pianiste digne de ce nom. Un peu plus, et elle aurait été prête à croire que Koji ne s'intéressait pas du tout aux femmes, tant il était insensible aux demoiselles qui soupiraient sur son chemin de poète romantique. Cela faisait des semaines qu'elle l'observait de prêt ! La technique, elle pouvait s'en charger, mais si ce petit n'y mettait pas du sien, elle ne pouvait plus rien pour lui. Il lui fallait une grande et forte passion.

La jeune femme observait Virginie de ses yeux violets, avec un air légèrement désinvolte, et c'était vrai que parfois, à défaut des bagages magiques, elle ressemblait à Mary Poppins. Ce qui n'était certes pas des plus rassurants. A son humble avis, Virginie était une jeune femme splendide. Tout à fait ce qu'il fallait pour Koji. Un doute horrible, un doute effroyable, effleura son esprit de marieuse. Peut-être que Virginie avait quelqu'un dans sa vie ! Voilà qui mettrait tous ces délicieux projets (artistiques) à mal. Mais il y eut une lueur d'espoir, et c'était Koji qui souriait. Ainsi donc, il n'était pas aussi empoté que cela, et savait jouer de ses charmes. Un sursaut d'instinct maternel eut raison d'elle un instant, et elle se sentit très fière de lui.

Pendant ce temps, Mademoiselle Parish se répandait en excuses. Comme Irene Fichte avait décidé que d'ici à la fin du mois, Koji devait jouer des morceaux passionnés en pensant à la jolie jeune fille, elle jugea opportun de ne pas trop la contrarier, et d'instaurer une ambiance propice aux regards langoureux glissés à la sauvette – mais qu'elle comptait bien intercepter d'un regard violet et discret. Alors la jeune femme laissa un air de bonhommie extravagante qui n'appartient qu'aux Prussiens affleurer sur son visage, et son accent germanique fit jouer des notes d'une extraordinaire bonne humeur dans sa voix.


« Allons, Mademoiselle Parish, allons ! C'est moi qui dissertait bêtement sur la peinture du plafond, au lieu de regarder où j'allais. Ja, ja, c'est entièrement de ma faute. »

Un sourire protecteur, rassurant, vint se dessiner sur les lèvres de la professeure de piano qui apparaissait, à tant et tant d'élèves, si terrible : et à la voir sourire de la sorte, il n'y eût pas de confesseur, aussi austère qu'il fût, qui ne lui donnât la communion sans poser de question.

« Et des ombrelles, j'en ai d'autres ! Haut les cœurs et roulez jeunesse ! »

Mademoiselle Fichte avait scandé ses remarques de puissants moulinets de sa défunte ombrelle, tout à fait de nature à assommer un passant malheureux dans le hall qui, fort heureusement, se dépeuplait, de sorte que l'accident fut évité. Puis elle laissa éclater contre les murs un rire charmant, qui fit se retourner à peu près tous les visages vers eux, car tout charmant qu'il fût, il n'était pas des plus discrets. Peut-être avait-elle pris des cours avec Valérie France ?

Les yeux violets de la jeune femme prirent finalement possession de Koji et de Virginie, qu'elle envisageait avec un air songeur. C'était, se disait-elle, qu'ils formaient un bien joli couple. Mais peut-être avait-elle eu tort de croire qu'il restait encore quelque chose à faire, et peut-être n'était-ce que la pudeur, et la timidité face à un professeur, qui empêchait Koji de saisir Virginie virilement par la taille pour l'embrasser avec ardeur. Peut-être. Mais si Irene Fichte était prête à faire confiance à Koji pour exécuter une sonate sans erreur, elle ne lui donnait pas le même crédit quant à savoir s'y prendre avec les femmes.

Dehors, sur Londres, la neige commençait à tomber. Cette année, les mois d'hiver s'annonçaient rudes, ce qui ne manquait pas de soulever des réflexions plus ou moins intelligentes sur le réchauffement de la planète, dans la presse et à la télévision. Des climatologues de tout bord, et certains aussi climatologues qu'Irene Fichte était honnête, commentaient des reportages sans fin où de courageux Londoniens luttaient contre plusieurs dizaines de mètres de neige, parant l'adversité de leur flegme tout britannique. Et pour l'heure, il n'avait fallu que quelques minutes pour que la neige qui avait commencé à tomber formât de puissants tourbillons, propres à décourager les plus flegmatiques des sujets de la Reine de tenter une sortie dans les glaces.

La jeune femme était en train de méditer un commentaire inspiré sur le beau temps légendaire d'Albion en arrangeant rêveusement son chignon quand Koji, percuté par un individu non-identifié auquel elle n'avait pas pris garde, puisqu'elle regardait par l'immense baie vitrée du vestibule, manqua de s'effondrer sur sa robe, et ne sauva sa dignité à lui et sa robe à elle qu'en faisant preuve, une fois de plus, de son légendaire sens de l'équilibre.


« Ach, commenta-t-elle. »

Elle poussa Koji d'un petit coup d'ombrelle, et fut ravi de constater que le jeune homme prenait instinctivement place à côté de Virginie, en lui adressant un sourire amusé. Que voilà une affaire qui se présentait bien ! Mais pour l'heure, le regard de la terrible (à ce que l'on disait) professeure avait descendu quelques centimètres pour se poser sur le visage verdâtre et maladif d'un élève qu'elle avait aperçu une ou deux fois, mais dont le nom pour l'heure lui échappait.

« Alors, alors ! On ne regarde pas où on va ? »

Elle avait dit cela avec un ton de fausse réprimande bavaroise, et tout semblait indiquer que l'instant d'après, elle allait faire apparaître de sa manche une pinte de bière et l'offrir à Artie en lui tapant dans le dos. Pour l'heure cependant, elle scrutait méthodiquement les traits du jeune mutant, comme s'ils devaient lui apprendre comment il s'appelait. Il lui fallut une bonne minute pour remettre un nom sur le visage pas très frais de celui qui avait manqué de ruiner sa robe (ce qui eût été beaucoup plus grave que la perte d'une ombrelle).

« Ja ! Voilà ! Monsieur Chastel. Allons. Bon. Je ne vous en veux pas, n'est-ce pas ? Nous sommes tous les deux de petits distraits. »

Pendant quelques secondes, elle fit de nouveau entendre son rire dans le vestibule, de sorte que les regards se tournèrent de nouveau vers l'étrange groupe qu'ils formaient tous les quatre. Puis le regard de la jeune femme dériva à nouveau par la baie vitrée, au-dehors de laquelle le chemin semblait de moins en moins praticable. Il était de son devoir de professeure de ne pas abandonner des étudiants à la tourmente – et de jeter Koji dans les bras de Virginie, bien entendu.

« Ja. Il neige fort, dites-moi. Also... Puisque vous êtes tous là, je ne vais tout de même pas vous laisser rentrer à l'Institut dans le blizzard, nein. Que diront les gens là-bas si je leur envoie des mutants tout congelés ! »

Elle avait dit cela avec un ton absolument dégagé, comme si Virginie, Arthur et Koji portaient tous une petite étiquette sur leur manteau, avec leur situation inscrite en toutes lettres. Comment une professeure de piano du Conservatoire Royale pouvait-elle savoir que les trois étudiants qu'elle avait en face d'elle étaient membres de l'Institut, c'était une énigme, et une énigme à vrai dire pas tout à fait rassurante. Mais quelque désinvolture qu'elle mît à exprimer cette réalité, elle n'en avait pas moins légèrement baissé la voix, pour s'assurer que personne d'autre ne pût les entendre.

C'était que depuis qu'elle était arrivée à Londres, Irene Fichte, quoique en vacances, avait jugé bon de s'informer un tant soit peu sur la situation politique du pays, et sur les différents groupes qui y agissaient, et le nom de l'Institut, puis celui de la Liberty Corporation, n'avaient pas tardé à lui tomber sous les yeux. Elle s'était donc fait une joie d'enquêter un peu sur le sujet, dans cette partie de sa vie où elle s'habillait tout autrement, parler tout autrement, et fréquentait plutôt les bars louches des ruelles de la capitale que les salles luxueuses des concerts classiques.

Que Koji Ashton fût un mutant, ce n'était pas un secret. Ses déboires avec les milieux universitaires, le jeune homme ne les avait jamais caché, et ses réalisations si abouties à un âge si précoce, n'avaient pas manqué d'attirer la curiosité, puis les conclusions des journaux. Quant à Virginie, il paraissait peu probable à Irene qu'une jeune femme, toute sportive qu'elle fût, pût être aussi solide sans avoir quelque particularité, et les sourires prometteurs qu'adressait son poulain à la danseuse lui laissaient croire qu'ils se connaissaient déjà un peu. Et elle avait comme l'impression que Arthur n'était un inconnu ni pour Virginie, ni pour Koji : de là les conclusions étaient faciles à tirer.

Mais elle était bien décidée à ne pas leur laisser le temps de faire autant de réflexions qu'elle (ce qui, pour Koji, elle le savait bien, était perdu d'avance), et elle enchaina aussitôt.


« Donc, tout le monde le suit. Nous allons prendre un chocolat chaud dans mon bureau. »

C'était une proposition qui ne se refusait pas : les bureaux des professeurs du Conservatoire étaient, pour les étudiants, un objet de rêveries irremplaçables. Chaque professeur avait le sien, un grand espace qu'il pouvait aménager à sa guise, et on racontait que le style de chaque membre du personnel s'y reflétait d'une manière unique, qu'entrer dans l'un de ces bureaux, c'était un peu comme entrer dans un cerveau. Mais quand même la proposition n'eût pas été aussi séduisante, Mademoiselle Fichte n'avait pas l'air d'être le genre de personnes à qui l'on pouvait refuser quoique ce fût.

Elle se mit donc en marche, en veillant à ce que la petite troupe l'accompagnât, et en marchant, elle s'appuyait sur son ombrelle brisée comme si elle n'avait pas été fendue en deux, ce qui achevait de lui donner une allure très étrange, qui disposait tant au respect qu'à la sympathie. Elle guida les jeunes gens dans le dédale des couloirs, gravit un escalier, pour arriver finalement dans un long couloir, à nouveau, entièrement lambrissé, et dont se dégageait une atmosphère comme née du dix-neuvième siècle.

Après avoir passé quelques portes, Irene Fichte produisit de nulle part une clef d'un autre âge, ouvrit une porte et se glissa dans son bureau. On eût dit un cabinet au merveille : tous les meubles, et le sol, étaient en bois. Il y avait un piano droit, deux grands bureaux et une table, et sur chacun des trois derniers, des piles de documents, des globes terrestres, des coupes papiers, des stylos plumes, des cartes d'un autre âge


« Gut. Voyons ce que j'ai pour des adolescents en pleine croissance. »

Elle déposa son ombrelle contre un des bureaux pour s'approcher d'une armoire normande, que le temps avait rendue tellement biscornue qu'il était douteux qu'elle s'ouvrît encore – elle le fit cependant, et sans difficulté, découvrant de nouveaux trésors : une dizaine de boîtes en fer, contenant des thés improbables, des chocolats aux nuances subtiles, des petits gâteaux à n'en plus finir, trois pamplemousses, sept confitures différentes et une scie circulaire. Irene entreprit de sortir une machine à café, chocolat et eau bouillante, seul objet moderne de toute la pièce.

« Choisissez ce que vous voulez là-dedans, pendant que j'installe ça. »

Elle se mit en peine de faire fonctionner la machine, et de ressembler en une espèce de salon quelques uns des innombrables fauteuils en cuir qui erraient en semi-liberté dans toute la pièce.
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Virginie Parish

Type Sigma

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Virginie Parish

Alias : Résilience
Race : Mutante
Clan : Le Nouvel Institut
Age du perso : 18 ans
Profession : Employée de la LC et Membre du Contrepoison
Affinités : Ami(s): Institut
Ennemi(s): Anti-mutants
Points XP : 1171


-PERFORMANCES-
Pouvoir: Résistance physique et sens hyper développés
Type: Sigma
Niveau: 5

MessageSujet: Re: [RP] Ach. Mon ombrelle est cassée - terminé [RP] Ach. Mon ombrelle est cassée - terminé EmptySam 20 Mar 2010 - 22:36

Le sourire de Koji la rassura au moins sur un point. Elle le savait incapable de feindre pareil signe de sympathie. Il n’était pas fâché contre elle. L’angoisse rebroussa chemin pour une vague de soulagement tout aussi soudaine et puissante. Malgré les mois Virginie n’en finissait pas de devoir jongler avec ses changements d’émotions. On aurait put y voir de l’inconséquence. Alors qu’il s’agissait d’un trop plein d’application dans le présent. Elle savait que cela n’était pas bon pour elle. Plusieurs professeurs lui avait dit de se débarrasser de tous ces doutes empoisonneurs. Seulement toute sa bonne volontiers l’empêchait justement de se détacher de ses ressentis instinctifs. Quoi que maintenant elle essayer de relativiser plus vite.

Son regard glissa automatiquement vers le mouvement de Koji. Les doigts rougis l’inquiétaient tout en l’éclairant. Mais bien sûr ! Le piano. Koji et la musique. Oui. C’était si évident maintenant qu’ils étaient l’un devant l’autre. Depuis combien de temps venait-il prendre des cours ici ? Il ne lui semblait pas que le sujet avait été évoqué entre eux… En six mois d’amitiés elle aurait dût s’en rendre compte non ? Une information pareil lui avait échappée ! Pourtant tout ce qui concernait ce jeune homme lui importait réellement…. Avait elle était si peu présente ? Bien sûr il y avait l’association qui lui prenait beaucoup de temps depuis l’été. Etre l’assistante de la numéro deux ce n’était pas une mince affaire, même pour une mutante !

La douceur conjuguée, du charmant métisse et de l’intriguant pianiste dissipèrent un peu ses remords bien sincères. Quoi que celle de la jeune femme était diablement plus expressive. C’était comme si un personnage, un adjuvent de conte, venait de prendre possession de la dame. Il y avait en elle un entrain que Virginie ne s’expliquait pas. Cette enseignante était connue pour plus de, d’austérité, de sévérité. Là c’était bien tout le contraire qu’elle donnait à voir aux deux jeunes étudiants. Cela déstabilisa un, même beaucoup, la mutante. Etait-ce parce que Koji avait réagit en ami que sa guide artistique avait décidé d’être joviale ?

La lueur mauve magnifique, qui l’habilla toute entière, l’intimida tout de même. Qu’est ce qui pouvait pousser madame Fichte à être aussi attentive ? Où était-ce qu’encore une fois le regard de l’autre porté sur elle ne la mettait pas à l’aise. Toujours cette même gêne. Alors Virginie essaya de se raisonner elle-même : cette interlocutrice avait réagit admirablement, elle avait un rire enchanteur, elle observait Koji avec affection. Alors oui, il se pouvait bien, que ses intentions soient louables et son regard bienveillant. Un regard qui dérivait déjà vers l’extérieur les libérant de leurs emprises envoutantes. Virginie en profita pour sourire à son allier et replacer une mèche rebelle qui pouvait lui donner un air négligé mal venu.

La silhouette du jeune Arthur mit une seconde à venir clairement dans son champ de vision. La demoiselle savait peu de chose de lui. Il était en classe de niveau un, tout juste arrivé, avec une mutation physique bien difficile à gérer. Le voir en si piteux état lui fit mal au cœur. Ceci dit l’air serein de Koji et le pragmatisme de la dame temporisait une fois de plus sa réaction. Dieu que mademoiselle Parish était influençable. Sans y songer sa silhouette se rapprochait de celle du génie. C’était un peu comme les papillons attirés par les flammes. Koji était devenu un repère d’équilibre que la jeune fille ne tentait plus d’expliquer.

Alors elle pouvait se mettre de côté elle-même et penser encore plus au reste du monde. Par exemple à cet enfant visiblement malade. La maladie posait toujours quelques soucis à mademoiselle Parish. Parce que ne la connaissant que de manière théorique il lui était impossible de jauger l’état véritable de quelqu’un. Aucun diagnostique possible et de toute manière la remarque de la subjuguante Irène lui coupa la chique. Comment ?

Comment pouvait-elle savoir cela ? Le cœur d’une forme olympique manqua un virage. Son teint pâlit sensiblement et tout en elle se tendit. Virginie n’avait rien dit, sous-entendu, montré, qui aurait put la guider vers cette vérité. Est-ce que Koji lui en avait parlé ? Son regard dévia vers lui une seconde cherchant un « non », ou peut être un « oui », parce qu’il expliquerait tout. Sinon il y avait… Un frisson s’insinua le long de son dos. Or le froid ne la touchait plus depuis des siècles. Pas même ce blizzard de fin du monde. Le cercle.

Même l’image d’un chocolat chaud ne chassa pas cette nouvelle question. Pourtant l’autorité indéniable de la pianiste rabroua tous ses désirs de fuites. Qui plus est Virginie ne partirait qu’avec les deux autres. Un choix solidaire un rien maternel qu’elle assumait pour une fois totalement. D’ailleurs peut être se trompait elle. Peut être ce chocolat chaud n’était que cela ? En plus de cela il ferait probablement beaucoup de bien à son jeune camarade d'Institut. Elle l'espère un peu. Un pas derrière la prof et Koji elle veillait à ce qu'Artie reste visible. Le chemin fût un peu tortueux. Sa mémoire n’était pas assez concentrée et acérée pour retenir la progression dans l’instant. Ceci dit, Koji était là lui.

Le bureau faisait rêver. En le parcourant la jeune fille oublia un instant sa retenue. Son sac retrouva le sol dans un bruit sourd. Sa silhouette tourna sur elle-même dans une grâce admirative. C’était tout à fait romanesque. Ses iris brillaient de ce souvenir recréé. Virginie imaginait les dames, habillées avec le même esthétisme que madame Fichte, parcourir le bois poli de la pièce. Elle s’imagina aussi pendant quelques secondes dans une belle robe assise au piano à jouer. Sa mère l’avait forcée aux leçons enfant. Elle n’avait plus aimé par la suite. Mais dans un bureau pareil. Elle était curieuse d’entre Koji joué. Jamais il n’avait encore joué devant elle.

Le bruit des sièges contre le sol la tira de ses méditations. Sans même songer à demander ses mains vernirent en aide à leur hôtesse improvisée. Tant que les soupçons restaient en effet des soupçons sont comportement resterait celui de Virginie Parish, serviable et douce. Sa mutation lui permit d’aider sa consœur avec une efficacité toute appréciable. Son plaisir du travail bien fait rendit l’ouvrage tout à fait juste. Pour toute la question nutritive pour laquelle la demoiselle était la personne la plus facile à satisfaire encore elle proposa à Koji de lui faire la même chose. Lorsque tout fût en place elle avançait déjà vers le meuble pour proposer une paire de mains.
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MessageSujet: Re: [RP] Ach. Mon ombrelle est cassée - terminé [RP] Ach. Mon ombrelle est cassée - terminé EmptyDim 21 Mar 2010 - 1:07

La situation semblait à Koji particulièrement intrigante, depuis que Mademoiselle Fichte avait fait éclater dans le vestibule cette excellente humeur dont il n'était pas certain qu'elle fût tout à fait un signe dont ils pussent se rassurer. Il ne connaissait cette femme que depuis quelques semaines, et ne parlait jamais avec elle que de musique, d'art, ou de choses indifférentes, et toute l'ampleur de la psychologie d'Irene Fichte, il n'en devait la connaissance qu'à des déductions, tirées d'indices trop minces pour qu'un observateur aussi prudent qu'il l'était pût se tenir pour certain d'en avoir découvert le sens véritable – toujours était-il qu'au cours de cette patiente étude, il ne lui avait jamais paru que la jeune femme pût se comporter de la sorte.

Bien sûr, il avait compris, et assez vite, qu'elle n'était pas, et n'avait jamais été en quelque manière que ce fût, la professeure odieusement stricte et exacte que beaucoup de ses élèves se plaisaient à décrire. Sans aucun doute, elle ne parlait de la musique, du moins elle ne l'enseignait pas, avec cet enthousiasme coulant et en quelque sorte romantique qui faisait le succès des professeurs plus éloquents, et ce qui était en réalité une sorte de pudeur passait pour de l'austérité. Mais lui, qui l'avait vu jouer, qui l'avait écoutée, savait qu'elle était une femme passionnée, et cette passion était d'une sorte, d'une force, telle que Koji ne pouvait pas imaginer que ce n'était pas sciemment que Mademoiselle Fichte la dissimulât à l'ordinaire.

Mais si Koji était intrigué, c'était que le comportement d'Irene Fichte ne tenait pas d'une grande passion : c'était une jeune femme désinvolte et excentrique à laquelle ils avaient désormais tous les trois à faire. Qu'elle fût excentrique, c'était ce qu'il était impossible de ne pas voir : ses toilettes d'un autre temps suffisaient à indiquer une curieuse personnalité. Mais que son excentricité la poussât si loin du personnage qu'elle incarnait au sein de ce Conservatoire, jusque dans celui d'une Allemande bienveillante, protectrice et aux petits soins, c'était ce qui surprenait Koji. Mais peut-être, ce personnage, n'avait-elle jamais cherché à l'incarner ? Peut-être était-elle toujours aussi agréable, une fois le banc du piano quitté ?

Koji songeait à tout cela lorsque Artie manqua de le renverser, sauf son sens de l'équilibre quasi à toute épreuve. Ce fut une excellente excuse pour le jeune homme de se glisser à côté de Virginie, qu'il soupçonnait de n'être pas entièrement rassurée par le comportement pour le moins étrange de sa professeure de piano, dont il était persuadé, lui, qu'elle était une femme charmante, mais dont il n'aurait trop su dire si elle était, ou non, une personne tout à fait fréquentable.

Et Mademoiselle Fichte ne semblait guère disposée à diminuer leurs doutes, en parlant avec tant de légèreté et de naturel, comme si ce devait être une chose évidente et sue de tous, de leur affiliation institutionnelle. Cela dit, la clairvoyance de sa professeure de piano le surprenait beaucoup moins que Virginie : c'était que depuis des années, depuis qu'il errait dans les milieux intellectuels, et que des fruits de ces errances d'aucuns avaient pu s'offusquer, il avait subi de nombreuses attaques. Or, comme ses travaux étaient inattaquables, ses adversaires s'en prenaient à sa mutation, et c'était une chose largement connu, du moins dans ce milieu. Ce milieu, nul doute que Irene Fichte le fréquentait, et si elle avait cherché un peu à se renseigner sur son élève, le reste n'était pas difficile à déduire.

Aussi Koji ne conçut-il pas les mêmes inquiétudes que Virginie à propos des connaissances un peu trop étendues de Mademoiselle Fichte à leur endroit. Qu'elle fût sûr qu'il était un mutant, c'était compréhensible, qu'elle l'eût deviné de Virginie en la trouvant si solide, c'était envisageable, mais qu'elle le sût d'Arthur, voilà qui le laissait somme toute un peu songeur – mais il n'avait pas fréquenté le monde mutant autant que Virginie, et ses organisations les plus sombres ne lui étaient pas si bien connues qu'il les vît partout et s'en inquiétât. Sans doute avait-il tort.

Mais comme pour l'instant il ne s'en doutait pas, et que de toute façon cela lui arrivait rarement, ce fut en toute bonne foi qu'il adressa à Virginie un nouveau sourire, qui n'échappa naturellement pas à Irene, un sourire rassurant. S'il n'avait compris, depuis l'épisode du centre commercial, que la jeune femme répugnait aux contacts physiques, il aurait laissé libre cours à ses (chastes pour une fois) instincts tactiles et lui aurait pris la main. Virginie étant ce qu'elle était, il se contentait de répartir ses sourires rassurants entre elle et Arthur.

A vrai dire, c'était surtout ce dernier qui était à plaindre : lui n'avait rien demandé à personne, et se retrouvait embarqué avec une professeure qu'il ne connaissait pas, et qui avait à peu près l'air d'une Allemande un peu dérangée. Et il n'était pas besoin d'être aussi observateur que Koji pour deviner qu'en dehors même de cela, Arthur n'était pas exactement dans sa meilleure forme.

