La glace parfum violette menthe lui fut remise avec un sourire. Et son propre visage tira à l’écarlate devant le phénomène. Quelqu'un de doux spontanément c’était peu habituel dans sa petite vie. Sa voix claire et un peu trop discrète remercia la jeune femme avec timidité.

Il y avait beaucoup de monde ici. Elle avait omit se détail en entrant. Ou peut fait semblant de l’omettre car après tout qui ignorait que ce genre de structure était le propre des grande foule criarde et pressées ? Personne.

Mais le gout du produit laitier effaça quelque peu cette gêne. Ses papilles gustatives se délectaient de l’assemblage des deux saveurs. Mauve et vert c’était même joli. Virginie tenait sa classe d’une main et un plan du lieu de l’autre. Oui toujours des plans. Le meilleur moyen qu’elle avait trouvé pour restreindre cette angoisse.

C’était… immense. Elle n’était d’ailleurs jamais entrée dans ce genre d’endroit ni à Londres ni à New York. Ni trouvant aucun intérêt. Cela encore la distinguait de sa génération. Et alors ? Tout ce qu’elle voulait c’est qu’on ne l’embête pas.

Malgré son air de touriste avec friandises et papier, elle avait une enquête à mener la petite…
Cela faisait à peine 20 minutes qu’elle était entrée. Et pourtant elle se sentait dépassée. Ce n’était pas son truc ce genre de sortie. Elle était à l’étage Infos avec les librairies les presses etc. C’est ce qui lui avait semblé le plus logique pour ça petite chasse personnelle.

Après courte vérification la blondinette se dirigea vers une boutique : L’actualité spontanée. Le nom sonnait bien. Peut être qu’ici elle trouverait un ouvrage sur cette ville et ses mystérieux tueurs. Les portes de verres s’ouvrirent devant elle immédiatement. Avait elle le droit d’entrer avec de la nourriture ?

Dans le doute elle se décida à la finir en vitesse. Etrangement sa main n’était ni rouge ni froide d’avoir tenue le désert. Comme si il avait été à sa propre température corporelle. Encore un petit avantage…

De sa démarche un peu dansante Virginie déambula dans le magasin. Elle esquivait soigneusement les rayons chargés et les passants qui ne regardaient pas devant eux. Ces précautions l’amenérent jusqu’à un petit stand :
Les scandes du jours.

Intriguée la jeune mutante approcha. Une énorme pile d’une revue qu’elle ne connaissait pas y était étalée. Et en gros titre on disait.

Les mutants de la Confrérie font leur conférence.

Sans s’en rendre compte ses lèvres avaient lut à voix intelligibles presque hurlantes. Virginie releva vivement la tête. Non… personne. Elle soupira de soulagement.

Sans hésiter plus la petite se dirigea vers la caisse. Trois personnes devant elle… En attendant la jeune enquêtrice se plongea un peu plus dans sa trouvaille. Elle alla aux pages de l’article. Il y avait une photo. Une jeune femme. Une blonde surement jolie. Virgine avait tendance à trouver de la beauté dans tous visages.

Quand la vendeuse attira son attention ses yeux se levèrent soucieux.

Et là alors qu’elle déposait son achat une jeune femme passa juste à côté. La petite ouvrit la bouche se surprise. C’était elle !

-« Oui c’est elle. »

Si elle avait été courageuse notre mutante aurait probablement courut jusqu’à cette inconnue sans attendre.
Pour le moment elle se contentait de la dévisager avec force. Oubliant toute politesse, pour une foi.

La jeune femme leva la tête vers elle et lui sourit. Plus aucun doute possible…

Et maintenant que devait elle faire ? En récupérant sa monnaie Virginie épiait les mouvements de l’autre mutante. Elle ne pouvait pas manquer une telle occasion. Cette femme juste sous son nez. C’était trop beau. Enfin beau elle se comprenait.

Bon quand faut y aller… faut y aller. Virginie prit une grande inspiration. Elle allait aborder cette inconnue. Et elle allait le faire maintenant. De son pas bondissant elle atterrit juste à la droite de la jeune femme. Voile le premier pas.
Ses grands yeux expressifs la déshabillèrent avec inquiétude comment devait elle aborder le sujet ? Elle sautillait sur place comme une gamine prête à faire une bêtise, faisant volter sa jupe blanche comme une corolle de fleure. Et c’est peut être bien ce qu’elle était en train de faire non... une bêtise?

Pourtant elle osa.

-« Heu… Bonjour. Est-ce que je pourrais vous perlez ? J’ai besoin de… d’en savoir plus…

Mon dieu ! Quel démarrage. Pauvre Virginie. Jamais elle ne saurait s’imposer hein ? Mais elle resta là. Patiente. Presque implorante. Cette femme avait elle conscience de sa prouesse ? Certainement pas. Il fallait que ça mène quelque part.

Virginie suivait son guide à sa droite ne la quittant pas des yeux. Son petit coeur battait un peu trop fort. Elle voulait juste des réponses. Une petite place.

-« Ca ne sera pas long. Je veux juste savoir si je me trompe. Si je suis… différente. »

Elle avait faillit dire « comme vous » mais une dernière pensée l’avait arrêté à temps. Elle ne connaissait pas encore le ressentiment de cette personne. Pas de risque inconsidéré, ou plutôt le moins possible. Cette mutante pourrait l’aider. Tellement l’aider. Il fallait que sa marche.

