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[RP] Koji Ashton, enfin majeur !

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Koji Ashton

Type Gamma

Type Gamma

Koji Ashton

Race : Mutant
Clan : Institut
Age du perso : 18
Profession : Consultant scientifique
Affinités : Virginie Parish, Gaël Calafel, Ewan Ramsay
Points XP : 375


-PERFORMANCES-
Pouvoir: Super-Cerveau
Type: Gamma
Niveau: 3

MessageSujet: [RP] Koji Ashton, enfin majeur ! [RP] Koji Ashton, enfin majeur ! EmptyVen 16 Avr 2010 - 0:50

Première semaine de janvier.

***

Lundi 1 janvier 2052 – 17:30 - Scotland Yard

« Monsieur Ashton. On vous a informé de vos droits ? »

Koji était toujours ravi de faire de nouvelles expériences : elles étaient un souffle d'air pour son esprit, une branche nouvelle à laquelle se rattraper, des territoires originaux à découvrir. Cette curiosité presque maladive, qui était en fait comme un instinct de survie, confinait parfois au masochisme. La douleur, par exemple, était sans cesse quelque chose de nouveau, une nouvelle façon que son corps trouvait de s'exprimer. Ce n'était pas qu'elle fût délicieuse, mais elle était nouvelle.

Découvrir les salles d'interrogatoire de Scotland Yard n'était pour l'instant pas une expérience trop douloureuse. Koji n'avait jamais cherché à s'informer sur la police métropolitaine de Londres, et pour lui comme pour bien des Londoniens, Scotland Yard devait être un grand bâtiment de briques de l'ère victorienne, peuplé d'inspecteurs en imperméables avec des chapeaux. Le building de verre et d'acier avait été une heureuse surprise.

Cependant, quelque séduisante que fût la nouveauté, Koji était loin d'être un aventurier. Il préférait que le futur se conformât aux hypothèses qu'il avait élaborées à son propos, et comme, souvent, il avait remarqué que cela ne se produisait pas tout seul, il se donnait généralement les moyens de l'y aider un peu. C'était qu'il y avait un moment où la nouveauté de la douleur cessait d'être profitable à son esprit, et où le souffle vital qu'elle y créait s'approchait un peu trop dangereusement de la mort pour qu'il pût le goûter.

Or, Koji sentait qu'à être trop coopératif avec l'inspecteur qui l'avait suivi ces derniers semaines, il y avait de fortes chances que sa découverte des salles d'interrogatoire de Scotland Yard cessât bien vite d'être aussi plaisante qu'une visite touristique. Que cet homme eût fait preuve d'assez de patience pour surveiller ses allées et venues pendant plusieurs jours était le signe que son arrestation n'était pas une erreur judiciaire, et qu'il y avait peu à espérer de protestations d'innocences. Ou de signes de coopération. Aussi demeurait-il silencieux.


« Monsieur Ashton. Vous avez été conduit ici parce que nous vous suspectons d'être impliqué dans des actes terroristes. Vous n'êtes pas sans savoir que la loi de cet Etat prévoit des mesures dérogatoires à la convention des droits de l'homme dans ce genre de cas. Nous pouvons vous détenir ici indéfiniment, sans avocat. Votre silence ne vous est d'aucune utilité. »

Il semblait à Koji que ces menaces eussent eu leur place dans une salle d'interrogatoire d'un autre temps, aux murs en béton décrépi, au plafond de laquelle serait suspendu un lustre dont le mouvement grinçant aurait jeté sur la table une lumière électrique, froide, et inquiétante. Mais cette salle propre, entièrement blanche, dont la lumière émanait des murs sans qu'il fût possible de savoir exactement de quel point elle provenait – cette salle lui semblait plus inquiétante encore.

Il ne s'était jamais intéressé beaucoup au droit. Il avait fait de l'histoire, cependant. Il savait qu'à l'aube du vingt-et-unième siècle, certains pays avaient pris des libertés avec leurs idéaux. Il supposait donc que les menaces de l'inspecteur n'était pas entièrement vaine. Il ne s'était de toute façon pas préparé à recevoir un traitement équitable. L'aventure eût été moins piquante.


« Je me permets donc de vous reposer la question, Monsieur Ashton. Vous a-t-on informé de vos droits ?
- Il me semble que vous venez de m'expliquer que je n'en ai pas. »


Un sourire amusé passa sur les lèvres de l'inspecteur – c'était une satisfaction semblable à celle que le chat éprouve quand la souris est plus vive qu'à l'ordinaire, et quand le jeu dure plus longtemps. Nourrir devient secondaire : c'est la chasse qui prime. Il s'était assis en face de lui, et déjà il sentait le regard noir du jeune homme – car il lui semblait jeune, si ce n'était ses yeux, avec ses traits fragiles, ses vêtements dans l'air du temps – le détailler. C'était comme une vivisection. Mais il avait bien travaillé son dossier. Il s'était préparé à cela.

« Bien. Tout d'abord, Monsieur Ashton, je suis navré de gâcher ainsi le premier jour de cette nouvelle année. Mais je crois savoir que vous êtes majeur aujourd'hui, ce qui facilite grandement les choses, du point de vue légal. Pour me faire pardonner, je me propose de vous expliquer qui je suis, et la raison pour laquelle je suis ici. Qu'en pensez-vous ? »

Koji avait détourné le regard, et en d'autres circonstances, l'inspecteur eût cru qu'il s'ennuyait profondément. Mais ce qui courrait dans les veines de Koji, ce qui courrait dans ses nerfs, ce qui éveillait son corps, ses muscles, son cerveau, c'était la délicieuse sensation de l'excitation, que celle de la peur nuançait d'une saveur qui n'était pas déplaisante. Il s'était préparé, entraîné pour ce genre de moments depuis tant d'années. Et désormais, il pouvait enfin mettre sa paranoïa à l'épreuve. Jouer une grande partie d'échecs.

***

Mercredi 3 janvier 2052 – 08:00 – Nouvel Institut

Le manoir de l'Institut n'était pas tout à fait désert, malgré les vacances d'hiver. Beaucoup d'élèves retournaient dans leur famille, mais une partie d'entrée n'avait plus vraiment de famille dans laquelle se réfugier, ou bien plus de famille qui acceptât qu'ils le fissent. Alors ils restaient à l'Institut. Ils organisaient des soirées. Mais si le manoir n'était pas désert, la salle du repas, à l'heure du petit-déjeuner, l'était, elle, la plupart du temps : peu d'élèves avaient envie de se lever tôt, particulièrement peu de jours après le réveillon.

Il y avait quelques irréductibles, cependant. Ceux qui avaient beaucoup de travail en retard. Ceux qui ne dormaient jamais, comme Virginie. Et ceux qui se faisaient un devoir d'être le plus souvent possible avec un membre de l'une ou l'autre des deux premières catégories. Ainsi, Jessica, la célèbre Jessica, celle qui avait toujours du vent dans les cheveux et les dents qui étincelaient, ne venait-elle jamais déjeuner sans que deux ou trois garçons l'accompagnassent et lui fissent tous les compliments qu'il était nécessaire de lui faire pour la bonne marche de leur affaire.

Mathilde n'aimait pas Jessica. Mathilde n'aimait pas le vent qui agitait ses cheveux. Elle trouvait que c'était de la triche, quand on contrôlait l'air, d'avoir du vent qui agitait les cheveux. Elle n'aimait pas sa voix affectée. Elle avait souvent envie de lui renverser son bol de corn-flakes sur son brushing parfait. Puis de lui fourrer des écouteurs dans les oreilles et de la forcer à écouter les chansons de Dorothée en boucle. Pour voir si elle aurait encore du vent dans les cheveux, après ça.

Cela dit, pour une fois, lorsque Mathilde traversa le mur nord de la salle pour venir prendre son petit-déjeuner, elle ne jeta pas un regard haineux à Jessica. Elle ne jeta pas non plus un regard à Sébastian, qui pourtant se levait tous les jours à six heures, pour être sûr de ne pas manquer son arrivée, qu'il attendait pendant heure, dans la salle de repas, en mâchant très lentement ses tartines, l'esprit plein de spéculations hasardeuses sur la tenue que Mathilde porterait ce jour-là : pull noir ou pull noir ? Et quand elle arrivait, et qu'elle promenait son regard vert sur la salle, il manquait de s'évanouir. Parce qu'il était sûr que ce regard s'arrêtait à chaque fois une demi-seconde sur lui (c'était que Sébastian n'était pas très, très perspicace).

Cette fois-ci encore, le regard de la jeune femme balaya les tables, pour s'arrêter brusquement sur Virginie. Elle l'avait aperçue de nombreuses fois. Koji avait souvent dit qu'il la lui présenterait. Mais il ne l'avait jamais fait. Elle se demandait pourquoi. Elle se demandait beaucoup de choses à propos de Koji. Elle passa une main pour ramener une longue mèche de cheveux bruns derrière son oreille, avant d'avancer à grands pas décidés, en traversant les tables, jusqu'à celle de Virginie, et de s'asseoir en face d'elle.


« Salut. »

***

Lundi 1 janvier 2052 – 17:35 – Scotland Yard

« J'ai une meilleure proposition à vous faire. »

Koji se pencha un peu avant, autant que le lui permettaient ses mains menottées à la table, et ses yeux noirs se plongèrent avec une telle intensité que pendant une seconde, l'inspecteur sentit son assurance vaciller. Il avait lu le dossier. Il s'était dit que même l'adolescent le plus intelligent du monde restait un adolescent. Facilement impressionnable. Il avait été surpris quand il l'avait vu dans la rue la première fois. Il l'avait imaginé mal habillé, introverti. Ne sortant que pour acheter un nouveau logiciel. Ce n'était qu'au fil des jours qu'il avait réussi à se faire une idée de ce qu'était une intelligence mutante. Une intelligence qui ne demandait pas à celui qui la possédait de demeurer des heures devant un ordinateur ou dans un laboratoire pour être la meilleure. Et pourquoi pas une intelligence de criminel. Une intelligence dangereuse.

« Je vais vous dire ce que je sais, Inspecteur. Vous vous appelez Joseph Harold. Mais vos collègues vous appellent Jo. Vous êtes dans les forces de l'ordre depuis une vingtaine d'années. Il y a une dizaine d'années, vous avez été blessé à la jambe, lors d'une intervention. Vous avez deux enfants, et une femme. Vous la trompez. Avec l'agent qui m'a interpelé. Vous craignez tous les deux que cela ne s'apprenne. Pour vos carrières. Vous me suivez depuis trois semaines. Cela aussi, vous craignez qu'on l'apprenne. Dans cette enquête, vous vous comportez en franc-tireur, inspecteur Harold. C'est sans doute pour cela que vous n'êtes pas en train d'enregistrer cet interrogatoire. »

Koji eut besoin de tout son talent de comédien pour ne pas laisser un sourire naître sur ses lèvres. Ce n'était pas qu'il fût satisfait de sa petite démonstration de force. Simplement, utiliser ses talents dans une situation semblable était bien plus exaltant que la résolution d'un problème mathématique. Il sentait qu'à chaque instant la situation pouvait lui échapper. Que jamais il n'allait disposer de toutes les variables. C'était sa vie, sa vraie vie – délicieusement menacée.

Joseph Harold en vingt ans de carrière avait vu beaucoup de chances. Il avait interrogé des suspects bien plus terrifiants qu'un jeune homme de tout juste dix-huit ans. Mais jamais aucun de ses suspects n'avait paru tant le connaître. La situation était inconfortable. Pas assez du moins pour qu'il se départît de son calme, et avec un sourire détendu, il répondit :


« Je vois que vous avez enquêté sur moi.
- Non, Inspecteur Harold, non. Je n'ai fait qu'observer, et déduire.
- Dans ce cas, je suppose que vous n'aurez aucun mal à déduire la raison de votre présence ici. »


Cette fois-ci, Harold fut certain d'avoir posé la bonne question, et la partie ne lui semblait plus si inégale que cela. Une immense tristesse venait soudain d'emplir les yeux noirs de son interlocuteur. Peut-être Koji Ashton l'emportait-il lorsqu'il s'agissait de l'intelligence, mais c'était lui, Harold, qui avait les cartes en main.

« Oui... Oui... Je suppose que vous voulez que nous parlions du Silence. »

***

Mercredi 3 janvier 2053 – 08:05 – Nouvel Institut

Mathilde faisait passer d'une main à l'autre la pomme qu'elle avait apportée avec elle, sans paraître vouloir la croquer. De temps en temps, lorsqu'elle était trop distraite, la pomme passait à travers l'une de ses mains et roulait un peu sur la table avec qu'elle ne la rattrapât. C'était que Mathilde était inquiète. Et s'il y avait des gens qui dissimulaient leurs sentiments, la jeune femme n'en faisait certainement pas partie.

« J'm'appelle Mathilde. Tu sais... J'suis... Enfin, bref, peu importe. Toi, c'est Virginie. J'le sais. Il me l'a dit. Et puis, bon, c'est pas comme si on pouvait te manquer. »

La voix de la mutante dispersait dans ses mots anglais un délicieux accent qu'il était impossible de ne pas reconnaître : c'était l'accent français. Elle avait gardé les yeux fixés sur sa pomme avant de parler, mais bientôt le regard vert avait rejoint celui de Virginie. C'était un regard sauvage, comme celui de l'animal qui, ayant aperçu un être humain, s'arrête un instant pour le fixer, à la fois fasciné et méfiant.

« Il m'a dit que si je le voyais bien hier soir, je devais te donner ça. Alors, tiens, voilà. »

Elle extirpa de la poche arrière de son jean (sous l'œil attentif de Sébastian, qui en oubliait de faire semblant de manger des tartines) une enveloppe, et la glissa sur la table, laissant sa main dessus malgré tout, pour que Virginie ne pût pas la saisir tout de suite.

« Tu sais, Virginie... C'est sans doute pas mes affaires, et tout, mais bon. Il avait l'air un peu... Bizarre. Quand il m'a donné. J'veux dire, il a toujours l'air bizarre, on est d'accord, hein, mais bon, c'te fois-là, c'était pas pareil. Alors j'sais pas trop c'que vous faites, tous les deux, et puis, j'suis pas bien sûre de vouloir savoir, de toute façon, mais, c'est un chic type, Koji, tu sais. Un très chic type. »

Mathilde esquissa un demi-sourire, ôta la main de l'enveloppe et, sans guère laisser le temps à Virginie de répondre, se leva et disparut dans le mur sud, non sans avoir levé les yeux au ciel, lorsque Jessica se fendit d'un éclat de rire parfaitement maîtrisé, à une plaisanterie que lui faisait l'un de ses admirateurs.

***

Mardi 2 janvier 2052 – 08:00 – Scotland Yard

Koji ne s'était vraiment rendu compte ce que signifiait ne pas avoir de droits qu'une fois le lundi soir arrivé. A la réponse qu'il avait fournie à la question de l'Inspecteur Harold, ce dernier n'avait rien rajouté, si ce n'était qu'ils reprendraient l'interrogatoire le lendemain, et que pour l'heure, Koji allait devoir dormir en cellule. Ce ne fut qu'une fois arrivé dans la cellule en question que le jeune homme avait compris que « dormir en cellule » était une expression ironique.

La cellule était propre. Elle avait les murs blancs. Le sol blanc. Le plafond blanc. Une banquette blanche pour dormir. Et les sols, les murs et le plafond produisaient une lumière blanche, uniforme, dans un vrombissement. Ni la lumière, ni le vrombissement ne s'arrêtaient. Au début, Koji avait cru que le soir venu, la lumière s'étendrait, et qu'il serait laissé dans le noir. Mais c'était pire que cela. La lumière ne s'éteignait jamais.

On lui avait donné des vêtements blancs. Après une douche. Sommaire. Glacée. Publique. Il était resté allongé longtemps sur sa banquette blanche, dans ses vêtements blancs, à regarder le plafond blanc. Il avait essayé de dormir en fermant les yeux, mais ce n'était pas possible. Une fois fermée, la porte disparaissait dans le mur. On ne savait plus par où l'on était rentré. C'était juste un bloc blanc.

Il s'était levé, il s'était assis dans un coin. Il s'était levé, il s'était allongé. Toujours la même lumière. Heureusement, dans son esprit, les secondes défilaient, puis les minutes. Il les comptait avec la précision d'une horloge atomique. Il savait donc que le temps passait. Cela l'avait empêché de devenir fou, jusqu'au matin. On l'avait ramené dans la douche. Sommaire. Glacée. Publique. Il s'était rhabillé, et il avait retrouvé la salle d'interrogatoire.

Il se sentait fatigué. Son esprit moins rapide. Plus rapide cependant qu'un ordinateur. Plus rapide que celui de l'Inspecteur. Trop rapide. Il était certain qu'il pouvait lui échapper, s'emballer. Qu'il perdrait le contrôle. L'inspecteur Harold avait l'air plus en forme, lui. Evidemment. Sans doute avait-il dormi dans un vrai lit, dans le noir. Cette fois-ci, il avait amené un dossier avec lui. Il l'ouvrait lentement, il parcourait les feuilles qu'il contenait, avant de relever les yeux.


