June pestait dans son bureau. Sa journée avait à peine commencé et elle devait déjà résoudre une masse de problèmes. Et non des moindres. A commencer par cette énième déclaration du président des Etats-Unis dans laquelle ce cher Graham Cohl annonçait que son gouvernement allait débloquer des fonds supplémentaires pour mener à bien sa politique anti-mutante. Ce qui annonçait encore de belles emmerdes en perspective. La dernière fois que ses prédécesseurs avaient tenu de tels propos, tant l’Institut et la Confrérie à Boston avaient morflé. Et quelques jours plus tard, le terrifiant vaccin Genesis voyait le jour. Alors non, cela n’annonçait rien de bon. Rien de bon du tout.

La jeune femme retint un soupir exaspéré et son regard plongea sur la ville en bas. Ce n’était pas ce temps gris au possible, mais pourtant fidèle à Londres, qui allait arranger son humeur. Elle avait besoin d’un bon café ! Elle déposa la copie de la déclaration du président américain sur son bureau avant d’attraper sa veste en jeans. Les meilleurs cafés de la ville se vendaient à deux rues d’ici, elle n’allait pas s’en priver ! Elle appela l’ascenseur et se faufila entre ses collègues qu’elle salua vaguement. Oui, vraiment, la lecture de ce ramassis de conneries l’avait rendue de mauvaise humeur.

Comme si la situation actuelle n’était pas encore assez tendue, il fallait que ce type vienne encore en rajouter. June jura entre ses dents. Cette journée était bien partie pour venir s’ajouter à toutes les précédentes, celles où elle se demandait pourquoi elle faisait tout ça. Si cela servait vraiment à quelque chose. Trop occupée à maudire le gouvernement américain au grand complet, June ne vit pas la demoiselle tout de gris vêtue et lui rentra dedans. Cette collision eut au moins le mérite de lui faire revenir les pieds sur terre et de la calmer légèrement, car elle déclara, confuse :

"Oh, pardon ! Désolée mademoiselle... je suis désolée ! Je ne vous avais pas vue !"

Et 1-0 pour sa maladresse habituelle.

"Vous allez bien ?" , s’enquit-elle en l’aidant à se relever

Toute aussi gênée qu’elle, la jeune fille s’excusa platement. Mais June lui signifia d’un geste de la main qu’elle seule était responsable de cet incident, malgré l’étourderie dont avait également fait preuve l’adolescente. Et leur inquiétude quasi simultanée. Bon au moins, elle n’avait pas l’air vexée d’avoir fait connaissance avec le sol par sa faute. C’était plutôt une bonne chose. Lorsqu’elle s’enquit de son état, June la rassura immédiatement

"Je n’ai rien non plus, ne vous en faites pas. Au pire, j’aurai un petit bleu sur le bras, vous m’avez l’air bien solide jeune fille" acheva-t-elle en rigolant cette fois.

De son côté, l’adolescente terminait de se remettre de ses émotions en époussetant sa robe. June réajusta vaguement sa veste, plus par réflexe qu’autre chose. La jeune femme n’était pas vraiment du genre coquette et ne veillait pas à être tirée à quatre épingles à longueur de journée comme toutes ces midinettes qu’on pouvait croiser en rue. June laissa échapper un léger rire aux paroles de la jeune fille

"Oui, je m’en doute bien. Rares sont les entrées… aussi fracassantes si je peux me permettre"

Mais elle n’eut pas le temps d’en dire plus que déjà l’inconnue la laissait derrière elle en la saluant pour filer vers l’accueil. Effectivement, elle avait bien l’attention de sortir. Elle avait toujours grandement besoin de caféine dans son sang. Mais les paroles de l’adolescente lui revinrent en mémoire. Entrer en contact avec l’association… Certes, elle venait de le faire, d’une façon assez franche et plutôt directe. Et puis June n’était-elle pas aussi un peu l’association en soi ? Après tout, même si elle ne la dirigeait pas, elle voyageait assez aisément dans les hautes sphères grâce à son poste de secrétaire adjointe à la direction. En fait, il n’y avait que deux personnes au dessus d’elle… Miranda Blake, la directrice et Helen Jones, la sous directrice de l’association. Si les deux femmes venaient à disparaître tragiquement, June prendrait automatiquement les rennes de l’association. Mais elle n’était pas pressée d’en arriver là, malgré toute sa bonne volonté.