-« S’il vous plait… madame ? »

La blondinette paya enfin la buraliste. Maria regarda sa montre. Il fallait se résigner : tuer le patron du journal était assez utopique dans le temps qui lui était imparti... Surtout si elle souhaitait s’amuser un peu avec lui. Elle soupira, remit son projet à plus tard, s’approcha de la caisse, y posa le magazine et farfouilla dans son sac à main pour y trouver quelques piécettes. A cet instant, la blondinette surgit de nulle part et s’adressa à elle avec beaucoup de timidité. Maria tourna la tête pour la regarder et remarqua qu’elle tenait le fameux magazine… Elle comprit tout de suite de quoi il s’agissait. C’était le début de la célébrité, c’était sa première fan !
Chouette !
Et maintenant, quelle allait être la suite ? Allait-elle lui demander de signer un autographe ? Ou bien de se faire prendre en photo avec elle ?
Mais non, cela ne semblait pas être cela... A partir de ces quelques paroles hésitantes, il était aisé d'extraire une information capitale : de toute évidence, cette gamine rongée par la timidité n'était en fait qu'une de ces cent mille homo-superiors à la recherche d’explications sur le pourquoi-du-comment-cela-se-fait-il-du-qui-et-surtout-du-pourquoi-moi-? ! Maria ravala sa mauvaise humeur, il fallait en profiter.
"Bien sûr, bien sûr, je serai ravie de discuter avec toi…" Répondit-elle avec un sourire engageant.

On lui avait appris à la Confrérie de ne jamais rater l’occasion de recruter les jeunes mutants quand ils se présentaient ainsi.
"… Mais le « madame » était en trop ! Reprit-elle en posant ses pièces sur le comptoir, ai-je vraiment l’air si vieille ? Vu notre différence d'âge, nous pourrions être sœurs !"

On lui rendit la monnaie. Sans attendre, elle attrapa le bras de la blondinette et l’entraîna vers la sortie :
"Je m’appelle Maria Aleksandrovna Yevgeniyen, fit-elle alors qu’elles quittaient le magasin, Yevgeniyen, comme la cosmonaute, pas Gevnyevgny, n’est-ce pas ? Je fais partie de la Confrérie Moderne… Et toi, tu es une mutante, c’est bien cela ?"

Elle rechaussa ses lunettes de soleil pour vaincre la trop forte luminosité ambiante et réajusta ses gants.
"Bon, je meure de soif, ça te dirait qu’on aille boire un verre quelque part ? On pourra discuter tranquillement !"

La jeune femme accepta sans problème sa requête ce qui eut le don de la déstabiliser encore plus. Comment une inconnue pouvait elle dire oui aussi simplement quand il s’agissait d’un sujet aussi épineux ? Surtout en ce moment, surtout dans ce monde.

Et la reprise fut d’autant plus incongru, elle pensait plus à la forme qu’ai sujet évoqué. Avait elle donc tant confiance pour être aussi à l’aise. Virginie l’observait avec étonnement. Non ce n’était pas normal tout ça. Mais pour ne point faire déraper les choses, elle s’empressa de coopérer.

-« Plus de madame, je vous le promet, excusez moi. »

Elle eut à peine le temps de voir les pièces passer d’une main à l’autre, que son bras se retrouva emprisonner sous la poigne de son interlocutrice. Trop bousculé pour se débattre la jeune mutante suivit le rythme sans un mot. Mais ou allaient-elles comme ça ? Les portes elle voyait les portes se rapprocher. Un nom elle entendit un nom. Maria Aleksandrovna Yevgeniyen

Tout allait beaucoup trop vite pour Virginie. Elle avait beau avoir un nom. Ce n’était pas suffisant pour partir ainsi à l’aveuglette. Cette spontanéité la déstabilisait. Elle ne savait plus vraiment ou était sa place. Ni la manière dont elle devait prendre la suite. Maria à elle continuait dans son entrain ne la laissant guère réfléchir.
Et toi, tu es une mutante, c’est bien cela ?"

Là une pensée fixe la percuta. Prudence ! Elle n’allait pas se jeter dans la guele d’une louve… aussi charmante paraissait elle. Un coup d’œil vers la jeune femme lui permit de voir qu’elle n’était pas suspicieuse. Oui, la Confrérie était faite de mutant se rappela t elle. Pourtant elle dosa ses mots.

-« En fait je n’en suis pas certaine.

"Bon, je meure de soif, ça te dirait qu’on aille boire un verre quelque part ? On pourra discuter tranquillement !"

-« Heu… oui… d’accord oui. »

Avait-elle le choix ? Maintenant que tout était engagé.

Elles se dirigèrent donc vers la partit restauration de l’établissement. Et bientôt tout un étalage de café se présenta. Virginie n’osait intervenir. Sous quel prétexte aurait elle choisit ? Elle qui venait déranger, quémander. Elle suivait donc poliment, essayant de deviner l’envie de celle qui l’accompagnait. Sa voix toute timide questionna.

-« Que préférez-vous ? »

"Crois-moi, tu ES bien une mutante, affirma Maria sur un ton maternel, tu fais partie des nôtres, c’est indiscutable : tu as, dans tes yeux, cet éclat si particulier des homo superior ! Cet éclat qui te rend capable de transfigurer l’Humanité à venir. Et, comme nous tous, de grandes responsabilités pèsent sur tes épaules !"

Elle utilisait là la même technique que les recruteurs dans les sectes, cela fonctionnait toujours sur les personnes complexées et mal dans leur peau : Valoriser le futur adepte en lui affirmant, à l’aide de termes religieusement pompeux et grandiloquents, qu’il était quelqu’un de spécial, qu’il faisait partie des élus.
Les deux jeunes femmes entrèrent dans la galerie des restaurants. A cette heure-ci, ils étaient assez désert mais, grâce à la clémente douceur de la météo locale, les terrasses des cafés « à la française » débordaient de monde. Du haut de son mètre soixante-dix, Maria essaya de repérer par-dessus la foule une table pour deux libre.
Son poisson était ferré, elle n’allait pas le lâcher facilement. C’était assurément une belle prise : la parfaite tranche d’âge ! Celle où l’on ne croit plus aux utopies joyeuses, celle où l’on a tendance à suivre ceux qui se présentent avec des semblants de réponses, celle où l’on ne fait que découvrir les possibilités de son pouvoir, celle où l’on n’a pas encore choisi réellement de camp…
"Là-bas, s’exclama Maria avec enthousiasme, il y a sûrement de la place pour nous deux !"