Koji n'avait jamais parcouru ces couloirs du Conservatoire, et n'était jamais allé dans les bureaux des professeurs, mais un jour, il avait aperçu de loin le plan d'évacuation des lieux, et désormais l'architecture du Conservatoire lui était familière – ce qui ne l'empêchait d'attendre avec impatience de pénétrer dans le bureau de Mademoiselle Fichte, dont il était certain qu'il lui dévoilerait sur son énigmatique professeure plus d'informations qu'il n'aurait pu en obtenir après d'autres semaines d'observation patiente.

Et en découvrant enfin ce bureau, il ne sut pas tout de suite s'il était surpris, ou si au contraire il le trouvait exactement comme il l'avait imaginé : c'était que le lieu, tout étrange qu'il fût, et tout contraire à la réputation de son occupante, semblait tenir d'elle l'atmosphère d'un romanesque désuet qu'exhalaient ses parures. C'était elle, en un sens, mais elle véritable, elle cachée derrière des habitudes de pianiste exigeantes, et il y avait dans ce désordre un tel air de confort, une telle chaleur, que Koji ne doutait pas que ce fût l'expression véritable de la personnalité de leur hôte.

Aussi foisonnant que fût ce bureau, un premier coup d'œil ne lui apprit pas grand'chose. Il y avait des livres en allemand et en anglais, des livres de musique et de littérature, et des livres d'arts également, entassés pêle-mêle sur l'un et l'autre meuble, mais à tout cela il savait déjà qu'elle s'intéressait. Il y avait des partitions, bien sûr. Les cartes, les globes terrestres lui disaient que c'était une rêveuse, sinon une vraie voyageuse. Le butin était maigre, et il allait falloir qu'il regardât tout cela d'un peu plus prêt pour en apprendre plus – ce qui exigeait de détourner un peu l'attention de la professeure, et ce n'était pas une entreprise évidente.

Mais pour l'heure, le plus urgent lui paraissait encore de rassurer Virginie et Artie, aussi alla-t-il jeter un coup d'œil dans l'armoire aux miracles que venait d'ouvrir Irene Fichte. Sans doute cette offrande de nourriture serait-elle de nature à dissiper certaines craintes dans l'esprit de Virginie ; Koji supposait que, pour son amie, quelqu'un qui possédait autant de sortes de confitures différentes ne pouvait foncièrement être une mauvaise personne. Avec un sens tout britannique de la morale, Koji songeait pour sa part que qui gardait autant de thés dans son armoire devait avoir une conduite exemplaire.

Il resta un instant méditatif devant cette panoplie de thés, en se demandant si Irene en profitait d'ordinaire toute seule. Il lui paraissait peu probable qu'une jeune femme à la ligne aussi svelte pût garder autant de nourriture pour elle seule dans son armoire, mais en même temps, il ne trouvait pas dans la pièce de signe qui lui indiquât qu'elle recevait beaucoup. Cependant, Virginie avait commencé à déplacer les meubles avec Irene, et Koji nota du coin de l'œil que pour une personne aussi coquette, sa professeure n'en avait pas moins une poigne qui, sans égaler celle de Virginie (ce qui eût été inquiétant), n'en laissait pas de l'intriguer.

Laissant les deux jeunes femmes au déménagement, il fit signe à Arthur de s'approcher, craignant que son jeune camarade ne se sentît un peu seul et intimidé dans cette pièce étrangère. Il savait qu'il venait d'arriver à l'Institut, et peut-être même à Londres, et il concevait qu'à cet âge, et surtout pour un mutant, les changements de milieu devaient être un peu déstabilisants.


« Une envie particulière, Arthur ? »

C'était la première fois qu'il parlait depuis plus d'une demi-heure, silencieux qu'il était resté depuis qu'il avait quitté avec Mademoiselle Fichte la salle du piano. Sa voix revenait du fond de sa gorge avec cette douceur sage, chaude, rassurante, un peu grave, qui étonnait d'abord : ce n'était pas la voix d'un jeune homme, et surtout pas d'un jeune homme avec des traits aussi délicats, encore aussi fragiles ; c'était une voix dans laquelle on pouvait se lover en se disant que tout était sous contrôle, qu'il n'y avait plus à se soucier de rien, et que celui qui parlait s'occuperait toujours de tout pour nous, et au mieux.

En attendant la réponse de son camarade, Koji avait extirpé du fond de l'armoire un plateau qu'il tenait sur un bras, commençant à y empiler tout ce qu'il lui semblait que Virginie pût désirer (c'est-à-dire à peu près tout ce qu'il y avait dans l'armoire). Les objets s'entassaient sur le plateau, arrangés dans un équilibre en lequel Koji devait bien être le seul à avoir confiance ; pourtant, aussi précaire qu'il parût, l'équilibre était naturellement parfait, calculé au millimètre près. Il alla déposer ce premier chargement sur la table basse que Mademoiselle Fichte arrangeait au milieu par elle et Virginie constitué dans un coin de la pièce, près d'une fenêtre d'où l'on pouvait contempler la neige tombant à gros tourbillons sur la capitale anglaise.

En se redressant, le jeune homme croisa le regard de sa professeure, et il fut tout à fait certain d'y voir la lueur d'un intérêt qui dépassait celui de la simple convivialité, et certain qu'elle avait lu dans le sien la lueur de son intelligence en marche pour découvrir ses secrets. Alors l'échange de leurs regards s'éternisa quelques secondes, pendant lesquelles ils se jaugèrent, comme deux détectives concurrents, et ce n'était pas le souci de la protection qui leur importait, ni pour elle de réaliser une quelconque entreprise contre l'Institut, ni pour lui de tenter de protéger l'Institut contre cette supposée entreprise : ce qui les animait, c'était un goût commun du défi, des jeux un peu dangereux, et éventuellement des inspections et des manipulations psychologiques à la morale douteuse et aux conséquences sordides.

Quelques secondes plus tard, Koji avait détourné le regard, et il était redevenu l'adolescent désinvolte, rêveur et charmeur, qui promenait son regard sur le monde avec une insouciance admirable, et elle, Irene Fichte, était redevenue la dame allemande excentrique, qui invitait quelques jeunes gens à goûter pour ponctuer sa vie d'une petite folie, avant d'aller acheter une nouvelle ombrelle. Ni l'un ni l'autre ne semblait disposer à laisser affleurer leur confrontation muette sous le regard d'Arthur et Virginie.

Koji avait parcouru la pièce du regard, récolté de maigres informations, et désormais il regardait par la fenêtre, il regardait la neige tomber, sans cesse plus vive, emportée par des bourrasques sans cesse plus forte, une immense mer de neige blanche, blanche comme des cheveux – se rappelait-il. Il se demandait ce que pouvait bien faire Gaël en ce moment, s'il n'avait pas encore eu l'idée (un peu stupide) d'aller courir dans la neige. Et cette pensée ne tarda pas à l'emporter à mille lieues du bureau d'Irene Fichte, de la personnalité d'Irene Fichte, et de toutes les énigmes qui la composait.

Ce n'était pas qu'il songeât uniquement à Gaël, et que cet être (singulier au demeurant) concentrât en lui toutes les pensées d'un esprit aussi puissant ; plutôt, son esprit cristallisait autour de Gaël, de ses cheveux blancs, de la neige qui tombait, une infinité de sensations, de souvenirs, d'œuvres d'art, de paysages, qui, par quelque côté, lui rappelait tel mot qu'il avait pu prononcer, tel geste qu'il avait eu, mot et geste gravés dans la mémoire de Koji comme en un marbre inaltérable, et qui reprenaient soudainement vie d'évoquer la houle blanche du golfe de Naples, la chute des fleurs de cerisier au printemps dans son Japon natal, et les pages d'un livre neuf que le coupe-papier n'a pas encore séparées.

Et comme d'habitude, Koji ne songeait pas qu'il songeait : ses pensées l'occupaient toujours trop pour qu'il y fît réflexion. Il y songeait, et c'était tout son pouvoir qui s'y exprimait, refusant toujours de faire retour sur lui-même. Mais cette fois-là, quelque chose d'autre en lui résistait à prendre conscience de ses rêveries, quelque chose en lui les trouvait plus agréables tant qu'elles demeuraient vagues, et presque inconscientes, fugitives. Cette rêverie-ci, alors qu'il perdait son regard par la fenêtre d'un bureau qu'il visitait pour la première fois, quand tout le monde autour de lui s'activait à préparer un goûter dont il ne paraissait pas avoir conscience, était comme un plaisir que l'on craint d'interrompre si l'on songe que l'on est en train de le goûter : alors on ne songe plus à rien d'autre qu'à ce plaisir seul, et on l'est tout entier – priant à chaque seconde pour qu'il dure quelques secondes de plus, comme si l'on savait que l'on n'aurait pas le courage, après, une fois revenu à soi-même, de se donner les moyens de le provoquer.
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Artie Chastel

Type Alpha

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Artie Chastel

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Clan : Institut
Age du perso : 13
Profession : Etudiant/Apprenti dessinateur
Affinités : Virginie Parish, Koji Ashton, Gaël Calafel.
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MessageSujet: Re: [RP] Ach. Mon ombrelle est cassée - terminé [RP] Ach. Mon ombrelle est cassée - terminé EmptyDim 21 Mar 2010 - 17:35

Si Artie n'avait su que dire lorsqu'il avait bousculé le jeune homme - dont il n'arrivait toujours pas à se rappeler le nom -, ce n'était pas mieux maintenant. Il avait été si distrait qu'il n'arrivait toujours pas à se remettre les idées en place.
La professeure, plutôt intimidante mais très jolie pour son âge, Artie devait le reconnaître, le regarda de toute sa hauteur de ses grands yeux violets, qui avaient quelque chose de sévère en soi. Artie, déjà qu'il ne se sentait pas très bien à l'ordinaire, se tassa sur lui-même lorsque la femme le réprimanda, même si ce n'était pas une vraie réprimande. Elle fit un geste qui dévoila au garçon l'ombrelle brisée qu'elle tenait, et se sentit rougir de honte : il avait très certainement du la casser en poussant le jeune homme contre elle.


« Ja ! Voilà ! Monsieur Chastel. Allons. Bon. Je ne vous en veux pas, n'est-ce pas ? Nous sommes tous les deux de petits distraits. »

Comment connaissait-elle son nom ? Cela dit, ce ne fut pas ça qui l'effraya le plus, mais plutôt le rire qu'elle laissa échapper ensuite. C'était un rire à la fois pur, cristallin mais qui avait quelque chose de dérangeant aux oreilles du garçon. Cela lui fit penser qu'il n'avait pas lui-même rit depuis un bon bout de temps.

« Ja. Il neige fort, dites-moi. Also... Puisque vous êtes tous là, je ne vais tout de même pas vous laisser rentrer à l'Institut dans le blizzard, nein. Que diront les gens là-bas si je leur envoie des mutants tout congelés ! »

Des mutants. Elle savait, donc, qu'il en était un, lui aussi. Cette révélation était tout de même moins troublante que le fait qu'elle connaisse son nom sans jamais lui avoir parlé auparavant, parce que le jeunot se doutait bien que sa transformation ne passait pas totalement inaperçue. Son teint pâle, ses grandes cernes grises sous des yeux dénués de tout sentiment autre que la tristesse, et surtout, sa peau mutilée par endroits ne pouvaient à coup sûr pas échapper à une observatrice telle que cette femme.

« Donc, tout le monde le suit. Nous allons prendre un chocolat chaud dans mon bureau. »

Un chocolat chaud ? Dans son bureau ? Artie se demanda s'il ne préférait pas affronter le blizzard. Au moins, il serait seul. Il avait une envie folle de rester seul, en ce moment. Constamment. Il s'était mis à éviter les gens autant qu'il le pouvait. Mais il n'avait pas d'autre choix que d'accepter en silence et de suivre les autres d'un pas traînant.

Ils traversèrent des couloirs que le jeune garçon n'avait encore jamais emprunté. En fait, il était sûr que jamais aucun autre élève ne les avait emprunté. Il n'avait toujours rien dit, et lorsqu'ils pénétrèrent dans le bureau qui semblait provenir d'un autre âge, Artie fut plus ou moins surpris d'y découvrir un sacré désordre. Peut-être pas tant que ça, en fait.

Alors que les deux femmes commençaient à ranger un peu tout le fatras, le jeune homme à l'allure élégante s'approcha des placards et farfouilla à l'intérieur, cherchant sans doute des tasses et de quoi faire du thé ou du chocolat chaud. Pour sa part, Artie resta en arrière, près du seuil de la porte, les mains jointes en signe de nervosité grandissante. Il lâcha une toux qu'il tenta de faire le plus discret possible, sans trop de succès. Son cœur fit un bond lorsque l'autre garçon lui fit signe de s'approcher.


« Une envie particulière, Arthur ? »

Koji. Dès que le son de sa voix eut atteint les oreilles d'Artie, il mit aussitôt un nom sur ce visage aux traits nobles et aux cheveux flamboyants. C'était Koji Ashton, un petit génie de l'Institut, peu connu dans l'établissement mais qu'Artie avait déjà brièvement rencontré. Sa voix était étonnamment rassurante, et coula sur l'adolescent comme une douche chaude. Qui faisait beaucoup de bien.

Rassuré par cette simple question, Artie s'exécuta et vint se placer à côté de Koji, observant ce qui se trouvait dans le placard. Il avisa un paquet de cacao en poudre sans s'apercevoir qu'il se décollait encore la peau du bras.


- Un chocolat chaud, ça m'ira très bien.

Son ton était mal assuré, maladif et timide. Il se tut quelques secondes, le temps de réaliser qu'il se trouvait très malpoli :

- S'il vous plaît.

Ce bête oubli le fit à nouveau rougir jusqu'aux oreilles et il tritura encore plus son avant-bras.
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MessageSujet: Re: [RP] Ach. Mon ombrelle est cassée - terminé [RP] Ach. Mon ombrelle est cassée - terminé EmptyDim 21 Mar 2010 - 19:12

Il était impossible, parfaitement impossible, que Mademoiselle Irene Fichte eût manqué de remarquer les signes d'étonnement qui avaient successivement passé sur le visage des étudiants qu'elle avait introduits dans son bureau, qu'ils y fussent nés lorsqu'elle avait parlé de leur mutation, ou bien lorsqu'elle leur avait fait découvrir son bureau si étrangement meublé, au regard du caractère sévère et rigoureux que la plupart des élèves du Conservatoire se plaisaient à lui prêter. Mais que cet étonnement l'inquiétât, c'était certainement ce qui ne paraissait pas sur son visage, et en déplaçant les meubles, elle gardait une parfaite désinvolture.

Le regard du jeune Koji Ashton avait réveillé ses instincts de joueuse, et la perspective d'une partie serrée venait de jeter sur ses vacances une lumière dont elle savait qu'elle ne laisserait pas son calme survivre. C'était que Mademoiselle Irene Fichte se connaissait trop bien pour croire que ces vacances dureraient éternellement : elle était jeune encore, et d'un tempérament qui trouvait dans l'aventure, dans le danger, le sel de toute la vie. Et la confrontation, pendant quelques secondes, de leurs regards, lui avait laissé entendre que Koji la soupçonnait de quelque chose : c'était une délicieuse invitation à s'en rendre coupable.

Alors son cerveau, qui pour n'être pas aussi puissant que celui de son élève fétiche, n'en était pas moins très efficace lorsqu'il s'agissait de se mettre dans des situations impossibles, avait entrepris, alors qu'elle déplaçait les meubles de méditer sur l'étrange réunion qu'elle était en train d'organiser, et sur le profit qu'elle pouvait en tirer. Et ce faisant, elle s'ingéniait à tenir à Virginie des propos pas tout à fait indifférents.


« Ach, vraiment, Mademoiselle Parish, quelle poigne, quelle poigne ! Une femme forte, c'est toujours un plaisir. Parce qu'avec ces deux-là, ajouta-t-elle en faisant un geste de la tête vers Koji et Arthur, nous ne serions pas allées bien loin. »

Elle avait ponctué sa remarque d'un sourire affectueux pour Koji qui contemplait la neige tomber sur Londres avec un air de profonde mélancolie, et pour Arthur qui lui semblait-il, ne savait trop que faire de lui-même, de sorte que Virginie ne crût pas qu'elle reprochait sérieusement aux deux garçons de ne pas leur prêter main forte. De toute façon, la perspective de s'engager dans une aventure nouvelle la rendait dans une humeur plus excellente encore que celle qu'elle avait laissé éclater dans le hall monumental du Conservatoire, et c'était donc avec une pétulante bonhommie qu'elle les observait tour à tour.

Arthur Chastel. Son air maladif, la vague connaissance qu'il semblait avoir des deux autres, lui suggéraient qu'il était un mutant, aussi. Mais hélas ! C'était tout ce qu'elle savait de lui, en dehors de son inscription récente aux cours de dessin. Récente, donc probablement venait-il d'arriver. Mais d'où ? Et quelle pouvait être sa mutation ? Quel était son caractère ? Quels liens entretenait-il exactement avec les deux autres ? Allait-il se décider à prendre à son tour de la nourriture dans l'armoire magique ? Autant d'énigmes qu'il restait à éclaircir.

Koji Ashton. Quelle passion nourrissait-il secrètement ? Quel intérêt le cerveau le plus puissant du monde pouvait-il trouver qui le poussât à agir ? A quoi songeait-il, en regardant par la fenêtre ? Et quel était son véritable caractère ? A quelles conclusions morales ses réflexions l'avaient-elles finalement mené ? A un égoïsme complet et un mépris savamment dissimulé pour le reste de l'humanité ? A un altruisme de saint et à la plus complète abnégation ?

Virginie Parish. Si belle, si légère, si gracieuse, avec ses longs cheveux blonds, ses airs de biche effarouchée, sa confusion charmante et rougissante, et pourtant, une telle force, une telle résistance physique. Et elle sentait en elle la méfiance patiente, incertaine, celle de la mère toute prête à protéger ses petits. Etait-elle vraiment la femme qui convenait à son pianiste ? Jusqu'à quel point était-elle forte et résistante ?

Toutes ces interrogations l'exaltaient, aussi se fit-elle un devoir de préparer différentes boissons susceptibles de captiver ses jeunes invités et de les inciter à rester un peu avec elle. Elle leur avait fait un signe pour qu'ils s'installassent sur les fauteuils en cuir, qui avaient l'air aussi anciens et confortables que le reste du bureau, et pour sa part, elle avait déposé son chapeau, si fragile, sur un des bureaux, sans se soucier vraiment de savoir si c'était là une place pour lui, et s'il n'allait pas être écrasé plus tard par un livre qu'elle jetterait négligemment sur le meuble.

La machine à boissons était le seul appareil moderne visible de toute la salle, et c'était un appareil diablement efficace. A peine la jeune femme avait-elle appuyé sur quelques boutons, que des tubes innombrables de la machine s'étaient écoulés des liquides diverses, ici du café, là du chocolat, ici encore du thé, répandus dans les tasses qu'elle y avait disposés. Irene Fichte contempla avec une satisfaction non-dissimulées la technologie à l'œuvre, avant de disposer les tasses sur un plateau, et de venir le déposer lui, sur la table basse que Virginie et elle avaient posé au centre du cercle de fauteuils.


« Also... Voilà toutes nos petites affaires en place. »

Elle s'approcha de son fauteuil de cuir, et soudainement, sans prévenir, fit quelque chose de terrible, quelque chose d'inattendu qui jeta sur elle une lumière toute nouvelle : elle défit son chignon. Alors ses longs cheveux noirs, mêlés de mèches parfois blanches, ou grises, retombèrent calmement sur ses épaules, encadrant son visage, et elle avait soudainement l'air bien plus jeune – car jeune elle l'était – et bien moins sévère. Alors seulement il semblait que ce bureau était vraiment le sien, car elle cessait d'être une dame sévère qui portait des toilettes dépassées parce qu'elle avait vieilli trop vide, et devenait une jeune femme romanesque, avec un goût immodéré pour une mode qui l'était tout autant.

Elle prit une tasse de thé entre ses doigts de pianiste, et s'installa sur l'un des fauteuils, non comme l'eût fait une dame comme elle l'avait d'abord paru, mais comme le faisait toujours l'aventurière qu'elle était réellement, ôtant ses chaussures pour replier ses jambes et poser ses pieds sur le fauteuil, calée à l'intérieur comme elle l'aurait fait, près d'une cheminée en hiver, pour lire à roman à rebondissements.

A nouveau, ses yeux passèrent de l'un à l'autre visage, puis se levèrent vers la fenêtre, derrière laquelle tournoyaient la neige, qui ne cessait pas de tomber. Elle but une gorgée de thé, avant qu'à nouveau sa voix ne s'élevât, mais moins exaltée, plus calme, et rêveuse.


« Je me souviens de m'être retrouvée un jour dans une situation comme la vôtre en ce moment. Je devais avoir votre âge, Arthur. Je dois avouer qu'alors j'étais encore un peu une petite fille, dans mes manières. Mes parents m'avaient payé un professeur de piano, au Conservatoire, à Berlin, en Allemagne. Ja... C'était un vieil homme charmant, et un jour, elle m'a fait entré dans un bureau qui ressemblait à un peu à celui, bien sûr. »

Elle s'arrêta quelques secondes : elle évoquait ses souvenirs avec un sourire de douce mélancolie – elle était âgée, un peu, déjà, plus qu'eux sans doute, et il y avait déjà une partie de son passé vers lequel elle se retournait en songeant qu'il appartenait à une autre époque de l'histoire, et que les temps, depuis, avaient changé. C'était comme si ses souvenirs avaient, en quelque manière, pris une légère teinte sépia.

Pendant qu'elle parlait, les tasses avaient exhalé leurs senteurs dans la pièce, senteurs de chocolat mêlées de café, où se détachaient, de temps à autre, le parfum léger, végétal, d'un thé précieux qu'elle avait fait infuser. Et c'était comme si ce bureau n'était pas un bureau du Conservatoire, perdu dans la tourmente neigeuse de Londres, et que dehors, dans les rues, les voitures circulaient : ce bureau, c'était comme un autre monde et un autre temps, un cocon qui s'était refermé sur eux pour les protéger, pendant la tempête.


« C'était une époque sombre, vous savez. Peu après la catastrophe de Boston. Aucune partie du monde n'était épargné par ses conséquences. Pour les gens... »

Elle eut un instant d'hésitation, et un nouveau sourire naquit sur son visage : sourire de complicité.

« Pour les gens comme vous et moi, des années terribles s'annonçaient. Et ce vieux professeur, oh, vous savez, lui était d'une autre époque... Peut-être non moins sombres, mais avec d'autres problèmes. C'était lui pourtant qui me fit prendre conscience pour la première fois de ce qu'allait devenir ma vie. »

Il était difficile de savoir quelle part de simple nostalgie, et quelle part de blessure se mêlaient dans les propos de la jeune femme, et elle-même, sans doute, n'eût pu le déterminer. Ces temps avaient été douloureux, mais ils l'avaient jetée dans une vie dangereuse, sans doute, mais une vie qu'elle appréciait pleinement. Il y avait peu d'heures de cette vie qu'elle regrettât. Toujours était-il qu'elle s'était ouverte de sa propre mutation à des étudiants qu'elle ne connaissait quasi pas avec un naturel désarmant, comme s'il existait entre eux quatre une confiance naturelle.

« Le Conservatoire de Berlin, à l'époque, avait choisi de fermer ses portes aux mutants. On ne sait jamais si dans une évaluation, en fin d'année, un mutant n'utilise pas ses pouvoirs pour obtenir de meilleurs résultats. C'était le prétexte officiel. Je me souviendrai toute ma vie, je crois, de la figure de ce pauvre vieux professeur, qui m'annonçait cela, à moi qui n'était pas tout à fait assez mûre pour comprendre ce que cela impliquait. »

Elle avait appuyé sa tête contre le dossier de son fauteuil, et ses cheveux noirs voilaient un peu son regard, qui tombaient devant ses yeux.