« Bien, Monsieur Ashton. Parlez-moi de Wilhelmina Strauss.
- Que voulez-vous savoir ?
- Quelles relations entreteniez-vous avec elle ?
- C'était une amie.
- De quoi est-elle morte ?
- Des complications dues à une défaillance de son système immunitaire.
- A quel âge ?
- Cent trois ans.
- On peut donc dire que c'est une mort naturelle.
- On le peut, en effet.
- Est-ce ainsi qu'elle a été perçue, à l'époque ? »


Les yeux de Koji se fermèrent une seconde. De sorte qu'il n'eût pas le loisir d'apercevoir le léger sourire de satisfaction sur le visage de l'Inspecteur. Il refoulait quelques larmes, Koji. C'était moins facile de jouer la comédie après une nuit blanche.

« Non. Le docteur Strauss survivait grâce à des appareils. On a supposé que ces appareils avaient été débranché un temps, de sorte qu'elle était morte, puis rebranchés ensuite.
- Le docteur Strauss aurait-elle survécu longtemps, dans le cas contraire ?
- Probablement moins de trois mois.
- Quel était donc l'intérêt de la tuer ?
- Abréger ses souffrances.
- La police avait-elle une idée de qui avait commis ce meurtre ?
- Oui.
- Qui ?
- On m'a suspecté un temps.
- Un temps seulement ?
- Il n'y avait pas de preuves.
- Je vois. »


L'inspecteur tourna quelques pages de son dossier, puis en extirpa une photographie, qu'il tourna vers Koji, pour la lui présenter.

« Connaissez-vous cette personne ?
- Oui.
- De qui s'agit-il ?
- Charlotte Delavaux.
- Pouvez-vous préciser les activités de Mademoiselle Delavaux ?
- Quelles activités ?
- Professionnelles.
- Mademoiselle Delavaux est généticienne.
- Quelles sont vos relations avec Mademoiselle Delavaux ?
- Amicales.
- Vous vous connaissez depuis longtemps ?
- Trois ans.
- Comment définiriez-vous la santé de Mademoiselle Delavaux ?
- Excellente.
- A tout point de vue ?
- A une exception près.
- Laquelle ?
- Elle est aveugle de naissance.
- Ce doit être difficile, pour elle, d'être à la pointe de sa profession.
- Ca l'a longtemps été.
- Plus maintenant ?
- Non, plus maintenant.
- Pour quelle raison ?
- J'ai conçu pour Mademoiselle Delavaux une interface informatique lui permettant d'utiliser les programmes spécialisés qui ne lui étaient auparavant pas accessibles.
- On peut donc dire que vous avez été d'une aide précieuse dans son travail ?
- Je n'ai pas cette prétention. »


L'inspecteur reprit la photographie, la rangea dans le dossier, tourna à nouveau quelques pages. Fit mine de lire le document qui se présentait à lui, avant de poser, lentement, sa nouvelle question.

« Monsieur Ashton... Mademoiselle Delavaux vient-elle souvent vous rendre visite en Angleterre ?
- Jamais.
Pour quelle raison ? »


Koji hésitait. Il avait passé ses mains menottées dans ses cheveux, avant de les poser sur la table.

« Monsieur Ashton. Pour quelle raison ?
- Mademoiselle Delavaux a été placée en résidence surveillée par la justice française.
- Pour quel motif ?
- Elle est soupçonnée d'avoir été impliquée dans un attentat terroriste.
- Quel genre d'attentat ?
- En 2050, plusieurs milliers d'hectares de maïs transgéniques ont été détruit par une maladie inconnue. Le groupe Aube Verte a été soupçonné d'avoir engagé Mademoiselle Delavaux pour concevoir cette maladie.
- Et donc Mademoiselle Delavaux aurait touché une grosse somme pour cela ?
- Mademoiselle Delavaux n'a pas besoin d'argent.
- Elle l'aurait donc fait par idéologie ?
- Mademoiselle Delavaux et moi n'avons jamais discuté de ses convictions politiques. »


Il y eut un silence. Koji avait l'impression que l'inspecteur hésitait sur la prochaine question à poser. Mais on frappait à la porte. L'Inspecteur Harold se leva, visiblement gêné, pour échanger quelques mots rapides avec un collègue. Détournant le regard une seconde. C'était suffisant pour que Koji dérobât un trombone qui retenait ensemble deux pages du dossier. Puis l'Inspecteur Harold regagna sa place, et lui montra une nouvelle photographie.

« Reconnaissez-vous cet homme ? »

Koji se mordit la lèvre inférieure. Cela, c'était quelque chose qu'il n'avait pas prévu. Le jeu devenait soudainement moins excitant. La peur et la douleur commençaient à prendre le dessus.

« Monsieur Ashton. Qui est cet homme ? 
- Tahar Sajid. »


Koji avait la nette impression que sa voix n'était pas vraiment parvenu à franchir ses lèvres.

« Je n'ai pas entendu.
- Tahar Sajid, il s'agit de Tahar Sajid.
- Savez-vous où se trouve Monsieur Sajid en ce moment ?
- N-Non.
- Je vais vous l'apprendre. Monsieur Sajid est mort. Il a été abattu par un officier de police. »


A nouveau les yeux de Koji se refermèrent. Plus longtemps. Il y avait plus de larmes à dissimuler. Et en les rouvrant, il savait que cette dissimulation n'avait pas été très efficace.

« Vous ne me demandez pas pourquoi ?
- Pourquoi ?
- Monsieur Sajid tentait de diffuser un produit mortel dans le réseau de distribution des eaux de Londres. »


Cette fois-ci, Koji n'eut plus le courage de rouvrir les yeux.

« Quelle était la nature de vos relations avec Monsieur Sajid ?
- Tahar et moi... Avons été amants. Pendant quelques semaines.
- Durant ces quelques semaines, Monsieur Sajid vous a-t-il paru étrange ?
- C'est-à-dire ?
- Vous a-t-il paru que les pratiques religieuses de Monsieur Sajid étaient excessives ? »


Les yeux de Koji se rouvrirent, et les larmes avaient cédé leur place (à la grande satisfaction de l'inspecteur) à une sourde férocité, une férocité un peu puérile, mais qu'il ne parvenait pas à maîtriser, après une nuit sans sommeil.

« Monsieur Sajid couchait avec moi quatre fois par jour pendant trois semaines. Croyez-vous que cela s'accorde avec une intégrisme religieux, Inspecteur Harold ? »

L'inspecteur esquissa un sourire un peu mélancolique.

« Les gens changent. Parlez-moi du Silence.
- Que voulez-vous savoir ?
- De quoi s'agit-il ?
- D'un poison.
- Quels sont ses effets ?
- Il provoque une crise cardiaque.
- Est-ce le seul à faire cela ?
- Non.
- Alors qu'a-t-il de particulier ?
- Il est indétectable.
- Pourtant, les systèmes de distribution d'eau des grandes villes ont des systèmes de détection.
- Le Silence est indétectable.
- Pour ce genre de systèmes ?
- Pour n'importe quel système.
- Et quelle plante produit ce poison ?
- Aucune.
- Alors comment l'obtient-on ?
- On le synthétise. Quand on connait la formule.
- Donc, si je comprends bien, quelqu'un a conçu ce poison.
- Oui.
- Qui ?
- C'est moi. »


Il était midi. Avec un sourire satisfait que Koji avait une furieuse envie d'arracher de son visage, l'inspecteur Harold se releva. C'était l'heure du déjeuner. Koji fut reconduit dans sa cellule. Sa cellule blanche. On lui apporta un plateau repas. Un bol. Avec de la soupe. Une sorte de soupe. Que Koji avala bon gré mal gré.

Une fois la soupe avalée, il sortit de sa manche le précieux trombone. Entreprit de le détordre. Avant de remonter ses manches. D'observer soigneusement ses poignets. De retrouver la fine cicatrice qui courait sur chacun d'eux. Là où la peau était la plus sensible. C'était qu'avec un trombone, ça n'allait pas très vite. Il fallait percer la peau jusqu'à la veine, sur toute la largeur du poignet, et le plus difficile, c'était de recommencer avec l'autre, quand le premier était déjà ouvert.

Heureusement, Koji était très patient.


***

Lettre de Koji à Virginie

Première feuille.

Virginie,

Navré d'en user de la sorte avec toi. Tu dois te sentir manipulée. J'espère que tu me pardonneras. C'est nécessaire. Si Mathilde t'a donné cette lettre, c'est que j'ai disparu depuis Lundi. Comme je l'ai prévu. Si tout continue à se passer comme je l'ai prévu, je devrais t'appeler aujourd'hui. S'il te plaît, viens me rejoindre à l'endroit que je t'indiquerai. Sans poser de question. Tu me les poseras après. Je répondrai à toutes tes questions. Je te le promets. Mais si tu ne viens pas, je ne répondrai jamais plus à aucune question. Si jamais je ne t'appelle pas aujourd'hui, ni les jours d'après, n'attends pas plus d'une semaine. Tout ne se passe pas toujours comme je le prévois. Si tel était le cas, lis la seconde feuille. Dans tous les cas, après avoir lu les deux feuilles, détruis-les.

K.

Seconde feuille.

Virginie,

Au cas où tout ne se passe pas comme prévu. Je préférais que tu ne fasses rien, que tu n'enquêtes pas. Mais je devine que ce n'est pas ton genre. Je ne sais pas encore exactement à quel genre de groupe tu appartiens. Mais si tu veux enquêter, malgré tout, va voir William. Demande-lui de te donner la Toile. S'il te demande laquelle, réponds : la Toile.

K.

PS : Il y a à l'Institut un jeune homme qui s'appelle Gaël Calafel. J'aurais une éternité plus tranquille si tu veillais un peu sur lui.

***

Mardi 2 janvier – 17:00 – Scotland Yard

Koji était à nouveau assis dans la salle d'interrogatoire plus pâle encore que le matin, et les poignets entourés de bandages. L'Inspecteur Harold avait été surpris par son geste. Mais la surprise n'était pas quelque chose qui l'arrêtait.

« Pourquoi avez-vous fait cela ?
- Nous verrons.
- Comme vous voulez. Reprenons. Avez-vous livré à Monsieur Sejid la formule du Silence ?
- Non.
- Est-elle consignée quelque part ?
- Sur mon ordinateur.
- A-t-il pu y avoir accès, pendant que vous preniez une douche, par exemple ?
- J'ai conçu cet ordinateur moi-même. Chacun de ses composants. Je l'ai fabriqué. Je l'ai programmé entièrement moi-même. Il affiche des données dans une langue que j'ai créée.
- Admettons que Monsieur Sejid ait pu forcer vos sécurités.
- Strictement impossible.
- Admettons. Vous devez bien envoyer des documents à des gens. Les traduire dans une langue compréhensible. Comment faites-vous ?
- J'ai crée un logiciel de conversion.
- Monsieur Sejid aurait donc pu l'utiliser pour convertir la formule du poison.
- Chaque fichier de cet ordinateur a un nom composé aléatoirement de chiffres. Je peux retenir tous ces noms. Personne d'autre que moi ne pourrait retrouver un fichier sur cet ordinateur.
- Dans ce cas, nous avons un problème, Monsieur Ashton. Car c'est bien le Silence que Monsieur Sejid s'apprêtait à verser dans ce réservoir. »


Enfin, un sourire vint sur les lèvres de Koji. D'une voix fatiguée, faible, mais dont la tranquillité n'en était que plus inconfortable pour l'inspecteur, il se mit à parler.

« Je vais vous dire comment ce problème va se résoudre. Je vais vous dire ce qui s'est passé. Un officier de police a surpris Monsieur Sejid qui essayait de verser ce produit. Il lui a tiré dessus. L'enquête a été ouverte, vous en avez été chargé. Vous avez découvert que Monsieur Sejid appartenait à un groupe terroriste. Ou bien vous avez découvert le nom du poison, ce qui est moins probable. Vous en avez informé vos supérieurs. Quelques heures plus tard, des hommes sont venus. Vous avez été démis de l'enquête. Mais vous n'aimez pas qu'on vienne marcher sur vos plates-bandes. Vous n'aimez pas ces agents gouvernementaux qui se croient tout permis. Avec leurs airs théâtraux. Mystérieux. Vous avez continué votre enquête, sans autorisation. Vous avez enquêté sur le passé de Monsieur Sejid. Mon nom a attiré votre attention. Vous avez enquêté sur moi. Vous m'avez suivi.

Et puis nous voilà ici. Vous avez attendu que je sois majeur, pour ne pas avoir à demander une dérogation pour m'arrêter. Et c'était parfait pour vous. Les vacances d'hiver, la moitié des bureaux désertés pour le réveillon. Personne pour vous interroger de trop près sur l'identité du prisonnier que vous avez ramené. Vous avez des amis, un gardien, un agent. Ils ont accepté de vous couvrir. C'est pour ça que vous êtes allé manger à midi et que vous n'avez pas continuer l'interrogatoire. Pour ne pas éveiller les soupçons. C'est pour ça que vous n'enregistrez pas. Pour ne pas laisser de trace.

Cela dit, aussi excellents que soient vos amis, il y a des règles qu'ils ne seront pas prêts à enfreindre pour vous. Quand un prisonnier tente de se suicider, il faut remplir un rapport. Ce rapport avec mon nom est déjà passé dans de nombreuses mains, à l'heure qu'il est. Certaines personnes n'y ont pas fait attention. Mais d'autres personnes, qui sont sur la même enquête que vous, seront très intéressées de savoir que vous me détenez ici. Demain matin, on viendra me chercher dans ma cellule. Mais ce ne sera pas de votre part.

Maintenant, Inspecteur Harold, je vais vous dire deux ou trois autres choses. Parce que ces personnes que vous n'appréciez pas, je n'ai pas de raison non plus de les apprécier. J'ai conçu le Silence. C'était une commande. Une commande qu'on ne me laissait pas le choix d'honorer ou non. Les moyens de pression sont très efficaces. La commande venait de l'armée britannique. Je suppose que l'armée n'est pas pressée que tout le monde sache la manière dont l'une de ses armes chimiques est arrivé dans les mains d'un présumé terroriste. Il y a de grandes chances qu'ils aient une taupe. C'est pour ça qu'ils vous ont enlevé l'affaire. Pour enquêter eux-mêmes. Et trouver leur taupe.

Je suppose que vous vous battez pour la justice, Inspecteur Harold. Je n'ai pas grand-chose à vous offrir. Les noms de membres de l'armée ne m'ont pas été divulgués, vous vous en doutez. Mais si vous cherchez un ancien colonel de l'artillerie blessé au bras droit et qui a passé un temps considérable dans les Tropiques, vous devriez être sur une piste. »


Il avait fourni un effort considérable pour parler aussi longtemps, et ce ne fut qu'en s'approchant tout près de lui que l'inspecteur parvint à entendre les dernières phrases qu'il avait prononcées. Le lendemain matin, deux hommes vinrent chercher Koji dans sa cellule. Ils lui firent prendre une douche. Sommaire. Glacée. Lui redonnèrent ses affaires, ses vêtements de ville. Descendirent avec lui jusqu'au parking. Ils montèrent dans une camionnette.

Koji n'avait pas dormi non plus cette nuit-là. Il se sentait presque incapable de parler. De bouger. Le sang battait dans ses poignets, et il avait l'impression se sentir encore l'eau glacée couler sur son corps, l'eau glacée jusqu'au fond de lui. La camionnette roulait à vive allure dans les rues de Londres. D'ordinaire, il eût pu tracer mentalement le chemin qu'elle empruntait, mais c'était au-dessus de ses forces. Il avait l'impression que garder les yeux ouverts était au-dessus de ses forces.


« Avez-vous donné la formule du Silence à Sejid ?
- Non.
- L'avez-vous donnée à quelqu'un d'autre ?
- ...non...
- Savez-vous qui... »


L'homme fut obligé de s'interrompre. Koji était en train de s'endormir. Ou de s'évanouir. Ce qui ne faisait plus, dans son état, beaucoup de différence. L'homme lui décocha une gifle magistrale, et la douleur extirpa un peu le jeune homme de sa torpeur.

« Ashton. Savez-vous qui a donné la formule du Silence à Sejid ?
- ...non... »


Le deuxième homme frappa deux coups contre la paroi de la camionnette, pour que le chauffeur s'arrêta, et Koji sentit qu'on le soulevait, qu'on ouvrait la porte et qu'on le jetait dehors. La douleur de son corps heurtant le béton lui permit de rassembler un peu de ses esprits, et d'observer le véhicule qui se dégageait de la ruelle déserte dans laquelle il l'avait abandonné.

Il n'était pas sûr de s'être relevé tout de suite. Mais finalement, il avait trouvé assez de force pour tituber jusqu'à la rue principale. Jusqu'à la cabine téléphonique, après avoir jeté un coup d'œil à la plaque. Insérer une pièce trouvée au fond de son blouson, composer le numéro de Virginie, et murmurer dans le combiné.