Le café désigné, le « Blue-man bar », était situé un peu en retrait par rapport à la galerie marchande, les deux jeunes femmes seraient donc assez isolées du brouhaha des badauds pour pouvoir discuter tranquillement sans avoir à se crier dans les oreilles.
Maria entra en premier dans la pénombre calme de l’établissement, enleva ses lunettes et se dirigea vers une des tables du fond.
"Ici, nous serons à notre aise pour discuter ! Marmonna-t-elle en s’asseyant, et, vu la tête du patron, nous sommes entre amis !"

Ledit patron les regarda s’installer avec un petit sourire en coin, il se tenait bien droit derrière le comptoir et essuyait consciencieusement un verre avec un chiffon blanc... Comme le font tous les barmen du monde. Cependant, quelque chose différait de l’habitude. Le hasard faisait vraiment bien les choses : de tous les bouis-bouis existants dans cette galerie marchande, elles avaient opté pour le seul qui était dirigé par un type à la peau bleue et aux yeux rouges lumineux. Se savoir entourée de frères mutants allait sûrement mettre à l’aise notre jeune proie. Elle serait peut-être plus encline aux révélations en tous genres :
"Alors, qu’est-ce que tu prendras ? Demanda la confrériste en posant ses affaires sur la chaise voisine, profites-en, c’est ma tournée !"

« …tu fais partie des nôtres, c’est indiscutable : tu as, dans tes yeux, cet éclat si particulier des homo superior ! Cet éclat qui te rend capable de transfigurer l’Humanité à venir. Et, comme nous tous, de grandes responsabilités pèsent sur tes épaules !"

à chaque mots les grands yeux de la petites s’écarquillaient un peu plus. Mais pour qui la prenait elle ? Virginie n’avait aucun désir de « transfigurer l’humanité ». Ca non ! En fait elle voulait juste qu’on l’accepte un peu mieux, qu’on lui laisse une petite place. Rien de plus rien de moins. Sa capacité était pour elle plus de l’ordre de la punition que du don. Et les grandes phrases de la confrériste avait quelque chose… une intonation sacré, prophétique qu’elle n’aimait pas vraiment.

-« Je ne veux pas de tout ça vous savez. »

Même si on fond une petite part de son cœur avait envie d’y croire à ce beau discours…
La jeune mutante regarda l’enseigne « Bleu man bar. » Un homme bleu ? Quel drôle d’idée. Son esprit vagabond pensa immédiatement aux cités sous la mer, aux hommes poissons, aux contes fantastiques. Qu’elle avait aimé ces histoires… Bien sur ce n’était pas sa mère qui les lui aurait contés. Non c’était elle.

L’avantage d’être trait tôt laissé à vous-même, c’est que vous pouvez découvrir seul les lieux un peu magiques de ce monde égoïste. Et après le parc venait toujours une bibliothèque. Le meilleur refuge pour un cerveau isolé. Tout ça pour dire…

Que ce bar ne ressemblait en rien en ses lieux de prédilection. Du monde, du sombre, une ambiance… différente.

"Ici, nous serons à notre aise pour discuter !

La jeune enquêtrice s’installa lentement en face de l’autre mutante. Elle avait remarqué qu’à nouveau ses yeux étaient à l’air libre. Pourquoi les cacher elle ainsi ?

et, vu la tête du patron, nous sommes entre amis ! »

Virginie la regarda s’en comprendre. Et intriguée tourna la tête vers le comptoir. Là elle vit le sourire du tenancier. Puis remarqua sa couleur atypique. Un instant la jeune fille resta coi. Bien sur elle savait que ces personnes existaient… c’était même elles qu’elle était venue chercher. Mais ce n’était pas la même chose d’espérer trouver quelque chose… et de l’avoir sous les yeux.

Elle se retourna doucement vers son interlocutrice. Etrangement elle se sentait un peu honteuse d’être ici. Non pas qu’elle était de ces racistes plutôt qu’elle ne savait pas si elle méritait bien d’être dans cet établissement. Elle la petite bonde qui ne savait rien et qui cherchait tout. Ses yeux inquiets interrogèrent Maria.

-« Vous êtes sur que je peux être là ? »

La jeune célébrité semblait parfaitement à l’aise elle… Peut être que Virginie devait arrêter de ce poser trop de questions comme ça. Peut être qu’elle se fustigeait trop… encore. Bon. Virginie se redressa un peu mieux. Et imita sa compagne en posant son petit baluchon à son côté. Voila elle était là. Maintenant. Qu’elle fasse ce qu’elle s’était promis ! Pour une foi…

"Alors, qu’est-ce que tu prendras ?

-« Un jus d’orange, s’il vous… s’il te plaît. Merci. »

Plus rien ne la retenait réellement. Si ce n’est sa commune appréhension des choses, du monde. Par ou commencer ? Le début. Les questions les plus simples. Peut être en cela les plus évidentes. Mais Virginie ne savait rien. Elle posa ses deux mains sur ses genoux repliés sous la table. En un geste de réconfort personnel elle les serra fermement, faisant sonner tous ses bijoux.

Elle eut son petit sourire timide, hésitant. Et enfin tenta le tout pour le tout.

-« Je voudrais savoir… j’ai pleins de choses à savoir… heu… comment sait on si on est un mutant, concrètement ? Est-ce que c’est vraiment une maladie ? Si oui est ce que c’est dangereux ? Ou est que ça peut disparaitre ? Pourquoi certaines personnes et pas d’autres.