« Vous comprenez... Il avait vécu toute sa vie à Berlin. Depuis 1960. Quand l'URSS... Enfin, pour vous, ce sont de vieilles, de très vieilles histoires. Disons simplement qu'il avait assez vécu pour sentir quand certaines mesures impliquaient plus que leurs prétextes officiels. Quand la liberté se brise. C'est une chose terrible, vous savez, quand la liberté se brise. Ja. Ca rend un son effrayant. Tous les musiciens ont peur de ça, je crois : le cri de la liberté qui agonise. »

Il y eut une seconde de silence, puis la jeune femme laissa se développer à nouveau dans les airs son rire, mais c'était un rire un peu triste.

« Ach ! C'est terrible, nein ? Je vous invite sous un prétexte sournois, je vous attire dans mon antre en vous promettant un chocolat chaud, et voilà que je vous piège, et que je vous raconte des histoires sinistres. Ja, vraiment, je deviens une vieille grand-mère, il faut que je prenne garde ! »

Et à nouveau son rire reprit, mais il était semblable désormais à ce qu'il avait été dans le vestibule, un rire joyeux, dans lequel semblait se déployer une sorte d'assurance suprême, comme si tout ce qu'elle venait de dire n'était rien, une époque sombre sans importance, et que rien, rien, ne pouvait l'atteindre, elle, Irene Fichte, professeure de piano au Conservatoire Royale, entre autres choses.
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Virginie Parish

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Virginie Parish

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Profession : Employée de la LC et Membre du Contrepoison
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MessageSujet: Re: [RP] Ach. Mon ombrelle est cassée - terminé [RP] Ach. Mon ombrelle est cassée - terminé EmptyDim 21 Mar 2010 - 22:36

Virginie sentait bien que son aînée était parfaitement à l’aise dans son antre. C’était qu’ils étaient les enfants perdus qu’une jolie magicienne venait de prendre sous son aile ? La neige ajoutait à cette impression de conte en création. Il y avait de quoi sourire. Cette image aurait bien plut à la jeune mutante. Pourtant son tempérament prudent (trop prudent) maintenait ses gardes en place. Ses activités diverses l’empêchait de maintenir ses croyances en l’humanité dans un écrain fermé. Et c’était sans aucun doute salvateur dans de nombreuses situations. Depuis qu’elle s’impliquait dans l’édition d’un journal aux accents révolutionnaires, elle avait entendu tous les monstrueux récits. Les antis-mutants pouvaient prendre bien des visages.

La plaisanterie de la dame fût accueillit d’un sourire poli où se dissimulait un soupçon d’amusement. Car en effet les valeurs étaient ici inversées. Les statures fragiles de leurs deux compagnons rendaient la remarque d’autant plus efficace. Cela donna envie à Virginie d’écouter son cœur plutôt que sa tête. Et la pensée précédente était déjà mise à mal. Parce que l’affection qu’elle intercepta chez madame Fichte ne donnait pas envie de la craindre tout au contraire. Une personne qui était capable de faire passer une telle douceur dans des yeux aussi beaux ne pouvait être foncièrement mauvaise… non ? A défaut de pouvoir tout de suite répondre elle décida de l’écouter avec la neutralité de l’optimisme.

Bien sûr elle avait remarqué qu’Irène était assez musclée pour l’accompagner dans les portés. Qui était cette femme ? En déplacent un nouveau fauteuil Virginie essayait de trouver un semblant d’indice. Pour l’aider elle avait sa curiosité toute sincère et quelques reflexes de reporters rien qui put rivaliser avec les deux joueurs de cette partie. La lib corp aurait peut être quelque chose… si cette femme était liée d’une manière ou d’une autre au monde mutant il y aurait une trace. Cette idée la rassura un peu. Car à défaut de ne rien comprendre ce soir elle pourrait voir le lendemain.

Ses yeux purent donc aller vers ses deux camarades d’études avec le calme de la gardienne attentive. Arthur cherchait et Koji… Koji se perdait. Encore. Elle ne savait encore rien de Gaël. Mais l’attitude de son ami, depuis quelques semaines, laissait entendre des changements. Virginie s’en préoccupait. Pourtant jamais elle n’aborderait frontalement le sujet. Ce n’était pas dans ses habitudes loin de là. L’amour était un thème bien trop dangereux pour ne pas être surveillé. Elle soupçonnait que ce rêveur n’avait alors pas entendu la réponse du petit malade. Alors elle adressa un sourire d’entendement à Arthur.

Tout était prêt. La demoiselle regarda leur ouvrage cherchant le détail dans le détail. Un véritable salon de thé sous le nez. Malgré elle la joie toute simple amena un petit sourire conquit. Il y avait bien une chose à laquelle elle ne résistait pas, jamais. Le plaisir de la nourriture était sa plus tendre faiblesse. A voir le plateau déposé sur la table quelqu’un l’avait bien comprit. De son pas encore un peu dansant elle se glissait au côté du contemplateur. Puis elle le ramena doucement dans le bureau. Sans aucune brusquerie comportement qu’elle ne connaissait pas. Mais avec la tranquilité qu’offre la connaissance de l’autre. Un simple geste, effleurement du bras pour que le réveil soit un nouveau songe. La jolie pianiste venait de déposer la dernière touche à leur œuvre commune et s’installait.

Alors qu’elle s’asseyait son regard fût capturé par la vision toute nouvelle. Virginie ne s’était pas attendue à une magie pareille ici et maintenant. Abandonnée l’ora de la sévère professeure. La beauté… d’une femme du XIXème siècle, avec ses cheveux, son air détendu et jovial. Elle prenait les traits de la dame des salons. L’esprit délicat et flamboyant qui eut put inspirer les poètes de toute une époque. L’être humain avait toujours tant de facette ! Comment faire autrement que de croire en lui ? A la voir si libre et belle dans sa liberté, Virginie eu un mouvement d’admiration pour elle. Ses yeux perdirent un peu de leur réserve, pour cette soif de l’autre qu’ils avaient si souvent. C’est en tailleur qu’elle-même trouva son confort. Cette position pour laquelle les muscles travail et qui incite à la droiture du dos. Sa main glissait vers une tasse de chocolat, ralentie par les premiers mots de l’aînée, encouragée de nouveau par la gourmandise. Et l’enfant écouta cette nouvelle histoire. La vie d’une inconnue si mystérieuse et troublante.

Sa voix était calme, ses mots… Virginie voulait y voir tant de chose. Ce sourire était-il le signe de l’appartenance ? Comme vous et moi… Oui. Madame Irène Fichte était comme eux. Cette révélation rendit l’élève un rien confuse, mais sincèrement heureuse. Elle s’était donc inquiétée pour rien ? Cette femme n’était pas une ennemie. Car même ceux de la Confrérie ne s’en prenait pas aux gens. La suite raisonna en elle avec une force secrète. Oui toutes ces stigmatisations, ces injustices. C’est bien cela qui devait périr avant le reste. Ses yeux bleus irradiaient d’entendement. Mademoiselle Parish n’évoquait jamais cette partie de sa vie. Pourtant elle faisait partie d’elle avec la même profondeur que… les peurs, la danse, les goûts. Plus Irène parlait et plus Virginie répondait. Elle en oubliait même l’odeur alléchante de sa friandise. Oui elle comprenait tout à fait.

Elle s’était donc trompée de bout en bout. Quelle erreur formidable. Spontanément son cœur voulu répondre. Il fallait que cette femme entende parler de l’association. Sa lucidité trouverait sa place dans l’organisme s’était certain. Et sans ce rire qui fit imploser le sérieux de l’instant Virginie l’aurait sans doute fait. Mais puisque leur hôtesse ne voulait pas s’attarder sur ce sujet. Cela dit… l’engagement de la londonienne refusait de se taire tout à fait. Alors c’est en souriant, mais avec un timbre franc qu’elle souligna :


-« Non vous avez raison madame. Ces histoires ont existées nous ne devons pas les oublier. Ce serait comme… ignorer le cri de cette liberté. Nous devons en avoir conscience. Sinon, sinon elle continuera de s’étouffer dans les faux semblants. Boston n’est pas si loin, en vérité. »

Sa voix avait prit une teinte sombre et lucide. Les mots avaient été plus vite qu’elle ne l’avait d’abord voulu. C’était toujours ainsi. Il lui fallut baisser les yeux sur sa tasse pour se souvenir qu’elle n’était pas au bureau, qu’ils étaient ici pour un simple goûté. Oui. Elle avait été trop loin sur la pente. Ils n’étaient pas là pour changer le monde mais pour attendre que la nature se calme. Elle s’en voulait de cet abandon inutile. Le viscéral avait ce talent exaspérant de s’affranchir de tout. Alors son joli visage se releva vers le trio lentement. Il y avait la rougeur dessiné à la fois par ses convictions et par sa confusion. Et avec un sourire timide et plein de pénitence elle murmura gauchement.

-« Pardon, c’est que ce sujet, c’est une passion, je n’arrive pas encore à… rationaliser. »

Oui une excuse encore, mais seulement sur la forme, jamais au grand jamais sur le contenu. Avec un air amusé d’elle-même elle montra la voie et attrapa un premier gâteau. Au moins venait elle de prouver que madame Fichte avait une alliée indirecte. Et que la prudence était délaissée derrière cette porte.
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Koji Ashton

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MessageSujet: Re: [RP] Ach. Mon ombrelle est cassée - terminé [RP] Ach. Mon ombrelle est cassée - terminé EmptyDim 21 Mar 2010 - 23:59

The Dresden Dolls – Yes, VirginiaMrs. O - « And you watch us as we face the falling snow »

Pourquoi, pourquoi, pourquoi aurait-il parlé à Virginie de Gaël ? Il n'y avait bien sûr absolument aucune raison de le faire : il avait beau examiner le sujet, il ne trouvait aucune raison de le faire. Il ne songeait pas que ce besoin d'examiner le sujet était un signe plutôt alarmant que les raisons peut-être étaient là, mais Koji était, depuis quelques années, un grand spécialiste des manœuvres d'évitement qui permettaient de ne pas se lancer trop avant dans l'introspection.

C'était que découvrir les petits recoins de son âme (quand il était d'assez bonne volonté pour admettre qu'il en eût une) lui semblait une activité bien moins agréable que de contempler les tourbillons de neige, qui commençaient cependant à se calmer, un peu, abandonner sur les toits, sur les corniches des immeubles et des monuments de Londres, une mousse blanche, de songer à cette blancheur, symbole de mort, mais de renaissance, dans le pays où il était né – symbole ô combien approprié, du moins l'espérait-il.

De loin lui parvenaient les bruits des préparatifs qui se faisaient pour leur petit goûter en si étrange compagnie, et il était impossible de ne pas y songer : sa mutation allait son train, supposait-il, et ces derniers jours, il trouvait particulièrement difficile de ne pas prêter attention aux sons qu'il entendait – à leur tour, et comme les images avant eux, ils commençaient à s'inscrire tous en des souvenirs indélébiles dans son esprit, qui les entendait tous, les percevait tous distinctement, accordant à chacun son importance propre, et une importance relative. Le monde devenait encore plus riche, et encore plus envahissant.

Ainsi, si Virginie n'était pas venue interrompre sa rêverie, sans doute le sens de la politesse l'eût-il finalement poussé à quitter sa contemplation silencieuse pour ne pas laisser les préparations, qu'il ne pouvait pas ne pas entendre, se faire sans lui. A chaque millième de seconde il songeait que la rêverie avait trop duré, et qu'il fallait retourner à un monde plus réel, plus tangible, quoiqu'en quelque manière moins intéressant que celui, entièrement sien, dans lequel il s'était perdu – ou du moins avait l'air de se perdre.

Et cependant, lorsqu'enfin Virginie vint à lui, il trouva que son attente, pour égoïste qu'elle avait été, ne se révélait finalement pas tout à fait infructueuse ; c'était que le geste de son amie le surprenait, non parce qu'il était doux, mais parce qu'il était geste. Il se souvenait bien du malaise, et peut-être avait-ce été plus proche de la panique, qui avait saisi la jeune femme lorsque, quelques jours plus tôt, dans le restaurant, il l'avait effleurée – jamais il n'eût songé qu'à son tour elle pût avoir ce genre de gestes, discret encore, il était vrai.

De la fenêtre les yeux de Koji bondirent vers ceux de Virginie, avec un soupçon d'incrédulité inquisitrice. Il ne pouvait s'empêcher de former des hypothèses sur ce qui pouvait, chez la jeune femme, abaisser les défenses qu'il avait vues s'élever, au restaurant, contre les contacts physiques. Il ne lui semblait pas qu'un événement marquant ce fût produit entre temps. Et cependant, il y avait bien une chose qu'il n'avait pas réussi à deviner de Virginie : qu'elle prît des cours de danse. Peut-être était-ce la seule chose d'importance qu'il avait manquée, et que ces cours de danse étaient justement ce qui la rendaient plus sûre d'elle et moins réticente au contact physique. C'était fort probable.

Il fit naître sur ses lèvres un sourire pour la jeune femme, tout en songeant qu'elle ne manquerait pas de s'interroger sur ce qui avait provoqué cette soudaine rêverie, et peut-être qu'elle irait (mais il en doutait) jusqu'à l'interroger lui. Il allait bien falloir qu'un jour il lui explique. Mais expliquer quoi ? Il n'y avait vraiment rien à expliquer, rien du tout. Du moins, lui, il ne voyait rien à expliquer. Rien du tout. Objectivement. Rien. Du tout.

L'heureuse diversion de l'annonce de Mademoiselle Fichte, il la cueillit au vol, et avec un sourire de soulagement abandonna son poste à la fenêtre pour se glisser, avec son habituelle nonchalance féline, dans un des fauteuils en cuir, et c'était comme si l'artisan qui l'avait fabriqué l'avait conçu expressément pour qu'il s'y assît ce jour-là. Il avait pris pour sa part une tasse de thé, un thé rouge (il le sentait – il aurait pu en donner la marque – c'était qu'il l'avait déjà senti plusieurs fois dans sa vie, bien entendu).

Son regard avait retrouvé le chemin des traits d'Irene Fichte, et un sourire de satisfaction passa sur son visage lorsque la jeune femme détacha ses cheveux : voilà qui correspondait plus exactement à ce qu'il supposait d'elle. Il l'observa quelques secondes encore, il l'observa prendre place sur son fauteuil, d'une façon qui lui confirmait qu'elle n'avait pas été élevée dans la haute société, avant de poser son regard sur sa tasse de thé, pour l'écouter.

Pendant toute l'histoire de la jeune femme, il demeura à peu près immobile, sauf quelques regards jetés à ses deux camarades, Arthur et Virginie, pour juger à quel point ils trouvaient l'histoire intéressante et, d'une certaine manière, envoûtante. Quant à ce que l'histoire lui inspirait, il eût été bien difficile de le dire : c'était que l'art de la comédie faisait partie des multiples petites compétences que Koji s'était attaché à développer depuis des années, et, sans fausse modestie, il se trouvait plutôt doué dans le domaine.

C'était que le jeune homme avait vite compris qu'il ne devrait pas compter pour se sortir des situations difficiles sur sa carrure, sur sa force physique. Il l'entretenait, sans aucun doute – par souci d'esthétisme, bien plus que par pragmatisme. Alors son intelligence avait étudié les compétences qui avaient toutes les chances de lui être utiles et son esprit s'était ingénié à se les approprier et, si besoin était, à y soumettre son corps. Peut-être était-ce de la paranoïa : il préférait y voir un instinct de survie.

Parmi ces compétences (qu'il dissimulait pour la plupart – effet de surprise obligeait) se trouvait donc l'art de la comédie, et l'esprit particulièrement retors de Koji avait songé que cet art lui serait d'autant plus utile que son entourage serait persuadé qu'il ne le possédait pas. Ainsi, sur toutes les choses indifférentes, et même sur certaines choses importantes, Koji mentait, mais suffisamment mal pour que chacun pût s'en rendre compte, et le croire piètre menteur. A cette réputation de piètre menteur, il avait ajouté une réputation de piètre comédien, pour se mettre à l'abri des soupçons.

Ce qu'il dissimulait en l'occurrence derrière un visage impassible, et tout au plus légèrement distrait, comme s'il n'était pas tout à fait sorti de sa rêverie au bord de la fenêtre, c'était que le récit d'Irene Fichte était loin de faire sur lui une impression aussi favorable que celle qu'il produisait, lui semblait-il, sur Virginie, et peut-être même sur Arthur. Il ne pouvait nier que le récit, jusque dans ses hésitations, était bien mené, mais il y soupçonnait le même art de la comédie qu'il était justement en train de mettre à profit.

Pourtant, malgré ses soupçons, il avait des demi-secondes de doute, pendant lesquelles il songeait qu'il était après tout possible que la confession de la jeune femme fût tout à fait sincère, et que ce n'était que perversion de son esprit rompu aux manipulations et aux plans tordus (mais généralement généreux – Koji avait simplement une façon toute personnelle de veiller au bien d'autrui) de supposer des raisons cachées à ce moment de fraternité simple. Et une femme qui possédait autant de thés différents ne pouvait pas être foncièrement mauvaise.

Mais ces demi-secondes passaient, et il trouvait que, vraiment, cette histoire tombait beaucoup trop bien pour n'être pas provoquée. Ce qu'était Irene Fichte, même lui n'aurait su le dire, ni ce qu'elle cherchait en faisant cela, si ce n'était (c'était évident) à gagner pour l'heure leur confiance et leur sympathie. Et peut-être la manipulation s'arrêtait là, peut-être leur racontait-elle simplement leur histoire pour qu'ils lui fissent confiance. Après tout, il y avait des sentiments que les gens cherchaient à provoquer chez les autres par de petites manipulations sans que derrière ces manipulations des motivations sordides se cachassent.

Mais comme il était par ailleurs convaincu, à plusieurs signes qu'il avait surpris dans ce bureau, que la jeune femme n'était pas tout à fait celle qu'elle prétendait être, il n'était pas certain qu'il fût prudent de lui faire pleinement confiance. Paradoxalement, si Mademoiselle Fichte avait été moins sympathique avec eux, plus directement menaçante, il eût fait bien moins de réflexions sur ses intentions cachées.

Cela dit, il était loin d'être aussi impliquée que Virginie dans la cause mutante, et les conflits qui sourdaient dans le monde souterrain, il ne faisait que les soupçonner, il en avait une idée très vague, qui n'avait pas la précision que pouvait leur donner l'expérience de son amie. Alors il soupçonnait Irene, mais il la soupçonnait de choses très incertaines : il ne trouvait rien en quoi incarner son soupçon. Quelque chose ne tournait pas rond, et il lui était impossible d'aller au-delà.

Cette impossibilité eût sans doute dû l'irriter, et faire grandir son inquiétude, mais la vérité, c'était qu'il la trouvait terriblement excitante. Il était rare que quelque chose lui résistât qui ressemblât à un problème d'observation et de déduction. La personnalité et les intentions d'Irene Fichte, aussi obscures qu'il soupçonnât qu'elles fussent, étaient pour lui comme un vent de fraîcheur, un frisson délicieux, qui soufflait sur une plaine un peu trop morne, par instant.

Il avait relevé les yeux vers elle à la fin de son histoire, mais sans prononcer un mot : l'eût-il voulu que Virginie avait été plus rapide, et beaucoup plus passionné qu'il n'aurait su l'être, armé qu'il était de ses réflexions. Il se rendait compte qu'il parlait peu de ce genre de sujets avec son amie : c'était qu'il n'en mesurait pas l'ampleur, il en avait conscience. Conscience de son ignorance – c'était un peu sa protection ultime. D'ailleurs, il craignait que sa relative indifférence aux problèmes mutants ne déçût Virginie.

Avec le même air de désinvolture, la même distance un peu rêveuse, comme s'il n'avait suivi la conversation que d'une oreille, il vidait sa tasse de thé en observant successivement les différents intervenants. Il avait trouvé, dernièrement, que sa mutation lui offrait un nouvel avantage dans l'art de la comédie : maintenant que son esprit observait automatiquement tout ce qu'il voyait, il était libre d'épier quelqu'un sans paraître le regarder trop précisément, les yeux dans la vague, l'air songeur. C'était pour lui un merveilleux progrès.

Ainsi les observait-il tous trois, Virginie, Arthur et Mademoiselle Fichte, d'un même regard lointain qui semblait songer plus à la neige qu'à autre chose, en buvant son thé. C'était que la réaction de chacun l'intéressait vivement. Du caractère d'Arthur, il n'avait eu qu'un mince aperçu, et il était avide d'en former un tableau plus exact. La passion de Virginie qu'il n'osait aborder lui-même lorsqu'ils étaient seuls tous les deux trouvait ici à s'exprimer sans qu'il eût à trop s'impliquer : c'était inespéré – et tout ce qui touchait son amie l'intéressait toujours vivement. Quant à la réaction d'Irene Fichte, il espérait bien qu'elle lui ferait apercevoir un peu plus des intentions de la jeune femme.
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Artie Chastel

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Artie Chastel

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MessageSujet: Re: [RP] Ach. Mon ombrelle est cassée - terminé [RP] Ach. Mon ombrelle est cassée - terminé EmptyMer 24 Mar 2010 - 18:58

Il faisait bien froid dehors, et regarder à travers la fenêtre couverte de neige le blizzard qui faisait rage alors qu'on était là, bien au chaud, conforta un peu plus Artie. Il souffla sur son bol de chocolat chaud entre ses mains et s'installa doucement dans un des gros fauteuils qui semblaient dater d'une époque pré-victorienne. Ils étaient vraiment douillets, et il s'y logea avec plaisir.

Lorsque les autres furent installés, la professeure commença de parler. Elle parlait, elle parlait, et elle s'adressa même une fois à Artie lui-même, qui rougit jusqu'aux oreilles à l'évocation de son prénom. Arthur. Il préférait vraiment qu'on l'appelle Artie. Il n'avait jamais compris pourquoi cette préférence... peut-être parce que cela lui rappelait sa mère qui l'appelait comme ça quand il était petit. Petit et normal.

Il but une gorgée, qui lui chauffa le cœur. Plus le temps passait, et plus il se sentait apte à rester ici et discuter. Pas pour le moment, bien entendu. Pour le moment, il se contentait d'écouter. Il écoutait, et analysait comme seul un enfant peut analyser. Mais alors qu'il écoutait, son regard dériva sur les autres personnes présentes ici, les deux autres que la professeure...

Koji. Ashton, s'il se rappelait bien de son nom. Un jeune homme... troublant. Non seulement de par son allure, mais aussi par ce qu'Artie lui trouvait. D'ordinaire, le jeune garçon ne lui aurait pas plus prêté attention. Mais là... il y avait quelque chose avec ce type. Outre son allure décontractée, et ses traits nobles et séduisants. Artie devait lui reconnaître un certain style bien unique. Et rassurant, quelque part.

Ses yeux fatigués dérivèrent ensuite vers Virginie. Elle était très, très jolie. Bien vivante avec ça, très active. Sa mutation ne lui collait pas du tout, selon Artie. Mais il l'aimait beaucoup, pour le peu qu'il en avait vu. Il se sentait déjà proche d'elle pour une raison qui lui échappait. Il savait seulement d'elle que sa chambre était en face de la sienne, mais il l'avait rarement croisé à l'Institut. Pour le moment, il espérait pouvoir en apprendre plus sur elle et sur Koji, et c'était sans doute l'occasion rêvée. Sans doute devrait-il aussi parler de lui, mais après tout, c'était bien comme ça qu'on faisait connaissance, non ?

Il soupira, et s'arracha distraitement un morceau de peau sur la joue. Quelle plaie, cette mutation. Tout en continuant de suivre l'histoire de Madame - Mademoiselle ? - la professeure dont il ne savait toujours pas le nom, il songea combien cette femme devait avoir vécu de choses, et combien elle paraissait forte. Cela finit par l'amener à se rendre compte qu'il était jeune, vraiment très jeune, et qu'il avait encore beaucoup apprendre. Et qui sait ce que la vie allait lui réserver.
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MessageSujet: Re: [RP] Ach. Mon ombrelle est cassée - terminé [RP] Ach. Mon ombrelle est cassée - terminé EmptyMer 24 Mar 2010 - 22:34

Sans doute Koji Ashton n'avait-il pas tort. Sans doute était-il difficile, à un observateur avisé (ou plutôt un peu plus qu'avisé) de faire confiance à Irene Fichte. Il y avait chez cette femme une telle exactitude dans les sentiments, sa voix se pliait si volontiers à ses discours, à ses histoires, qu'elle éveillait les soupçons – mais il fallait être soit très perspicace soit décidément paranoïaque, et sans doute les deux, pour ne pas succomber à ce charme désinvolte et savamment extravagant.