« C'est moi... La cabine... Sur Baker Street. »

Il raccrocha le combiné, avant de se laisser glisser lentement jusqu'au sol de la cabine. Les passants dans la rue jetaient des regards désapprobateurs sur ce corps avachi, piètre image d'une jeunesse débauchée, et une femme murmurait à son époux qu'il était bien triste, vraiment, de constater l'état des jeunes gens après une soirée trop arrosée.
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Virginie Parish

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MessageSujet: Re: [RP] Koji Ashton, enfin majeur ! [RP] Koji Ashton, enfin majeur ! EmptySam 17 Avr 2010 - 15:15

Dimanche 31 décembre 2051, 18h07

Dans un des canapés de la salle de repos, la jeune mutante était entrain de composer des guirlandes de papier. Ses doigts vifs créaient sans fin ces colorées décoration avec un petit air détendu. Elles étaient pour la fête, qui se déroulerait dans la salle d’entrainement. Plusieurs élèves avaient proposés l’idée et les adultes n’avaient pas opposé trop de résistance. Difficile de dire non à une jeunesse obligée de passer son nouvel an entre quatre murs.

Depuis la fin du déjeuner les silhouettes tourbillonnaient partout dans la bâtisse. A la recherche des spots, des musiques, des verres en plastiques... Plusieurs fois Virginie avait proposé son aide pour des préparatifs dans le cadre scolaire. Le bal du lycée restant son souvenir le plus marqué. C’est qu’elle devenait une charmante petite main pour ce genre de projet collectif. Son attrait pour les jolies choses et la joie collective en faisait une collette volontaire. D’ailleurs voir un lieu devenir la scène de l’amusement était son seul salaire. (Salaire bienvenu dans son emploi du temps contre nature.)

Ceci dit il n’y avait jamais eu cette effervescence un peu féérique. Jamais ces apparitions dignes du voyage d’Ulysse. En effet la diminution des effectifs laissait une liberté toute nouvelle au pensionnaire. Les mutations, qu’on essayait d’ordinaire de contrôlées, éclataient à la lumière de cette fin de journée. Léa viendrait la rejoindre dans quelques heures. June étant partie depuis une semaine Virginie l’invitait le plus souvent possible. Lui présenter l’Institut était un choix tout à fait culoté. Un choix conscient et serein ceci dit. Sa jeune cadette était aussi ouverte d’esprit que leur amie en commun. Qualité, qu’elle espérait chez d’autres individus, sans oser les mettre à l’épreuve encore.

Alors voilà pour une soirée Virginie était en vacance et cette perspective la détendait plus qu’une matinée de yoga. Elle avait promis à Olga de lui ramener des petits commis pour l’installation du buffet. Artie était donc réquisitionné d’office dans l’esprit de la complice. Peut être même son camarade de chambre si le cœur y était. Koji serait-il seulement là ce soir ? Il avait été si étrange hier. Son anniversaire viendrait avec l’aube et le champagne. Virginie comptait bien le lui fêter à sa digne mesure ! Un coup d’œil à sa droite tira à ses lèvres un sourire de gamine. Le cuire beige était introuvable sous ses dizaines de guirlande.



**

Lundi en milieu d’après midi…

Pour chasser cette humeur chagrinée, qui semblait vouloir prendre le pouvoir, Virginie sortit dans le parc. Depuis quelques jours, l’idée d’improviser le lac en patinoire saisonnière la titillait. C’était toujours mieux, que de commencer la paperasse, qui de toute façon ne finissait jamais. Ou bien de commencer ses devoirs de début de trimestre. Ou bien encore cette recherche sur l’un des actionnaires de la centrale nucléaire en construction. Vingt quatre de pas non plus un grand crime, n’est ce pas ? Elle attendait toujours Koji, qui n’était nulle part apparemment. Il n’allait pas être aux abonnés absents pour ses dix-huit ans !

Un peu plus et elle aurait dit oui à ce petit tour au centre commercial avec David. Ce n’est pas tous les jours qu’un passionné de danse vous propose de trouver de nouvelles ballerines. Mais c’est encore plus rare de pouvoir fêter un ami véritable. C’est donc sans aucun regret que Virginie enfila le premier patin. Madame Hara voudrait peut être participé à l’expérience qui sait. Elle voyait déjà des camarades, qui avec un air enjoué, filaient chercher leur propre paire. Virginie avait-elle conscience que son dynamisme transformait de temps en temps les évènements ? Elle commençait à l’entrevoir et au lieu d’en rougir elle eut un sursaut de fierté. Bien vite calmé par une réalité jouer sur la glace n’était pas un grand pas pour l’humanité. Peut être ce dit un sympathique pas pour leur petite communauté. Quoi qu’il manquait quelques personnes…


**

Mercredi matin très tôt…

Elle venait de finir son compte rendu sur la dernière réunion de service. La « lib corps » ne s’offrait pas plus de divertissement que ne l’exigeait le minimum syndical. Le bilan de l’année et les objectifs de celle qui commençait, dynamisaient toute la structure. Cela signifiait aussi que son voyage attendrait encore. Mais pour le moment son esprit était préoccupé par autre chose. Virginie était distraite dans ce qu’elle faisait. Koji n’avait pas répondu à son message. Koji disparaissait parfois, mais Koji faisait toujours en sorte qu’elle ne s’inquiète pas. Elle refermait son portable avec un soupire. Quelle heure étai- il ? Une douche et elle pourrait ensuite profiter du petit déjeuner.

Virginie avait été la première à choisir ses fruits et ses céréales. Samarah l’avait croisé sans un mot. Elles avaient comprit toutes les deux qu’elles avaient les mêmes horaires, autrement dit aucun. La salle s’était doucement remplit. Les visages de ceux qui finalement devenaient des habitués. La jeune mutante les connaissaient tous maintenant. Elle pouvait au moins dire leur patronyme, leur pouvoir, et leur particularités sans hésitation aucune. Ce qui ne chassait en rien sa discrétion de toujours. Elle avait emprunté le journal du matin au moment ou le facteur déposait le courrier. Assisse prés de la grande fenêtre elle pouvait se distraire à loisir du changement de couleur du ciel.

Il y a un changement auquel elle ne s’était certes pas attendue. C’était de voir Mathilde arriver dans son champ de vision et s’assoir juste devant elle. Comme les autres élèves la petite journaliste savait les informations les plus factuelles. Elle savait aussi que cette superbe jeune fille était une connaissance de Koji. Sans savoir où se plaçait exactement leur relation. Puisqu’elle ne montrait jamais de curiosité déplacée qui eu put lui permettre d’en savoir un peu plus. Son regard bleu s’arrêta sur ces prunelles vertes avant que l’intimidation la fasse sourire poliment.

-« Bonjour »

La pomme attirait parfois son regard sans qu’elle le veuille. Son interlocutrice avait un air nerveux qui éveilla le mauvais pressentiment de Virginie. Etait-ce Koji ? Elle ne voyait que lui pour inciter cette camarade à l’approcher si frontalement. Que se passait-il ? Tiens, mais pourquoi refusait-elle de dire un peu plus de chose sur elle ? La blondinette était sincèrement curieuse, toujours un peu déstabilisée, mais curieuse. En dehors même du fait de son lien avec un ami, Mathilde, avait l’air intéressant. Ne serait-ce que cet accent que l’anglaise avait reconnu méritait un peu de prise de risque. Ceci dit la dernière remarque la coupa nette dans son élan.

C’était une critique que Virginie n’avait jamais entendu à son encontre. « Ne pas la manquer » elle qui fuyait le regard de tous. Du moins le croyait-elle. Elle qui passait son temps entre deux mondes. Mathilde déclenchait un ouragan intérieur aussi neuf qu’il était incroyable. Un phénomène bien vite mit de côté étant donné leur souci commun. Au regard sauvage elle opposa son regard d’océan plein de considération et de respect. « Il » s’était bien Koji. L’enveloppe s’était ce qu’il avait préparé. Elle y jeta un simple coup d’œil sans oser approcher sa propre main. Ce genre de stratagème ne lui inspirait rien de bon.

-« D’accord. Tu crois qu’il a des ennuis ? Merci de l’avoir fait… »

La suite du discours de la messagère la laissait en suspend. Virginie n’avait jamais osé faire de recherche sur la vie de Koji. Elle l’aimait trop pour envisager un pareil espionnage. Pourtant les propos qu’elle écoutait lui faisaient regretter sa belle morale ce matin. Elle hochait la tête à la présentation de la situation. Il y avait un dossier sur tous les inscrits de l’Institut à l’association. Koji plus étrange qu’à son habitude. Et son visage devint petit à petit le reflet de ses réflexions. Elle ne releva même pas le sous-entendu (peut être involontaire) de son informatrice. Excepté lorsqu’il mit en doute le comportement qu’elle put avoir concernant ce jeune homme. Une autre se serait peut être vexée. Virginie toute humble qu’elle était chercha seulement à rassurer cette alliée de circonstance. Du moins était-ce qu’elle aurait voulu faire. Mais Mathilde était une digne compétitrice de la rapidité.

Elle regarda pendant trois secondes la silhouette de Mathilde partir. Avant que l’enveloppe l’appela pour de bon. Au fur et à mesure de la lecture son intuition lui hurla le danger. Son cœur manquait plusieurs battements. Aujourd’hui. Son portable était déjà dans sa main. Non rien. Il s’excusait de lui demander de l’aide. Koji avait besoin d’aide cette information brillait dans ses pensées. Déjà le reste du monde disparaissait. Pendant une minute elle regarda la seconde feuille sans la déplier. Devait-elle vraiment attendre minuit ? Impossible. Toute respectueuse que Virginie fusse des volontés du disparu elle était maintenant réellement folle d’angoisse.

Seconde missive tout aussi riche de surprise. Il avait deviné qu’elle travaillait pour la cause mutant. Tant mieux. Il avait aussi comprit qu’elle n’attendrait pas son appel sans réagir. Tant mieux aussi, pour eux deux. Parce que rester assisse en attendant une sonnerie l’aurait rendue complètement folle. Il la connaissait. Une bonne chose pour la suite de toute cette histoire. Elle pensait déjà à quelques pistes. Qui était de service ce matin là bas ? Celle qu’il lui proposait été un premier point de départ. Au bout du compte elle allait rencontrer le voleur de cœur. Mais…

Un autre garçon. Gaël, ce jeune garçon aux cheveux blanc ? Lui et Koji. Dans tout ce drame cette nouvelle arriva à impulser un peu de joie chez la jeune fille. Williams avait donc définitives débarrasser le planché de la vie affective de son ami. Une bonne chose ! Dire qu’elle en apprenait plus sur lui en ces quelques lignes qu’en ces derniers temps. Soit. Elle abandonna là la fin de son repas. Koji était peut être bien le seul à pouvoir déclencher un tel comportement. Déjà elle filait vers le feu le plus proche au salon. Jessica n’eut pas le droit à la moindre attention de Virginie non plus.

Dans le couloir sa main vola vers le téléphone qu’elle n’utilisait que dans certains cas. Bien sûr la messagerie lui indiqua la démarche à suivre.

-« Jimmy, bonjour, c’est Virginie. J’espère que tu vas bien. Je sais que ça fais un moment. Jimmy, j’aurais besoin de ton aide. C’est important. Vraiment important. Est-ce que tu pourrais repérer ce numéro … Son propriétaire s’est perdu. »

Bien maintenant il fallait trouver cette toile. Mais avant…

-« Claudia, bonjour c’est Virginie, »
-« Bonjour miss, matinale comme toujours. Dis-moi tout.
-« J’aurais besoin d’un dossier. On lance une nouvelle étude la semaine prochaine. Il faut que je termine les profils types pour demain. »
-« D’accord. Lesquels »
-« Deux échantillons masculins, adolescents, étudiants, mutants : Koji Asthon et Gaël Calafel. »
-« D’accord je te prépare ça. Il n’y a personne ici. Tu l’auras avant 11h30. »
-« Merci Claudia c’est parfait. »
-« Mais de rien miss. Ho, et passe la bonne année à June pour moi s’il te plaît. »


Oui elle avait mentit. Oui elle l’avait fait sans ciller. Et bon dieu oui elle continuerait si nécessaire. Les papiers brûlés. Elle fila vers la source d’information indispensable. Ca y était le panneau. Son regard fila jusqu’à la lettre C. 223. A peine le temps d’une inspiration et les escaliers furent pris d’assaut.


8h22

Sa main toqua sans retenue contre la porte. Il ne fallait pas non plus réveiller tout l’étage. Elle s’obligea donc au silence. Dans sa robe d’hiver et ses collants blanc elle faisait surement honneur aux lutins des contes de noël. Quoi que son air hagard l’amenait plus vers une version des frères Grimm. Elle était entrain d’espérer l’apparition d’un inconnu. Etai-elle donc possédée ? Peut être que lui saurait quelque chose sur Koji. Après tout…


9h19

La voiture filait conduite avec avec des gestes nerveux et trop précis. C’était vers la demeure du peintre de malheur. La circulation était fluide en ce froid matin. Gaël était embarqué dans l’enquête. Virginie se moquait des bonnes manières pour une fois. Il n’y avait pas de temps à perdre. Pour la centième fois elle vérifia son cellulaire. Rien. Elle allait affronter la structure qu’elle n’aurait jamais envisagée de chercher avant aujourd’hui. Elle espérait surtout que l’ancien amant ne leur compliquait pas les choses. Car à vrai dire Virginie devenait une vraie boule de nerf. Ce qui ne la rendait pas aussi patiente que d’habitude. Quand les enjeux étaient aussi grands une part d’elle se livrait enfin au regard. Celle qui l’aurait peut être aidée à grandir plus vite, si seulement elle l’avait voulu. Monsieur Forstner n’avait pas intérêt à la contrariée un peu plus.

Le portable numéro deux sonna sans prévenir. Elle faillit lâcher le volant. Ce n’était pas Jimmy, c’était Claudia. Virginie inspira à fond en allant sur le bas côté. Si sa collègue prenait la peine de la contacter de cette manière. Ne pas se faire d’idée avant de savoir sinon tu vas mourir d’angoisse. Ne pas laisser ses mains trembler. Si ça se trouve…. Elle écouta.

-« Virginie j’allais te les envoyer. Mais il y a une info qui peut, peut être changé la donne. Le premier nom. Il y a un rapport qui est passé il a moins de vingt quatre heures. Une tentative de suicide. »
-« On sait à quel hôpital il se trouve ?»
-« Aucun il est au bureau de Scotland Yard. On a l’adresse. Je te la donne ? »
-« Je ne pense pas que je pourrais y aller. Mais a mon avis ça va déboucher sur un dossier. Donc dis toujours. »
-« Le reste est sur son adresse mail. Bonne journée la belle. »
-« Oui… merci Claudia. A toi aussi. On se voit vendredi. »

Son regard bleu regarda la route qui les attendait. Pourquoi Koji aurait-il était arrêté ? Mais surtout qu’avait-il subit pour en arriver à … « cela » ? Tant de question.

-« Changement de plan. On va… »

Son téléphone. Son geste avait été aussi rapide que son cœur. Lui. Sa voix…, que lui avait-on fait. Au soulagement persistait une inquiétude. Elle hocha la tête comme s’il avait été face à elle. Ses muscles ne se détendaient toujours pas. Il y avait tant de mots qui lui venaient, trop. Aux bords des larmes s’en sans rendre compte. Sa voix chargée d’émotion lui promis la seule chose qu’il avait demandé.

-« On arrive. Ne bouge pas. 10 minutes maximum. »

Déjà le moteur vrombissait. Inutile de dire que le code de la route était le dernier de ses soucis ! Virginie ne craignait rien. Exception faite de la souffrance des autres. Elle était trop préoccupée pour penser à partager tout. Les hypothèses les plus folles étaient entrain de la noyer. Elle ne voyait plus les choses. Dans un crissement l’annonça tomba :

-« Baker street. »

**

Courir c’est un faible mot pour la décrire. Sa voiture était en plein milieu de la chaussée. Ouverte. Il n’y avait rien à espérer d’elle en cet instant. C’était aussi futile que d’attendre la clémence d’une tornade. On pouvait la menacer de mourir sur place peu importe. La cabine. Elle s’agenouilla à même le sol, ou plutôt elle se laissa tomber. Jamais son corps n’avait accepté si facilement d’envahir l’espace de l’autre. Elle était encore plus indifférente à ce qui aurait dû déranger une adolescente.

Il était bien là. Son regard l’embrassa tout entier. Tandis que d’instinct qu’une main lui caressa le visage avec un soulagement. C’était irréfléchi et nourrit de ce sentiment, si pur qu’il vous contrôle. Elle le regarda dans les yeux. Même eux pour le moment ne posaient aucune question. Les bandages elle les vit tout de suite, ainsi que son épuisement. Mais elle ne réfléchissait à rien d’autre qu’à Koji ici et maintenant. La haine farouche s’allumait dans son ventre, elle la couva. Que jamais elle ne croise cet inspecteur.