Je veux dire… pourquoi je serais capable de… Elle s’arrêta et décida de ne rien dire. Pourquoi je serais différente, alors que mes parents non rien. Et pourquoi cela effraie tant les autres ? Eux non rien à supporter… et puis pourquoi porte tu des lunettes de soleil à l’intérieur d’un centre commerciale. »

Rare. Autant de phrases. Autant de liberté. Une barrière venait de se baisser. Une véritable digue même. Enfin. Pourquoi ? Elle même ne le savait pas vraiment. Ce qui était certain c'est qu'elle en éprouvait un réel soulagement. Lacher prise faisait du bien. Le jus arrivait et elle l’attrapa avec un vrai sourire cette fois.

Maria avait vu la jeune mutante écarquiller les yeux en apercevant le « blue-man »
"_ Vous êtes sûre que je peux être là ?"

La russe ne répondit pas directement et leva la main avec un sourire pour attirer l’attention du barman :
"_ Vous nous servirez un jus d’orange et un bloody mary, s’il-vous-plaît ! " Lança-t-elle avec un clin d’œil.

Le barman fit un geste de la main pour signifier qu’il avait compris :
"_ Je suis un peu étonnée par ta question, répondit-elle en baissant la voix, tu pourrais être une humaine que tu serais quand même la bienvenue ici… Tu sais, le racisme, c’est complètement « has been » chez les mutants !"

… Et puis, surtout, il aurait été ridicule qu’un commerçant refuse de servir un client humain dans la mesure où les homo inferiors constituaient encore plus de 99% de la population mondiale !
Maria fouilla dans son sac et en sortit un petit miroir. Elle ne connaissait toujours pas le prénom de son interlocutrice mais elle n’allait pas forcer les choses. Il suffisait d’attendre que cela vienne naturellement, ce serait un bon indicateur de confiance.
En observant son reflet, Maria se rendit compte que son rouge à lèvres était un peu passé… C’est à cet instant là que son interlocutrice sembla se lâcher complètement, déversant un enchaînement de questions sur un ton hésitant d’où ressortait principalement un sentiment d’angoisse. Les yeux dans les yeux, Maria laissa la jeune fille terminer. L’arrivée des consommations vint mettre un terme au flot de questions.
"_ Et bien, fit la russe dans un soupir amusé, que d’interrogations ! Je me rends compte avec toi combien il est criminel de la part du gouvernement de laisser ses citoyens dans une si complète ignorance : tous ceux qui n’ont pas eu la chance de naître dans un foyer à l’esprit ouvert à ces questions se trouvent maintenant complètement désarmés face à la réalité de la situation... Je vais donc reprendre point par point chacune de tes questions et essayer d’y répondre le plus clairement possible… "

En tant que porte-parole de la Confrérie Moderne, elle était rodée à ce genre de discours, elle sortit de son sac un cylindre argenté ressemblant à un classique tube de rouge à lèvres du XXème siècle :
"_ D’abord, la question facile, commença-t-elle en faisant passer le stick blanc sur ses lèvres tout en se regardant dans son petit miroir, mes lunettes de soleil ! Pas de mystère : j’ai simplement les yeux très clairs… Et comme tous ceux qui ont les yeux très clairs, je suis sensible à la lumière, c’est tout. Je ne crois pas que ça aie quelque chose à voir avec ma mutation… Enfin, je ne pense pas… "

Sans quitter son reflet des yeux, Maria reboucha le tube et appuya sur les petits boutons qui tapissaient le côté du cylindre. Ses lèvres changèrent immédiatement de couleur, passant du blanc au bleu. Elle pressa la touche d’à côté, le bleu se changea en vert, puis en jaune :
"_ Maintenant, parlons de la mutation, fit-elle sans quitter des yeux les lèvres de son reflet qui changeaient encore de couleur, qu’est-ce que c’est ? Est-ce une maladie ? tu sais sans doute que ce qui fait de nous ce que nous sommes : grands, petits, bruns, blonds, chauves, avec de grandes oreilles, c’est l’information génétique qui est codée dans chacune de nos cellules. A ta conception, tu reçois une moitié des informations génétiques de la part de ton père et l’autre moitié de la part de ta mère. Ces informations sont copiées et sont mélangées de manière complexe et c’est ainsi que tu te retrouves avec les mêmes yeux que papa et le même nez que maman… "

Rouge, enfin ! Pourquoi les concepteurs de ces couleurs à lèvres holographiques mettaient toujours le rouge à la fin de la liste ? Maintenant, il fallait en régler la nuance. Du bout du pouce Maria tournait une petite molette qui faisait varier l’intensité de la teinte :
" Or, il arrive de temps en temps et ce, pour des raisons diverses et variées, qu’il y ait un « bug » lors de la copie de ces informations génétiques, continua Maria, toujours concentrée à trouver la bonne couleur, cette « erreur » peut parfois créer, chez l’enfant en devenir, un gène de type nouveau et donc un humain de type nouveau avec des capacités toutes nouvelles… C’est ce qu’on appelle un mutant… "

Hop ! Elle y était ! La bonne nuance de rouge… très sombre, très sanguin. Elle rangea son tube holographique et but, avec satisfaction, une gorgée de son cocktail vodka-jus de tomates.
" Alors pourquoi cela t’arrive à toi plutôt qu’à une autre ? Pourquoi tes parents n’ont rien ? Dans l’état actuel de nos connaissances, nous ne pouvons rien affirmer, désolée… Cela fait presque un siècle que le phénomène mutant a mystérieusement explosé. Certains disent que c’est parce que l’humanité avait besoin d’une nouvelle espèce pour survivre, d’autres affirment que cela vient du développement des télécommunications par voies électromagnétiques dans les sociétés modernes : rayons X, gammas, UV, blue tooth, ondes radios, etc… D’autres y voient les méfaits de l’industrie chimique : les nouveaux pesticides, les nouveaux solvants comme le benzène… En fait, personne ne sait vraiment, mais les centaines d’études qui ont été faites montrent toutes la même chose : il n’y a pas de loi, aucune règle sous-jacente. Etre né mutant ou non ne semble dépendre que du facteur chance, c’est totalement aléatoire… Comme tous les pouvoirs dont tu peux hériter. Personne n’a réussi à trouver de corrélation entre les mutations et autre chose."