Et pourtant, malgré ses desseins parfois un peu sombres (quand, par exemple, elle forçait les gens à se jeter du haut des immeubles ou les faisait sombrer dans une folie née de l'épuisement nerveux), il arrivait à Irene Fichte d'être sincère, et il lui arrivait même, parfois, de défendre des idéaux. Il était même possible, dans de très rares occasions, qu'une très forte somme d'argent ne parvînt pas à le convaincre de commettre tel ou tel méfait.

Et ce jour-là, Mademoiselle Fichte n'avait pas d'autres projets que de jeter Koji dans les bras de Virginie, afin que la jeune fille le déniaisât un peu et lui rendît un pianiste digne de cela. En dehors de cela, point de plan sur le long terme, point de manipulation compliquée : il n'y avait rien qu'elle cherchât vraiment à obtenir, aucune information à soutirer, aucun joyau à subtiliser. Irene Fichte, pendant quelques semaines encore, peut-être, était en vacances.

Sans doute désirait-elle, avec son petit récit, acquérir la confiance de ses jeunes élèves. Mais c'était que pour eux elle avait une tendresse certaine, quoiqu'elle ne les connût pas du tout. Ils lui rappelaient, jeunes artistes abandonnés dans un grand conservatoire, la petite fille qu'elle avait été – à une époque où les mutants étaient devenus l'objet de tous les soupçons, où l'Institut s'était effondré, la Corporation n'avait pas encore été fondé. Epoque sombre qui n'avait pas joué un médiocre rôle dans ses désirs d'indépendance.

Longtemps, elle s'était désintéressée de ces histoires. Elle n'avait pas fait de politique. Elle n'avait pris part ni à la Confrérie, ni à l'Institut, ni à la Corporation. Elle avait vécu dans l'ombre, moins en raison de sa mutation, que de ses activités répréhensibles. C'était qu'elle avait songé, longtemps, qu'elle pourrait tenir ces histoires lointaines. Et sans doute y avait-elle réussi ; mais dans le monde dans lequel elle vivait, toute espèce de politique officielle apparaissait lointaine. C'était un monde un peu irréel, un monde un peu fantastique : du moins, c'était ainsi qu'elle le vivait.

C'était qu'elle y avait navigué avec une certaine intégrité. Sans doute n'était-elle pas la personne la plus respectable qu'il y eût dans cette salle (quoique). Mais il y avait toute une partie de son monde dans laquelle elle ne s'était jamais rendue. Elle avait volé des choses ou des informations. Elle n'avait jamais approché, de près ou de loin, les grands commerces de la drogue, les trafics d'êtres humains.

Peut-être entrait-il dans cette intégrité un peu d'hypocrisie. Il y avait des informations qu'elle avait volées et vendues qui avaient été utilisées par des individus peu recommandables. Cela, elle ne pouvait pas prétendre l'ignorer. Des données militaires : des codes, des positions, des images satellites. Il y avait, dans des musées ou des collections privées, des gens qui avaient dû payer pour la disparition d'une toile de maître ou d'un vase antique. Elle le savait, et cela ne l'empêchait pas de songer à son intégrité.

Mais en songeant à Koji Ashton, et à ce qu'elle savait sur lui – car son monde était un petit monde où tout le monde connaissait tout le monde, même ceux qui n'y faisaient que des apparitions occasionnelles (à moins d'être une habituée et d'avoir un fauteuil dans l'ombre) – elle trouvait qu'elle n'était peut-être pas la personne de cette pièce à avoir la morale la plus fluctuante. Ni celle à avoir été la source la plus féconde en malheurs.

Mais ses pensées furent vites détournées de Koji. Après tout, il n'avait pas l'air d'avoir prêté beaucoup d'attention à son histoire. Elle supposait qu'il l'avait entendue, mais, à sa connaissance, il n'avait jamais été très sensible non plus à ce genre de problèmes, et sans doute préférait-il poursuivre la rêverie dans laquelle il avait été plongé près de la fenêtre. Le violet de ses yeux s'était d'abord posé sur Arthur – elle le voyait si jeune, si semblable à ce qu'elle avait été. Sa mutation semblait plus éprouvante, cependant.

Bien sûr, maintenant, il y avait l'Institut. Chaque nuit, il pouvait y rentrer, et se sentir protégé. Il pouvait y recevoir des cours. Et le regard qui tomberait sur lui, le regard de ses camarades, serait un peu moins rude. A bien des égards, la vie de ces trois adolescents était plus simple, plus assurée que ne l'avait été la sienne, durant des années sans repère et sans refuge. Et pourtant, elle savait qu'aussi considérable que fût l'aide apportée par l'Institut (et aussi bien, elle était prête à le croire, par la Confrérie), cette aide était loin de tout résoudre.

C'était ce dont elle avait finalement pris conscience, ces dernières semaines, en vivant à Londres. Cela faisait plusieurs années qu'elle n'avait pas vécu dans un appartement qu'elle pût considérer comme le sien, en allant au travail tous les jours, en ne cherchant pas (trop) à se cacher. Elle mentait toujours, prenait des précautions, mais elle menait une vie qui était beaucoup plus proche de ce que pouvait être une vie quotidienne que pendant ses mois d'aventures.

Alors elle avait vu les petites humiliations que les mutants dont la mutation était trop visible devaient subir, chaque jour. Des riens, de minuscules vexations, mais des détails qui rabaissaient un être humain, lui arrachaient sa dignité. Et elle avait vu les grandes affaires, les manifestations de haine, les combats, les guerres souterraines larvées dans la rancune et la terreur. Elle avait pris conscience que là se jouait quelque chose qui la concernait.

Ce qu'elle allait faire, elle ne le savait pas très bien. Mais elle avait depuis son adolescence une formidable capacité à embrasser de grandes causes, d'une manière il est vrai un peu particulière, et cette capacité ne s'était pas encore éteinte. Elle avait défendu sa liberté, et en voyant la liberté de personnes comme elle mutilée, quelque chose au fond de son âme romantique s'éveillait – en elle une idéaliste réclamait justice.

A peine Virginie avait-elle prononcé ses premières syllabes que les yeux violets de la jeune femme avaient bondi sur l'élève, et ils avaient trouvé, en une seconde, le chemin de leurs voisins bleus. Et ces yeux, ces yeux violets, seul indice vraiment de sa mutation, se mirent à s'illuminer, s'illuminer d'une passion assez semblable à celle de Virginie, s'illuminer d'un respect pour la jeune femme, et d'un sentiment de solidarité sororale impérieux.


« Ja ! Ja ! Die Freiheit... »

Et dans sa voix, l'excentricité désinvolte, maîtrisée, de la professeure de piano qui savait se faire respecter d'un geste, et conduire la conversation un peu comme une duchesse, s'était évanoui pour laisser place à une exaltation toute pure, comme le sursaut d'une âme passionnée qui se force trop souvent à se contenir.

« Je veux dire, la liberté ! Une chose si précieuse. Il n'y a qu'en étant libre que l'on est vraiment soi. Vous voyez... »

Elle s'était penchée en avant pour déposer sa tasse de thé vide sur le rebord de la table basse aménagée au centre du cercle de fauteuils, et d'un geste un peu sec de la main, elle avait écarté les mèches de cheveux qui barraient son visage, comme une jeune femme, une étudiante, dans une assemblée générale aux parfums révolutionnaires, avant de se lancer dans un discours enflammé à la tribune.

« Vous voyez... Ce Conservatoire regorge d'élèves prétentieux. De faux artistes. Ils viennent à mon cours. Ils savent jouer du piano. Ils croient. Ils veulent jouer les morceaux à leur façon. C'est leur liberté de créer, disent-ils. Mais ces gens-là... Ces gens-là ne savent rien. Ils ne savent pas ce que c'est qu'une règle. Qu'une loi. Ils ne savent pas où sont les règles, où sont les lois. Ce qu'ils font, ce sont des gamineries. Ca ne ressemble rien. Il faut connaître les lois, il faut les maîtriser sur le bout des doigts, il faut sentir tous leurs effets. Et là seulement, on sait lesquelles sont inutiles. Lesquelles on peut faire jouer. Lesquelles on peut briser. Ca, c'est la liberté qui produit l'œuvre d'art. Celle-là uniquement. Le reste, c'est du bavardage. »

Sans doute n'était-il pas commune, au Conservatoire Royale de Londres, de s'ouvrir ainsi pleinement à ses élèves sur ses méthodes pédagogiques, de dévoiler les raisons profondes d'une rigueur intimidante, de s'exprimer avec tant de passion sur les capacités des élèves, sur leurs rêves et leurs illusions. On attendait des professeurs de cette vénérable institution une retenue et une sobriété à toute épreuve. Une excellente et une élégance.

Mais Irene Fichte était en vacances depuis trop longtemps à présent pour pouvoir demeurer Mademoiselle Fichte. Son âme d'aventurière rêvait à nouveau. Elle avait envie de s'exprimer et d'agir. Et elle avait envie qu'au moins les trois élèves avec qui elle prenait le thé l'entendissent, la comprissent. Comme elle eût aimé, lorsqu'elle était jeune, que quelqu'un lui fît entrevoir ce qu'était une loi, ce qu'on lui devait de respect, et d'irrévérence ! Sans doute se fût-elle senti plus sûre d'elle, alors.


« Tous ces petits cons qui veulent faire la révolution. Ja ! Qu'ils fassent la révolution. La grande révolution artistique. Et puis ils seront assis sur un tas de cendres et de sang. On ne fait pas d'art avec de la cendre et du sang. Ils reconstruiront tout à l'identique. »

Elle s'était un peu redressé sur son fauteuil, et elle avait répandu dans son discours une ironie féroce, révoltée.

« Schade... Le monde engendre le monde. On détruit toutes les règles, et on ne peut que les reconstruire à l'identique. Repartir de zéro. Mais si on change juste un peu... si on modifie une règle ou deux. On évolue. Il faut savoir violer le règlement, mais juste un peu : c'est ça, l'art. »

Elle avait parlé sur le ton de la confidence, et au rythme de ses phrases, elle leur avait glissé, tour à tour, mais surtout à Arthur et Virginie, des sourires de complicité, des sourires de contrebandier, un peu semblable à ceux que les enfants s'échangent, avec un air de défi, avant de faire une bêtise. Puis elle se pencha à nouveau pour se servir du thé, reprit sa tasse et affecta un air de professeure rigoureuse, et un peu pudibonde.

« Ja... Bien sûr, je ne devrais pas vous dire ce genre de choses. On va m'accuser de dévergonder la jeunesse. Moi, Mademoiselle Fichte. Vous pensez si ce serait un scandale ! »

Et la pensée de ce scandale ne devait pas trop l'effrayer parce qu'après une gorgée de thé, elle laissa à nouveau éclater un de ses rires mémorables. Décidément, les vacances de Mademoiselle Fichte avaient trop duré.
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Virginie Parish

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Virginie Parish

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MessageSujet: Re: [RP] Ach. Mon ombrelle est cassée - terminé [RP] Ach. Mon ombrelle est cassée - terminé EmptyMer 31 Mar 2010 - 21:17

Des yeux inquisiteurs avaient cette horrible habitude d’exiger des réponses. Virginie n’était pour ainsi dire jamais directement inquisitrice. Ou bien que dans les cas où la patience devenait une empoisonneuse. Mais son choix n’était pas celui de ses semblables et bien souvent ils voulaient entendre ce qu’elle ne savait pas elle-même. Pourquoi un geste plutôt qu’un mot ? Cela lui avait semblé opportun, dans une atmosphère feutrée. Opportun oui. Car Koji n’était pas loin de la vérité. Face à un mur on apprend à grimper. Face à un corps il fallait apprendre à toucher. C’était sans doute, un fabuleux concours de circonstance, qui avait posé les bases pour l’enseignement de cette charmante néophyte. L’absence de défaitisme familial, la possibilité d’un amour de jeunesse, l’assurance d’une amitié. Voilà un terrain propice au progrès individuel. Et commençait l’une des épreuves les plus importantes dans sa vie à venir. Ne plus craindre le contact d’autrui.

Parce qu’à l’inverse de ses voisins Virginie Parish ne savait rien de la comédie. C’est qu’elle était bien trop spontanée, et bien trop naïve encore, pour songer à cacher ses ressentis. Ses seules cachoteries étaient toutes aussi maladroites qu’inefficaces. En vérité ses non-dits étaient plus le fait de la sécurité que de la stratégie. Par exemple son contrat à la liberty imposait une discrétion légitime. Si elle avait sut, que Koji dissimulait un talent par un jeu, elle aurait certainement été blessée. Car les mois avaient construit une confiance, qui était aussi forte, qu’inédite dans sa vie d’amie. En cela aussi importante qu’exigeante. Qu’il songea à lui mentir effrontément aurait barré tout le chemin qu’elle avait parcouru jusqu’à lui. Une possibilité hors d’atteinte à son esprit si dramatiquement croyant.

Impossible d’aller inventer où transformer, des événements aussi marquants, que ceux de la conteuse. C’était une conviction lui était tout à fait nécessaire. De celle qui donne un sens aux maux et aux actes. Il y avait forcement un adversaire puisque les injustices étaient flagrantes ! Koji avec toute son intelligence en avait forcément conscience. Pourtant il ne parlait jamais avec elle des autres mutants et de la politique. Virginie ne s’en formalisait pas directement. Il avait peut être, probablement, d’autres choses en tête. Et ce combat, son combat n’avait pas –encore- abordé le fanatisme. Ceci dit viendrait, tout où tard, l’instant où son amitié se permettrait d’attendre un semblant d’implication, dans une cause aussi prégnante. Pour l’heure elle observait le mutisme de ses camardes de cours avec douceur.

Arthur n’était pas là depuis longtemps. La jeune danseuse ne savait rien d’autre de lui, que ce qu’elle pouvait voir. Sa jeunesse, elle devait être de quatre ou cinq son aînée, et sa fragilité la touchait. Il y avait tant d’empathie en elle. Ces réactions irréfléchies qui répondaient à des travers encore plus inconscients. Un jeune adolescent seul et –c’est le cas de le dire- mal dans sa peau, réveillait toute sa générosité attendrie. Elle ne le croisait que rarement. D’ailleurs chaque élève était et restait une silhouette croisée. Virginie, toute à son monde et ses repères, ne créait jamais d’autres liens sur un coup de tête. Il lui fallait tant d’énergie déjà pour envisager une relation. Mais cette rencontre hasardeuse l’encourageait à s’attarder sur de l’inconnu. Le petit Artie était différent. Il était plus inexpérimenté qu’elle. il était innocent et sans défense. Pour tout cela il devenait un être à protéger.

En parlant sous l’impulsion fougueuse de l’idéalisme on ne mesurait pas les conséquences. D’ailleurs Virginie jamais ni réfléchissait jamais lorsque sa langue laissait s’exprimer son âme. Sans comprendre l’allemand d’Irène elle le comprenait tout de même. Parce que les mots n’étaient pas aussi important dans leur sens que dans leur intonation. La passion n’avait que faire des règles linguistiques tout au moins au départ. Alors les yeux bleus s’étaient relevés sans honte et avec espoir. La pâtisserie de nouveau délaissée sur un coin de table prés d’une tasse asséchée.

La demoiselle, la probable consœur, n’était en rien l’une de ces magiciennes de la mélodie. La force des mélodies n’étaient, pour elle, qu’un appui pour celle des mouvements du corps. Pourtant l’image de madame Fichte fût d’une clarté éblouissante. Oui. Elle raisonnait en elle avec la puissance d’une révélation. Car, ce que Virginie soupçonnait dans son amour de la danse, pouvait s’appliquer à une échelle bien plus grande ! En effet il n’y avait qu’en s’astreignant aux lois qu’on pouvait tout à fait s’en extraire. Ce n’est qu’en sachant –parfaitement- faire un entrechat, qu’on arrivait à le rendre siens, puis à l’oublier, pour une figure nouvelle et magnifique. Il en allait de même pour… ces lois despotiques autant qu’humaines.

En même tant que ses réflexions arrivaient à un nouveau carrefour ses muscles répondaient, eux aussi, à la prise de conscience. Chaire et cœur liés sans que tout à fait elle ne s’en préoccupe. C’est en miroir à l’allemande la londonienne s’élevait sur son siège. Virginie ne se prenait pas pour une révolutionnaire. Elle était trop humble pour ce donner un titre de cet ordre. Peut être pas tout à fait au point sur le degré d’implication qu’elle avait atteint dans la lute. Elle était un pion volontaire, une engagée convaincue. Sans que ses convictions ne puent changer sa nature profonde. Nul besoin de tuer pour sauver le monde. La Trans A l’avait persuadée plus encore dans ses idées. Le sang appel le sang. Virginie ne cherchait aucune vengeance. Elle était la plus pacifique des combattantes. Alors sans le savoir la pianiste répondait à son cœur avec fracas.

Juste un petit peu… Progressivement le visage de la jeune adulte avait gagné en année. Evoquer l’avenir dévoilait les indices de la femme qu’elle voulait être. Au côté de la candeur approchait une lucidité pleine d’optimisme. Le ton de l’oratrice provoquait une complicité qu’elle ne freinait pas. Bien au contraire… il était difficile de retenir le nom de l’association, et celui du journal face à un tel discours. En cela la présence des deux garçons étaient sans doute salutaire pour le, les, secrets. La timidité se laissait aller à de la joie. La plaisanterie d’Irène provoqua un sourire entendu qui était bien rare sur les traits de la mutante. Aussi rare que la réponse qui vint sans appelle.

-« Il y a des sujet où être sage c’est être idiot madame ! Et puis il y a des scandales nécessaires. Comment croyez-vous que les gens apprendront la vérité ? »

De l’ironie, tiens donc. Question rhétorique. Une pensé pour le ventre de June qui bouleverserait bientôt cette société. Le temps viendrait ! Tout changerait forcément il le fallait. C’était une terrorisée des évolutions qui accompagnait le chainon à venir. Les paradoxes les plus efficaces étaient aussi les plus risqués. D’où cette mutante avait prit tout cela ? Elle l’ignorait. Et il en serait ainsi jusqu’au bout peut être. Ceci dit Virginie n’aurait jamais permit que mademoiselle Fichte ait des ennuis à cause de tout ceci. Elle l’observait si belle dans son rôle d’éclaireuse. Elle aurait voulu lui ressembler. Avoir cette force et ce rire confiant. Pour l’instant elle devait se contenter d’être une adolescente pleine de volonté et d’attente.

-« Mais pas ce scandale là. Vous savez… La discrétion c’est au quotidien chez nous. »

Un fait partagé avec plus de calme. Parce que le présent lui sautait à la gorge. En dehors de l’Institut il fallait encore jouer avec les ombres et le silence. Qui oublierait une maigrichonne capable de porter une voiture ? Un enfant à la peau en écaille ? Un jeune prodigue de toute la matière de la pensée humaine ? Quel était la capacité de leur interlocutrice ? Voilà une question intriguant n’est-ce pas ? Mais l’état d’Artie la suspendit dans ses interrogations. Sa joue abîmée éloigna les lueurs de la lute. En un éclair la délicate et prévoyante jeune fille retrouvait ses droits. Il n’y avait plus que son attention à la souffrance qui transparaissait. Un sourire inquiet et plein d’attention s’offrait au jeune malade.

-« Artie… est-ce que on peut faire quelque chose ? Ta peau… tu veux… un soin ? »

On sentait dans ces questions une considération tout aussi honnête que subjective. Tout indiquait qu’une chute de neige n’arrêterait pas ses pas, si une pharmacie convenable soulagerait cet enfant, dont elle ne savait toujours rien. Autant d’effort Virginie pouvait-elle faire pour s’endurcir rien ne pourrait chasser son altruisme incontrôlable. Ce n’était pourtant jamais tout à fait le même qui la guidait vers ces individus. Puisqu’il lui était impossible de confondre les êtres et leur douleur.
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Koji Ashton

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MessageSujet: Re: [RP] Ach. Mon ombrelle est cassée - terminé [RP] Ach. Mon ombrelle est cassée - terminé EmptyJeu 1 Avr 2010 - 20:42

Il y avait bien des sujets qu'il évitait avec Virginie. Des secrets comme chacun en avait, d'autres choses un peu plus graves, bien sûr, qu'il n'était pas pressé que son amie connût – et le demeurerait-elle, son amie, les connaissant ? Mais il y avait des choses qui n'étaient pas un mystère, dont il ne se cachait pas, mais sur lesquels il savait qu'il était préférable que la conversation ne roulât pas, car elle ne manquerait pas de mettre au jour les désaccords qu'il pouvait avoir avec Virginie – et Koji se connaissait très bien pour ne pas surestimer la patience et la maturité dont il était capable face à la contradiction.

Bien sûr, depuis qu'il était Institut, qu'il vivait entouré de mutants, il avait bien été contraint de s'intéresser un peu à leurs problèmes, et de sentir qu'il partageait quelque chose avec eux, qu'il avait beau vivre comme un fantôme, ne traverser les couloirs que la nuit, ne parler à personne, ou presque, en dehors de Virginie, de Gaël ou de Mathilde, et n'avoir à vrai dire pas grand-chose à partager avec les jeunes gens qui allaient et venaient dans le parc, dans les salles de cours, dans la salle de repos, il était l'un d'entre eux.

Et pourtant, cette appartenance, cette fraternité peut-être, lui demeurait un concept vague où aucun esprit n'était inspiré, une notion abstraite et sans chair, et avec toute la bonne volonté du monde, il ne parvenait pas à se persuader qu'il fût préférable de s'engager, qu'il pût être utile à quelque chose (et sans doute à bien, bien des choses), dans la lutte qui s'engageait pour défendre les droits des mutants, pour un monde meilleur. Il y songeait, parfois, mais comme l'on songeait à l'extinction des pandas : sans trop s'émouvoir.

C'était d'ailleurs pour cette raison, bien plus que pour une quelconque considération morale, qu'il n'avait pas rejoint la Confrérie. S'engager dans un combat où il risquait de perdre la vie, risquer sa liberté et les contre-coups de la justice pour une cause qui lui demeurait lointaine n'était guère à son goût. Il lui avait semblé que l'Institut était l'endroit le plus propre à lui assurer une vie calme, une vie paisible loin du monde et de ses agitations politiques – d'un présent parmi tant d'autres que son esprit parcourait souvent.

Cependant, il arrivait parfois, quand son esprit était un peu calme, quand il parvenait à se consacrer pour quelques secondes à ce qui se déroulait dans sa vie, quand il songeait même qu'il en avait une, de vie, de vie à lui, vie privée qu'il menait tant bien que mal (et plutôt mal – il y songeait si peu – mais ces choses-là étaient en train de changer), qu'il s'avouât la raison pour laquelle il était venue à l'Institut : la sensation soudaine d'être de ce monde.

Bien sûr, ses démêlés avec William n'avaient pas joué un médiocre rôle dans son exil au sein de l'Institut. Mais qu'on lui refusât un poste parce qu'il était un mutant l'avait incité à choisir pour sa retraite un lieu en particulier, parmi tous les lieux qui s'offraient à lui, à ne pas s'enfermer dans sa maison isolée du Devonshire, avec pour seule compagnie les moutons et le vent, à ne pas aller se morfondre dans la lande, mais à s'immerger dans un monde qu'il s'obstinait encore à fuir, celui de l'Institut, celui des mutants.

Alors, il avait beau entretenir toute la méfiance du monde dans son esprit à l'endroit d'Irene Fichte, et supposer en train de se fomenter dans celui de la jeune femme les plus sombres complots, il y avait un autre courant de ses pensées qui l'amenait à considérer ce qu'elle disait d'un regard un peu plus neutre – alors il entendait la passion qui sourdait dans les propos de Virginie, et il voyait la flamme romantique, éprise de liberté, qui brûlait dans le regard de Mademoiselle Fichte. Il mesurait la force de leurs idéaux, et ce qui avait été jusque là pour lui de vagues notions, des combats sans combattants, sans nom ni visage, prenait soudainement corps.