-« Je vais t’aider à te lever. Gaël et avec moi. On te ramène à la maison. Tu es en sécurité. C’est finit Koji. On va prendre soin de toi. Tu peux te laisser aller. »
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MessageSujet: Re: [RP] Koji Ashton, enfin majeur ! [RP] Koji Ashton, enfin majeur ! EmptyLun 19 Avr 2010 - 6:02

Gaël fronça les sourcils, puis jeta un oeil à son réveil. Qui donc pouvait avoir l'audace de frapper à sa porte un jeudi matin à huit heures vingt-deux minutes et trente-quatre secondes ? De plus les battements avaient été rapides, peu espacés. Impératifs. Tout cela ne présageait rien de bon. Il se dépêcha d'engloutir la dernière bouchée de sa gaufre et se dirigea vers la porte, malgré son mauvais pressentiment.

Lorsqu'il ouvrit la porte, il se retrouva face à... euh... zut. Quelqu'un qu'il connaissait de vue en tout cas. Virginie, c'est cela, Virginie. Ah, et elle avait l'air sérieuse. Aïe. Il prit instantanément son air le plus innocent.


"Un problème ?"

**

Gaël fronça les sourcils, puis jeta un oeil à sa montre. Il avait appris trois choses importantes aujourd'hui. Premièrement on était Mercredi et pas Jeudi. Deuxièmement Koji avait des ennuis. Troisièmement, sa vie était en danger.
Il survola d'un regard négligent le paysage, la route, les voitures qui klaxonnaient. Virginie devait avoir une préférence marquée pour la conduite risquée, et il avait le sentiment que lui en parler ne résoudrait pas le problème. Suivant.
Koji avait des ennuis. Mais aucune indication sur quoi que ce soit. Inutile donc de partir en moult hypothèses pessimistes. Suivant.
On était Mercredi. Voilà un sujet tout à fait passionnant. Il vivait donc son deuxième Mercredi consécutif. C'était fâcheux. Surtout que dans le Mercredi précédent, il avait fait tous ses devoirs à rendre pour le mois de Janvier.
Gaël mit quelques secondes à se rendre compte de l'absurdité de ce fait. Il comprit dans un soudain éclair de lucidité qu'il avait simplement fait un rêve très réaliste ayant revêtu les apparences d'un Mercredi à peu près ordinaire (et à peu près fantasmé, à la réflexion Gaël ne se souvenait que d'avoir fini ses devoirs, pas de les avoir
faits). Problème résolu. Suivant.
Rien. S'il ne voulait pas commencer à s'inquiéter du sort de Koji ou du sien propre, il fallait qu'il trouve rapidement matière à cogiter.

D'ailleurs, il risquait fort de ne plus pouvoir cogiter longtemps si sa folle de voisine continuait à conduire de cette manière. Surtout qu'il se trouvait à la « place du mort », celle qui a statistiquement le plus de chance de vous envoyer à la morgue. A propos, ce qui était (à peu près) sûr c'était que Koji, lui, ne l'était pas, mort. Les morts n'appellent pas au téléphone. Virginie avait laissé échapper un nom de rue, « Baker Street ». Ce nom disait quelque chose à Gaël sans qu'il put tout à fait mettre le doigt dessus. Tant pis.

Il reporta son attention sur sa voisine. Il n'arrivait pas à décider si elle était téméraire ou au bord des larmes. Un savant mélange des deux, sans doute. Au bout d'un certain temps, il se décida enfin à ouvrir la bouche.


"Même s'il ne va pas forcément très bien, il est sauf. C'est le principal."

**

Finalement, se préoccuper de sa survie aurait probablement été une judicieuse idée. Heureusement que d'autres y avaient pensé à sa place. L'airbag était toujours aussi efficace.
Son ouïe endommagée par le choc perçu vaguement un bruit de course. Virginie était sortie de l'habitacle. Gaël tâtonna pour décrocher sa ceinture, puis rassembla ce qui lui restait de courage pour se faufiler à l'extérieur de la voiture. Il eut envie de vomir, mais réussit à se contenir. Un regard circulaire lui apprit que l'accident n'était pas passé inaperçu. D'ailleurs quelqu'un gueulait. Fort.
Doigt d'honneur. On emmerde pas quelqu'un qui sort d'un accident, surtout quand ce quelqu'un a très mal. Le fait que l'« emmerdeur » était en train de proposer de l'aide n'effleura pas l'esprit de Gaël.

Il se dirigea le plus rapidement possible vers l'endroit où il avait aperçu Virginie partir, avant d'être la cible de plus de regards indiscrets ameutés par le bruit de l'accident.

Il la trouva agenouillée. Elle parlait. Il la contourna, pour se retrouver face à Koji. Facile de voir qu'il n'allait pas bien. Plus difficile d'en déterminer la cause. Il avait des bandages aux poignets, ce qui évoqua immédiatement à Gaël une tentative de suicide. Sauf que ces bandages n'avaient pas été faits à la va-vite. Quel hôpital aurait soigné son patient pour l'abandonner en pleine rue ?

Il lui prit le poignet et déplaça les bandages. Son pouls était faible, mais régulier. Il mit son autre main juste devant ses narines. Il respirait.


"Il s'en remettra, mais on devrait se dépêcher de le mettre en lieu sûr. Et d'appeler un médecin."

Il lui serra une fois la main.

*Tiens bon.*
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MessageSujet: Re: [RP] Koji Ashton, enfin majeur ! [RP] Koji Ashton, enfin majeur ! EmptyLun 19 Avr 2010 - 12:29

Les gens passaient dans la rue, et, de temps à autre, quand il avait assez de force, ou quand un courant hivernal passait par les interstices de la cabine téléphonique et le tirait de sa torpeur, Koji ouvrait les yeux, et pendant quelques secondes, il observait les passants aller et venir, il les observait sans rien en penser, il les observait qui ne l'observaient pas, qui passaient près de lui sans faire semblant de le voir, évitant soigneusement de le regarder, de peur sans doute que sortant soudainement de son coma éthylique, il vint les agresser.

C'était une sensation, malgré tout, agréable. D'être transparent, inexistant pour quelques minutes, sans personne pour poser des questions, personne pour rien demander. De ne rien penser, de juste regarder les gens aller et venir, de ne pas avoir la force de remuer un muscle, si ce n'était ceux des paupières, d'être là, simplement, comme une pierre, comme un rocher malléable, à peine humain et à peine vivant, plein seulement d'une immense fatigue, qui appelait un repos éternel.

La tentation était grande pour lui. Tant d'années vécues qui lui semblaient des siècles. Tant de mondes dans lesquels il s'était perdus, parce qu'il avait eu le malheur de les imaginer, une seule fois, et depuis ils étaient demeurés dans son esprit, gravitant les uns autour des autres, emmêlant inextricablement leurs orbites, et lui au milieu, qui ne savait pas toujours lequel était le bon, le sien, celui dans lequel il était censé vivre, et se retrouver lui-même.

Il voyait son reflet dans la vitre de la cabine, en face de lui, il apercevait à moitié son visage pâle et fatigué, ses yeux noirs, exténués, vidés de leur lumière, et il avait peine à se reconnaître – comme d'habitude. Tant d'esprits parcouraient le sien, tant de biographies qu'il pouvait reconstituer, qu'il n'était plus sûr de ce qui lui appartenait en propre. Sauf à cet instant précis où le silence se faisait, où il savait précisément ce qu'il était : un corps presque mort dans une cabine téléphonique.

Toute sa vie – comme cela lui semblait long – il avait senti son être, son identité, s'enfuir, se diluer dans la masse immense, liquide, ondoyante des autres entités qu'il avait formées, découvertes ou rencontrées, et désespérément, il avait essayé de combler le vide ; essayé de forcer des gens à le regarder, comme William ou Tahar Séjid, à poser leurs yeux sur lui, et à lui dire : Bonjour, Koji ; Koji, je t'aime. Dans ces paroles qu'ils lui adressaient, dans ses yeux qu'ils posaient sur lui, il voyait son visage se refléter, il avait l'impression d'exister, d'être au moins un peu celui dont il portait le nom, et cela le rassurait.

Mais maintenant, tous les fils lui échappaient des mains. Il avait l'impression de ne plus pouvoir serrer les doigts, l'impression d'avoir des membres de marbre, et ni la force, ni la volonté de se débattre. Il songeait simplement à toute son existence, à toute son intelligence jetée dans la découverte de choses, sans toujours le vouloir ; à ces gens qui venaient lui demander des services, qui parfois les exigeaient. A des objets et des substances qu'il avait créées, et il avait l'impression d'avoir les mains sales, lourdes de beaucoup de cadavres.

Et peut-être était-ce excessif. Peut-être fallait-il mieux calculer, et tout cela n'était-il pas si terrible. Mais il était las de former des hypothèses. La fatigue insidieuse, délicieuse, lui faisait trouver de la saveur à son défaitisme. Il songeait que s'il fermait juste un peu plus longtemps ses paupières, peut-être qu'elles ne s'ouvriraient plus, et qu'enfin, longtemps, longtemps, pour l'éternité, il serait au calme, sans plus rien à réfléchir, sans être du sable éparpillé au vent, et que personne ne regardait jamais.

Il entendait les voitures dans la rue, qui roulaient sur la route, qui roulaient sur le bitume, les pas des passants, et pour la première fois depuis quelques semaines, il ne distinguait plus les sons les uns des autres. Son esprit avait cessé de tout observer, de tout disséquer et de tout déduire dans un instant. Le monde était soudainement moins riche, moins peuplé et moins attrayant. Ce n'était pas grand-chose qu'il abandonnait : un monde de magma, avec un sourd vrombissement.

Ne se présentaient plus dans sa mémoire que les dernières semaines qu'il avait vécues ; c'était les souvenirs qui surnageaient, les derniers morceaux de bois presque mort au large, et que le courant éloigne de la rive. Il se souvenait de l'Institut, de sa chambre et de Virginie. Il se souvenait de Gaël, des regards qu'il posait sur lui – et n'était-ce pas lui qui en effet s'y reflétait ? C'était la première fois qu'on l'avait regardé comme cela, qu'un regard ne l'avait pas fait se sentir trop vieux. C'était la première fois que quelqu'un lui faisait de vrais compliments innocents.

Sans doute ce serait difficile, très difficile d'abandonner cela. Ce n'était pas rien : une amie véritable, et Gaël. Virginie, Virginie : elle avait sauté dans sa voiture, il en était presque sûre, elle avait démarré et conduit follement, sans regarder ni les panneaux ni les gens, pour venir le secourir. Pour elle il était encore aussi un adolescent, encore une petite chose qui ne savait pas tout et ne pouvait pas tout faire, quelque chose à protéger – depuis des années personne n'avait fait cela pour lui.

Koji poussa un soupir un peu contrarié. Tout cela méritait bien quelques efforts – mais comme il se serait volontiers reposé ! Il chercha au fond de lui, raclant ses veines, son cœur et ses poumons, de quoi remuer un peu son esprit et son corps, garder les yeux ouverts, recommencer à penser. C'était terrible, parce que ce n'était pas si difficile que cela, et il comprit que ce qui lui avait d'abord manqué, quand il avait senti cette grande fatigue, cela avait été moins les forces, que la seule et simple volonté.

Il distinguait les sons à présent. Il entendait arriver une voiture qui roulait plus vite que les autres. Il reconnaissait le bruit du moteur. C'était la voiture de Virginie. Elle était venue. Tout finalement s'était déroulé aussi bien qu'il pouvait l'espérer – compte tenu des circonstances. Son plan avait fonctionné. La victoire résonnait faiblement dans son esprit. Virginie le ramènerait à l'Institut, il se reposerait, et personne n'en saurait rien. Pas même Gaël.

Il sentit la main de la jeune femme sur son visage, et lentement, il posa ses yeux sur elle, il esquissa un sourire, léger, pâle, fatigué – un sourire. Mais quelque chose rentra dans son champ de vision qui manqua de l'achever – non d'une lente et longue fatigue, mais d'un soudain arrêt cardiaque. C'était les cheveux blancs de Gaël. Mais pourquoi diable l'avait-elle amenée ? Ce qui ne l'empêcha pas de serrer la main du jeune homme dans la sienne.


« ...salut... et bonne année, hein... »

Il n'était pas tout à fait sûr que sa voix fût audible, ni que le sourire amusé qu'il avait tenté de joindre à sa pitoyable plaisanterie se fût tout à fait perçu sur son visage. Il se redressa péniblement, pour s'asseoir dos contre la vitre de la cabine. Son corps se réveillait, un peu. Son esprit se remettait en route. Ils sentaient à nouveau la fatigue véritable, la douleur à ses poignets, l'angoisse des derniers jours. C'était la vie qui reprenait son cours pour Koji.

Il passa une main dans ses cheveux encore mouillés par la douche glaciale du matin, serrant toujours de l'autre celle de Gaël. D'ordinaire il eût fait plus attention. Mais ce jour-là, il n'avait pas le courage de ne pas chercher le réconfort, et de le fuir surtout quand on le lui offrait. Et cependant, son regard, pour une fois, évitait soigneusement celui de son ami. Trop de choses à expliquer – et il avait honte : du sang sur ses mains, le sien, et celui des autres.

Koji secoua légèrement la tête, avant de grimacer – il avait l'impression que son cerveau heurtait les parois de son crâne. Reposer lentement la tête contre la vitre de la cabine.


« Pas de médecin. Pas d'hôpital. Pas d'étranger. »

Ses yeux avaient trouvé le chemin de ceux de Virginie, et ils s'y ancraient tant pour la persuader, que pour n'être pas tentés de dériver vers ceux de Gaël. Virginie pardonnerait. De cela il était sûr. Virginie comprenait toujours. Et puis, il avait compris que c'était elle qui décidait, dans l'étrange duo qui était venu de secourir – et déjà son esprit s'amusait à imaginer Gaël tiré du lit par la jeune femme autoritaire, embarqué de force dans l'automobile, et s'accrochant désespérément dans les virages un peu serrés.

« A l'Institut, dans ma chambre. Il y a tout ce qu'il faut. Mais... »

Il détourna le regard un moment, pour jeter un coup d'oeil à la voiture, analyser le trafic, faire quelques hypothèses. Nouvelle grimace. Penser, c'était comme malaxer son cerveau avec des ongles de fer. Il serrait les dents, les larmes aux yeux, et en songeant à l'image déplorable qu'il offrait de lui à Gaël (car après tout, c'était tout ce qui comptait).

« Faut... »

Cette fois-ci, les ongles s'étaient enfoncés un peu trop profondément dans sa matière grise pour qu'il pût retenir un grognement de douleur. Alors, comme un informaticien qui menace l'ordinateur qui refuse de fonctionner, Koji envoya un léger coup de poing contre la vitre à côté de lui.

« Putain... »

D'un revers de manche quasi enfantin, il essuya les quelques larmes qui avaient commencé à couler sur son visage, avant de respirer profondément, et d'articuler avec application, du fond de sa douleur.

« Faut qu'on parte. On est pas très discrets, là. J'préfère être discret. Faut qu'on parte. »

C'était que les gens qui avaient ignoré le corps seul, allongé dans la cabine, commençaient à prêter beaucoup plus d'attention à la voiture antique mal garée, à la jolie blonde agenouillée près du gisant, et à l'adolescent aux cheveux blancs qui l'accompagnaient. Il fallait bien reconnaître que leur petite troupe passait difficilement aperçue, et la dernière chose que Koji désirait, c'était qu'un groupe quelconque se mît dans la tête de venir le récupérer, pour lui demander à son tour ce qu'il avait fait du Silence, à qui il l'avait donné, s'il pouvait le refaire, ou quoique ce fût de la sorte.

Un sursaut de la douleur qui traversait son cerveau le conduisit à un nouveau grognement, et à serrer la main de Gaël beaucoup plus fort qu'il n'était nécessaire, pour retenir ses larmes. Finalement, ses doigts se relâchèrent, lentement, et les yeux qui avaient fait tant d'efforts pour ne pas rencontrer ceux du Maltais se tournèrent, timidement, pour rejoindre leurs semblables, qu'ils connaissaient si bien maintenant.


« Désolé, Gaël... »

Et il y avait dans sa voix plus de gravité qu'une simple excuse de lui avoir serré trop fort la main. Koji s'excusait de son état. De ses actions. De le voir embarqué dans un sauvetage. Pendant quelques secondes, malgré l'urgence qu'il avait soulignée, Koji resta à observer silencieusement les yeux de Gaël, avant d'être rappelé à la réalité par les murmures des passants qui s'attroupaient autour d'eux. Ses yeux firent, pour se détacher de ceux de son ami, un effort bien plus grand que celui d'abord consenti pour les éviter, et se reposèrent dans ceux de Virginie.

« J'suis pas sûr de pouvoir marcher... »
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Virginie Parish

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MessageSujet: Re: [RP] Koji Ashton, enfin majeur ! [RP] Koji Ashton, enfin majeur ! EmptyLun 19 Avr 2010 - 17:30

8h24

Ses yeux bleus le détaillèrent en quelques secondes. Ils étaient aussi rapides que les idées qui passaient dans son crâne. Il dormait. Il avait été réveillé. C’était les vacances… En d’autres circonstances, cela aurait fait culpabiliser la jeune fille. Elle aurait baissé les yeux en rougissant. Ils ne se connaissaient que de vue. Elle ne l’aurait même jamais approché. Virginie ne pouvait savoir, que ce camarade souffrait d’insomnie, et qu’il avait complètement charmé son ami le plus précieux.