Maria fit une pause, but une seconde gorgée de bloody mary et reprit :
" Les mutations, les nouvelles capacités, ce qu’on appelle parfois les « pouvoirs », varient d’une personne à l’autre, même deux pouvoirs qui semblent identiques sur le papier sont toujours différents quand on les regarde de près… Comme la couleur de la peau, il n’en n’existe pas seulement trois : jaune, blanche, noire, mais une infinité de nuances… On voit même des barmen bleus !
Comment sait-on si on est un mutant ? Philosophiquement, on pourrait dire que chaque être vivant, de part son unicité génétique, est un mutant vis-à-vis de son espèce. Le fait d’avoir les yeux un peu plus bleus que la moyenne peut être vu comme une mutation. Mais dans la société actuelle, on se moque de savoir si tes gènes sont différents des autres, car un gène ça ne se voit pas… Non, ce qui fait de toi un mutant aux yeux du monde, c’est ce qui peut se voir : les pouvoirs et rien d’autre !
Et c’est sur ce simple constat que les gens te rangeront dans un camp ou dans l’autre."

Maria marqua une nouvelle pause, histoire de reprendre un peu son souffle. Il ne fallait pas qu’elle force trop sa voix car ce soir, des centaines de journalistes l’attendaient au tournant.

...Tu sais, le racisme, c’est complètement « has been » chez les mutants !"
Virginie piqua un far devant la remarque et baissa la tête comme une gamine fautive.

En buvant sa première gorgée la jeune fille remarqua le soupire amusé. Qu’est ce qui pouvait bien amuser ? Et elle exposa son opinion sur ce manque de connaissance. Et bien… Virginie était étonnée par la justesse de son propos. Elle avait parfaitement analysé la situation et Virginie n’en demeura que muette attendant que ce quasi inconnu éclaire son avenir.

Respectueuse Virginie s’astreignait à la regarder dans les yeux écoutant comme une écolière à qui on raconte l’histoire de ses ancêtres. Peut être qu’elle allait trouver beaucoup plus que ce qu’elle était partie chercher ce matin.

Les lunettes n’étaient donc pas là pour cacher un rayon X de super héro. La jeune questionneuse se sentait un peu bête d’avoir eut l’esprit si romanesque. Mais après tout, elle n’y connaissait rien aux mutants ! La raison même de sa présence à cette table…

Fascinée malgré elle l’adolescente attarda son regard sur les lèvres de son interlocutrice. Jamais elle ne s’habituerait à toute cette technicité elle qui avait grandit avec la bad-gamme de tout.

"_ Maintenant, parlons de la mutation, …

Le début du développement était clair concis, elle suivait très bien.
Au mot « bug » pourtant elle fronça les sourcils. Un bug vraiment ? Plus intriguée, elle reprit son verre sans le regarder et but.

« Alors pourquoi cela t’arrive à toi plutôt qu’à une autre ?

Oui pourquoi donc hein ? Toutes ces hypothèses se valaient les unes les autres. Ses épaules s’affaissaient de dépit. Aucune explication définitive pour elle alors.

-« Je comprend… »

« (…) Philosophiquement, on pourrait dire que chaque être vivant, de part son unicité génétique, est un mutant vis-à-vis de son espèce. (…)

Un grand sourire répondit spontanément à cette proposition. Elle serait donc comme tout le monde. Un regain d’espoir la gagna. Elle médita sur cette idée en écoutant la fin du discours. Oui, rien d’autre ne se voyait que le pouvoir.

Et aujourd’hui qui savait qu’elle Virginie Parish avait un pouvoir ? Personne. Enfin presque personne.

-« Est-ce que vous-même vous pensez que c’est dangereux d’être un mutant ? Est-ce qu’on devrait le cacher ?

Par habitude elle commença à jouer avec la touillette qu’on avait mise dans sa boisson. Un tour à gauche un tour à droite. Ses grands yeux quémandeurs continuaient de l’observer. Heureusement qu’elle l’avait croisée.

-« Le monde devrait peut être comprendre que nous ne choisissons pas avant tout. »

Elle soupira.

-"Et... je ne vous l'ai pas dis. Je m'appelle Virginie. Vous savez ça fait du bien d'entendre une autre opinion."

Voila c'était dit. La reconnaissance qu'elle éprouvait était étallée. Elle préférait cela que de paraître ingrate au regard de cette... alliée ?

Maria souleva son verre et vint le tinter contre celui de son interlocutrice avec un sourire complice :
"Buvons donc à ta santé, Virginie, et à celle de cette « opinion », puisse-t-elle un jour s’étendre dans le monde entier !"

Pour illustrer ses paroles, elle but une bonne gorgée de son bloody mary et reposa le verre sur la table. Cette opération avait légèrement fait rosir ses joues.
"… Parce que, poursuivit-elle sur le même ton, je ne te le cacherai pas : oui, il est encore dangereux d’être mutant de nos jours. Et ce, parce que nos prédécesseurs ont essayé de se faire une place dans le monde de manière brutale ! Le public n’a tendance à se souvenir que de nos criminels, que de nos poseurs de bombes… Il oublie un peu trop volontiers nos bienfaiteurs, ceux qui ont rendu le monde un peu meilleur."