Il regardait sa professeure de piano, et il songeait à toutes les fois où il l'avait entendue jouer : à l'âme qui habitait ses exécutions, et qui lui avait fait supposer en elle une vie plus aventureuse que ses toilettes soignées et sa rigueur mathématique ne le laissaient d'abord suggérer. Et cette âme, il lui semblait qu'elle fleurissait à présent dans les regards que la jeune femme – comme elle lui paraissait jeune à présent, cette dame – et il avait tout le mal du monde à croire que quelqu'un pût pousser l'art de la comédie jusqu'à feindre ce genre de passions.

C'était aussi que sa propre âme adolescente, celle qui le poussait à jeter ses chaussures sur de vieux messieurs très sérieux (mais un peu moins compétents que lui), lorsqu'ils faisaient des conférences dans des universités prestigieuses, qui le poussait, encore, à rédiger des discours pas entièrement chastes à prononcer au Vatican, cette âme s'éveillait au contact de celles d'Irene et de Virginie, s'éveillait en songeant à Arthur si jeune, et dont la vie allait s'étendre dans un monde qui lui était hostile ; et pour une fois, le combat qu'elle se proposait d'embrasser n'était pas un combat uniquement intellectuel.

Il ne buvait plus vraiment dans sa tasse de thé, il avait cessé de dissimuler ses regards derrière le voile d'une feinte indifférence, et peu à peu, la lueur qu'ils avaient d'ordinaire, en se posant sur les êtres, sur les choses, pour les capturer, les observer et les comprendre, cette lueur séduisante, mais aussi un peu dérangeante, d'une intelligence dominatrice à l'œuvre. Ses yeux passaient de Virginie à Irene, et puis ils s'arrêtaient sur Arthur : son jeune camarade était comme le futur envers lequel il se sentait naître une responsabilité.

Et ce futur était justement en train de s'arracher un morceau de peau, ce qui n'était somme toute pas un présage des plus encourageants. Mais du moins, Koji était sûr à présent que la mutation d'Arthur était physique. Qu'elle avait quelque chose à voir avec la peau. Qu'il perdait sa peau. Un peu comme une mue. Un peu comme les serpents. La résolution de ce léger problème intellectuel lui apporta la satisfaction nécessaire à dissiper l'effet produit par le mauvais augure.

Un sourire passa sur les lèvres du jeune homme quand Virginie se proposa de braver neige et vent pour trouver une pharmacie et ramener ce qui serait susceptible d'apaiser la douleur de leur camarade. Quelque vie que la conversation des deux jeunes femmes eût insufflé dans son attachement jusque là trop vague à la cause mutante, elle était loin d'avoir la force du sentiment de fraternité qui semblait pousser Virginie à voler au secours d'Arthur – mais il soupçonnait que l'altruisme de la jeune femme ne se contentât pas de cette simple fraternité.


« Hmm... »

C'était sa première réaction depuis le début de la conversation, à le premier signe qu'il ne se fût pas confondu avec le cuir du fauteuil et décidé à mener, pour le reste de sa vie, une existence méditative en faisant sembler de boire du thé. Il s'était un peu penché en avant, et son regard observait Arthur – son regard si précis, si profond : sans doute pas le regard le plus propre à mettre à l'aise le jeune mutant.

« Je crois, Virginie, que ces petits ennuis épidermiques soient le lot quotidien d'Arthur. On ne donne pas à l'abeille un médicament qui l'empêcherait de faire du miel. »

Il avait reposé sa tasse de thé sur le bord de la table, et attrapé un cookie qui l'attendait sur une assiette, avant de s'enfoncer à nouveau dans son fauteuil, avec cet air tranquille du chat qui entend bien monopoliser un canapé immense pour sa sieste. Les yeux presque clos, il songeait à peu à ce qui venait de se dire. Il se demandait jusqu'à quel point la mutation d'Arthur le porterait. Quel regard terrible, un jour, n'importe quel passant poserait dans la rue sur l'homme étrange que son camarade serait devenu, et comme il devait être douloureux de savoir que tout le monde pouvait deviner le secret qu'on le portait.

Il trouvait qu'il avait été un peu égoïste. Dans la rue, même dans les couloirs d'une université, pour les gens qui ne le connaissaient pas, il était un jeune homme normal. Peut-être prêtait-on attention à ses traits de métisse, à son assurance séductrice. Mais il était semblable en cela à n'importe quel jeune homme des sociétés aisées, désireux de plaire, s'en donnant les moyens, et profitant de sa jeunesse avant de devenir banquier, entrepreneur ou héritier.

Bien sûr, l'illusion ne durait pas longtemps. Mais il n'avait jamais vu la peur et le dégoût s'inscrire dans un regard posé sur lui. La jalousie, l'envie, la colère, le reproche, sans doute. Des gens qui lui en voulaient de faire aisément ce qui leur prenaient beaucoup de temps. Mais sa mutation lui avait attiré l'estime et la sympathie de bien d'autres personnes. Des artistes. Des savants. Des intellectuels. Des amis essaimés dans le monde entier, sur lesquels il savait pouvoir compter. Il avait gagné beaucoup plus qu'il n'avait perdu.

Alors, en comparant sa situation avec celle d'Arthur, il ne s'étonnait pas que la cause des mutants lui fût longtemps apparue comme une cause lointaine. Il ne connaissait pas les vexations quotidiennes. Ou pas trop. Il s'était senti monstrueux, souvent, loin des autres, mais loin des autres mutants comme du reste de l'humanité, loin de tout être pensant, et cet éloignement, et cette monstruosité, jamais n'avaient fait germer en lui un sentiment de fraternité.

Et ce sentiment, il ne l'éprouvait pas encore – peut-être était-il même incapable de l'éprouver. Incapable de trouver dans un être vivant quelque chose comme lui-même, qui lui fît dire : celui-ci est comme moi. Cela ne l'empêchait pas d'aimer. Aimer un être particulier, ou tous en général. Ce n'était pas tout à fait le même amour – c'était même deux amours très différentes. A l'une d'entre elles il était habitué, et il n'avait jamais vraiment cru pouvoir abriter l'autre en même temps.

Pourtant, il l'avait sentie en lui, mais sans jamais la reconnaître pour ce qu'elle était. C'était cette bienveillance ancienne, cette tendresse de vieillard qui, souvent, emplissait son regard, donnait à sa voix une douceur antique, et venait envelopper son interlocuteur, comme un enfant perdu qu'il viendrait prendre par la main – pour le guider. C'était les rares fois où il sentait que tant de souvenirs et de réflexions le ramenaient vers le monde.

Il se sentait, et c'était sans doute un peu ridicule, comme un vieux, vieux monsieur, qui a beaucoup vu et beaucoup écrit, dans la mémoire est pleine de souvenirs, et qui regarde les jeunes gens, qui les regarde aller et venir, se débattre avec leur époque qui n'est plus la sienne, et qui après avoir beaucoup attendu, méditant silencieusement sur sa chaise à bascule, enlève finalement la pipe du coin de sa bouche, attrape sa canne, se lève difficilement et va – parler, parler, ennuyer les jeunes gens, les ennuyer encore, avec des histoires sans âge, jusqu'à ce qu'ils se rendent compte, peut-être, au bout de longues, longues discussions, que ces paroles ne sont pas sans usage, qu'elles n'ont pas l'ineffaçable couleur sépia des images d'antan, des vieilles photographies, conservées dans les albums, conservés dans les malles, dans les greniers, qu'on ne regarde plus – photographies de vaches, d'étables, de charrue, avant la moisson électrique, la moisson mécanique, quand il fallait encore une ficelle pour nouer les gerbes de blé.
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MessageSujet: Re: [RP] Ach. Mon ombrelle est cassée - terminé [RP] Ach. Mon ombrelle est cassée - terminé EmptyVen 2 Avr 2010 - 20:38

Il ne savait que faire. Ne savait où se mettre. Apparemment, sa mutation à laquelle il avait fini, peu à peu, par s'habituer, celle à qui il devait tant de malheurs, l'avait désormais placé au centre de la conversation, chose qu'il ne savait pas comment prendre. Il était très confus, mais aussi, il devait le reconnaître, un peu rassuré qu'on puisse s'inquiéter pour lui.

« Artie… est-ce que on peut faire quelque chose ? Ta peau… tu veux… un soin ? »

C'était la jeune fille, Virginie, qui avait parlé. Bon sang, elle était vraiment très belle, mais il savait qu'il était trop jeune pour elle. De toute façon, ça n'aurait sans doute pas pu marcher entre eux... il la préférerait largement en tant qu'amie de cœur à qui il pourrait se confier. En la dévisageant, il vit de la compassion mêlée d'une douceur maternelle inscrits sur son visage. Artie sentit une chaleur lui parcourir l'échine.

La question lui avait été posé d'une manière un peu brute, et directe, ce qui le gêna un peu. Il se tassa sur son fauteuil, préparant sa réponse dont il n'avait aucune idée de ce qu'elle serait, lorsque quelqu'un d'autre prit la parole à sa place :

« Je crois, Virginie, que ces petits ennuis épidermiques soient le lot quotidien d'Arthur. On ne donne pas à l'abeille un médicament qui l'empêcherait de faire du miel. »

Cette voix, cette façon de parler. C'était Koji, bien entendu. Un personnage vraiment étrange, du point de vue du garçon. Perturbant. Oui, c'était le mot. Mais rassurant avec ça. Il avait trouvé la réponse exacte à la question de Virginie, et Artie le remercia intérieurement. S'il l'aurait dit lui-même, ça aurait été plus impoli. Comme s'il aurait voulu rembarrer la jeune fille.

Il continua de la contempler, sa soif d'observation n'ayant pas été totalement assouvie. Elle représentait à ses yeux le dernier rempart contre la solitude et la déprime dans lesquelles il était en train de sombrer lentement, mais, hélas, sûrement. Et il se surprit même à espérer qu'ils continuent à parler de lui. Oui, c'était ça. Qu'il soit au centre de toutes les attentions, qu'on le rassure, qu'on le cajole, qu'on lui dise de ne pas s'inquiéter.

Il but une autre gorgée de chocolat chaud, conforté dans cette certitude, et se risqua à forcer un peu le destin en ajoutant à la remarque de Koji :

- En fait, Virginie, Koji a raison... ça m'arrive souvent, mais je ne sais pas vraiment ce que c'est. A croire que je...

Il s'interrompit. Le mot lui était venu à l'esprit alors qu'il avait prononcé les derniers mots. Il avait cherché pendant des mois ce qu'était cette perte soudaine d'épiderme, mais à présent, cela lui apparaissait clairement. Il acheva sa phrase sur ce dernier mot, les yeux soudainement dans le vide, la voix perdue comme au lointain, mais non pas hésitante comme auparavant.

- ... mue.
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MessageSujet: Re: [RP] Ach. Mon ombrelle est cassée - terminé [RP] Ach. Mon ombrelle est cassée - terminé EmptySam 3 Avr 2010 - 20:45

Il y avait une chose, une seule peut-être, qui fût commune à Irene Fichte, Irene Fichte la véritable, la jeune femme prête à se jeter dans n'importe quelle aventure, et Mademoiselle Fichte, la professeure de piano respectable, sévère et rigoureuse du Conservatoire Royal de Londres, et cette chose, c'était la peur du scandale. Tous les élèves qui l'avaient aperçue, ceux-mêmes qui la connaissaient un peu, eussent été prêts à parier tout leur argent que jamais Mademoiselle Fichte n'avait fait quoi que ce fût de répréhensible, jamais une pensée malhonnête, et peut-être allait-elle même à l'église tous les dimanches.

D'une certaine façon, Irene trouvait à ce personnage qu'elle avait créé, sans trop y réfléchir, comme un paravent à dresser entre elle et les regards un peu trop inquisiteurs de ses employeurs et de ses étudiants, un charme dépaysant : sa vie avait été si peu semblable à celle de Mademoiselle Fichte qu'elle vivait en elle comme dans un pays inconnu. Elle songeait à cette vie paisible qui aurait pu être la sienne, à cette vie austère entièrement dévouée à l'art, à l'enseignement et aux robes désuètes, et elle avait l'impression de lire un roman sur la Belle Epoque, et ses vacances prenaient des airs de tourisme historique.

Mais le scandale, elle non plus ne pouvait se le permettre. Ce n'était pas qu'elle tînt beaucoup à son emploi au Conservatoire, ni qu'elle en eût besoin pour assurer sa subsistance : elle avait de quoi vivre décemment pour quelques années encore, avant de s'inquiéter pour ses économies. Simplement, elle n'avait pas été assez douée, et surtout à ses débuts, pour s'élever toujours au-dessus de tout soupçon, et elle préférait que l'attention ne fût pas trop attirée sur elle. Toute turbulente qu'elle fût, il y avait une sorte de tranquillité qu'elle était peu disposée à sacrifier.

Elle qui n'était pas, au contraire de son jeune élève, assez intelligente pour penser à beaucoup de choses en même temps, elle avait cessé de songer à se dissimuler de lui, à gommer les aspérités de son caractère, pour lui opposer sans cesse un visage hermétique, un calme indéchiffrable : la passion s'était emparée d'elle, une passion qu'elle se connaissait et qui changeait souvent d'objet – c'était ce jour-là les mutants et leur protection, ce serait un autre jour les diamants et leur appropriation.

Ce n'était pas qu'elle ne fût pas sincère, et profondément convaincue de la valeur de cette cause qui surgissait soudainement sur son regard attentif. Quoique Koji en pensât, son histoire était véritable, et ces vexations, ces humiliations, ces dangers du quotidien d'un mutant ne lui avaient pas échappés. Bien sûr, ils avaient été pour elle moins sensibles que pour une autre : c'était que sa vie était exposée, pour d'autres raisons, à d'autres sortes de dangers. Mais que ces dangers-là l'eussent un temps divertie de ceux que l'on courait à être un mutant ne signifiait en rien qu'elle n'en eût pas conscience.

Or, toute sa discrétion et toute sa prudence ne suffisaient pas à empêcher la fougue de Virginie de la séduire. Elle avait songé, ce matin, en se levant, en relevant ses cheveux en chignon, à rester quelques semaines encore à Londres, au Conservatoire, puis à se renseigner sur les œuvres d'art que les musées d'Angleterre gardaient dans leur coffre, ou bien à faire un voyage à l'étranger, en quête de quelque chose à voler. Et si l'inspiration lui avait manqué, il lui aurait suffi de reprendre contact avec le milieu, de chercher un employeur, et quelqu'un aurait décidé pour elle de ce qu'elle devait voler.

Mais la cause mutante, et toutes les choses qu'il était probablement nécessaire de faire pour la défendre (ce qu'étaient ces choses, il est vrai qu'elle ne se le représentait alors qu'assez mal) avaient à ses yeux un avantage immense : c'était une aventure sur le très long terme. En s'y engageant, elle était sûre d'avoir de quoi faire pour des années. Des années d'aventure. Sans cesse quelque chose de nouveau. N'était-ce pas pour elle comme la promesse d'une mine d'or ?

Et cette mine d'or, elle la sentait à portée de main ; cette mine d'or, Virginie pouvait l'y guider, elle en était certaine. Irene s'était toujours flattée d'être une bonne juge du caractère. Certainement pas à la manière de Koji, qui analysait, découpait, formulait des hypothèses, les assemblait en système, et prenait pouvoir sur une personne après en avoir fait le tour dans son esprit (ou tout du moins en était capable). C'était un jugement intuitif, instinctif, un jugement de femme d'action. Or, son intuition lui murmurait qu'une belle fougue comme celle de Virginie n'était pas de celles qui souffraient de demeurer inactives.

Elle était certaine que, d'une manière ou d'une autre, Virginie prenait activement part à la lutte mutante. Dans le vestibule immense du Conservatoire, elle avait senti toute la solidité, toute la force physique, de cette jeune femme. Nul doute que les groupuscules mutants pouvaient tirer parti de ces avantages. Peut-être Virginie, qui parlait si à propos de la discrétion qui était de mise dans telle ou telle circonstance, en était-elle une membre active.

C'était ainsi qu'Irene sentait naître en elle un intérêt vif pour Mademoiselle Parish. Elle n'avait pas abandonné l'espoir de la pousser dans les bras de Koji (et l'affaire lui semblait, du reste, fort bien engagée), mais la jeune femme avait su la séduire, et c'était en elle-même, non comme un outil, qu'elle la considérait. Quasi comme une camarade de la lutte dans laquelle elle-même ne s'était pas encore jetée.

Mais elle sentait que Virginie se retenait de parler. Sans doute ne lui faisait-elle pas confiance. Irene ne pouvait pas le lui reprocher : elles ne se connaissaient pas. Une profession de foi comme celle qu'elle venait de produire ne suffisait pas à s'assurer de quelqu'un. Mais peut-être la réticence de l'élève naissait-elle également de la présence de ses deux camarades. Arthur trop jeune pour être mêlé à des combats un peu sordides. Et Koji ?

Les yeux violets un instant effleurèrent le visage du jeune métisse. Elle ignorait à peu près tout de ses convictions, qu'elles eussent trait à la question mutante ou bien à la politique, à l'histoire, à la philosophie. Même à l'art, à la musique. Elle l'avait toujours trouvé très discret, et formidablement doué s'agissant de détourner la conversation dès qu'elle touchait un sujet sensible, de répondre à demi-mot, et de ne jamais laisser clairement paraître ce qu'il pensait. Peut-être aurait-elle dû lire ses livres ; peut-être s'y exprimait-il plus librement. Mais elle préférait les romans d'aventure.

Bientôt, son regard et son attention furent captiver par Arthur, que les voix successives de Virginie et de Koji mettaient au centre des préoccupations. Sans parvenir, et sans chercher, à feindre la désinvolture ou l'indifférence, elle observa, avec une lueur d'intérêt vif, et certainement pas dénuée d'une certaine chaleur protectrice – c'était que la conversation qui avait précédé disposait aux élans de fraternité – la peau de son jeune invité.


« Ja... Ja, je vois. Vous savez, Monsieur Chastel... »

Elle s'était redressée dans son siège, promenant, dans un instant d'hésitation, son regard sur l'ensemble du désordre qui régnait dans la pièce, à la quête, manifestement, d'un objet, et cette inspection superficielle ne dût pas suffire, parce que la jeune femme quitta son siège et se mit à fouiller ses étagères, ouvrant des livres, semblait-il au hasard, fouiller les papiers sur ses bureaux, dans ses armoires.

« Wer... Ach... »

Elle empilait les livres qu'elle avait ôté des rayonnages sur les bureaux, et remettait ceux des bureaux sur les rayonnages, mais sans paraître se soucier outre mesure de leur place respective, si bien qu'il était probable qu'elle mettrait autant de temps, à l'avenir, à retrouver l'un de ces volumes, qu'elle en mettait alors à mettre la main sur celui qu'elle cherchait.

« Qu'est-ce que je disais ? Ah ! Oui ! Vous savez, Arthur – je vous appelle Arthur, vous permettez, ja ? C'est bien votre nom ? C'est celui qui est sur la liste des élèves, dans la salle des professeurs, also... - oui, je disais, donc, vous savez, Arthur, il y a quelques mois de cela, je faisais un voyage en Inde. Un charmant pays, vraiment, on y croise toute sorte de gens fascinants. Et quelle culture ! Quels trésors ! L'architecture ! Une merveille ! »

En disant ces derniers mots, elle avait disparu à moitié dans un placard, pour en ressortir avec un air légèrement contrarié, et reprendre sa recherche sur un bureau qu'elle avait déjà examiné, en maugréant à voix basse, en allemand.

« Hm hm hm... Oui, donc, l'Inde. J'y ai rencontré une dame, une vieille indienne. Elle vivait, vous savez, dans un de ces villages des montagnes, tout à fait isolés. On y voit bien deux ou trois machines, mais d'une façon générale, c'est un peu comme si le temps avait arrêté de s'écouler à une certaine époque. C'est une impression assez étrange, je dois dire. Un peu déplaisante, même. »

Avec un petit cri de victoire, elle arracha un volume à un amoncellement de partitions de Beethoven, le feuilleta rapidement, avant de le laisser tomber d'un air déçu, pour reprendre ses recherches.

« Bon, et cette dame, on lui aurait donné quoi ? Neun... je veux dire, quatre-vingt dix ans, quelque chose comme cela. Eh bien, en réalité, elle avait quelque chose comme cent quatre-vingt huit ans, ce qui, il faut bien l'admettre, est un âge assez respectable, pour une éleveuse de chèvres. Parce qu'elle élevait des chèvres. Ah ah ! Victoire ! Victoire ! »

Elle s'était figée dans une posture triomphante, avec sur le visage répandue une exultation de petite fille qui vient de trouver sur la plage un coquillage rose intact, et de toute beauté, et elle tenait à la main un volume poussiéreux, sur lequel se détachait en grandes lettres d'or un titre : Moby Dick.

« C'est ici. Cette femme, voyez-vous, avait la peau du dos très dure. Elle forme des sortes de grosses écailles. Elle ne savait pas trop qu'en penser, c'était apparu à son adolescence, vous voyez. Et puis, au bout d'un certain temps, elle a appris à faire des choses étranges, avec ses membres. Disons qu'elle les rétractait. C'est un peu... déroutant à voir. »

Elle avait feuilleté les pages du livre, et entre deux pages était glissée une photographie. Elle déposa le livre sur la table page, et tendit à Arthur la photographie : photographie qui semblait avoir été faite avec un appareil d'un autre âge, et développée avec des techniques d'une autre époque, qui lui avaient laissés une légère couleur sépia. On y voyait une vieille femme, qui coulait vers l'objectif un regard vénérable et malicieux, et l'on devinait, malgré la piètre qualité du cliché, que sa peau, pour une Indienne, avait une couleur un peu étrange, un peu verdâtre.

Irene Fichte avait rejoint son fauteuil, et observait rêveusement tomber la neige par la fenêtre : la tempête s'était calmée, et n'avait été qu'une brève bourrasque. Les flocons qui tombaient étaient de plus en plus rares.


« On l'appelait la femme-tortue, bien sûr. C'était une sorte de compliment. Quelque chose de quasi divin. Imaginez-vous. Cent quatre-vingt ans. Ca en fait des chèvres élevées... »

Ses yeux quittèrent la fenêtre, et elle les déposa, avec un sourire complice et amusé, sur le jeune Arthur.
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MessageSujet: Re: [RP] Ach. Mon ombrelle est cassée - terminé [RP] Ach. Mon ombrelle est cassée - terminé EmptyLun 5 Avr 2010 - 21:50

Il était difficile d’imaginer cette jeune fille autrement que sage et discrète. Pas exactement la même discrétion que cette dame qu’elle découvrait. Il est vrai que madame Fichte ne donnait nullement l’impression de marcher hors des sentiers. C’était bien elle qui avait laissé venir l’air de la protestation. Alors les habits n’assuraient rien. Virginie ne s’arrêtait pas sur cela, du moins par pour l’opinion politique. Que ce soit elle qui poussa à l’éclat tenait du comique. D’ailleurs les esprits les plus simples, y voyaient la volonté de surprendre les auditeurs. Comme chaque enfant qui cherche à casser l’image injuste qu’on s’est fait de lui. Mais Virginie était trop âgée et trop sincères pour chercher un tel subterfuge. Ses paroles n’étaient pas force d’évangiles. Elles n’étaient pas prévues. Pourtant il faut l’avouer la demoiselle croyait dur comme fer en ce qu’elle venait d’énoncer.

Ainsi elle ne songea pas que l’un de ses interlocuteurs fût en désaccord avec cela. C’était un sujet bien trop grave pour que les avis divergent réellement. L’égalité ne souffrait pas de contradiction. Il n’y avait pas de confort personnel à préserver, ou bien d’indifférence à affecter. Ou en tous les cas pas une que son esprit idéaliste soit prêt à entendre pour le moment. Ceci dit ce raisonnement, aussi beau soit-il, n’était peut être pas le meilleur. Comment pouvait-elle le savoir du bas de son humanisme ? Elle n’était pas faite pour la lutte au départ. Le dénigrement des siens avait créé un terrain propice, besoin d’exister, que la cause mutant semblait combler. Virginie détestait contredire l’autre. Tout en acceptant que l’inverse se produise à la moindre occasion. Parce qu’on l’avait fait grandir dans l’idée : que chacune de ses paroles méritaient, au mieux rectification, au pire de l’indifférence. Ce qui ne diminuer pas ses convictions là.