Enfin… Ce n’était qu’un soupçon, un raisonnement logique. Mais elle ne savait strictement rien. Ce fût certainement la seule chose qui la freina un tant soit peu. Ce qui l’empêcha de noyer le jeune innocent sous sa panique. La raison s’accrochait encore un peu. Elle eut ce sourire d’excuse un peu gêné. Une réminiscence de celle qu’elle était en temps normal. Apparition au détour d’un battement cil. Puis son angoisse irradia de nouveau. Elle tenta d’avoir une voix claire, intelligible, de résumer. Il fallait qu’ils soient efficaces. Koji comptait sur elle. Koji…

-« C’est Koji. Il a des ennuis. Il faut le retrouver. Maintenant. Tu viens avec moi ? D’accord ? Il n’y a pas de temps à perdre. Il va appeler. Il va appeler, pour dire où il se trouve. Nous on va chercher La Toile, le tableau, comme ça peut être qu’on pourra le retrouver avant. Et puis peut être que ça l’aidera un peu. Tu viens. »

Ce n’était pas la meilleure manière de faire connaissance pour eux. Virginie était bien loin de son état normal. Tout en elle était exacerbé au possible. Un comportement qu’elle ne contrôlait plus. S’était proche de l’hystérie. Heureusement Virginie détestait les cris. Sans attendre que Gaël ne montre le moindre signe d’accord elle marcha dans le couloir. Pragmatique comme jamais. La porte de sa chambre s’ouvrit à la volée. Elle jeta un regard sur l’ensemble et fila jusqu’au lit. Janvier en matinée après trois jours on ne sait où. Elle attrapa le plaide en bout de lit. Ici elle n’avait aucun médicament ou matériel de soin. Pourquoi faire ? Ils le conduiraient directement à l’hôpital.

La jeune enquêtrice ne pouvait se douter, que l’un des dossiers qui veillait dans son ordinateur, était directement lié à toute cette affaire. Que depuis plusieurs jours elle aurait put anticiper ce drame. Si seulement certaines données n’avaient pas été dissimulées. Virginie s’intéressait de prêt à l’armée. De très prêt depuis que l’une de ses victimes l’avait convoquée. Alors même sans le nom, même sans concret, ce Silence avait été repéré. Oui repéré. Mais comment imaginer que lui…, lui, soit mêler à cela ?

Alors elle avançait déjà vers les escaliers, le hall, la cour, sa voiture. La main sur la poignée de porte elle lança un regard à son complice involontaire.

9h20

Les mains accrochées au volant elle hocha mécaniquement la tête. Oui. Gaël avait raison. Koji était en vie. Koji était vivant. Il avait une voix d’outre-tombe. Mais Koji était vivant. Qu’avait-il fait qui puisse motiver les services secrets à le poursuivre ? S’il avait rejoint un groupe pro-mutant, peu de chance que cela est put lui échapper ? Et puis Koji ne s’intéressait pas à tout ça… n’est-ce pas ? Alors quoi d’autre ? Il était intelligent… l’un de ses livres, peut être ? Mais non… Elle connaissait les titres, leurs sujets, non. Non. Koji avait essayé de se tailler les veines. Koji avait souffert pendant ces deux jours complets. Elle n’avait rien vu venir.

**

Virginie n’avait pas conscience que sa rapidité était insupportable pour une vielle voiture des années 60. Le bruit de l’airbag ne l’arrêta pas. Ni celui des passants devenus spectateurs. Qu’est-ce qu’un vieux morceau de ferraille ? Rien ! Elle était avec lui. Il arriva à sourire. Le fantôme du sourire qu’elle voyait souvent à son visage. Tout allait s’arranger. Oui. Ils l’avaient retrouvé et tout allait s’arranger. D’ailleurs Gaël l’avait déjà rejoint. Il prenait son pouls. Virginie éloignait déjà sa main. Les gestes ce n’était sans doute pas à elle de les faire à présent. La plaisanterie lui tira un sourire distrait. Elle était bien trop préoccupée par lui pour penser à rire.

Un coup d’œil sur la gauche lui indiqua les conséquences de son attitude. Qu’ils aillent au diable tous ! Voir Koji serrer les doigts de Gaël la rassura. Peut importe Gaël s’il lui donnait une raison de résister à l’inconscient. Une pensée tout à fait égoïste. Mais s’était Koji ! Il voulait se redresser. Elle resta là prête à l’aider à lui servir de canne, de roche, tout. Il avait l’air de souffrir encore. Gaël n’avait pas tort. Mieux valait quitter cette scène. Elle fût d’instinct d’accord avec le blessé. Alors au regard elle répondit d’un ton sérieux et pour une fois sans réplique :

-« On va à l’Institut. »

Il était d’accord. Bien. La chambre. Elle pourrait demander à June de prévenir le docteur qui la suivait depuis la grossesse. Ou bien à Samarah qui avait eu une consultation… Pour après. Il n’avait pas besoin de serrer les dents. Il avait mal. S’était si visible. Elle n’avait pas pensé aux cachets. Mais pourquoi n’avait-elle pas pensé aux cachets ! Il frappait la matière pour combattre le mal. Virginie ne pensait à rien d’autre qu’à l’aider.

-« Oui, on y va. »

Virginie comprenait certainement mieux que le futur amant l’urgence de cette situation. Elle connaissait bien trop les rouages du gouvernement pour hésiter sur la suite. Il fallait mettre Koji à l’abri. La jeune fille jaugea la distance. A peine quelques mètres. Elle remarqua l’airbag aussi et pesta. Ce « désolé » la demoiselle l’entendit sans le voir. Et son intonation lui donna un indice. Le sauvé se sentait coupable. Mais pourquoi ? Ce n’était pas le moment. La foule commençait à se regrouper. Elle détestait cela. Heureusement sa timidité était bien cachée. En se relavant lentement ses yeux les englobaient tous. Et avec une assurance, encore inconnue chez elle, elle lança :

-« Il va bien. Une soirée un peu mouvementée. Bonne journée. »

Ce « bonne journée » indiquait très clairement qu’il était inutile d’insister. Etonnant à qui côtoyait mademoiselle Parish au quotidien. Enfin dans l’un de ses quotidiens. Tout son engagement lui avait offert certaines capacités. Dont celle de raisonner avec un pragmatisme presque dénaturé en cas de besoin. Tout était trop risqué pour s’attarder à faire bonne mesure. Ses yeux sérieux retournèrent au blessé. Maintenant l’angoisse laissait la place à une lucidité toute neuve. Il regardait Gaël avec une force qui lui avoua tout. Au moins pour cela elle avait une réponse. Bien. Bien…

Cela elle l’avait deviné, que le corps faisait encore sa loi. Un regard vers Gaël sans un mot. Puis elle obtempéra avec la rapidité de celle qui obéit toujours. Virginie se baissa de nouveau. Ses yeux justifiaient calmement ce que ses gestes allaient faire. Ils demandaient la permission. Tout en sachant, que la réponse, ne comptait pas autant qu’à l’ordinaire. Il ne fallait pas les trahir en montrant d’autres choses étranges. Ho et puis m… Ils étaient entrain de s’éloigner. Le spectacle était terminé. La mutante se pencha et passa un bras derrière le dos de Koji. Un geste tout guidé par la douceur et l’efficacité. Avant de demander à l’ami maltait, de la voix concentrée d’une supérieure de circonstance. Il n’y avait pas à transiger. Sa solution était la plus rapide.

-« Je peux m’en occuper sans problème. Mais il faudrait que tu aille ouvrir la porte arrière droite. S’il te plait. Gaël »

Sur quoi elle glissa son autre bras sous les genoux de Koji. Il n’y avait aucune timidité dans ces mouvements. Il n’y avait pas non plus la moindre hésitation. Comme si la jeune fille savait comment faire depuis des lustres. Ce qui n’était pas faut. Et là sa voix murmura gentiment à son ami.

-« Accroche-toi. C’est juste le temps de t’amener. »

Lentement, pour ne pas le secouer, lentement Virginie se releva avec lui. C’était une image atypique. Telle la jeune fille qui porte le prince endormi. Telle une sœur qui réconforte l’enfant malmené. C’était à vrai dire l’expression la plus directe du lien qu’ils avaient développé. Il n’y avait aucune autre volonté que celle de sauver les forces qu’il était entrain de perdre. Les enjeux étaient si simples. Et elle traversa la rue. Ses pas étaient sûrs, lents, rythmés. C’était inouïe dans ce monde du concevable. Elle était la petite fée qui transporte l’âme vers son asile.

Koji assit sur la banquette arrière avec précaution. La porte fût refermée aux yeux de la rue. Enfin. D’un regard elle demanda à Gaël de rester prés de lui. Il pourrait agir si besoin. Koji avait besoin de sa présence à lui. Cela elle l’avait saisi. Elle, Virginie, regagnait la place du conducteur. Là aussi la portière claqua. La clé restée sur le contact. Elle jeta un coup d’œil dans le rétroviseur. Ils étaient bien installés. Le mieux possible, disons. En regardant la route et en redémarrant le moteur Virginie retrouva un peu d’elle-même.

-« Excuse-moi Gaël, de t’avoir malmené durant l’allée. Ce n’était pas volontaire. »

La vitesse passée. La voiture roula sur le chemin de l’Institut. Cette fois la conduite était plus raisonnable, sans être lente ceci dit. Plus vite ils seraient là bas et plus vite Koji pourrait être soulagé. La mutante ne parla plus. Il y avait trop de question. Il y avait beaucoup trop de pensée. Sa silhouette était encore tendue. Son dos donnait l’impression d’être une barre de fer. Il n’y avait ni radio, ni fenêtre ouverte. Elle se taisait de son plein gré. Il ne fallait pas l’étouffer. Ses yeux surveillaient leurs arrières de manière régulière. Pas de police.

Au bout de quelques minutes quand la ville était dans leurs dos. Son portable sonna. Le deuxième. Sa main droite vola donc vers la poche droite de sa robe. S’était un peu de son autre existence qui se dévoilait maintenant. A quoi bon le secret ? Koji avait deviné. Et Gaël n’était pas un idiot. Plus besoin d’aller dans un coin et de répondre à la va vite. Cinq mois s’était déjà pas mal. June aussi aurait une surprise en lisant ses sms au réveil. Elle serait rassurerée une fois rentré. La conductrice décrocha sans s’arrêter, parfaitement, maîtresse de l’appareil. Un sourire éclaira sa voix. Pouvoir dire que…

-« Merci Jimmy. Mais s’est bon. Plus de peur que de mal. A la prochaine. »

Dans ce nouveau silence la mutante laissait la boule d'inquiétude retrouvée des proportions acceptable.
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MessageSujet: Re: [RP] Koji Ashton, enfin majeur ! [RP] Koji Ashton, enfin majeur ! EmptyDim 25 Avr 2010 - 9:21

8h25

L'innocent jeune homme s'assit dans la voiture le cœur bien léger. Koji avait des ennuis et avait pensé à lui. Gaël s'en sentait véritablement flatté. Restait à savoir quel genre d'ennuis. Virginie ne semblait pas vraiment en savoir plus que lui sur la question. Elle avait mentionné un tableau, une toile, précisant que ça pourrait « l'aider un peu ».
En fait cette histoire était carrément louche. Ce qui était un moyen comme un autre de sortir de la monotonie ordinaire, pour Gaël. Cependant, Virginie avait l'air beaucoup moins calme que lorsqu'elle discutait avec les autres pensionnaires, ce qui lui laissait supposer qu'elle en savait un peu plus que ce qu'elle lui avait succinctement révélé.
Il décida de ne pas poser de question pour le moment. Il ne se sentait pas d'humeur curieuse ce matin, sachant bien qu'il aurait à un moment ou à un autre de la journée des réponses, et que le temps des questions n'était pas encore venu. De plus il était légèrement somnolent, sa « nuit » n'étant pas tout à fait terminée. Il s'assoupit très vite, bercé par le bruit du moteur.

**

Bruit de téléphone. Il cligna des yeux. Les ouvrit complètement. Combien de temps...? Montre. 9H19. Mercredi ? Comment ça, Mercredi ?

**

Et voilà où on en était. Des centaines de mots traversèrent l'esprit de Gaël en un instant. Que dire, que faire ?
Finalement, il ne dit rien. Il en était incapable. Les mots avaient perdu leur sens. Ils étaient devenus inaptes à exprimer une quelconque émotion. Il ne lui restait que des mots froids, des mots logiques. Et la logique détruisait l'instant, cet instant que Gaël, sans lui-même le savoir, ou plutôt le reconnaître, savourait de tout son être. Le premier depuis longtemps au cours duquel il éprouvait l'impression de tenir à quelqu'un.

La portière s'ouvrit sans difficulté. Il jaugea Virginie du regard, surpris par sa force. Elle avait soulevé Koji sans réelle difficulté, et le glissait à présent doucement dans l'habitacle. Gaël voulut lui proposer de l'aide, mais sa gorge se serra et il en fut incapable. Lorsqu'il croisa les yeux bleus, il fut surpris par la puissance du regard, la détermination qui les animait. Ils brillaient d'une flamme équivalente à ceux de Koji, mais de nature bien différente.

Il referma la portière. Sa tête se porta presque par instinct sur le paysage. La voiture démarra, les emportant vers un endroit plus calme et plus propice aux soins. Puis Virginie s'excusa. Tout le monde s'excusait envers lui, Gaël. Koji (vraisemblablement) pour l'avoir embarqué dans l'histoire, car ce ne pouvait qu'être lui, Virginie ne le connaissant pas assez pour cela, et la conductrice pour avoir conduit imprudemment. Il fit un geste de la main pour indiquer que cela importait peu. Le choc n'avait pas été si violent, mais il supportait mal le talc qui préservait les airbag.

Puis un portable sonna. Un autre. Gaël vit grâce au reflet de la vitre Virginie décrocher. Un second téléphone. Astucieux.

Puis ce fut plus fort que lui, il se retourna vers Koji, toujours incapable d'articuler la moindre syllabe. Et lui sourit. De tous les sourires que Koji avait pu voir, c'était sans doute le plus mélancolique. Et en même temps, un peu plus chaleureux que les autres. C'était un sourire d'espérance, celui qui donne autant d'espoir à celui qui le voit qu'à celui qui le fait.

Son regard finit par se détourner. Ses yeux se fermèrent. Il y en avait bien pour encore une bonne heure de trajet, il avait le temps de faire une petite sieste. Et Koji ne lui en voudrait pas, il était plus fatigué que lui. Virginie peut-être un peu plus, si elle voulait qu'il surveille le blessé... tant pis. Koji s'en remettrait, et c'était pour Gaël le seul moyen d'échapper aux questionnements insensés qui l'assaillaient.

Mais le sommeil ne vint pas. Étonnamment, les questions non plus. Gaël se sentait simplement... vidé. Pourtant il n'avait absolument rien fait à part embrasser un airbag et subir une légère allergie au talc. Il se contenta de rester avachi sur le côté, la tête posée contre la paroi, les yeux fermés. Il écoutait. Le moteur, les autres voitures, la ville... qu'y avait-il d'autre à faire en cet instant ?
Il se perdit peu à peu dans la contemplation sonore. Quelque part, elle lui rappela son mutisme, son insupportable mutisme. Et petit à petit il sombra dans le songe.

Il songea à Koji. Koji l'avait entraîné dans sa vie personnelle. C'était la première fois qu'il voyait quelqu'un dans cet état de faiblesse. Et entre tous ceux qu'il aurait pu voir dans cet état pour mille et une raisons, il avait fallut que ça soit Koji. La vie était profondément injuste. Néanmoins, Gaël se doutait que Koji n'était pas arrivé dans cette cabine sans raison. Et pas une simple raison du type fin-de-soirée-vomi, comme l'avait si judicieusement suggéré Virginie. L'aspect mystérieux de la situation n'avait fait que grandir avec le temps. Il espérait juste avoir droit à un semblant de réponse, une fois Koji en l'état. Mais peut-être était-ce une mauvaise idée ? Peut-être valait-il mieux ne pas chercher à savoir la vérité ?
En tous cas... Koji était le seul à décider des réponses qu'il allait leur fournir à l'un et à l'autre. S'il choisissait de se taire, Gaël pourrait-il réellement lui en vouloir ? Bien sûr que non. Tout le monde a ses secrets. Et même si les secrets avaient impliqué le maltais (pour pas grand chose d'ailleurs), celui-ci décida qu'il ne poserait pas de questions. Si Koji décidait de parler, il l'écouterait. Il ne pouvait rien faire de plus. Absolument rien.
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MessageSujet: Re: [RP] Koji Ashton, enfin majeur ! [RP] Koji Ashton, enfin majeur ! EmptyDim 25 Avr 2010 - 14:37

The Dresden Dolls – Yes, Virginia - Delilah

Soulevé de terre par des bras fins et fragiles – comme ils avaient l'air fragile, ces bras pâles de jeune fille – soulevé de terre par les bras de Virginie – et cela faisait des mois, des mois maintenant, depuis qu'il n'avait plus revu William, depuis qu'il avait fait ses valises et qu'il était parti, qu'il avait laissé des livres et des tableaux derrière lui, qu'il avait laissé la Toile, dernier gage de confiance, que personne ne l'avait porté ainsi, que personne ne l'avait protégé, et qu'il avait dû apprendre, pour la première fois de sa vie, à vivre seul, à peu près seul dans ses mondes.