De quel couleur pouvait être le sang de cette fille ? Avec quelle fluidité coulerait-il sur sa peau ? De manière presqu’inconsciente, Maria se mit à tremper son doigt dans la trace circulaire rouge de jus de tomate laissée par son verre sur la table.
"Ici, au Canada, nous sommes plutôt tranquille, continua-t-elle en laissant son regard se promener sur la jugulaire de la fille, mais on sent bien que nous sommes sur le fil du rasoir…"
Le fil du rasoir caressant ce cou tendre…
"Les choses peuvent basculer d’un jour à l’autre, comme aux États-Unis où le sang des mutants ne cesse de couler à flot."

C’est avec l’imperceptible frisson qui accompagnait cette phrase que Maria se rendit enfin compte combien l’alcool éveillait ses instincts sanguinaires ! Il fallait qu’elle ralentisse sa consommation, ou elle allait finir par dire une bêtise. Elle passa sa main gantée sur son front, leva l’autre main en direction du blue-barman pour commander une carafe d’eau et continua sur sa lancée.
"Faut-il se cacher pour autant ? Sûrement pas ! Au contraire, même ! Car des jours meilleurs approchent, grâce à la Confrérie. Quel est le but de la Confrérie ? Changer définitivement l’image des mutants à travers le monde en devenant les bienfaiteurs de l’humanité…"

Le blue-barman arriva à la table avec la carafe d’eau commandée et se retira.
"Les mois à venir transfigureront l’image des mutants. A l’aide des pouvoirs de tous nos membres, nous arrêterons les conflits armés, nous refleurirons les déserts, nous dépollueront les océans et nous purifierons l’atmosphère. Toutes nos particularités génétiques seront étudiées et exploitées à leur optimum afin de rendre le monde d’aujourd’hui un peu plus vivable… Le réchauffement climatique ? Un détail pour notre cellule de mutants météorologiques… La crise de l’énergie ? Nous y travaillons d’arrache-pied… La surpopulation en Inde ? Nous avons déjà quelques pistes…"

Maria percevait le pouls de Virginie, elle savait que ce n’était que psychologique, mais elle avait l’impression de l’entendre. Elle se servit un grand verre d’eau pour se rafraîchir les idées et diluer un peu l’alcool.
"Mais pour que notre projet aie des chances d’aboutir, il va nous falloir une armée de bonnes volontés. Et les persécutions de tous nos frères de par le monde en font des denrées rares ! Combien de mutants seront-ils capables de pardonner et offrir leurs pouvoirs au service de la bonne cause ? C’est cela qui sera déterminant… Car tous les pouvoirs nous seront utiles… Tous ! »

Maria sentait qu'elle reprenait peu à peu le contrôle de ses pulsions, elle avait évité le pire… Avec un peu de chance, la petite Virginie n’avait peut-être même rien remarqué d’étrange…
"Voilà, fit-elle en guise de conclusion, je crois que tu sais tout sur les mutants et sur les projets de la Confrérie. Tu as eu le droit à une avant-première de la teneur de mon discours de ce soir ! As-tu d’autres questions ?"

La jeune mutante regarda l’air détendu de sa compagne improvisée et sourie voir une autre un peu plus sur avait de quoi la rassurer.

-« Buvons alors oui. »

Quand Maria rappela le passé. Plusieurs photos d’article lui revinrent en mémoire. Ces après midi plongées dans les archives lui avait permit d’avoir pas mal de données sur ce quelle appelait la manière brutales. Tout changement pouvait arriver dans la violence, il suffisait de regarder l’Histoire. Mais les mutants avait un avantage qui terrifiait n’est ce pas ?

-« On se souvient toujours de la douleur mais jamais si on l’a mérité. »

Non pas que Virginie soit pour un quelqu’onque terrorisme. Juste pour un rétablissement des faits. Et les faits disaient clairement les choses. Tout mutant n’était pas foncièrement mauvais. Tout comme un non mutant n’était pas foncièrement bon.

Les yeux de la jeune enquêtrice suivaient distraitement le chemin de ce doigt sur la table. Les détails, toujours cet attrait pour les détails. Peut pour cela qu’elle envisageait de prendre un job à long temps dans un grand journal. Ce geste avait quelque chose… qui la mettait mal à l’aise.

"Les choses peuvent basculer d’un jour à l’autre, comme aux États-Unis où le sang des mutants ne cesse de couler à flot."

La jeune fille n'avait rien d'une grande penseuse. Mais parler de cela lui rappela une phrase du cours de littérature.

-« Oui c’est vrai on dirait que la terre n’est jamais repus d’ailleurs, s’en ais aberrants. Je serais prête à croire que « l’homme est un loup pour l’homme ». »

Sans savoir pourquoi Virginie imagina derrière les lèvres de Maria une dentition pointue de louve blanche et féroce. Elle avala sa salive en se replaçant sur son siège. Elle n’aimait pas cette façon dont elle la regardait. A quoi pensait-elle ?

Elle l’écouta encore si convaincu. Un vrai discours électoral ou plutôt d’une prêtresse prête à convertir toute les âmes à son idée. Une croisade. Ca pouvait être dangereux.

-« Les bienfaiteurs… »

Le barman déposa la commende et Virginies osa le regarder, avec une sorte de respect et un brin de connivence.

-« Est-ce que cela veut dire que vous allez vous entendre avec les chercheurs ? Et l’institut ? »

Cette idée écarta subitement son pressentiment, et elle se concentra sur le plan énoncé. Une union. Une vrai. Cela pourrait il vraiment évoluer alors ? Virginie n’avait rien d’une révolutionnaire. Ni des rêves de grandeurs. Loin de là. Mais cela avait quelque chose de séduisant. Une utopie à porter de main.

Oui elle avait raison… qui serait capable de pardonner ? Il fallait une bonne d’ose de volonté pour cela. Elle-même avait du mal à pardonner ses parents pour leur distance… et ce n’était que de la distance. Mais en quoi était elle mêlée à tout ça ? Elle ne se sentait pas inclus dans ce « tous ». Elle ne se sentait pas non plus inclus dans les autres. Ou était-elle ?