Il était naturel pour elle d’être dans l’erreur. Cela faisait même partie intégrante de son mode de fonctionnement. Humble à outrance ce qui avait agacé quelque fois. Ainsi, la dispute n’était jamais fuite, puisque avortée dans sa plus simple conception. D’ailleurs elle aurait été sincèrement malheureuse de contrarier les autres par son opinion. On ne l’avait jamais vue élever la voix. On ne la l’avait jamais vue critiquer méchamment l’autre. Plus embêtant, en fait, on n’avait jamais vu cet individu s’affirmer dans la force. Cela tenait certainement à son caractère. Probablement de son éducation. Sans aucun doute à sa crainte viscérale des cris et de la violence. Virginie ne se disputait pas avec les autres. Ce qui tôt tard poserait problème.

C’est six mois auparavant, pour la première fois de sa vie, que cette jeune mutante avait pensé et même envisagé un acte de cruauté. Il n’avait pas fallut moins, que la condamnation à mort de centaine de personne, pour éveiller en elle cette émotion là. C’était cette humanoide, cette Jessie, un être qui réussissait à provoquer de la répulsion. Le désir de faire mal. Un véritable challenge en soi. A vrai dire Virginie préférait ne pas penser à tout cela. Elle ne voulait pas oublier ! Ça jamais. Seulement elle n’aimait, ni se morfondre, ni ruminer ce qui ressemblait fort bien à de la rancœur. C’était toujours un nouveau coup de point dans l’estomac que de tomber sur un signe de ce qui s’était passé. Hélène morte…

Toute cette lutte avait encore plus de sens. Elle en avait –malheureusement- chaque jour un peu plus. Il y avait de plus en plus de débordement. Alors au fond cette demoiselle ne doutait pas que chaque mutant un jour comprendrait où était son intérêt et même son devoir. Il fallait juste du temps, un peu plus de temps. Elle n’en avait pas encore parlé directement au beau Treanez. Cela viendrait… Qui sait peut être que cette petite conversation déboucherait sur bien plus que de vague découverte individuelle. C’était idéaliste. C’était tout à fait dans la continuité de ce qui se déroulait en cette neigeuse fin d’après midi. Simple Virginie avait confiance en ses camarades et leur sens de la liberté. Peut être était-ce un tord, mais c’était un tord tout à fait honnête.

Elle avait encore plus confiance, pour cela, en Irène. Son sourire ne serait-ce que lui. Virginie croyait beaucoup au sourire. Plus elle l’observait, et plus elle envisageait de lui parler, de ce qu’elle savait. Mais… il y avait beaucoup de « mais ». Toute passionnée que mademoiselle Parish fût, elle était plus encore consciencieuse et loyale. Les règles qu’on lui imposait elle y obéissaient. C’est sans se prendre pour une héroïne qu’elle pouvait répondre : « Jusqu’à la mort. » La mort était une chose qui ne l’angoissait pas. En tout cas pas avec la puissance dont des choses « moins graves » pouvaient l’angoisser. Quoi qu’il en soit l’une de ces règles était le secret. Il faudrait suivre le protocole. Même si celui-ci pouvait être ennuyant. Même quand on voulait aller plus vite.

Pour le moment elle était toute entière tournée vers le jeune souffreteux. Un peu comme sa comparse. Le murmure de Koji ne lui fit pas tout de suite détourner le regard. Parce que cette réaction elle la connaissait assez à présent pour l’intégrer sans la relever physiquement. Parce qu’elle savait aussi que ses monosyllabes étaient suivis d’une opinion calme et claire. Parce que surtout son inquiétude s’accompagnait de concentration. Cette réflexion la fit légèrement hésiter. Vaciller comme elle vacillait toujours. La gêne d’Arthur elle l’avait entrevu pendant une seconde.

Pourtant son inquiétude ne s’apaisait pas face à cette logique un peu poétique. Toute confiance eut elle en l’intelligence de Koji, il lui fallait entendre Artie. Koji avait la sagesse que Virginie était incapable d’avoir. Pas même le calme de la seule adulte en présence n’aurait put la convaincre. Puisque, chaque relation, entrainait une implication que la raison ne pouvait tout à fait contrôler. C’était exactement comme quand elle avait dût soigner ce cher Alfred. Le calme devait venir par celui qui avait déclenché la tempête. Alors protectrice elle l’était sans pour autant oser infantiliser l’enfant. Elle ne se doutait pas une seconde ce que ce comportement pouvait déclencher.

La bienveillante ne se rendait pas compte que sa question pouvait déstabiliser l’adolescent. Les élans du cœur sont souvent, pour ne pas dire toujours, les plus maladroits. Le jeune mutant la regardait et Virginie ne détournait pas le regard. À cet instant, elle ne songeait plus à rien qui la concerna, elle. Mais à tout ce que son camarade put réclamer. Alors leur observation mutuelle restait normale et acceptée. Quand il confirma l’hypothèse de l’ami, la jeune fille ne sut si cette réponse devait la rassurer. Etait-ce douloureux de muer ? Comme ça devait être étrange. Pour elle dont le corps ne bougeait plus c’était même assez perturbant. La pianiste elle semblait mieux comprendre ce qu’il en découlait.

-« Ho… »

Ce bureau était un lieu neuf. Neuf car totalement inconnu. Pour cela mademoiselle Parish ne put deviner l’objet d’une mise en mouvement pareille. Elle regarda la dame en robe évoluer au gré de son investigation. Elle retrouvait, dans cette manière de faire, un peu de son amie humaine, un peu d’elle aussi. Cette façon de chercher tout en paraissant découvrir l’espace. Une vraie tornade. Les mots accompagnaient et éclairaient un peu plus la démarche. Virginie, à chaque bout de phrase, était sur le point de proposer son aide. Mais l’indécision condamne les bonnes intentions ma vieille. Le cri de victoire la devança, bien vite, et un sourire amusé remplaça son hésitation. Cette spontanéité extravagante lui rappelait un peu Valérie. Mademoiselle Fichte était décidément riche en couleur. Un véritable personnage ! Elle l’aimait de plus en plus, cette femme.

C’était une légende que la mutante leur racontait sous les traits de l’anecdote. Virginie était ce que l’on appelle « bon public ». Dans ce bureau aux merveilles, c’était un peu comme si elle était au côté d’Alice, qui écoute le Chat. Maintenant sa curiosité n’allait pas tant pour la résolution du problème d’Artie, qui comptait beaucoup aussi, mais pour la logique de mademoiselle Fichte. Moby Dick voilà le trésor déniché ! Elle avait lut ce roman enfant. La baleine l’avait fait trembler. Pourquoi avoir choisi ce livre ? La réponse ne tarda pas. Sous la forme d’une photo. Une photo ? Les yeux azurs étudièrent d’abord la conteuse. « Quasi divin. » C’était donc ça… Un éclair passa dans le regard. Futée. Oui c’était magnifiquement trouvé. Arthur en divin. Un sourire plein d’optimiste naquit à sa bouche.

-« Alors on va devoir construire un totem pour toi Artie. »

Voilà une idée tout à fait charmante. Enfantine certes mais charmante. Peut être y avait-il dans le parc un endroit propice. Il pourrait chanter à la Lune tombée. Un coup d’œil vers la fenêtre lui donna l’inspiration.
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MessageSujet: Re: [RP] Ach. Mon ombrelle est cassée - terminé [RP] Ach. Mon ombrelle est cassée - terminé EmptyLun 5 Avr 2010 - 23:37

Muer. Quelle sensation étrange cela devait être. Perdre sa peau. Sentir son corps changer. Ce n'était pas que le corps des restes des gens ne changeât pas. Mais Arthur, lui, le sentait, il le sentait jusque dans sa chair. Il n'oubliait jamais que quelque chose était là en lui en train de croître, et que son être à venir cherchait à le déposséder de son être passé. Il avait entendu ce mot, mue, comme s'il avait résonné dans une grande pièce vide – vide un instant, et peuplée, l'instant suivant, d'une voix qu'il avait entendue, soigneusement écoutée, enregistrée il y avait des années et des années de cela, bientôt un siècle ; voix morte avant qu'il fût né. Ce n'était pas même ces mots là qu'elle avait dits – mais son imagination comblait le manque. L'imagination de Koji, toujours prête à faire exister des mondes qui n'avaient pas eu leur chance.

« For fives days I lie in secret,
Tapped like a cask, the years draining into my pillow.
Even my best friend thinks I'm in the country.
Skin doesn't have roots, it peels away easy as paper.
When I grin, the stitches tauten. I grow backward. »


Il n'était pas trop certain d'avoir prononcé les vers, ou de les avoir simplement pensés. C'était que ses pensées, tout ce qui se développait dans son esprit, les planètes qui tournaient sur leurs orbites, étaient investies d'une telle force qu'il n'était pas certain que ce qui se passait sous ses yeux, ce qui résonnait à ses oreilles, eût plus de réalité qu'elles. Entre un monde possible et le monde réel, celui qui l'emportait, dans l'esprit de Koji, n'était pas toujours le bon.

Fort heureusement pour la survie du jeune métisse, le monde réel avait pour habitude bien ancrée de se rappeler à lui avec toute la force de sa matière. Après un millième de seconde dévolu à l'incertitude d'avoir pensé ou d'avoir dit, il entendit comme le son de sa propre voix, senti la longue, lente vibration de ses cordes vocales – légère vibration, et sa voix n'avait été qu'un murmure. Et il lui semblait qu'à peine lui avait-il échappé pour s'épanouir dans l'atmosphère de la pièce que son murmure avait été couvert par la voix de sa professeure.

Cette triste habitude de dire tout bas ce qu'il pensait très fort, et de ne pas saisir toujours la différence qu'il y avait entre songer à quelque chose et dire son songe avait acquis à Koji une réputation qui n'était pas des plus plaisantes : certains de ses camarades de l'Institut le prenaient pour un fou. Et il était difficile de leur donner tout à fait tort. Koji se mêlait rarement au reste des élèves, et quand il apparaissait dans la salle de repos, dans le parc, il avait parfois l'air de ne pas voir que les lieux étaient déjà peuplés, et il murmurait deux ou trois vers dans une langue étrangère, ou bien en anglais. Et comme ces vers avaient généralement un rapport avec une conversation qui se tenait, on n'était plus certain s'il ignorait les autres, ou si, au contraire, il les épiait (et à vrai dire, il faisait les deux).

C'était habitude avait cependant plus de succès auprès des jeunes filles à la fibre artiste qui étaient prêtes à accorder le bénéfice du doute au jeune homme, parce qu'un jour, dans un accès de bonne humeur, il leur avait adressé l'un de ses sourires charmeurs. Celles-ci trouvaient que sa distraction lui donnait l'air d'un poète, et elles soupiraient d'admiration en songeant qu'il devait être en train de composer une grande œuvre onirique, lorsqu'il allait chercher des cookies en méditant sur la thermodynamique.

Ainsi Koji était-il soulagé de découvrir que Mademoiselle Fichte n'était pas femme à abandonner la parole quand elle l'avait prise (ce qu'à vrai dire il soupçonnait un peu), et que bientôt, une nouvelle histoire venait couvrir sa petite absence. Il la suivait des yeux, il la regardait aller et venir, remuer ses papiers, ses livres. Il était convaincu qu'elle s'était un peu révélée à eux, mais juste assez pour confirmer ses soupçons : cette femme n'était pas exactement le type de la professeure de piano. Ce qu'elle était vraiment, il n'aurait su le dire.

Elle avait voyagé, c'était certain. La fortune qui lui permettait de s'offrir des robes de haute couture, des ombrelles et des parures compliquées, avait peut-être un lien avec ces voyages. A une autre époque, Koji l'aurait soupçonnée d'avoir donné dans l'exploitation minière. Ou la chasse aux trésors. Mais maintenant, les trésors étaient répertoriés dans les musées, étiquetés, bien référencés. Il n'en dormait plus sous le sable millénaire. Alors, d'où venait cet argent ?

Peut-être avait-elle fait des affaires. Mais Koji n'avait jamais entendu sa mère parler d'un ou d'une Fichte. Et il était à peu près convaincu que l'ensemble des grands noms du monde des affaires avait, d'une façon ou d'une autre, été inscrit sur tel ou tel document, sur le bureau de sa mère. Ce n'était pas, bien sûr, que sa mère fût bavarde ; Koji, en revanche, était curieux (et peu sensible au secret professionnel, entre autres choses). Alors, cet argent ?

Pendant qu'il échafaudait des hypothèses quant à la fortune mystérieuse de sa professeure de piano, son regard avait dérivé de la jeune femme vers Arthur, qu'il observait avec cette attention rêveuse qui n'était pas faite pour mettre les gens auxquels elle s'attachait à l'aise, car il était impossible de savoir si Koji regardait vraiment ce qu'il semblait fixer, ou si ses yeux se perdaient dans le vide. C'était sans doute un peu des deux : Koji avait l'art de ne pas choisir.

D'une certaine fois, il sentait entre lui et le jeune mutant comme une ressemblance. Arthur sentait son corps changer. Bientôt, dans le miroir, il ne se reconnaitrait plus. Et Koji songeait que son esprit muait, aussi. Que quand il se souvenait de l'être qu'il avait été, il y avait de cela six mois, un an, il le trouvait entièrement différent de celui qu'il était aujourd'hui. Et ainsi changerait-il encore à l'avenir. Comme une chaîne de morts minuscules qui se succédaient. Et pourtant quelque chose de lui se conservait. Quelle sensation étrange.

Une femme-tortue. Il avait lu quelque chose à son propos, quelque part, dans un journal. Il se souvenait à présent de l'article et de chacun de ses mots. Il se souvenait de la photographie qui l'accompagnait. Qu'est-ce qui pouvait bien pousser une jeune et talentueuse pianiste à visiter les montagnes du nord de l'Inde ? Plus de cent ans, quelle vie immense ! Et lui qui songeait que jamais il ne supporterait de vivre plus de trente ans. Perdre sa peau, quelle sensation étrange – et il se souvenait d'un autre poème – il y avait un autre article, dans le même journal – c'était à l'époque où la bourse japonaise chutait – elle avait des doigts agiles, comme ceux d'une voleuse – et Virginie qui passait son temps à s'inquiéter – la grande, grande cause des mutants – un article sur les petites sociétés – poète opprimée – la peau qui partait sous les doigts, comme une étrangère – Virginie qui finissait sa tasse de chocolat ou de thé – la neige avait cessé de tomber – un éditorial sur le nouveau gouvernement – une démarche sûre et l'équilibre assuré – son mari s'appelait Ted Hughes et il était poète-lauréat – bientôt ils pourraient sortir dans les rues – elle allait veiller sur lui, désormais, comme si c'était une mission – l'Inde, et ses marchés, et le son du sitar – et dans quels autres pays, et pour quelles autres raisons – des doigts agiles comme des mots traitres et sournois – les petits pains à demi-dévorés – la femme-tortue l'enfant-serpent – il se souvenait des versets de la Bible – des petites annonces dans le journal, alignées – elle s'était assise avec ses yeux violets – allait-il trouver le courage de le lui dire – sentir son corps, son corps qui changeait –

Il sentait ses doigts qui tremblaient légèrement sur le bord de l'accoudoir : c'était le monde qui lui rappelait sa réalité. A travers la brume de ses pensées, il entendait la voix familière de Virginie. L'histoire de la professeure était finie. Elle avait laissé la photographie entre les mains d'Arthur. Et Virginie parlait d'ériger un totem. Ils le construiraient dans le parc de l'Institut. Comme un totem indien. Où serait, où serait le tabou ? Il essayait tant bien que mal de détacher les mots les uns des autres. Une pensée à la fois.

Il s'accrochait à un fil, il tissait soigneusement ses pensées, comme une araignée patiente et méthodique. Par discrétion. Pour ne pas sombrer devant tout le monde, se recroqueviller dans son fauteuil comme un enfant apeuré, et trembler, les mains sur le crâne, prêt à l'ouvrir pour que les pensées s'écoulassent plus librement. C'était une situation qu'il tentait de réserver à son intimité. Par charité, aussi. Ses douleurs, il avait eu le temps de s'y faire. Sans vraiment s'y habituer, ni les maîtriser, mais enfin, il pouvait supporter (ou faire semblant – ou essayer de faire semblant). Pour Arthur, si jeune, elles étaient sans doute nouvelles.

Il avait baissé ses paupières sur ses yeux noirs. C'était qu'ils avaient perdu de leur douceur protectrice, de leur sagesse profonde, pour n'être plus qu'un changeant précipice. Il essayait de restaurer l'architecture de son esprit. Retrouver les couloirs principaux du grand bâtiment.


« Hélas... »

Parler pour sentir son corps réagir, entendre sa voix et s'empêtrer un peu dans le réel, et ses sensations. C'était une voix vieille, mais elle n'avait plus la douce chaleur de la sagesse, calme protecteur de milliers et de milliers d'années : c'était une voix vieille, fatiguée et usée, comme un vieux corps aux os fragiles et trop de fois brisés.

« Je crains que l'Angleterre ne soit pas comme l'Inde une nation de foi. Personne ne croit plus en rien de divin. »

Il y avait bien des choses dont Koji ne parlait jamais, et il était difficile de croire que c'était parce qu'il ne s'y intéressait. Il avait toujours d'excellentes raisons pour dissimuler son avis sur telle ou telle question – ou du moins ces raisons lui semblaient-elles excellentes à lui. Mais il était pour l'heure trop occupé à rassembler ses pensées, à les domestiquer, à les empêcher de trop s'étendre, pour songer qu'il parlait plus qu'il n'avait envie de le faire.

Il s'était relevé, pour s'approcher de la fenêtre, pour regarder la neige dans la rue, et dissimuler un peu mieux son trouble – l'artifice était vain, tant sa voix le trahissait. Mais le message avait au moins le mérite d'être à peu près clair : il ne souhaitait pas que l'on s'inquiétât pour lui. Ou bien si l'on s'inquiétait, qu'on le fît en silence.


« Peut-être que c'est aussi bien, cela dit, que tout le monde ne considère pas les mutants comme des dieux. Tous les mutants ne sont pas de vieilles femmes sages. Cela dit, il faudrait trouver un juste milieu, bien entendu. »

A mesure qu'il parlait, sa voix recouvrait un peu de sa force – la crise avait été courte. Parfois, il se prenait à espérer, en songeant que les crises étaient moins nombreuses, plus courtes, et que bientôt elles disparaitraient. C'était vrai pendant quelques semaines, et puis elles revenaient, aussi longues, aussi douloureuses qu'elles l'avaient été, et parfois, plus terribles encore. Ce n'était pas grave. C'était d'ailleurs la moindre des souffrances que lui causait sa mutation.

Aussi n'avait-ce pas été la douleur qui avait éloigné sa dernière phrase dans un ton songeur. Son esprit avait été soudain captivé par une silhouette qu'il apercevait, en bas, dans la rue, devant le Conservatoire. Sans doute devait-il à cette silhouette surgit au milieu de la neige la fin de sa douleur, et pourtant il ne parvenait pas à lui être reconnaissant. Cette silhouette lui devenait trop familière, ces derniers jours. Il l'avait vue au centre commercial, il l'avait vue le soir en allant à la pharmacie, il l'avait vue hier matin dans le quartier des Antiquaires, et deux ou trois autres fois encore.

Il avait l'habitude de reconnaître dans une silhouette qu'il croisait une autre silhouette aperçue dans un autre endroit de Londres, mais jamais avec tant de régularité. Eût-il été moins paranoïaque de nature qu'il eût tout de même eu la curieuse impression d'être suivi.
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MessageSujet: Re: [RP] Ach. Mon ombrelle est cassée - terminé [RP] Ach. Mon ombrelle est cassée - terminé EmptyMar 6 Avr 2010 - 17:07

Dehors, le blizzard s'était calmé, et celui qui grondait à l'intérieur d'Artie aussi. Il était pleinement rassuré à présent. Les gens paraissaient plus gentils qu'ils en avaient l'air, finalement. Ils lui parlaient de sa mutation sans travers. Ils voulaient l'aider, il le savait, il le sentait. Et ça lui redonnait confiance en lui, pas beaucoup certes, mais c'était déjà ça.

La professeure, cette femme forte en personnalité, s'était directement intéressé à lui, comme les deux autres. Artie commençait à bien l'apprécier, finalement. Elle ne semblait pas frustrée de le voir être l'objet de toutes les attentions, après son histoire, bien au contraire. Elle semblait comprendre.

Elle lui avait tendu une photo, conté une histoire. L'Inde. Ce pays l'avait toujours intéressé. Dans les livres qu'il avait lu, il s'était aperçu que c'était une très ancienne culture, une des plus anciennes, à vrai dire. Une noble civilisation. Et qui considérait les mutants non pas comme des monstres, mais des divinités. Rien que ça. Mais, plus que tout, c'était cette histoire bien particulière que venait de lui conter l'enseignante qui lui empoigna le cœur. Se pouvait-il que cette femme sache quelque chose ? Ou qu'elle ait plutôt deviner ?

Son sang se glaça à la vue de la photo. Non pas qu'elle était effrayante, mais ce qui ressortait de toute cette anecdote l'apeurait. Il y avait un rapport avec sa mue. Il y en avait forcément un. Le fait que ce soit une mutation visible, peut-être ? Ou... autre chose ?

Les écailles. Cette peau dure et verdâtre. Serait-ce lui dans vingt, trente, quarante ans même ? Le pire, c'est qu'il voyait cette photo comme un miroir, non pas dans l'apparence d'aujourd'hui, mais plutôt dans celle, mystérieuse, de l'avenir. Comme un cadeau qu'on aurait malheureusement découvert à l'avance, sans le vouloir.


« On l'appelait la femme-tortue, bien sûr. C'était une sorte de compliment. Quelque chose de quasi divin. Imaginez-vous. Cent quatre-vingt ans. Ça en fait des chèvres élevées... »

Quasi-divin... quasi-divin. Pas quelque chose de bizarre, en tout cas pas au sens propre puisque la divinité se rapproche de l'étrange et l'inexplicable, mais quelque chose de divin. Et cette longévité... vivre aussi longtemps après les siens était déprimant. Il n'avait pas envie d'aller jusque là.

« Alors on va devoir construire un totem pour toi Artie. »

C'était Virginie qui avait soufflé ces mots. Empreints d'un chuchotement complice, d'un avenir qui semblait prometteur. Une lumière s'alluma dans les yeux du garçon en même temps qu'un sourire inconscient sur son visage malade. Un espoir, surgit d'où il ne savait, l'envahit comme un remède au mal qui l'assaillait depuis des mois. Et alors qu'il échangeait son sourire contre le regard malicieux de la jeune femme, une voix douce et grave se fit entendre :

« For fives days I lie in secret,
Tapped like a cask, the years draining into my pillow.
Even my best friend thinks I'm in the country.
Skin doesn't have roots, it peels away easy as paper.
When I grin, the stitches tauten. I grow backward. »

Quel étrange poème. Artie n'avait pas fini d'en saisir le sens que Koji continua sur sa lancée, comme captif d'un autre monde :

« Hélas... je crains que l'Angleterre ne soit pas comme l'Inde une nation de foi. Personne ne croit plus en rien de divin. »

En rien de divin, non. Le jeune garçon n'était pas sûr qu'il n'y ait vraiment personne. Preuve en était Virginie et cette professeure dont il ne connaissait toujours pas le nom. Il espérait pouvoir bientôt l'apprendre. Mais pas maintenant. Ce que venait de déclarer Koji aurait très bien pu éteindre tout espoir en lui. Ce qui était bien le contraire. S'il incarnait réellement quelque chose de divin pour Virginie et pour mademoiselle la professeure, pourquoi n'en serait-il pas de même pour des milliers d'autres personnes ?