Il se souvenait de la dernière fois où on l'avait porté ainsi ; c'était en Angleterre, il n'y avait pas si longtemps. Il avait senti les bras de William se glisser contre sa peau nue, il avait senti l'eau qui coulait, s'écoulait loin de son corps, soulevé hors de la baignoire – il se souvenait d'avoir ouvert les yeux, juste un peu, faiblement, pour voir l'eau rouge, rouge comme l'eau de Moïse, et il avait entendu, mais de loin, de très loin, les gouttes de son sang qui tombaient contre le carrelage de la salle de bain.

Il était en Angleterre encore, il entendait les passants murmurer dans sa langue paternelle, il sentait tout autour de lui l'atmosphère londonienne, sans cesse promesse de pluie et de brume, atmosphère mélancolique des grands romantiques. Il se sentait apaisé comme un vieil homme à la porte de son logis, après une longue, longue journée d'été. Il respirait son parfum comme il l'avait de nombreuses fois respiré, il sentait parfois ses cheveux blonds frôler son visage.

Et puis la banquette, et puis la voiture, qu'il avait vue pour la première fois au supermarché, première fois distante de milliers d'années – il n'aurait jamais pensé que de devenir adulte, majeur, enfin, était une aventure aussi éprouvante. C'était comme une toute autre vie, une conversion de tout son passé. Il avait l'impression de ne plus avoir le même corps ni les mêmes pensées.

C'était Gaël à côté de lui, Gaël si silencieux. Il aurait voulu – il ne savait pas – voulu qu'il dît quelque chose, qu'il fît un geste. C'était un sourire, c'était déjà quelque chose, dont il pouvait se consoler. Il aurait voulu lui expliquer – il le sentait loin, si loin de lui – voulu qu'il ne fermât pas les yeux et continuât à le regarder – peut-être ne le regarderait-il plus jamais, maintenant qu'il était devenu une pauvre chose jetée dans une cabine téléphonique de Baker Street, des bandages aux poignets.

Koji avait détourné les yeux, pour ne pas regarder Gaël, ne pas le regarder dormir. Il ne parvenait pas à ne pas lui en vouloir un peu, juste un peu – de ne rien faire et de ne rien dire d'autre. N'importe quoi. N'importe quel geste et n'importe quel mot lui eût convenu – tant que c'était ses mots, ses lèvres, son regard qu'il posait sur lui. Dehors, les rues de Londres commençaient à défiler autour de la voiture.


« Virginie... Je suis d'avis de respecter... les limitations de vitesse... Pas très envie de me retrouver au poste... Encore. »

Il adressa un sourire fatigué, pour aller avec sa voix fatiguée, à la jeune femme. Et en jetant un nouveau regard dans la vitre, il aperçut son reflet, sa peau pâle, son regard épuisé – et ses cheveux – ses cheveux avaient perdu leurs reflets ocres, leur couleur de jeunesse, et l'épuisement, l'angoisse des derniers jours avaient répandu dans sa chevelure sombre des mèches grises, parfois presque blanches.

Ainsi, pour la première fois de sa vie, le corps de Koji avait-il décidé de refléter un peu de son être véritable : il lui avait laissé la jeunesse de ses traits, leur fragilité, mais un âge plus vénérable se laissait entrevoir dans quelques mèches de cheveux. Alors, à cette découverte, le naturel de Koji s'empara de ses pensées, et le jeune homme réunit toutes les forces qui lui restaient pour examiner une question très grave. Ses mèches de cheveux grises lui faisaient-elles perdre un peu de son pouvoir de séduction ?

Il décida qu'elles lui donnaient un air mystérieux, et le vieillissaient un peu, ce qui n'était pas plus mal, et ce fut donc avec un air relativement enjoué, étant données les circonstances, qu'il murmura, après un soupir :


« J'pensais pas que devenir adulte était aussi éprouvant. »

Il tenta un nouveau sourire en direction de Virginie. Pour la rassurer. Lui dire qu'il allait bien. Il ignorait s'il s'agissait tout à fait d'un mensonge. Après tout, ces évènements ne l'avaient pas surpris. Il les avait prévus. Il avait formé un plan. Il l'avait mis à exécution. Il avait douté, sans doute, pendant quelques heures, que ce plan fonctionnât. Mais la plupart du temps, il avait eu l'impression d'avoir les choses en main. De contrôler la situation.

Mais le sang qui battait contre la peau de ses poignets, pas tout à fait refermée, ses membres qui ne bougeaient qu'avec une lenteur rêveuse, son regard qui dérivait sans qu'il pût toujours le contrôler, ses cheveux gris, et cette sensation, étrange, que son cœur s'était embarqué sur un navire, qui tanguait, tanguait, tanguait, tout cela lui rappelait que l'expérience avait été éprouvante.

Et puis il songeait aux choses qu'il avait faites, au poison qu'il avait conçu, à celui-là et à d'autres, à des explosifs, aux inventions qui dormaient encore sur son ordinateur, et que peut-être un jour on viendrait le forcer à construire, sans qu'il fût jamais certain que ce serait pour le bien ; il songeait aux conséquences de ses découvertes, comme font un jour tous les savants, et comme certains savants, les meilleurs peut-être, il avait l'impression, quelque innocent qu'il eût été en les concevant, que ces découvertes avaient laissé sur ses mains du sang qui ne parvenait pas à sécher.

D'ordinaire, il s'accommodait de cette idée. Il se raisonnait. Ce n'était pas sa faute. Il n'avait jamais songé à mal. La science l'avait motivé, la contrainte l'avait forcé à divulguer ses secrets. Mais l'intelligence de Koji n'était pas entièrement raisonnable, et son imagination lui faisait embrasser sans peine la chaîne de conséquences qui se déroulait à la suite de ses actes, chaîne douloureuse et interminable.

Il sentait les larmes rouler sur ses joues que la nervosité avait rendues plus sensibles. C'était donc qu'il était très fatigué, ou très ému, songeait-il. Ses talents de comédien s'étaient évaporés. Il était trop fatigué pour prévoir. Pour calculer. Ou peut-être n'était-ce pas la fatigue. Il avait besoin, pour une fois, de ne pas tout dissimuler, de ne rien cacher, même, d'être avec des personnes de confiance, des personnes qui ne chercheraient pas à faire quelque chose de lui.

De temps à autre, il essuyait d'un revers de manche les larmes, et alors elles coulaient de plus belle. Il avait longtemps songé à cet anniversaire, celui de ses dix-huit ans. Le jour où il pourrait travailler. Gérer son argent sans passer par des détours fiscaux improbables. Il avait rencontré Virginie, Gaël, Mathilde. Il avait songé à son anniversaire avec eux. A l'Institut, le jour du Nouvel An. Il avait rêvé de se sentir ce jour-là comme n'importe quel jeune homme qui fêtait ses dix-huit ans.

Ce devait être un jour sans responsabilité. Le seul jour de sa vie peut-être où il n'aurait pas songé à ce qu'il faisait, ce qu'il devait faire. Et maintenant, dans la voiture qui le ramenait à l'Institut, il songeait à ce qu'était vraiment son existence. A lui-même. A ce qu'il faisait. Rien sans raison. Tout pour se protéger, pour pouvoir fuir ou se battre. La comédie, pas pour l'art, mais pour la dissimulation. Le sport, pas pour le jeu, mais pour se défendre et courir vite. La mode, pas par coquetterie, mais pour qu'on le sous-estimât.

Mais il songeait également à combien il aimait jouer, courir jusqu'à s'épuiser, simplement pour courir, combien il aimait choisir ses vêtements, sourire à un jeune homme et le conquérir, combien toutes ces choses inutiles, superficielles, puériles, il les goûtait avec la joie de n'importe quel autre adolescent – ou bien même une joie plus vive, qui naissait de la rareté de ces plaisirs, et de la douceur qu'il trouvait à se détourner d'une existence trop complexe.

Alors il trouvait que la vie reposante dont il rêvait n'était pas si éloignée de la sienne qu'il pouvait le croire dans ses moments de désespoir. Sans doute n'était-elle pas tout à fait accessible. Mais il était prêt à croire que moins de calculs et de précautions ne l'empêcheraient pas de se protéger, seraient même plus efficaces – parce qu'ils donneraient du sens à cette existence qu'il cherchait à protéger : la sienne, qu'il vivait à peine.

Pendant que la voiture s'éloignait du centre étroit de Londres, Koji commençait à être assez désespéré pour trouver le courage de n'être plus prudent. Il cessa d'essuyer ses larmes, de dissimuler combien son aventure avait été éprouvante, et se mit en quête du réconfort précisément là où il espérait le trouver. Il reposa le regard sur Gaël, hésita quelques secondes, puis souleva le bras de son ami pour venir se réfugier contre lui, se pelotonnant dans ses bras comme le chat qui réclame des caresses, et ne songe pas que l'on puisse ne pas vouloir lui en donner.

A ceci près que Koji frôlait la crise cardiaque en songeant précisément que Gaël pouvait très bien ne pas vouloir le protéger, ne pas vouloir le tenir contre lui, ne pas vouloir qu'il abandonnât ses larmes contre le col de sa chemise, ne pas vouloir qu'il en serrât les pas dans ses poings, comme l'enfant serre sa couverture (meilleure moyen de se protéger des monstres sous le lit). Fort heureusement, Koji était assez traumatisé par ces derniers jours pour ne pas tenir compte des convenances et de ses craintes, et pour faire exactement ce dont il avait besoin.

Virginie pouvait bien le regarder. Après tout, il était pratiquement sûr qu'elle avait deviné pourquoi il avait écrit le nom de Gaël. Et puis, il lui faisait confiance. Maintenant. Pour ça, au moins, elle ne le jugerait pas. Elle ne se moquerait pas. De toute façon, elle était censé regarder la route, plutôt que ce qui se passait à l'arrière de sa voiture.

Quant à Gaël... Eh bien, Gaël dormait ! Du moins Koji l'espérait. A vrai dire, il était à peu près certain qu'il serait impossible à son camarade de dormir très longtemps avec un Koji sanglotant fourré de force entre ses bras, mais il préférait ne pas songer au moment où le jeune homme se réveillerait pour découvrir son audace. Ne pas songer à la manière dont il l'interpréterait. S'il pouvait l'interpréter de la plus exacte des façons – comme ce serait reposant – cela lui éviterait bien des discours.

Et puis, bientôt, dans les bras de Gaël, ses larmes cessèrent de couler. Il avait fermé les yeux. Pendant quelques temps, il avait senti les virages de la route – il les reconnaissait, ils s'approchaient de l'Institut. Puis son corps avait déclaré forfait, cherché une position encore plus confortable contre Gaël, et s'était endormi, d'un sommeil si serein, si paisible, que sans les bandages rougis qui entouraient ses poignets, on eût dit que rien de grave ne s'était passé.
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Virginie Parish

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MessageSujet: Re: [RP] Koji Ashton, enfin majeur ! [RP] Koji Ashton, enfin majeur ! EmptyDim 25 Avr 2010 - 19:35

Gaël n’avait rien dit. Juste un geste qui évacuât la question. Virginie n’insista pas. Elle ressentait moins ce besoin d’accentuer ses propres fautes. L’un de ses progrès. Cela aussi s’était un gain d’énergie supplémentaire. Un peu plus encore de gagné. Quand est-ce que cet emmagasinement cesserait-il ? Y avait-il une limite ? Si elle n’était pas humaine, pouvait-elle être mutante ? Là maintenant, à conduire, la jeune fille sentait ses fibres réclamer. S’était peut être là, la perversité de toute cette évolution. Avoir toujours plus à faire, du mouvement, se dépenser. C’est cela dont elle prenait confusément conscience en voyant ces deux corps exsangues. Tandis que dans toute son immobilité ses molécules hurlaient leurs désaccords. Elle se demandait seulement si ce fonctionnement n’allait pas se retourner contre elle à un moment où à un autre. Zut. Peu importe. Elle avait encore le temps de voir venir. Ils étaient si calmes.

Elle fût contrariée de voir Gaël fermer les yeux. Oui. Etait-il donc si égocentrique que cela ? Koji semblait apprécier ce trait de caractère chez les hommes. De cela aussi elle fût contrariée. Ce n’est pas ce qu’elle pouvait souhaiter à son ami. Mais elle se retient d’intervenir. Elle ne le connaissait pas ce garçon. Qui était-elle pour lui ordonner de rester éveillé ? Il n’y avait pas eu cette intuition directe comme avec Koji. Ni un rejet frontal. Ressenti, qu’elle n’avait jamais encore eu à éprouver. Cela la chagrinait un peu. De ne pas savoir si elle appréciait où non Gaël. Mais peut être, la situation ne lui permettait-elle pas, de le voir lui. Elle voyait surtout l’objet des intentions de Koji. Le visage de Mathilde apparue alors qu’on lui faisait la remarque. Elle roulait vite c’est vrai.

Son sourire s’excusa et sa main imposa un rythme légal au véhicule. Elle protesta d’un bruit étrange. Le moteur lui aussi préférait filer à belle allure ? Plus tard. Plus tard… Il y en avait toujours des « plus tard ». Les yeux fixés sur la route. Il y avait toutes ces deux petites heures qui revenaient la harceler. Claudia lui avait dit. Son regard alla vers le rétroviseur pour observer le rescaper entrain de se mirer. Lui. Lui aller jusqu’au… S’était une vérité inacceptable. Pas lui. Ce jeune métisse si beau, si vif, si… sombre maintenant. Virginie appuya un peu trop fort sur la pédale de frein. Un feu. Les mains serrées sur le volant elle bafouilla un « Pardon. »

Petit incident vite effacé. Le trajet reprit. Les pensées tentaient une autre approche. Mais non il y eu d’abord, et avant le reste, le murmure de Koji. Oui la vie avait été éprouvante avec ce jeune adulte. Virginie en avait terriblement conscience. On l’avait malmené, maltraité. Ce simple fait la fit frissonner d’effroi. Il pouvait bien lui faire tous les sourires rassurants du monde. Rien ne pourrait changer chasser ce truc qui restait coincer. Mais elle ne voulait pas le lui montrer. Elle pouvait bien s’arranger avec elle-même. Ça Virginie savait plutôt bien le faire. Alors son visage se tourna une seconde vers lui et il ne montra rien que cette complicité dont il devait avoir besoin. Et en revenant à la route elle approuva plus vivement.

-« Tu n’as pas fait dans la demi-mesure question initiation il faut dire. »

Un reproche ? Jamais. Peut être… un peu de tristesse. Pour lui, Koji. Les méchancetés du réel elle aurait voulu qu’il en soit préservé. Il avait l’air si épuisé. Et ce garçon qui ne bougeait plus juste à côté. Elle ne pouvait pas être tranquille encore. Impossible. Tant qu’il y aurait un être si mal en point. Virginie avait envie de le materner. Voilà. Elle pouvait le penser sans honte. Qu’il puisse oublier le monde. Cependant elle ne savait plus trop ce qu’elle avait le droit de faire. C’est lui qui l’avait prévenue. Il lui avait dit de venir. Il lui avait parlé de Gaël. Mais il ne lui avait rien dit du reste, tout le reste. Ce Silence, son mal être, le reste…

Des larmes. Virginie les vit. Eut-elle les mains libres qu’elle n’aurait sut quoi en faire. L’épuisement pouvait mener aux larmes. La douleur la dernière fois s’était la douleur qui les avait appelées. Elle s’en souvenait. Peu importe leur source elles ne lui plaisaient pas. Comment le réconforter ? Elle n’était pas douée pour réconforter. Du moins pas comme il en aurait eu besoin. Par les gestes, le contact elle était aussi crétine qu’une vieille nonne. Et Gaël les yeux clos. Elle lui en voulue vraiment pour le coup.

Au bout de quelques minutes sa voix effleura l’air. Avec tout ce qu’elle n’avait pas encore la permission de dire. Tout ce qui s’accumulait depuis l’arrivée de Mathilde à sa table. Peur, soulagement, culpabilité, inquiétude, amour aussi. Sans savoir que ses mots accompagnaient les regrets du malheureux.

-« Joyeux anniversaire Koji. »

C’était idiot de le dire ainsi, là, comme ça, alors qu’il pleurait en silence. Virginie était trop sensible, pour avoir l’intelligence, de calculer l’adéquation entre son instinct et la situation. Il était revenu. Il était de retour dans le quotidien. Il fallait qu’il le sache. Il fallait que la réalité de l’instant l’aide, le supporte de son mieux. Koji avait 18 ans. Il allait pouvoir manger un petit déjeuner tardif dans un beau manoir de la campagne anglaise.

Le premier chemin de terre n’était pas bien loin. Avant la ligne droite. Du coin de l’œil le mouvement de Koji l’attira. Non il n’y eu aucun jugement. Si c’est là, où le blessé se sentait le mieux, alors elle était prête à lui ouvrir elle-même les bras de Gaël. Ce geste. Rien que ce geste confirmait la donne. Alors… c’est qu’il devait être bien spécial ce garçon aux cheveux blancs. Savait-il que Koji l’aimait ? Y avait-il une chance que l’histoire commence. Virginie espéra que oui. Parce que Virginie espérait toujours. Elle ne les espionna pas. C’était leur affaire.