-« Même les non-mutants qui seraient du même avis que vous ? »

Donc elle avait vue juste, un discours. Cette confirmation la refroidit un peu. Elle avait entendu des phrases préparées des mots déterminer pour convaincre un publique. Mais, elle n’était pas un publique ! Elle n’était qu’une mutante un peu perdue qui cherchait sa place.

"Voilà, fit-elle en guise de conclusion, je crois que tu sais tout sur les mutants et sur les projets de la Confrérie. Tu as eu le droit à une avant-première de la teneur de mon discours de ce soir ! As-tu d’autres questions ?"

La confrérie. A ces propos c'était l'asil idéal. Un rien idéal. Peut être là bas en apprendrait elle plus. Est-ce que cette femme accepterait ? Est-ce que Virginie oserait y aller ? Un lieu rempli de mutant. Tous plus forts. Elle replaça encore une fois ses cheveux. Ses yeux firent le tour du café. Allait-elle continuer ?

-« Est-ce que vous pensez… que je pourrais y … non plutôt que je devrais y aller ? »

Son regard évitait de croiser le siens comme si elle se sentait fautive de sa question. Comment pouvait-elle envisager cela. Pour qui se prenait-elle ? Tout ça lui était inconnu. Sa présence ne changerait rien à l’affaire, n’est ce pas ? Une goutte d’eau tremblante dans la grande mer. Vivement elle se reprit.

-« Non non ! oubliez je… je… pardon. Je vais… enfin vous avez été patiente. »

Tout en parlant elle repoussait son verre presque vide. Et sortait son porte monnaie pure réflexe.

Virginie sortait son porte-monnaie… Avec la vitesse de l’éclair, Maria saisit la paille plantée dans son verre de bloody mary et, à l’aide de cette matraque improvisée, frappa gentiment le dessus de la main de son compagne :
"Croyais-tu vraiment que je te laisserais payer ? Fit-elle sur un ton faussement sévère, laisse, je t’invite ! Et n’insiste pas, tu me vexerais !"

Avant que Maria ne laisse la jeune mutante la quitter, il restait encore une chose à éclaircir. Des quelques réflexions que Virginie avait de temps en temps lancées pour épicer le quasi-monologue de Maria, il en était une qui avait retenue toute son attention. LA question sensible : Et l’Institut ?
Passer à côté d’une petite explication concernant cette secte de gauchistes pacificistes aurait été 1) potentiellement perçu par Virginie comme de la lâcheté et 2) une occasion ratée de leur cracher un peu dessus ! Mais comme il existait une faible probabilité pour que Virginie aie déjà eu des contacts avec eux, Maria se devait d'édulcorer son discours :
"Je ne peux pas m’empêcher de vouloir revenir sur un point que tu as soulevé, reprit-elle sur un ton calme en capturant l’addition posée sur le bord de la table par le blue-barman, tu as évoqué tout à l’heure le Nouvel Institut…"

Elle ouvrit son sac à main posé sur le siège à côté d’elle et en sortit son porte-monnaie.
"La presse mondiale noircit les pages de leurs feuilles de choux en faisant croire au public que nos deux organisations sont rivales voire ennemies… Rien de plus ridicule, ni de plus faux… Ces rumeurs ne servent qu’au commerce, elles leur permettent de vendre plus de journaux. C’est du marketing tout ça !
En fait, les relations entre le Nouvel Institut et la Confrérie Moderne sont tout justes cordiales, ni plus ni moins. La preuve : ils ont été invité à la conférence de presse de ce soir !
Après tout, nous poursuivons un but commun : rétablir la paix dans le monde. Seules les méthodes diffèrent. D’un côté, les nostalgiques de la philosophie de Charles Xavier qui pensent que la paix viendra toute seule, d’elle-même, que les humains et les mutants se rendront compte un beau matin qu’il faut s’aimer les uns les autres… Et de l’autre, nous qui sommes plus adeptes de l’action, nous qui pensons qu’il faut un coup de pouce pour que les choses changent."

Ouh ! Que c'était vilain de caricaturer ainsi la réalité... Mais, après tout, on est méchant jusqu'au bout ou on ne l'est pas du tout ! Maria glissa un petit billet dans la note et reposa le tout sur le coin de la table. Le blue-barman aurait droit à un pourboire non négligeable.
"De notre côté, nous essayons d'avancer, nous multiplions les demandes de partenariat avec Londres, mais Hara et Asakura ne semblent pas très motivés pour entrer en action… Les choses devraient changer quand nous lancerons nos premiers grands chantiers."

Elle sortit de son portefeuille une carte blanche et bleue plastifiée :
"Enfin bref, voici une invitation officielle à la conférence de ce soir, expliqua-t-elle en tendant la carte à Virginie, viens ! Au mieux, tu auras la réponse à ta question : peux-tu ou dois-tu y aller, au pire, tu resteras indécise mais tu goûteras aux excellents petits canapés préparés par notre chef et tu pourras te dégourdir les jambes sur la piste de danse… Alors ? Qu’en dis-tu ?"

Pour l’instant, Maria ne s’était contentée que de faire miroiter l’appât, cette carte blanche et bleue constituait le vrai hameçon … Virginie allait-elle y mordre et s’y empaler définitivement ?

Virginie reçue le petit coup avec un petit bon de surprise et regarda la paille les yeux agrandis. Bien sur sa peau n’avait rien ressentit du fait de ses gènes. Mais ce geste sans réel violence avait le don d’affoler son cœur. Car elle savait que son épiderme ne réagissait pas de la même manière et elle craignait toujours les retombées. Prestement la jeune mutante éloigna sa main en répondant.

-« D’accord d’accord. Je n’ais plus qu’à redire merci alors. »

Elle planta son regard noir dans le siens vérifiant qu’il s’agissait bien d’une petite plaisanteries et non d’une vraie colère. Virginie ne pouvait pas supporter de voir quelqu'un en colère. Voila pourquoi elle écartait systématiquement toutes les raisons qui pouvaient amener à une dispute.