« Peut-être que c'est aussi bien, cela dit, que tout le monde ne considère pas les mutants comme des dieux. Tous les mutants ne sont pas de vieilles femmes sages. Cela dit, il faudrait trouver un juste milieu, bien entendu. »

Le sous-entendu caché sous cette phrase débitée d'un ton posé et tout à fait sérieux fit s'évader un rire de l'intérieur d'Artie. Un rire clair, qui faisait sourire, un rire à la fois enfantin mais intelligent. En s'entendant ainsi, le garçon se dit que ce dévoilement de facette chez lui ne tombait pas à un moment aussi inopportun qu'on aurait pu le croire.
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MessageSujet: Re: [RP] Ach. Mon ombrelle est cassée - terminé [RP] Ach. Mon ombrelle est cassée - terminé EmptyMar 6 Avr 2010 - 19:10

La neige avait cessé de tomber, désormais. Londres retrouvait sa fixité monumentale : elle était comme toutes les capitales, toujours en train de poser pour l'appareil photographique des touristes, obstinément fidèle à elle-même. Irene n'aimait pas les villes. Elle s'y sentait enfermée. Trop d'existences quotidiennes pour son âme aventurière. Les grands espaces étaient toujours plus tourmentés, et plus riches en songes.

Elle avait aimé chacun des pays qu'elle avait traversé. Elle avait rassemblé des souvenirs. Il y en avait sur les tables et dans les armoires de tous les appartements où elle se cachait : à Paris, à Berlin, et ici à Londres. Quand elle rentrait de l'aéroport, après avoir volé quelques choses, qu'elle déposait son arme sur la commode à l'entrée, comme d'autres femmes en rentrant chez elles à la même heure y déposaient leur porte-clef, elle retrouvait sous son regard des tentures, des livres imprimés dans une langue qu'elle ne pouvait pas lire, mais qui lui rappelaient ses voyages.

L'Angleterre était-elle aussi triste que le disait Koji ? Un pays sans croyance, elle n'aimait pas cela. Une âme sans idéaux à adorer avec toute la bêtise qui dormait au fond de chaque romantisme, lui était une perspective effrayante : c'était une âme morte et desséchée. Elle était jeune encore, Irene, elle n'avait pas trop réfléchi sur le monde, pas encore : ce qu'elle avait fait, c'était seulement l'embrasser à en perdre haleine.

Elle se demandait quelle vie calme ces jeunes mutants pouvaient mener, entourés par les murs de l'Institut, dans ce grand manoir anglais, avec son parc, où ils pouvaient construire des totems. Elle se demandait si les couloirs résonnaient des cris et des bruits des jeunes gens qui couraient, qui jouaient. Elle se demandait si les salles d'étude sentaient un tout petit peu la poussière, comme pour distraire les élèves, et les dissuader de travailler. Elle se demandait quel goût avait cet ersatz de jeunesse.

Y avait-il parmi ces jeunes des gens qui voulaient devenir astronautes ou chanteurs ? Est-ce qu'ils regardaient la télévision en rêvant de rassembler à tel acteur et, est-ce que le soir, avant de s'endormir, ils s'imaginaient qu'ils rencontraient l'homme ou la femme de leur vie, impressionnée par eux comme dans un film ? Et s'ils faisaient tout cela, se rendaient-ils compte que la normalité à laquelle ils aspiraient tant étaient si proches d'eux, alors qu'ils la croyaient si loin ?

Elle écoutait le rire d'Arthur. Il n'était pas encore une très vieille personne. Comme cela devait lui paraître horrible et lointain de vieillir. A elle aussi, qui ne teignait pourtant pas ses cheveux blancs. Bientôt, son corps allait s'épuiser peu à peu. Il y aurait de moins en moins d'aventures. Alors, que deviendrait-elle ? Probablement une professeure de piano, plus vieille à chaque anniversaire, jusqu'au jour où la glace aurait pris ses doigts, et qu'elle ne pourrait plus jouer. Deux cents longues années de vie : c'était divin, en effet.

Elle était soulagé d'entendre Arthur rire. Elle les avait recueillis tous les trois dans le vestibule du Conservatoire comme trois âmes en peine. Virginie qui passait son temps à s'excuser. Arthur qui avançait comme un automate moribond. Koji. Elle levait les yeux vers lui, elle le regardait, à la fenêtre. Elle ne se souvenait pas de l'avoir jamais vu vivre vraiment. Même quand il jouait, il anticipait tout le morceau, et demeurait loin derrière l'instant présent. Comme un fantôme.

Arthur riait. Virginie était prête à défendre ses idées. Et elle, elle se sentait comme après un long, long sommeil. Les vacances pourtant n'avaient duré que quelques semaines. Et sans doute n'avaient-elles pas été déplaisantes. Mais désormais, elle avait envie de secouer la langueur de ses membres, de réveiller ses muscles, comme après avoir trop dormi au soleil, on aspire à se plonger dans la mer fraîche. A nouveau des vagues, plutôt que le rythme tranquille des journées au Conservatoire.

Et pourtant, elle n'avait pas disparu sans laisser de trace, comme jadis elle l'eût fait, emportant ses affaires dans ses bagages, pour surgir à nouveau dans un autre coin du monde, fugacement, là où il y avait quelque chose à voler, et partir à nouveau. Elle avait cherché quelqu'un qui pût la tirer de son sommeil, comme la tique sur l'arbre attend que la bête chaude passe, sur laquelle elle pourra se laisser tomber, pour reprendre enfin vie.

Peut-être qu'elle avait grandi, finalement, qu'elle avait mûri, et qu'une vie passée sans se soucier des conséquences de ses actes était désormais révolue, qu'elle avait besoin maintenant de s'engager dans quelque chose qui dépassât ses aspirations égoïstes, ou peut-être simplement qu'elle avait peur de vieillir, en restant éternellement seule, en fuyant, à droite, à gauche, sans jamais pouvoir se lier, et que de réunir autour d'elle un peu de jeunesse s'était présenté à son esprit comme l'issue de secours.

Quoiqu'il en fût, l'évolution de son caractère ne l'avait pas portée au point de s'asseoir sagement, comme Koji, et de bien examiner la situation, pour prendre une décision pondérée et raisonnable. Son rire vint se joindre un instant au rire d'Arthur, avant qu'elle ne s'exclamât :


« Ja ! Eh bien, je dois avouer que je ne suis pas la mieux placée pour trouver les justes milieux. Heureusement que j'enseigne le piano, et pas la philosophie. Quels résultats désastreux j'aurais. »

Elle ponctua sa remarque d'un clin d'oeil adressé à Arthur, avant de faire résonner à nouveau son rire dans la pièce.

« Je crois que l'extérieur est plus praticable, à présent. »

Elle s'était relevée pour s'approcher de la fenêtre, et s'arrêter tout près, en face de Koji. Son regard suivit celui du jeune homme, jusqu'à la silhouette qui attendait devant le Conservatoire, dans un grand manteau noir, avec un chapeau et une écharpe, contre le froid. Elle n'eut pas de mal à la reconnaître, du moins vaguement : c'était un inspecteur de police.

Comme à son habitude, elle avait eu le soin de se renseigner sur les forces de l'ordre de la ville où elle séjournait. Afin de s'assurer qu'elles ne lui porteraient pas un intérêt trop brûlant, qu'il ne s'y trouvait pas un inspecteur qu'elle avait pu, au cours de l'une de ses petites aventures, vexer. Celui qui attendait en bas, dans la rue, en promenant un regard faussement désinvolte sur la façade du Conservatoire, elle ne le connaissait pas. S'il n'avait pas retenu son attention, c'était qu'il ne devait pas travailler dans un service susceptible de s'intéresser de trop près à ses activités.

Alors, dans quelle section travaillait-il ? Qu'attendait-il devant le Conservatoire, si ce n'était pas elle ? Et pourquoi Koji le regardait-il avec un intérêt si profond ? Les yeux violets se détachèrent lentement de l'inspecteur pour se poser sur son élève. Elle avait beaucoup du mal à imaginer qu'un jeune homme à l'air si fragile pût avoir quelque démêlé que ce fût avec la police. Et puis, n'était-il pas censé être un philosophe ? Les philosophes ne violaient pas les lois.

Soudain, le regard de Koji quitta à son tour la silhouette en bas dans la rue – c'était que la silhouette était partie. Elle avait haussé les épaules, frotté ses mains gantées l'une contre l'autre, regardé sa montre, et était partie. On voyait la trace profonde de ses pas dans la neige. Et maintenant, les yeux noirs de Koji étaient posés dans ceux de la jeune femme, et elle y lisait la lueur de soupçon qu'elle avait réussi à faire taire, lui semblait-il, avec ses histoires.

Une seconde plus tard, chacun avait détourné les yeux, persuadé que l'autre avait trop lu dans un regard. Irene jugeait qu'il était peu judicieux de laisser voir à son élève qu'elle le soupçonnait de connaître la profession de l'homme en bas dans la rue. Il n'y avait guère de raison pour qu'une honnête professeure de piano du Conservatoire Royale s'intéressât aux membres de la police de Londres.


« Ja, en effet, le ciel commence à s'éclaircir. Enfin, autant que c'est possible dans ce pays. Ceci dit sans vouloir froisser votre fibre patriotique. »

Ce n'était pas qu'au fond elle n'aimât pas un peu Londres, et son charme désuet, ses boutiques dissimulées dans des ruelles, l'élégance un peu excentrique de l'Angleterre, et le flegme britannique. Il y avait dans ce pays une atmosphère qu'elle appréciait, et ce n'était certes pas sans raison qu'elle l'avait élu pour ses vacances. Et malgré tout elle préférait des contrées plus ensoleillées, où l'air était sec, presque brûlant, avec du sable. Ce n'était pas des paysages beaucoup plus hospitaliers, bien au contraire, mais il y avait quelque chose dans leur aridité exigeante et inhumaine qui la séduisait.

Alors, si elle avait été d'un tempérament un peu plus mélancolique, toute cette neige l'eût déprimée. Et ce froid si sévère ! Et tous ces gens habillés en noir ! Elle avait parfois l'impression de regarder un vieux film du siècle précédent, comme il ne s'en produisait plus guère désormais (les cinéastes ne tenant pas à déplaire aux gouvernements), sur les métropoles déshumanisées, sur la fadeur érigée en système. Peut-être manquait-il au cœur des passants un peu de romanesque, pour que l'étrangeté des mutants ne leur semblât plus si menaçante.

Elle songeait à tout cela en regardant par la fenêtre les premières personnes qui s'aventuraient dehors après la petite tempête qui avait interrompu pour quelques dizaines de minutes la vie des rues de Londres. Les promeneurs qui n'avaient pas eu le courage de combattre le vent et leur parapluie étaient demeurés dans les magasins – pour la plus grande joie des vendeurs. Et désormais, la grande cité se réveillait, on chassait la neige devant les portes, pour qu'il fût plus aisé de circuler.

Mais une légère musique, une valse hongroise ou autrichienne, vint la tirer de ses pensées. Sur l'un de ses bureaux, une boîte s'était ouverte : c'était une boîte à musique, qui s'activait à heure fixe. Il y avait un cygne de cristal qui tournait lentement, à mesure que l'engin développait son morceau dans le bureau devenu silencieux. Un sourire naquit sur les lèvres de la jeune femme, qui s'était tirée de sa contemplation pour observer son trésor.

Puis la boîte se referma doucement, le cygne disparut et la musique cessa. Mademoiselle Fichte resta quelques secondes silencieuses, avant de soupirer.


« Madame Harper est malade, cette semaine. Il se trouve que je dois donner une partie de ses cours de solfège. J'ai cru comprendre que les élèves n'étaient pas tous enchantés par cette perspective. »

Son ton amusé soulignait combien elle était consciente de sa réputation, et comme elle en jouait. Elle commença à relever ses cheveux, pour les assembler à nouveau dans un chignon à l'architecture compliquée.

« Also... Je suis navrée, mes chers petits, mais je crains de devoir vous mettre dehors. Je vais aller terroriser vos camarades qui ne savent probablement pas compter les temps d'une façon appropriée. Un peu de rigueur prussienne ne leur fera pas de mal, ach ! »

Elle avait donné à son « ach » toute l'amplitude martiale que l'on pouvait espérer d'un vieux film de guerre de peu de qualité, et sortit de son armoire une nouvelle ombre, intacte, pour remplacer celle que la collision avec Virginie avait prématurément brisée, et affecta quelques secondes un air de parfaite rigidité, avant de partir dans un nouvel éclat de rire.
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Virginie Parish

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Virginie Parish

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MessageSujet: Re: [RP] Ach. Mon ombrelle est cassée - terminé [RP] Ach. Mon ombrelle est cassée - terminé EmptyJeu 8 Avr 2010 - 21:49

La mutation. Sans le savoir cette jeune fille l’avait connu toute sa vie. C’était quelque chose de latent, devenu progressif. Un sa naissance (un peu compliquée) l’avait laissée, fraîche et rose, dans le berceau de la maternité. Son enfance avait été sans bobos. D’abord parce que Virginie Parish avait été une enfant très –très- sage. Ensuite parce que son corps était naturellement d’excellente constitution. Enfin parce que sa vie avait été d’un calme plat ! Heureusement l’entrée au lycée l’avait un peu bousculée. La puberté ayant fait chavirer les lois de la, son, physique elle avait apprit à être solide. Drôle de jeu du hasard.

Quand on lui demandait, de décrire ce qui se passait, aucun mot ne venait réellement. Il faut dire que ce n’était pas le sujet le plus amusant du monde. Une carapace ? Non… s’était comme si ses atomes étaient tous des champions. C’était toute sa chaire qui faisait un pied ne nez aux agressions. A tel point que Virginie avait oublié la sensation de la douleur, de la piqure, de la brûlure, des courbatures. Comment expliquer à l’autre que rien ne peut vous atteindre ? Sur le papier s’était proprement extraordinaire. Sur le papier… Seulement on ne raconte jamais les mauvais côtés des super pouvoirs. Quand Clark apprend-il pour la cryptonite ?

Quand Artie évoquait une mue, sa camarade voyait là une formidable hypothèse. Perdre cette peau parfaite. Cette peau qui jamais plus ne changerait. Cette peau qui l’isolait petit à petit du reste du monde. Mais… depuis quelques jours. Autre chose la ramenait en lui, ce monde. Ses sens. Les quatre autres. Ceux que la mutation ne pouvait pas annihiler. Chacun prenait ses droits sur elle. L’odorat, la vue, l’ouïe… L’ouïe. Elle pouvait entendre, les chuchotis des autres pendant les cours de maths. Les pas de miss Lemington à la nuit tombée. Les pages des livres tournées. La respiration de David pendant leurs exercices. Le poème de Koji, récité par Koji, murmuré, comme toujours, oui comme toujours.

Elle n’avait pas relevé. Car en effet c’était une habitude. Combien de fois au court de leurs conversations un auteur venait s’immiscer ? Virginie n’en prenait aucun ombrage. Elle avait comprit que cela faisait parti de lui. Que cela ne disparaitrait pas. Elle aimait cette drôlerie romantique chez lui. Il enrichissait leur échange tant et plus. Ceci dit, tous ces verres n’avaient pas, non plus, les effets de la séduction. Ou parfois dans un instant de surprise. Sans que jamais cela ne transforme la douce sécurité de l’amitié. Les autres demoiselles ? Elle voyait leurs regards. Sans pour autant soupçonner un seul instant du pouvoir de son ami. Il était pour elle le calme songeur et non l’apollon charmeur. Quoi que beau il l’était.

Assise là, dans ce fauteuil de duchesse, elle les regardait tout les trois. Artie et la femme-tortue, mademoiselle Fichte et son air tranquille, lui si calme à quelques centimètres vers psyché. Ils étaient beaux. Trois entités qu’elle prenait plaisir à découvrir. Et puis il y eut cette voix, cette intonation, spéciale. Ses yeux océans le regardèrent. La douleur vibrait. Il pouvait le dissimuler, peut être, aux autres. Il pouvait essayer de cacher. C’était une pudeur qu’elle respectait. L’amie écoutait les mots sans les entendre vraiment. Son attention allait à la silhouette. Qu’il se lève, ne signifiait qu’une chose, en fait. Il avait mal. Les migraines ne passaient toujours pas. Cette vérité la chagrina comme chaque chose qui pouvait l’atteindre lui. En avait-il au moins parlé aux adultes ? Sur ce point elle parlerait. Parce que sur ce point la discrétion pouvait s’avérer mortelle.

Sans véritablement saisir le sens la demoiselle vit le sourire de l’adolescent. Ce sourire qui se transforma en éclat de joie. C’est que les mots n’avaient pas blessés. Alors le cœur se gonfla au rythme de cette musique. Artie était adorable quand il semblait heureux. Le voir ainsi la soulageait. C’était le son de tous les remèdes. Elle allait faire attention à lui. Ce n’était même pas une décision consciente. Elle était pourtant irrévocable. Virginie riait aussi. Mais pas pour cet instant. Le mal aise de Koji accaparait son esprit. Ainsi que les échos de la « lib corps » qu’elle ne quittait plus réellement désormais. Quoi que la remarque de leur hôtesse prêta tout à fait au sourire. Mademoiselle Fichte était plus philosophe que bon nombre d’académiciens d’après elle. Une opinion secrète puisque son savoir était encore trop limité, pour que ce jugement ait une quelconque valeur. Cela lui donnait d’ailleurs presque envie de reprendre le piano. Il faudrait un jour qu’elle l’écoute jouer de ces instrument songea telle pour la seconde fois.

Le paysage allait être blanc, blanc et immaculé, comme elle adorait le voir. Dés les premières neiges cette rêveuse était devenue la visiteuse des silences hivernaux. Ce sentiment de liberté qui vous saute à la gorge et ne vous lâche que lorsqu’il la décidé. Ces matins où elle attendait, sans savoir exactement ce qu’elle attendait. Un oiseau, un destrier princier, un appel… qui sait. Au creux de cette chaleur c’était encore plus délicieux d’y aspirer. L’espionnage à la fenêtre lui échappa. Son regard voyageait dans la pièce certain de ne rien avoir vraiment vu. Si elle était professeure de danse un jour son bureau devrait être aussi fascinant. Cette femme avait fait le tour du monde, n’est-ce pas ?

Cette fois ce fût son rire qui répondit à la pianiste. En s’en rendant compte son teint avait retrouvé le rosé qu’il appréciait tant. Patriotisme…. Elle qui pouvait tout à la fois être anglaise, américaine ou bien canadienne. C’est avec humour qu’elle s’excusa à l’aide d’une remarque toute parishienne. Pourtant ses yeux avaient quelque chose de serein loin, très loin. Cet endroit lui était tout à fait bénéfique. Par certains aspects peut être plus que l’Institut.

-« l' Angleterre est faite pour la brume. »

La valse l’attira telle une flamme. Les notes étaient les voix, guides, de ses pas. Plus encore maintenant qu’elle renouait avec la danse. Son être entendait la mélodie avec l’acuité de l’artiste. C’est la sirène innocente qui approche de la musique de ses paires. Ce morceau elle l’avait déjà entendu, écouté même, David avait dû la lui faire découvrir. La culture musicale de cette jeune fille tournait autour du jazz et des opéras. Les valses ne l’avaient jamais attirée plus que cela avant ce cours. Aujourd’hui elle y discernait les accords romantiques et le fil doux amer. Le cigne était magnifique dans sa précieuse transparence. La jolie danseuse s’était levée pour aller l’observer. Ses mains posées sur le support prenaient la forme de tendres veilleuses. La voix, celle de la propriétaire de la boite la tira elle de sa contemplation cette fois. Sans vraiment sortir de son petit songe elle répondit spontanément dans toute sa préoccupation de l’autre.

-« J’espère que la dame ira mieux pour fêter l'an 53 ! »

Jamais Virginie n’avait osé s’offrir pareil objet. En fait elle avait peu de chose de valeur réelle dans ses bagages. Sa famille n’était pas portée vers la dépense inutile. Ce n’est que depuis qu’elle gagnait –un peu- sa vie que son patrimoine se créait. Mais son prochain achat été choisi. Un beau miroir. Peut être une lubie. Assez étrange quand on connaissait sa pudeur démesurée. Seulement… Virginie s’était trouvé une raison. Comme elle en trouvait toujours une pour répondre à ses envies étiquetées puériles. Voir ses mouvements étaient de l’ordre du nécessaire Elle se l’était promit. L’air amusé d’Irène lui allait à merveille. Et ses gestes délicats et précis également. Ils prévenaient avec grâce de la fin d’un goûté. Ils lui étaient familiers, si familiers. Ce détail la rapprocha un peu plus encore de cette femme. Quelle rencontre ! Alors pendant que la dame prenait son ombrelle, la fille avança vers son sac de sport. Le retour du masque l’arrêta le temps d’une horrible seconde de doute. Automatiquement son corps se redressa, droit elle tendue et soumise. Le rire brisa l’image. Virginie se sentit idiote. Progressivement le soulagement la retrouvait souriante et même pétillante. Il en fallait toujours si peu. Sa mine ravie trahissait un amusement sincère. L’Allemagne était beaucoup plus attrayante avec Miss Fichte.

-« Merci pour ce gouter madame. C’était… charmant ! »

Non Virginie ne s’imposait jamais outre mesure. Irène les congédiait ainsi en allait-il. Cette rencontre n’était qu’un début maintenant elle voulait le croire ! Elle lança un regard à Koji vérifiant en une seconde si tout allait bien. Puis au plus jeune avec un air de fille-au-père rassurante. Et posant la hanse sur son épaule la joliette se tourna vers la porte. Mais une dernière chose l’arrêta sur le seuil. Avec sa voix de jeune fille bien élevée et déférente (qu’elle était envers tout aîné) elle proposa simplement. Pas uniquement par politesse !

-« Pour vu qu’il neige plus souvent sur le conservatoire ! Voulez-vous que nous rangions ? »
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MessageSujet: Re: [RP] Ach. Mon ombrelle est cassée - terminé [RP] Ach. Mon ombrelle est cassée - terminé EmptyLun 12 Avr 2010 - 16:11

Il avait senti dans le regard d'Irene Fichte une lueur d'intérêt pour l'homme dans la rue, disparue au détour d'une ruelle, dans son imperméable noire, qui n'était pas faite pour dissiper les inquiétudes qu'il concevait désormais, à propos de cette silhouette, tant de fois repérée – il assemblait à présent ses souvenirs pour former des apparitions mystérieuses une galerie continue qui eût pu lui dévoiler leur secret – et trop de fois pour qu'il n'y vît qu'une pure coïncidence.

C'était qu'il soupçonnait Mademoiselle Fichte de n'être pas uniquement une professeure de piano, de n'être pas une dame de la bonne société qui ne saurait vivre sans prendre son thé quotidienne à l'heure habituelle, et la conversation qui s'était déroulée entre elle et Virginie, si elle avait montré la jeune femme sous un jour des plus favorables, n'avait pas contribué à balayer ses soupçons : il la trouvait trop passionnée et trop voyageuse pour être tout à fait innocente.

Pourtant, il savait que ce n'était pas l'hypothèse d'une vie mystérieuse faite d'aventures qui maintenant sa vigilance à l'endroit de Mademoiselle Fichte si consciencieusement ; que quelqu'un vécût légèrement à la marge des lois et des coutumes était d'ordinaire, pour lui, une raison d'éprouver pour cette personne de la sympathie, et même un certain sentiment de familiarité. C'était que Koji ne s'encombrait guère non plus des règles et des convenances.

Mais il y avait chez cette femme charmante, excentrique et aimable quelque chose de plus que la simple extravagance d'une vie au-delà des convenances, quelque chose qui empêchait Koji de lui accorder toute sa confiance – il s'en retenait comme instinctivement, comme le chat devant un appareil électroménager nouveau, au danger vague et incertain : par mesure de prudence. C'était en quelque sorte une présomption de culpabilité – mais il ne songeait pas à en rougir.

Or, il avait vu, il le savait, s'allumer dans les yeux violets de la professeure, quand elle les avait baissés vers la silhouette qui était encore dans la rue, puis levés vers lui, avec une ombre de sourire inquisiteur, la lueur du savoir. Cet homme, elle le connaissait, au moins un peu, elle savait de lui quelque chose que Koji ignorait, et qu'il ne parvenait pas à déduire de sa seule silhouette plusieurs fois aperçue, qui attendait, au pied du Conservatoire.