Et c’est une respiration endormie qui lui indiqua la réussite de l’opération. Bien. Elle put aller un peu plus vite. Le soleil en visu qui se lever doucement. Ses mains tremblèrent enfin. Si Koji avait souffert Virginie aussi. Bien sûr ça n’avait rien à voir avec cet interrogatoire. Elle était à mille lieux de comparer leur vécu. Elle ne pensait pas qu’elle aurait put pleurer elle aussi. Laisser ses propres nerfs s’abandonner. Il avait faillit disparaitre. Elle avait faillit le perdre. C’était horrible et effrayant. Ses doigts tournèrent lentement le bouton de la radio. Les notes d’un piano. Elle s’enferma dans cette partition. Il y aurait un autre moment pour craquer. Seule.

Ce tableau elle irait tout de même le chercher. Voilà ce à quoi elle songea. Peu importe ce qu’en dirait Koji. Il ne voulait aucune question. Elle voulait des réponses. Elle les méritait bien, non ? Elle imagina les bras de Luc qui l’aurait entourée de la même manière. Elle les vit barricadés de pierre et chassa l’image rapidement. Non s’était trop inquiétant. Il fallait qu’elle le revoie. Elle allait le lui dire. Il ne lui vint pas à l’idée, que ses cours de danse, lui avait permit d’approcher ce genre d’expérience. Que des dizaines de fois on l’avait presque prit dans ses bras pour un porté. Que David, lui, tout à fait au fait de ces facilités, en avait peut être un peu profité. Virginie si convaincue s’être séduite par un beau français ne voyait pas, plus, la charmante Angleterre.

Les minutes passèrent tranquilles et c’est dans la brume que se dessina la silhouette victorienne. Bientôt onze heures sonnerait. Les cuisines devaient doucement se mettre en route pour préparer le repas de midi. Elle jeta un coup d’œil dans le rétroviseur. Ils étaient toujours discrets. Une vitesse passée. Un petit virage et quelques mètres jusqu’au portail de la propriété. La neige apparaissait en désordre par tache sur les rebords de la route. Virginie se demandait quel choix serait le plus efficace. Les grilles s’ouvraient déjà. Au rez-de-chaussée la silhouette d’Alfred était à la fenêtre. Ici plus besoin de mentir, n’est-ce pas ? Virginie ne voulait pas mentir à Alfred. Le bruit du gravier. Miss Lem… Samarah ne devait pas être très loin non plus. Tous les deux les gardiens de leur temple. La mutante en fût réconfortée.

La voiture garée, ou plutôt stoppée, juste devant le perron de pierre. Ce fût comme si on entendait le moteur soupirer. Il n’y avait personne dehors. Il ne fallait pas penser, analyser, ne pas s’arrêter, elle. La ceinture défaite. C’est fait. La clé retirée. Voilà. La radio, la portière repoussée, se lever, la robe qui vole pour reprendre sa place, regarder les murs blancs, se rassurer, les observer eux, les réveiller. Les réveiller… Ils avaient l’air de deux anges assoupis. La lumière et l’ombre, l’innocence abandonnée à la paresse. Beaux. Et elle petit démon blond allait les chasser du royaume de Morphée ? Il le fallait pourtant. Elle ne voulait pas être l’intruse. Le contact désagréable qui contraint. Lentement elle ouvrit la portière contre laquelle ils ne se reposaient pas. Le vent qui entre avec elle. Doucement elle les appela tous les deux. Penchée la tête à l’intérieure pour que sa voix les atteignent gentiment.

-« Les garçons. On est arrivé. Vous allez pouvoir retrouver vos lits. Juste… un tout petit effort. »
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Gaël Calafel

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MessageSujet: Re: [RP] Koji Ashton, enfin majeur ! [RP] Koji Ashton, enfin majeur ! EmptyJeu 10 Juin 2010 - 7:11

Peu à peu, sa respiration s'apaisa, ses muscles se détendirent... Gaël serra les bras, effort dérisoire pour empêcher la chute d'un être qu'il avait déjà échoué à protéger. En cet instant, Koji semblait si faible qu'il semblait à Gaël qu'un simple choc, aussi ténu soit-il, suffirait à le briser tel le fragile cristal, et que plus jamais son ami ne lèverait vers lui ce regard sensible dont lui seul avait le secret. Et cela, jamais Gaël n'aurait pu le tolérer.

Il resta donc ainsi, tendu, attentif au moindre battement de coeur de celui qu'il enserrait de ses bras pâles. Lui-même retenait son souffle, évitait le moindre mouvement, pour épargner ce qu'il restait de son ami. Et il en fut ainsi pendant toute la durée du trajet. Jamais quelqu'un n'avait occupé les pensées de Gaël à ce point. Jamais il ne s'était senti aussi coupable de n'avoir pas pu faire plus, et de ne toujours pas pouvoir aider autrement qu'en fournissant un peu de chaleur humaine.

Plus le temps passait et plus il se maudissait. Incapable de prévoir, incapable d'aider, incapable d'être là au bon moment... il ne pouvait que venir ramasser les morceaux une fois qu'il était trop tard. Il ne savait même pas guérir. En un mot comme en cent, il se sentait inutile. Sa conscience poussa même le vice jusqu'à lui suggérer que Koji ne s'était endormi dans ses bras que pour étouffer un peu le sentiment de culpabilité, ce qui réduit encore l'estime qu'il avait de lui-même.

Il essaya bien de penser à autre chose, de se leurrer. Mais toujours, sans faillir, ses pensées revenaient cerner Koji. Le tourmentaient. Même le sommeil réparateur le fuyait.

Lorsqu'enfin ils arrivèrent, ce fut comme une délivrance. Peut-être à présent aurait-il un rôle à jouer. Quelque chose à faire. N'importe quoi pourvut que cela aide son camarade et lui permette de penser à autre chose. La voiture mit un temps infini à s'arrêter, bien après le bruit que firent les pneus en roulant sur les premiers graviers. Une des portières s'ouvrit. Puis une autre, et Gaël se sentit chuter de quelques centimètres avant de consentir à s'arrêter. Ses yeux s'ouvrirent. Virginie...

Elle osait lui demander de faire un effort... de bouger... mais il se sentait lourd... trop lourd pour faire le moindre mouvement. Il avait scrupuleusement arrêté de bouger et son corps ankylosé lui en faisait à présent subir les conséquences.

Mais il fallait bien que Koji se repose au moins dans un lit. Il lui fallait des médicaments, quelque chose, n'importe quoi, qui lui permette de se soigner. Gaël se releva donc avec toute la délicatesse du monde, sans cesser de serrer Koji. Il semblait toujours endormi, toujours calme. On aurait dit un enfant d'un autre monde, comme les lorialets des légendes. Comme si rien ne pourrait jamais l'atteindre, malgré les bandages rougeâtres qui semblaient s'ingénier à briser, casser et finalement détruire l'aspect serein du garçon pour donner à la scène une touche d'urgence, une touche néfaste. Et toute l'harmonie qui émanait du jeune homme se retrouvait changée, parée d'une teinte sanglante qui rappelait trop l'agonie d'une mort non naturelle pour entretenir un quelconque sentiment de passivité.

Aussi Gaël se dégagea-t-il le plus doucement possible de son étreinte et sorti de la voiture en tirant légèrement Koji par les épaules. Mais il n'avait pas assez de force pour soulever ce corps pourtant si frêle. Toujours muet, il supplia du regard Virginie. Elle était beaucoup plus forte qu'elle n'en avait l'air. Elle savait conduire une voiture.

Plus que tout, c'était grâce à elle que Koji était ici à présent, et c'était à elle qu'il avait adressé cette lettre. Dire de Gaël qu'il était jaloux aurait été un mensonge, et qu'il était déçu, un euphémisme. Il n'en pouvait simplement plus, il lui semblait avoir pris une année en l'espace d'une matinée. Il était petit, le pas qui le séparait encore du dégoût pur et simple de lui-même et de son impuissance.

Il ne le franchit pas. Mieux que ça : il se rendit compte à quel point ces pensées étaient mauvaises. Néfastes. Il n'était jamais bon de se laisser emprisonner par ce genre d'émotion, sous peine de pouvoir y laisser une petite partie de sa joie de vivre, chose à laquelle Gaël n'était absolument pas prêt à renoncer. Plus de tristesse, plus de tourment. Koji n'était pas mort après tout, et tant qu'il y a de la vie...

Gaël se mit à sourire tout seul. Peut-être le trouverait-on cruel, à exprimer ouvertement une émotion positive qui pouvait sembler contre-nature à cet instant. Et peut-être que cela l'indifférait, à présent. Il décida plutôt de montrer l'exemple en ne se laissant pas abattre. Il savait à présent, avec toute la puissance d'un optimisme renouvelé, que Koji ne risquait plus rien. Qu'il guérirait et que tout irait bien. En fait, il se retenait de rire aux éclats (une vague intuition l'avertissait que Virginie risquait de ne vraiment pas apprécier) tellement son euphorie actuelle contrastait avec ses émotions précédentes. Il trouvait ses inquiétudes bien dérisoires à présent. Même la fatigue avait disparu.

Pendant que Virginie l'aidait à extirper Koji de la voiture, il se demanda dans quelle mesure Koji désirait ne pas attirer l'attention. D'un certain côté, il ne devait pas y avoir grand monde traînant dans les couloirs à cette heure là. D'un autre, ceux qu'ils croiseraient se souviendraient forcément de ce qu'ils avaient vu. S'ils pouvaient faire passer Koji pour quelqu'un ayant simplement eu un malaise tout serait plus simple, mais les bandages teintés d'écarlate rendaient la tâche plus compliquée.

Gaël retira son blouson pour le faire enfiler à Koji. Vu sa constitution fine, le vêtement suffirait à recouvrir entièrement ses bras et cacher les disgracieuses blessures. Gaël sentit encore un regain d'optimisme en constatant que finalement il n'était pas tout à fait inutile. Il ne restait plus qu'à amener Koji dans sa chambre et s'occuper des soins.
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MessageSujet: Re: [RP] Koji Ashton, enfin majeur ! [RP] Koji Ashton, enfin majeur ! EmptyVen 11 Juin 2010 - 19:29

Koji cogitait – il cogitait toujours, même dans ses rêves – dans ses rêves, il sentait onduler dans son esprit, comme des queues de serpents immenses, des chiffres qui se nouaient les uns aux autres – il y avait dans la matière palpitante de ses rêves des problèmes qui se résolvaient – comme l'élixir qui jaillit soudain, du chaudron en ébullition – dans l'âtre où brûle le feu de la sorcière.

Palpitations multiples – noeuds qui se liaient les uns sur les autres – cauchemars continués en même temps que les rêves – et dans chaque repli de son cerveau, dans la moindre de ses circonvolutions, une grande épopée s'animait soudain – qui heurtait quelques secondes plus tard – après des milliers et des milliers de pages – écrites – un drame qui survenait là – ou bien une comédie – qui donnait des traits grotesques – aux anciens héros.

Koji avait été persuadé, lorsqu'il avait senti le sommeil le gagner, enfin dans les bras de Gaël, et s'étendre autour de lui, et peut-être malgré son ami, sa chaleur protectrice – cette chaleur même qu'il avait tant fois espérée, sans jamais oser aller la chercher, et qu'il trouvait à présent, c'était un peu triste songeait-il, à présent qu'il était brisé, moins à son avantage que jamais – qu'il n'avait plus assez de force pour errer – et c'était là l'une de ses si rares erreurs.

Ses rêves, c'était d'abord une femme serpentiforme – probablement la fée Mélusine – une femme anguipède – qui enroulait son très long corps – autour d'une frêle poitrine – d'os ; et c'était encore un immense dinosaure – avec des écailles en forme de piscines – où nageaient des nains et des elfes au milieu des hors-bords – et c'était aussi une pièce close – véritablement une chambre à coucher – avec un lit et des draps – rouges des draps comme ses veines ouvertes – et au milieu des draps qui dormait – un peu moins vêtu il est vrai que de coutume – Gaël – unique murmure d'une unique nuit.

Il rêvait tant et si bien – et de si nombreux rêves – et pas tout en effet des cauchemars – il y avait même des rêves très agréables – très – où Gaël n'était pas il est vrai – aussi vêtu que de coutume – tant qu'il ne sentit pas l'étreinte qui contre lui se défaisait, ni son corps que l'on soulevait – des sièges de la voiture – ni n'entendit les gravillons de l'aller crisser – sous les pas de ses amis – sauveteurs – le blouson dont on le paraît – le blouson de Gaël – c'était si romantique (aurait-il songé, comme une jeune fille de comédie) – pour donner à sa quasi expiration l'air d'un simple malaise.

Comme c'était reposant, des rêves – même aussi animés – même des rêves où passaient – des mondes et des époques – tous, toutes, en entier. Il avait des rêves terrifiants, souvent des rêves encore plus rudes que la réalité. Avec des monstres – des monstres terrifiants – et qui terrifiaient – son âme facilement impressionnable – d'enfant. C'était terrible en effet une imagination comme la sienne : il en naissait toute sorte d'horreurs, chacune plus vives que la réalité. Mais les rêves de ce jour-là étaient plus doux.

C'était qu'ils étaient nés entre les bras de Gaël. Et Koji n'était que peu de choses. Le plus grand esprit du monde, sans doute. Mais à qui il suffisait d'une étreinte – et même un peu lointaine, et maladroite, une étreinte un peu gênée, donnée sans savoir comment, deux bras fatigués autour de son corps fatigué, et comme retenus par l'incertitude, une étreinte encore d'adolescent, qui ne savait pas trop comment s'y prendre, pour dissiper, d'un seul geste, toute la peine, d'un corps qui avait failli mourir – pour s'apaiser.

Koji avait changé de bras, et son sommeil changeait aussi. C'était Virginie qui le portait. Elle était forte. Sans aucun doute. Et une amie fidèle. Comme on ne pouvait en rêver d'autres. Il savait qu'au moindre de ses mots, elle serait là – pour lui – sans même d'abord poser de questions – sans répugner – pour le soulever, le soutenir – le soutenir véritablement – ramasser sa chaire malade et meurtrie dans ses mains de jeune fille – si fortes.

Alors c'était à elle, bien sûr, qu'il avait écrit une lettre. Plus les semaines avaient passé, entre eux, à la fois silencieuses et prolixes, plus il avait senti que sa vie pouvait se développer comme elle le désirait sous ce regard unique – il n'avait pas peur de ces regards – qui tombaient – de ces yeux bleus.

Avec Gaël, ce n'était pas la même chose – il aurait voulu pourtant – lui confier – bien plus même que son existence – lui confier tout ce qu'un jeune cœur – peut désirer – confier à un autre – c'était un désir un peu naïf, aussi profond et authentique que le sont les désirs d'un enfant – ou d'un vieillard – seuls qui – désirent ce qui vraiment – vaut la peine – que l'on souffre à désirer. Peine immense ; et si douce.

Pas la même chose. Jamais Koji n'aurait eu le courage – d'étendre sous ces yeux qu'il connaissait si bien – qu'il aimait (tant) – d'étendre l'aveu un peu directif de sa faiblesse – ni le courage – d'instiller – l'inquiétude sourde dans un cœur si proche du sien – ni celui de supporter – mûrement – le doute ; le doute : Gaël allait-il souffrir autant que lui souffrirait s'il recevait une lettre semblable ? Doute puéril – qui avait retenu – sa main.

Il avait changé de bras – et sans doute les bras de Virginie étaient-ils protecteurs – et sans doute, même, objectivement, plus protecteurs que jamais ne pourraient l'être ceux de Gaël. Pourtant, le sommeil de Koji s'y faisait moins légers – les songes se dissipaient – comme une peau qui se craquèle – au bord de la crise – ils se perdaient, se défaisaient, se dénouaient – et bientôt, c'était fini : il n'y en avait plus.

Il ouvrit faiblement ses yeux noirs, en refermant – par réflexe, déjà – un peu le blouson contre lui. Au-dessus, le plafond de l'Institut luisait de cette douce phosphorescence qui en émanait toujours – une lumière qui ne venait de nulle part – et qui les baignait ; comme au paradis. Sans doute comme au paradis. Au paradis les anges vous transportaient-ils dans leurs bras, deux par deux ? Importante question qui animait l'esprit de Koji.


« Aber wo... sind die... »

Maigre tentative d'exprimer les profondes interrogations qui sillonnaient son esprit encore faible et mal éveillé. Et Koji devait bien s'avouer que cette faiblesse n'était pas sans être confortable – confortable comme une fin de maladie, qui autorise encore à passer de longues journées allonger, mais où les forces commencent déjà à se rassembler. Car son corps avait beau souffrir, ses poignets lui brûler, son corps fatigué, harassé – son esprit, lui – survivait – comme aucun autre ne l'aurait fait. Bien sûr.