Après avoir lorgné sur la porte de sortie et accessoirement la promesse d’un café bien chaud, June fit demi-tour et rattrapa l’adolescente. Elle posa une main sur son épaule pour attirer son attention et enchaîna :

"Excusez-moi, vous m’avez bien dit que vous souhaitiez entrer en contact avec nous ?"

Elle lui sourit aimablement avant de poursuivre et de lui tendre la main.

"Il me semble que c’est chose faite. Je suis June Appleby, secrétaire adjointe de Miranda Blake, la directrice de notre association. Puis-je savoir les raisons de votre intérêt pour la Lib’Corp ?"

La jeune femme plongea son étrange regard vairon dans les yeux de la demoiselle avant de jeter un coup d’œil à l’hôtesse d’accueil. Cindy était bien gentille mais pas toujours très futée hélas… En passant par l’accueil, la jeune fille avait une chance sur deux de se voir rappelée dans plusieurs jours…

"Croyez-moi, je vous fais gagner du temps en vous évitant la case accueil… ", souffla June dans un sourire complice

Ce n’était pas tout à fait réglo, mais cela ne constituait pas vraiment un problème pour la jeune femme. Depuis quand June suivait-elle le moindre règlement ou bien tenait-elle compte de la paperasse ?

La jeune femme sentit le léger sursaut qui anima le corps de la jeune fille lorsqu’elle avait posé sa main sur son épaule. Mais elle ne s’en formalisa pas davantage car déjà l’adolescente se tourna vers elle. Elle n’hésita que quelques secondes avant de finalement serrer la main qu’elle lui avait tendue. June fut d’ailleurs surprise de la force déployée dans cette simple poignée de main. Son interlocutrice semblait si… frêle. Fragile. Lorsqu’elle se présenta, June put enfin mettre un nom sur le doux visage.

"Ravie de faire votre connaissance Virginie, mais je vous en prie, appelez-moi June, ou bien mademoiselle. Je ne suis pas mariée" précisa-t-elle en rigolant, parce qu’avec du madame à toutes les phrases, elle risquait fort de se prendre un sérieux coup de vieux avant la fin de la journée !

Elle écouta attentivement Virginie et elle en eut pour sa curiosité. Détective… Vancouver… L’affaire avait l’air importante. Et la jeune fille, sérieuse. Polie aussi, car elle n’avait pas oublié que June, à la base, n’avait pas prévu de lui rentrer dedans.

"Toute personne qui vient ici trouvera l’aide qu’elle demande. C’est notre but. Et cela est d’autant plus vrai lorsque cela concerne des injustices ou des vérités à faire éclater."

Après tout, c’était bien pour ça que la Lib’Corp avait vu le jour. Désireuse de rétablir une certaine justice pour les mutants, dont la majorité demeurait encore aujourd’hui trop opprimée au goût de la jeune femme. Et si l’association ne dépendait de personne, elle était aujourd’hui en mesure de faire parler d’elle.

"Je suis votre femme, déclara alors June, mais vous avez raison, j’allais sortir. Que diriez-vous de m’accompagner ? Vous pourrez m’apportez plus de précisions autour d’un bon café en espérant que mon aide puisse être à la hauteur de vos attentes"

June jeta un dernier coup d’œil à l’accueil où la pauvre Cindy semblait mener un combat perdu d’avance face à une pile de feuilles récalcitrantes et elle ne regretta pas un instant sa décision. Virginie réclamait leur aide et une attention particulière qui ne devait souffrir d’aucun retard ou problème de paperasse. June allait y veiller personnellement. La jeune femme fit alors un signe à Virginie pour l’inviter à la suivre dehors. Lorsqu’elles se furent éloignées de quelques mètres du bâtiment, June reprit la parole

"Et si vous commenciez par me dire qui vous envoie ? Et dans quel but ? Vos recherches semblent très importantes, mais aussi risquées. Je me trompe ?"

Elle n’était pas méfiante, mais il fallait mettre les choses au point dès le début. Certaines affaires demandaient plus de discrétion que d’autres… Et ils n’avaient pas que des amis de l’autre côté de l’Atlantique.

( Un café en ville )