Du coin de l’œil elle observa la capture de l’adition en faisant mine de s’intéresser à ce qui se disait.

… tu as évoqué tout à l’heure le Nouvel Institut…"

La jeune fille penchait plutôt vers la première… une paix irrémédiable. Une idée pacifique qui lui allait comme un gant. Bien sur elle ne le dirait pas devant une fervente représentante de la Confrérie. Mais pour voir ce que le monde était aujourd’hui… c’était peut être bien de la nostalgie.

-« C’est rassurant… ou peut être pas que ce soit encore une invention des médias et pas un conflit de plus. »

Et Maria défendait son groupe. Virginie gigotait encore. Elle se sentait prise à témoin. Après tout elle ne savait encore rien de l’une et de l’autre organisation. Si ce n’est la thèse principale. Comme le soulignait son interlocutrice toutes les informations n’étaient pas bonnes à prendre. C’est peut être aussi pour ça que la jeune pigiste se torturait en doutant de tous.

Qui étaient Hara et Asakura ? Elles feraient des recherches. Il faudrait qu’elle aille directement sur le site : l’institut. Un autre projet à organiser. Du discours de la confrériste Virginie sentait une certaine subjectivité. Cela dit la trame principale la séduisait.

Elle releva.

-« Des chantiers ? »

Sans la regardait elle voyait la carte dans la main de la femme. En fait elle s’en fichait attendant une réponse.

"Enfin bref, voici une invitation officielle à la conférence de ce soir,…

Virginie ne regardait pas l’appât mais celle qui le lui tendait. Quel intérêt pouvait-elle avoir à sa présence là bas ? Une gamine. Elle se gratta le sourcil en pesant le pour et le contre. Si elle avait réussit à aborder une inconnue… Mais une inconnue ce n’était pas la même chose qu’une masse d’inconnu. Rien que dit penser la température de son corps augmentait.

Un raclement de gorge trahit son indécision.

-« J’en dis que c’est très gentil. Vraiment ! Et aimable à vous de me le proposer. Merci sincérement. Elle se stoppa son sourire gêné s’effaçant devant de la résignation. … Mais la foule a le don de me terrifier. »

Dieu qu’elle se sentait bête. Trop tard c’était avoué.

Elle écouta. En quelque sorte ils voulaient sauver le monde. C’était une noble… mission. Ardue cela dit. Ils méritaient le respect tout ces gens qui agissaient pour changer les choses. Ils faisaient tous ce qu’elle-même n’osait imaginer. Elle se sentait gamine devant ça… toute petite, minuscule.

-« Bonne chance ! »

Virginie regarda la carte devant et entendit. Les mutants avaient couramment peur de la foule… Une nouvelle ! Elle aurait presque souri. Elle n’était pas seule. Pour une fois elle n’était pas seule !

Maintenant, continua-t-elle, c’est à toi de jouer : soit ton agoraphobie contrôle ta vie, soit c’est toi qui contrôle ton agoraphobie… Je suis consciente que c'est plus facile à dire qu'à faire mais cela ne tient qu’à toi de franchir le pas ! On connait l'instabilité du monde d'aujourd'hui, dis-toi que, peut-être, un jour ou l’autre, le fait que tu puisses vaincre ou non cette faiblesse deviendra une question de survie…"

Elle encaissa la réplique en silence. Au moins c’était clair et directe. Ses yeux papillonnaient sous son choc. Tout ce qu’on venait de lui dire sonnait douloureusement juste. Et si… n chaos de questions submergèrent ses pensées. Elle était comme déconnectée.

C’est lorsque Maria se leva que Virginie réagit. Elle vit son clin s’œil et rougis immédiatement. C’était une communauté particulière elle commençait tout juste à le comprendre. Prestement elle imita la confrériste pour l’accompagner dans son départ.

-« Oui, vous avez certainement raison ! Alors… aurevoir aurevoir madame… heu Maria. »

Toujours debout la jeune mutante regarda sa consœur s’éclipser en vitesse. Avant de va voir disparaitre elle murmura timidement un: Merci.

En se rasseyant son regard tomba sur le petit bout de carton. Ira, ira pas ?

Elle avait encore quelques heures pour réfléchir à sa suite. Son bras se leva pour commander un nouveau jus d’orange. Alors Virginie, jusqu’ou pourrais tu aller ?

Maria chaussa directement ses lunettes de soleil en ressortant dans la clarté douloureuse de la galerie marchande. La position des aiguilles de sa montre old-fashion avait eu un effet très particulier sur son cerveau : elle ne réussissait pas à se remémorer les premières phrases d'introduction de son discours... Il était temps qu'elle rejoigne sa maison de fous pour réviser !

A grandes enjambées, elle sortit du centre commercial et retrouva rapidement sa voiture. Ca n'avait peut-être pas été l'après-midi "totale détente" qu'elle avait envisagée en claquant la porte de la Confrérie Moderne mais, au moins, son escapade s'était révélée fructueuse : d'abord cette splendide paire de gants haute couture pour presque trois fois rien... Ensuite l'occasion de planter quelques graines de pensées confréristes dans l'esprit d'une jeune mutante en mal de repères.
La portière coulissa silencieusement, elle s'installa derrière le volant et regarda son reflet dans le rétroviseur.
Virginie... C'était un peu maigre comme point de départ mais peut-être réussirait-elle à en savoir plus sur cette jeune femme en fouillant la base de données informatiques. A la lumière du soleil, son rouge à lèvres lui parut un peu fade... pas assez sanglant à son goût. Les yeux toujours rivés sur son reflet, elle démarra la voiture et déclencha le pilote automatique.
Pendant le retour, elle réajusterait sa couleur en se laissant conduire...

Confrérie Moderne