Que sa professeure de piano pût reconnaître en l'ombre qui le suivait quelqu'un d'un peu familier n'était pas, selon lui, un excellent signe. L'atmosphère de ce bureau lui devenait soudainement moins paisible. Son désordre, moins charmant, et les objets entassés, dont il ne pouvait rien faire, autant d'obstacles à l'élucidation d'un mystère qui cessait d'être un pur jeu intellectuel, et se dessinait de plus en plus comme un problème lourd de conséquences. S'il avait pu savoir, deviner, qui était Irene Fichte, il eût pu supposer quel était le genre de personnes qu'une telle femme était susceptible de reconnaître dans l'homme qui le suivait.

Ce n'était pas qu'il fût, de son côté, dans l'impossibilité de former des hypothèses avec les seules informations dont il disposait. C'était qu'être suivi n'était pas exactement quelque chose d'original, pour lui. Les plus puissants cerveaux du monde, et leurs travaux, étaient une marchandise précieuse pour bien des gens, et de tous ces cerveaux Koji était le plus performant, et le plus diversifié. Ainsi avait-il eu des propositions plus ou moins bienveillantes pour concevoir des choses plus ou moins légales.

D'abord, il avait cru qu'il lui suffirait d'apprendre à se défendre, à assurer soi-même sa sécurité immédiate, pour être tranquille. Il avait cultivé son sens de l'observation, il l'avait exercé à surprendre le moindre signe suspect chez un individu, perdu dans la foule. Ce n'était pas suffisant. Il avait appris comment frapper, et à quel endroit. Il avait étudié l'anatomie, et cédé au stéréotype de l'Asiatique, appris quelques arts martiaux. Mais il s'était rendu à l'évidence : à quelque entraînement qu'il s'astreignît, il n'aurait jamais la carrure d'un boxeur. Et contre des armes à feu, cela n'avait aucune importance. Ce n'était pas suffisant. Alors il s'était entraîné au tir. Mais ce n'était pas suffisant. Alors il avait appris à courir vite, et à repérer dans les murs et les palissades d'une ville les prises susceptibles d'accélérer sa fuite.

Mais cela, non plus, n'était pas suffisant. Il avait beau continuer avec ferveur son entraînement – et une ferveur qui ne diminuait certes pas son obsession pour la beauté – il avait parfaitement conscience d'être toujours, un peu, en danger. Alors il s'était tourné vers des solutions plus contournées. Il avait appris à feindre, à mentir, à produire des mensonges extraordinairement complexes, vérifiables à plusieurs niveaux. Mais qu'était la plus subtile des stratégies contre la force brute ?

Alors, il avait appris à feindre ce qu'il y avait de plus utile : l'inutilité. Se cacher, il l'avait compris, était moins utile que de se faire connaître. Il avait cessé d'étudier ses premières amours (la chimie, la toxicologie, la physique atomique), du moins officiellement, pour se tourner vers des domaines beaucoup plus paisibles : la littérature, l'histoire de l'art et la philosophie. Personne ne demandait jamais à un philosophe de construire une arme nucléaire, ni de pirater une banque. Puis il avait commencé à publier des livres : pour que tout le monde sût que Koji Ashton était un doux et inoffensif rêveur.

Et il lui avait semblé que sa stratégie avait finalement été payante. Payante, d'abord, parce qu'il avait trouvé dans ces nouveaux domaines un terrain plus délicat, un terrain sur lequel son intelligence pure, formelle, n'était pas la seule à pouvoir s'exercer et où se déployait son imagination et sa sensibilité exacerbées par sa mutation et payante, ensuite, parce que les gens avaient semblé oublier son intérêt pour les poisons et les engins qui explosent.

Mais Koji n'était pas d'un optimisme forcené, et il était tout à fait prêt à reconnaître dans l'homme qui avait finalement disparu, dans l'homme qui le suivait, le représentant de tel ou tel groupe désireux de solliciter, plus ou moins vigoureusement, son expertise dans un domaine qui avait peu de chance de toucher à l'idéalisme allemand ou à la poésie médiévale arabe. Cette hypothèse était probable, mais elle était loin d'être certaine.

Car il pouvait s'agir aussi d'un détective privé, engagé par un groupe industriel qui lorgnerait sur l'un de ses brevets et qui eût aimé érafler un peu sa réputation, en vue d'un procès. Ou bien engagé, encore, par un ancien amant, ou une ancienne maîtresse, enfin parvenu en possession de l'héritage paternel, et soucieux de le retrouver pour renouer (au mieux) ou pour lui expliquer dans le détail ses griefs (au pire).

Toutes ces hypothèses jetaient sur Mademoiselle Fichte un jour un peu curieux, et Koji n'était pas fâché d'entendre que la conversation touchait à sa fin. Ce petit problème intellectuel avait concentré son esprit et enrayé sa migraine, mais tel avait bien été son seul mérite, et il trouvait maintenant beaucoup plus prudent de s'éloigner un peu de la jeune femme, d'une part, et d'aller éclaircir un peu l'identité de son mystérieux ami, d'autre part.

Il adressa un sourire de circonstance, un peu distant, à Mademoiselle Fichte, avant d'aider Virginie et Arthur à ranger ce qui avait été nécessaire à leur petite réunion, pendant que la professeure fouillait à nouveau ses papiers, à la recherche du cours qu'elle avait préparé, avait-elle dit, pour cette classe de solfège dont elle n'avait pas l'habitude. Puis chacun prit son manteau, et bientôt la porte se refermait dans un bureau vide.

Il avait salué Mademoiselle Fichte, qui s'éloignait de l'autre côté du couloir, s'enfonçant dans le bâtiment dont ils comptaient, pour leur part, sortir, avec un soupçon de froideur à nouveau, et il avait surpris dans le regard violet de la jeune femme une nouvelle étincelle – il était certain qu'elle échafaudait sur lui des théories semblables à celles qu'il essayait de concevoir sur elle, et il était contrarié à l'idée que la connaissance qu'elle avait de l'homme de la rue lui donnait sur lui un avantage considérable.

Il fixa le dos de la professeure un instant – songeant qu'il n'avait qu'une semaine, avant le prochain cours, pour rattraper le retard qu'il avait pris sur elle. Le sens de cette compétition un peu étrange, et un peu malsaine, lui-même ne parvenait pas à bien le deviner, mais il était persuadé que la perdre ne se révèlerait pas sans conséquence.

Pendant le court chemin dans le couloir et l'escalier qui les ramenaient au vestibule du Conservatoire, et alors que le soleil, qui avait finalement réussi à percer les nuages, glissait par la fenêtre des rayons réconfortants, Koji n'avait pas articulé un seul mot, et son regard s'était fait distrait, et préoccupé. Il pouvait jouer la comédie dans l'adversité, comme une arme ou un moyen de se défendre, mais lorsqu'il était entouré de personnes de confiance, ses sentiments fleurissaient sur ses traits.

C'était déjà le vestibule immense – et comme un nouveau cours commençait, une nouvelle marée d'élèves s'annonçait : on la devinait aux groupes qui se formaient, d'abord épars, puis de plus en plus nombreux, et massifs, comme les nuages dans le ciel s'agglutinent avant l'averse d'été. Koji sillonnait le hall sans paraître les regarder, et les évitant toujours au dernier moment (mais toujours les évitant). Et quand quelqu'un (mais c'était rare) le saluait, il répondait par un vague sourire, sans vraiment s'arrêter.

Ils étaient enfin dehors, dans l'air frais de l'hiver londonien, et le menton de Koji disparut sous son écharpe – son écharpe qu'il avait, malgré toute sa préoccupation, soigneusement arrangée, d'une main experte, pour qu'elle vînt couvrir une partie de son visage dans une courbe élégante. La neige avait cessé de tomber, mais les passants désireux de ne pas trop abîmer leurs chaussures et leur pantalon, et ils étaient nombreux dans ce quartier respectable de la capitale, étaient contraints de progresser à grandes enjambées dans les blocs de neige – tandis que les jeunes gens, plus désinvoltes, la fendaient de part en part, certains d'arriver chez eux trempés (mais ce n'était pas comme s'ils faisaient eux-mêmes leur lessive).

Koji s'arrêta un instant sur la plus haute marche du perron qui menait au Conservatoire, considérant la rue d'un regard soudain moins distrait, comme s'il scrutait quelque chose qui eût été invisible pour ses camarades ; car c'était la même rue, la neige en plus, avec des passants un peu différents, mais semblable en cela à toutes les rues de Londres. Il avait d'abord observé la rue entière, avant de fixer son attention sur l'endroit, tout près, où l'homme s'était tenu.

Il y voyait encore l'empreinte de ses chaussures dans la neige – il en devinait la marque, en estimait la pointure. De la manière dont elles s'étaient imprimées dans la neige, il devinait les parties les plus usées, et déduisait la manière dont l'homme avait l'habitude de marcher. Ce n'était pas grand-chose cependant. Mais la neige avait forcé les pas à laisser une piste aisément repérable dans la neige.


« Hmm... Virginie. »

Il avait relevé le regard pour le poser dans celui de la jeune femme – mais ce n'était qu'une seconde. Il sentait que son regard n'était pas l'un de ceux auxquels Virginie était habituée. Il avait l'air parfois de souffrir, l'air triste parfois. Mais préoccupé par le futur, inquiet de l'avenir, ce n'était jamais arrivé, au cours de leur vie paisible à l'Institut.

« J'ai un truc à faire, rentrez à l'Institut sans moi. On se revoit plus tard. Au revoir, Arthur. »

Il adressa un vague sourire à Arthur et Virginie, avant de descendre la volée de marches qui les séparait encore de la rue, et de se mettre à suivre, d'un pas rapide, les traces de celui qui prenait tant d'intérêt à ses allées et venues, disparaissant bientôt à l'angle, pour s'enfoncer dans le réseau inextricable de Londres.
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Artie Chastel

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MessageSujet: Re: [RP] Ach. Mon ombrelle est cassée - terminé [RP] Ach. Mon ombrelle est cassée - terminé EmptyJeu 15 Avr 2010 - 16:19

Et voilà, c'était déjà terminé. A peine installés que les voilà déjà repartis ! Artie n'avait plus envie de bouger de cette pièce. Il voulait rester des heures, le bol chaud dans les mains, à discuter avec ses compagnons et cette professeure qui semblait finalement tout à fait charmante...

Il finit son chocolat à la hâte, alla le déposer dans l'évier et aida de bon cœur à ranger. Il aimait rendre service, quand il se sentait à l'aise avec les gens. Et là, c'était le cas. Puis, tout comme les deux autres jeunes gens, il souhaita poliment au revoir à madame la professeure - peut-être mademoiselle, mais dans l'ignorance, il trouvait que madame était plus une marque de respect - et suivit ses camarades au-dehors. Le dernier sous-entendu de Virginie, il l'avait partagé avec elle de tout son être.

Désormais emmitouflé dans sa veste d'hiver, il avait bravé le flux montant du hall en accrochant du regard le dos de Koji. Puis, ils étaient finalement sortis dehors, la brise légère mais glaciale fouettant le visage pâlot du jeune garçon et soulevant quelques-unes de ses mèches lavallières.


« Hmm... Virginie. J'ai un truc à faire, rentrez à l'Institut sans moi. On se revoit plus tard. Au revoir, Arthur. »

Koji partait, déjà. Ce n'était pas surprenant, il semblait aimer se retrouver seul. Ou non-accompagné. Artie lui adressa un signe de la main, mais le jeune homme s'était déjà retourné, partant vers une avenue adjacente, puis s'éclipsant à leur vue, happé par l'angle du mur. Un peu dépité, Artie se tourna vers son amie :

- On rentre ?
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MessageSujet: Re: [RP] Ach. Mon ombrelle est cassée - terminé [RP] Ach. Mon ombrelle est cassée - terminé EmptyJeu 15 Avr 2010 - 17:43

Elle les avait laissés ranger les bols, les assiettes, les gâteaux, songeant qu'elle ferait sans doute la vaisselle au bout milieu de la nuit, comme à son habitude, lorsqu'elle était presque seule dans l'immense bâtiment, lorsque tous les élèves étaient rentrés, et qu'il ne restait guère qu'un ou deux professeurs insomniaques ou bien quelque étudiant anxieux de réussir l'examen qui s'approchait, et dont les entraînements de dernière minute duraient jusqu'au petit matin.

Elle aimait les calmes nocturnes des grandes et vieilles demeures, des musées qui n'étaient plus parcourus que par la ronde des gardiens (quand elle ne les avait pas assommés), des manoirs anglais où l'on n'entendait même pas le chien de garde japper (parce qu'elle l'avait drogué), et du conservatoire qui ne résonnait plus des pas des professeurs pressés, des cris des étudiants qui s'appelaient les uns les autres. Il lui semblait qu'alors il n'y avait pas besoin de fermer les yeux pour s'imaginer marcher dans les mêmes couloirs, mais un ou deux siècles plus tôt : c'était une sorte de machine à remonter le temps.

Parfois, elle quittait son bureau au milieu de la nuit, et avant de rentrer chez elle, elle allait dans la salle où elle donnait ses cours particuliers, et elle jouait. Elle jouait les morceaux qu'elle ne pouvait pas jouer avec ses étudiants, parce qu'ils n'étaient pas nécessaires à leur apprentissage. Ce n'était pas, d'ailleurs, qu'ils fussent trop compliqués, trop techniques. Bien au contraire. C'était les morceaux les plus simples, souvent, mais qui demandaient alors du virtuose une sensibilité exceptionnelle pour qu'il pût se distinguer là où sa maîtrise technique ne permettait guère de briller.

En fouillant dans ses papiers, pour retrouver les cours qu'elle avait préparés pour cette classe de solfège dont elle n'avait pas l'habitude, elle tombait parfois sur telle ou telle de ces partitions nocturnes, qu'elle n'avait plus regardée depuis des années, parce qu'elle la connaissait par cœur, et dont elle se demandait même ce qu'elle pouvait faire là, sous une pile de brochures touristiques périmées, sur l'un de ses bureaux.

Pendant qu'Arthur, Virginie et Koji rangeaient les restes de leur petite réunion, elle remuait des siècles de musique, elle écartait des pays entiers, enterrait un compositeur sous un autre, et jurait, tout bas, en allemand, presque au désespoir de retrouver ses papiers. Elle ne se souvenait absolument pas de l'endroit où elle avait pu les ranger, et elle les cherchant, elle se promettait, comme elle se le promettait toujours, et sans jamais le faire, de revenir le soir pour mettre un peu d'ordre dans ce bureau, classer ses documents, enfin.

C'était qu'elle avait absolument besoin de ces papiers. Non qu'elle eût besoin qu'un quelconque aide-mémoire pour se rappeler des notions les plus simples du solfège : c'était un support qu'elle avait préparé pour se rassurer. Elle était habitué des cours particuliers, ou bien en petit groupe, et jamais n'avait eu affaire à une classe entière, à tant de regards braqués sur elle et, elle en était sûre, prêts à bondir sur la moindre de ses petites erreurs.

Or, d'ordinaire, Irene Fichte faisait son possible pour éviter son regard. Elle se sentait à l'aise dans les déserts, et à défaut de grandes étendues vides, dans l'ombre, dans les murmures feutrés d'un salon, dans les silences d'une conversation rêveuse, l'hiver. Elle n'était pas une oratrice. C'était une chose de raconter une ou deux histoires à trois étudiants, c'en était une autre de parler pendant deux longues heures à une trentaine d'élèves.

Il avait d'ailleurs fallu que Clothilde Harper développât des arguments formidables pour inciter la jeune femme à la remplacer. Fort heureusement, de semblables arguments, Madame Harper en disposait auxquels Irene Fichte ne pouvait qu'être sensible : elle l'avait invitée à dîner chez elle. Or, Clothilde Harper était une vieille femme, et l'unique héritière d'un confortable manoir victorien, aux murs duquel on pouvait admirer des tableaux qui n'étaient pas sans avoir une certaine valeur. Pour un dessin d'Ingres, Irene Fichte était prête à donner deux heures de cours.

Et finalement, ce fut la révélation. Dissimulés sournoisement derrière une encyclopédie turque en treize volumes se trouvaient les précieuses feuilles de cours, soixante-quatre au total, ce qui était bien assez pour enseigner plusieurs jours durant – mais Irene Fichte avait préféré s'assurer un peu de marge, afin d'avoir quelque chose à jeter en pâture aux élèves, si d'aventure ils se montraient par trop féroces.

Avec un sourire cordial, la jeune femme dirigea ses jeunes invités vers la sortie du bureau, fermant la porte derrière elle, ses cours précieusement serrés, comme un enfant fragile. C'était que quelqu'un pouvait essayer de les lui voler, sans doute, et alors les deux prochaines heures allaient être terribles. Elle songeait que, le cas échéant, elle pourrait toujours ordonner aux élèves de jouer des rythmes sur les tambours. Pour les occuper.

La jeune femme jeta un dernier regard aux trois mutants avec qui elle avait fait plus ample connaissance. Elle songeait à Arthur, cette nouvelle génération, qu'elle avait récupéré dans le vestibule dans un bien triste état et qui lui semblait sortir de son bureau un peu plus joyeux et confiant qu'il n'y était entré. Sans doute Irene Fichte n'était pas une grande philanthrope, et sans doute l'altruisme n'était-il non plus sa plus grande qualité, mais enfin, il y avait un plaisir certain à aider les gens.

Elle songeait à Virginie, et elle voyait en elle la jeune femme qu'elle eût pu être, si les circonstances avaient été un peu différentes, et si son âme romantique s'était éprise de causes un peu plus nobles, un peu moins égoïstes. Peut-être n'était-il pas trop tard. Après tout, elle était jeune encore, et il y avait sans doute beaucoup à faire pour la cause mutante. C'était un engagement qui ne devait pas manquer d'aventures. Elle se promit de demander à son collègue de danse le numéro de la jeune fille. Au cas où.

Elle songeait à Koji, à l'homme qui, selon toute apparence, l'épiait, au sourire distant que son élève lui avait adressé. Elle sentait que ce goûter, loin de les avoir rapprochés, avait creusé entre eux un fossé dont elle n'était pas certaine qu'il pût jamais se combler. Mais du moins, si Koji avait des ennuis avec la police, il lui semblait qu'ils se retrouvaient à peu près du côté. Peut-être parviendrait-elle un jour à endormir la méfiance qu'elle avait éveillé.

Ces réflexions l'avaient laissé songeuse quelques instants, mais bientôt un sourire se dessina sur ses lèvres, un sourire un peu triste : c'était qu'elle quittait une compagnie agréable pour se jeter dans l'arène où l'attendaient des monstres enragés, armés de stylos de bille.


« Also, jeunes gens... A bientôt, je suppose. Peut-être irai-je faire un tour par chez vous. Peut-être. »

Elle leur adressa un signe d'ombrelle, un dernier sourire, avant de se détourner et de s'engager dans le long couloir, de chaque côté duquel s'alignaient les bureaux des professeurs. Les portes ne cessaient de s'ouvrir et de se fermer, laissant sortir des enseignants qui, commandés par l'heure, se rendaient dans leur salle de cours et de répétition.

Avec chacun, Irene Fichte échangeait un sourire, une salutation, ou quelques mots cordiaux, et il entrait de son amabilité à part égale la douceur de son tempérament, la prudence instinctive qui la poussait à se ménager toujours des amis, et la mauvaise volonté qui la poussait à chercher, dans chaque rencontre, le moyen de repousser de quelques minutes son entrée en classe.

Les salles de solfège avaient le bon goût d'être de l'autre côté du bâtiment, de sorte qu'il fallait cinq minutes de marche pour s'y rendre, que le pas soudainement désinvolte de Mademoiselle Fichtes allongea de plusieurs autres minutes, selon qu'elle s'arrêtait pour regarder, avec un intérêt soudain, telle affiche sur le mur qui avertissait les enseignants d'une réunion prochaine. Ses collègues qui passaient près d'elle ne manquèrent pas de s'en étonner : c'était que la jeune femme avait la réputation de ne participer à aucune réunion, et de ne s'impliquer à peu près d'aucune manière dans la vie du Conservatoire.

D'ailleurs, à vrai dire, Mademoiselle Fichte ne regardait pas les affiches : elle observait le blanc entre les lignes et songeait à tout autre chose. Elle songeait à Virginie, et à cette passion authentique qu'elle avait vue briller dans les yeux de la jeune femme, ce sentiment de révolte contre l'injustice qui avait semblé l'animer toute entière. Ce n'était pas qu'elle fût outre mesure sensible à la beauté éthique, purement morale, des nobles idéaux ; elle eût été charmée tout aussi bien par un discours moins tendre et moins généreux : ce qui la séduisait, comme toutes les âmes romantiques, c'était la passion, quelque honnête que fût ce qu'elle épousait.

Mais il y avait quelque chose de plus, dans la passion de Virginie. Elle-même n'était sans passion. Elle aimait l'aventure. Les beaux objets. Mais il fallait chaque fois de nouveaux dangers et de nouvelles récompenses, sans quoi elle sentait l'ennui la posséder. Elle craignait toujours de ne plus rien trouver d'assez difficile ou d'assez beau à voler, et d'être livrée à elle-même, de devoir s'occuper de choses quotidiennes, jusqu'à se sentir mourir à petit feu.

La passion de Virginie, elle le sentait, était tout autre : son but était un idéal, et en cela, il était lointain. Jamais la jeune femme ne connaitrait l'ennui, il y aurait toujours quelque chose à faire, quelque chose contre quoi se battre. C'était une aventure sans fin, un danger sans cesse renouvelé, et cette promesse d'une existence sans cesse brûlante, Irene Fichte la trouvait merveilleuse. Et bien entendu, soulager les opprimés était un bénéfice accessoire.

Elle n'avait pu empêcher ses pieds d'avancer, et ils l'avaient portée jusqu'aux couloirs plus sombres (lui semblait-il) et moins agréables le long desquels se trouvaient les différentes salles de classe. La population des lieux était donc plus jeunes. Parmi elle se trouvaient sans doute les futurs virtuoses qui viendraient habiter l'autre partie du Conservatoire, dans quelques années, et qui auraient le privilège de suivre l'enseignement particulier des professeurs les plus compétents.

Et ce rêve, c'était celui d'à peu près tous les élèves qui arpentaient ces couloirs pour rejoindre leur salle de cours si bien que, quoique Mademoiselle Fichte n'y eût jamais mis les pieds auparavant, sa réputation la précédait, et les moulinets qu'elle faisait de son ombrelle n'étaient pas tout à fait nécessaire pour que la foule s'écartât sur son chemin et la laissât passer.

Les élèves levaient vers elles des yeux fascinés, mais un peu craintifs, comme un enfant regarde dans un zoo un grand gorille. Ils savaient par leurs aînés qu'elle était la professeure la plus rigoureuse du Conservatoire. La rumeur courait même qu'elle frappait les doigts de ses élèves avec une règle en fer quand ils faisaient une fausse note. On disait aussi qu'elle ne se nourrissait que de lait de soja. C'était toute une petite légende.

Irene quant à elle, parée de son air martial et parfaitement prussien, regardait les numéros de salle, espérant intérieurement que celui que l'on lui avait indiqué se révélât être faux, de sorte qu'elle ne fût dans l'impossibilité de donner cours. Elle fut très vite déçue dans ses espoirs en apercevant un groupe d'élèves rangés devant une porte qui arborait haineusement le numéro en question ; cette découverte jeta sur son visage un air de contrariété qui, en renforçant son aspect sévère, répandit la terreur dans les rangs des élèves.

Elle ouvrit la porte, s'installa au bureau, pendant que, dans un silence de mort, les élèves s'asseyaient à leur table. Il y eut quelques secondes de silence pendant lesquelles il lui semblât qu'elle les regardait comme une sainte chrétienne les lions dans l'arène romaine, et il leur semblât qu'elle les observait comme le vautour le lapin blanc avant de fondre sur lui.


« Hm. Ja... Je vais vous raconter une histoire... »
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