Il reconnaissait maintenant le couloir. A nouveau le plan de l'Institut se dessinait dans son esprit. Sûrement. On le portait en pays connu. C'était rassurant. Moins cependant que ce blouson. C'était celui de Gaël. Il le reconnaissait. Il aurait reconnu la moindre de ses chemises – même celle qu'il n'aurait aperçu qu'une fois. Tel mardi. Au détour d'un couloir. Il aurait tout reconnu de lui – espérait-il.

Il sentait encore ses bras autour de lui. C'était ce qui maintenait son esprit dans un demi-sommeil. Car il n'était pas certain que ce n'eût pas été le début d'un rêve – et qu'en se réveillant il en sentirait toute l'évanescence – qu'il perdrait cette sensation – unique – et tant attendue. C'était peu de choses, mais Koji se sentait – apaisé – comme une terre – à la peau trop longtemps déchirée par le soc – qui donne enfin – ses premiers fruits.

Etait-ce qu'enfin il était adulte, et qu'il prenait conscience, malgré les douleurs de l'enfantement d'une vie nouvelle, de toutes les possibilités qui s'offrait à lui ? Etait-ce qu'après avoir beaucoup souffert et survécu, il sentait que de nouvelles souffrances n'auraient pas raison de lui, et mesurait la force longtemps silencieuse de son âme, et le pouvoir qu'il pouvait avoir sur le monde ? C'était cela, bien sûr, et puis : les bras de Gaël autour de ses seules épaules.

Gaël. Et un gouffre immense le séparait de lui. Son esprit s'éveillait. Sa mémoire aussi. Elle lui livrait toutes les occasions manquées, où il avait essayé de lui dire quelque chose comme : Tu sais, Gaël, je voulais te dire que – Tu sais, Gaël – Gaël, écoute, j'ai – Hm. En fait pour tout te dire – Tiens, Gaël, tu as déjà lu
Romeo and Juliet ? Toutes tentatives subtiles, mais infructueuses, parce que – avortées.

Alors il semblait à Koji qu'être venu se lover dans les bras de Gaël était une déclaration plus explicite qu'il ne pouvait espérer en faire un jour. Il craignait cependant que, les circonstances aidant, et peut-être aussi un peu le caractère, son ami ne fût pas aussi enclin qu'il l'était à donner à cette chaste et fugace étreinte tout le sens qui lui paraissait être le sien. Mais enfin, à défaut d'avoir celle de marcher, Koji se sentait la force d'être désormais en peu plus explicite.

Ils étendaient les pas de ses camarades dans les couloirs, et de temps à autre, un autre pas qui s'approchait des leurs. Alors il ne pouvait s'empêcher de songer aux désagréments sensibles qui naitraient d'une rencontre avec un adulte un peu trop curieux, et que l'excuse du malaise soudain ne satisferait pas comme ils l'espéraient tous les trois. Koji sentait que son histoire était un peu trop longue et compliquée pour rencontrer une oreille pleinement compréhensive.

Mais ils ne croisèrent que des camarades. Quelques-uns jetèrent des regards un peu curieux, et un peu moqueurs. Beaucoup soupçonnaient une nuit agitée. C'était que la réputation d'ermite de Koji commençait à s'effriter, et ses anciennes gloires lui revenaient : on savait un peu plus, dans l'Institut, à présent, que le petit génie n'était pas exactement l'innocence incarnée. Mais personne ne fut vraiment envahissant : les choses étranges étaient trop fréquentes à l'Institut pour que l'on songeât à s'en étonner.


« Gaël... »

Il avait reconnu le couloir. Ils s'approchaient de sa chambre. Sa voix revenait des brumes de son sommeil, et son regard se faisait à nouveau clair. Inquisiteur. Quelques minutes assoupi n'étaient bien sûr pas parvenues à dissiper sa fatigue, mais à défaut de son corps, son esprit revenait. C'était une chose un peu étrange de regarder ce corps presque brisé, et ces yeux – plus vifs que ne le seraient jamais aucun de ceux de ses congénères.

Il avait plongé la main dans l'une des poches de son pantalon (en évitant de la plonger par mégarde dans le décolleté de Virginie, naturellement) pour en extirper la carte magnétique qui ouvrait sa chambre, et la lancer à Gaël.


« Tiens. C'est la clef de ma chambre. Tu vois, on gagne un nouveau degré d'intimité, tous les deux. »

Il aurait voulu que le sourire qui ponctuait cette remarque spirituelle fût plus étincelant, mais son corps n'était malheureusement pas aussi disposé à la plaisanterie qu'il pouvait l'être, et ce ne fût qu'une esquisse un peu fatiguée qu'il pût offrir, avec un clin d'oeil, à son ami. Et avant que son regard n'eût trop laissé à voir à Gaël que ce degré d'intimité était autant un espoir qu'une plaisanterie, Koji le détourna.

Quand Gaël eût ouvert sa porte, le jeune homme descendit des bras de Virginie, et adressa à la jeune femme un léger sourire.


« Le moyen de transport est très agréable, je le reconnais, mais maintenant que j'ai dix-huit ans, il va bien falloir que j'apprenne à marcher. »

Apprentissage qui ne semblait pas exactement promis à un succès très prompt, parce que Koji fût obligé d'assurer son équilibre en s'appuyant contre le mur. Il esquissa un sourire un peu gêné, pour tenter de convaincre Virginie que vraiment ce n'était rien – tout en sachant l'entreprise vaine. Mais il pouvait au moins essayer de faire bonne figure.

Au risque de ne pas paraître de la plus extrême des politesses, Koji s'engouffra dans la chambre avant ses deux camarades. Et l'approche de la majorité n'avait visiblement pas donné à Koji un sens de l'ordre plus développé. C'était qu'il lui était bien inutile de classer des choses de l'emplacement desquels il se souviendrait toujours sans effort. Au moins Virginie devait-elle être habituée au spectacle apocalyptique qui s'offrait à eux.

Koji n'avait manifestement pas compris que les livres se rangeaient sur les étagères. Celles-ci étaient remplies de piles de feuilles, que le moindre mouvement d'air faisait s'effondrer, envoyant volant, de ci, de là un texte en japonais ou en latin, un plan d'avion ou un dessin. Les livres, eux, s'élevaient un peu partout en des tours improbables, que le jeune homme renversait du reste sans y prendre garde.

Sur le bureau trônait un ordinateur portable, qui élançait de toute part ces fils comme un poulpe machiavélique et manipulateur ses tentacules. Y étaient branchés des appareils dont il était à peu près impossible de deviner la fonction. Et puis, semer ici ou là il y avait des petites boîtes, qui contenaient des pilules. Il n'était pas certain que tout cela fût très médical, ni très légal. De temps à autre, Koji faisait un grand effort pour les dissimuler : il les poussait du bout du pied.

Il n'y avait guère que les vêtements qui fussent soigneusement pliés et rangés dans l'armoire. Koji arrivait à retrouver une démarche, sinon assurée, du moins valide, en se déplaçant vers le meuble, qu'il ouvrit. Et quelques pesants qu'eussent été les derniers jours, ce fut avec le même regard sérieux, préoccupé et attentif qu'à l'ordinaire qu'il entreprit de choisir ses vêtements du jour – enfin des vêtements propres.


« Hmm. Je suis désolé si... Je vous parais un peu... Enfin. Un hôte impoli. Mais je vais aller... Prendre une douche chaude. Ca devient presque... vital. »

Interrompant un instant son importante contemplation méditative, il leur adressa un sourire d'excuse, avant de se résoudre finalement à emporter un jean dont il était absolument certain que ses fesses en seraient sublimées (car n'était-ce pas ce qu'il y avait de plus crucial ?) et un tee-shirt susceptible de mettre en valeur sa nouvelle couleur de cheveux (instinct d'adaptation).

Une minute plus tard, la porte de salle de bain se referma sur lui, abandonnant Virginie et Gaël dans la chambre. A Virginie il devait être évident que l'absence des fameux tableaux que Koji gardait d'ordinaire sur ses murs était le signe révélateur que la présence de Gaël dans cette chambre n'était pas tout à fait anodine.

Et d'ailleurs, Koji n'avait pas été aussi attentif que de coutume. Il y avait une chose à laquelle il n'avait pas pensé : c'était de dissimuler discrètement les dessins qui reposaient encore sur son lit. Des dessins précis, comme à son habitude – trait pour trait ressemblant. Tous dessins d'un visage, et du même. Il y en avait une dizaine. Patiemment travaillée. Voici donc comment Koji occupait ses insomnies : dessiner le visage de Gaël.

Il ne lui manquait plus que de tatouer le nom du Maltais au blanc correcteur sur son sac à dos et la panoplie serait complète.
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Virginie Parish

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MessageSujet: Re: [RP] Koji Ashton, enfin majeur ! [RP] Koji Ashton, enfin majeur ! EmptyDim 13 Juin 2010 - 17:15

Gaël obtempéra de son mieux. Il ne fit pas une seule voix entendre sa voix. Aussi silencieux, qu’Artie pouvait l’être en sa compagnie. Sauf que… ce silence, était un silence bien trop lourd. Ni l’un ni l’autre ne voulait chasser l’ombre Morphée sur le visage de leur ami. Il n’y avait que de la douceur dans ses intentions. Elle le voyait bien. Quelle était leur relation à tous deux. Virginie n’arrivait pas à le savoir. Que représentaient-ils l’un pour l’autre ? Il était si compliquer de définir les liens humains. Pouvait-on dormir ainsi dans les bras d’un ami ?

De toute sa vie la mutante avait dormie seule. Eloignée de tout corps humain. Personne n’était venue ainsi l’entourée lorsqu’elle se sentait faiblir. Aucune caresse sur un visage marqué par le cauchemar. Et puis, Luc… Luc était venu à l’Institut. Inutile de revenir sur les milliards de questions et de freins qu’elle s’était imposée. Virginie était entrain d’apprendre. Apprendre le plaisir de sentir la présence du compagnon. Dans tout ce qu’il implique. C’était encore une expérience héroïque pour Virginie. Une expérience qui forçait lentement la chrysalide de sa jeunesse. Une passion de mésange s’infiltrait lentement dans ses attitudes, ses pensées et ses envies.

Aider à porter Koji lui était aussi naturel que le reste de ses actions. Le regard de Gaël lui rappela seulement qu’elle était la apte à l’effort. Si l’on pouvait considérer tout cela comme des efforts –physiques- pour elle. Concentrée pour ne pas brusquer les blessures du survivant. Ses yeux tombèrent alors sur un sourire. Le jeune albinos souriait. De quoi ? Souriait-on quand quelqu’un était au bord du gouffre juste sous nos yeux ? Virginie était tout bonnement incapable de l’envisager. Son propre visage n’affichait que sérieux et inquiétude. Le contraste la prit en défaut. Même si elle trouvait étrange de se réjouir, même si cela lui paressait paradoxal et méchant elle ne se permit pas de commenter. L’énergie (psychique) devait être placée ailleurs.

Koji dans leurs bras à tout deux. Les deux satellites autour d’un soleil. Gaël s’occupa de dissimuler les preuves. Cette délicate attention gommait déjà les effets du sourire. C’était à la fois d’un pragmatisme, surtout d’un romantisme à toute épreuve. Ses yeux bleus remercièrent le camarade d’aventure. II avait fait au mieux. Projeté dans un drame adolescent. Gaël était plus calme sans aucun doute, plus sûr, pour Koji. Virginie en était rassurée. Ce qu’elle ne pouvait pas offrir Gaël le donnerait peut être. De tout son cœur elle l’espérait. Que Koji puisse enfin aimer et être aimer, comme il en avait le droit. Même si cela commençait sous l’augure rougeâtre de ses plaies. Elle le soutenait plus : physiquement. Une sorte d’équilibre pour ce trio imprévu. Ses pas été vifs et fermes.

Il ouvrit les yeux alors qu’ils passaient la porte pour quitter le hall. Ses topazes de veilleuse l’étudièrent le temps de deux battements. Conscient. Un progrès tout à fait encourageant. Plus que quelques mètres Koji. Juste quelques pas encore. De l’allemand… Virginie reconnue les fragments de cette langue martiale. Irène n’était pas là. Virginie ne connaissait pas l’allemand. Virginie ne connaissait pour ainsi dire pas grand-chose. Alors incapable de répondre par la voix elle répondit par les lèvres. Un sourire protecteur.

Le trajet se faisait en silence. A chaque regard indiscret, Virginie renvoyait un sourire entendu. Le même discours que devant la cabine. A quoi bon s’embourber dans un nouveau mensonge ? Celui-ci était le plus plausible, le plus simple et le moins dangereux. Mathilde n’apparue pas au détour d’un mur. Dommage. La messagère devait être l’une des premières informées sur le retour… du héros. Virginie en aurait été… heureuse. Mathilde aurait sut peut être un peu mieux de quoi il en retournait. Koji allait-il si mal que cela ses derniers temps ? Il ne lui avait rien dit, ou montré, à leur dernier déjeuner. Tout comme elle avait tut la plus grande partie de son idylle. Voilà où menait les non-dits. Pour elle se n’était que la peur de rendre la réalité friable. Et pour lui qu’en était-il ?

Alfred apparu un peu plus loin. Il les regarda comme la pythie regarde sa toile. Il devinait tout. C’était un don phénoménal. Virginie avait mit beaucoup de temps à se défaire de l’intimidation que ce savoir provoquait. Car après tout si l’autre connait vos actes il peut en faire ce qu’il veut. Touts ses doutes s’étaient très vite fait une raison. Le majordome n’était pas un esprit malveillant. Probablement quelqu’un porté vers le calcul… comment faire autrement. Mais un calcul altruiste et sage. A leur approche il appuya sur le bouton pour appeler l’ascenseur. Leur évitant des manipulations corporelles compliquées.

L’appel lui paru assez fort. Une bouffée de soulagement. Koji revenait doucement. Les mains prisent la mutante n’aurez de toute manière pas put éviter un nouvel effort au malade. Ses joues ne rougirent pas du frôlement. En fait son esprit arrivait de mieux en mieux à dissocier le geste et son effet. Pour cela la danse avait beaucoup de responsabilité. Mais Luc aussi, qui lui prouvait -bien-, qu’un geste pouvait être amour. Une compréhension qui lui faisait gagner en sérénité… approximativement. Une lueur passa dans ses prunelles. Les degrés d’intimités… Oui. Alors ses suppositions étaient justes. Koji était amoureux. Pour un peu elle l’aurait félicitée. Comme il le ferait peut être le jour où enfin elle lui dirait que qu’un d’autre avait une clé de la sienne, de chambre.

Il s’échappa de ses bras sur le seuil de la pièce. Virginie voulu immédiatement protester. Tout son être trahit un affolement spontané et puissant. Il n’était pas en état de marcher. Pas du tout. Voulait-il à faire mourir d’angoisse ? Preuve en est de ce vacillement immédiat. Le font plissé, par l’avertissement qui se préparait, elle fit un pas vers lui. Espérait-il vraiment la convaincre avec cet air factice ? Probablement pas. Trop tard. Il avança sans demander d’accord. La jeune fille resta un pas derrière lui. Tant pis si elle passait pour la méchante marâtre privant de liberté. Il n’était pas dit qu’elle se gênerait pour prendre soin de lui au mieux.

La chambre de Koji Ashton. Même June ne pouvait rivaliser avec son chaos. Et ce n’était pas un désordre pareil au sien. Tout était éparpillé ici. Pire. Un cataclysme en mouvement perpétuel. Virginie n’ouvrait plus des yeux ronds à présent. Elle souriait plutôt de la maniaquerie concernant les vêtements.

-« Apprend mais compte sur les plus vieux pour surveiller tes premiers pas jeune marcheur. »

Sans s’arrêter sur les obsessions vestimentaires du métis Virginie entreprit de chercher les bons comprimés. Elle savait qu’il ne voulait pas les montres, elle savait aussi, qu’il en avait besoin. Bien sûr jamais elle ne se serait jamais permis de fouiller dans ces affaires. Un comportement qui l’aurait horrifiée à son encontre. Il y avait tant d’objets personnels, intimes, qu’il ne fallait pas partager. A commencer par la présence (de plus en plus répétées) d’un jeune homme de l’autre continent. Les articles de Sand Petal qu’elle continuait d’écrire à l’encre bleue avant la numérique. Les dossiers des familles cherchant asile auprès du Fil. Non vraiment une perquisition amicale était inenvisageable.

Sa silhouette se tourna vers lui et sa tenue. Rien de très grave à l’abandonnée dans son antre. Même si elle aurait été rassurée qu’il ne soit pas seul dans cet état de fatigue… même pour se doucher. Mais, même en se débarrassant de sa phobie charnelle, Virginie préservait une véritable pudeur. Inutile d’espérer d’elle assez de courage ou de culot pour faire le chaperon à ce niveau. Son regard alla vers Gaël. Lui non plus, il ne pouvait pas. Pas avec tout ce qui se tramait à son insu. La situation aurait été atroce pour les deux garçons !

-« Non tu as raison. Ca va te faire du bien. Ne te tracasse pas pour nous. Mais… n’hésite pas… si tu te sens mal. Tu sais. »

Bien. Deux presque inconnus, qui allaient patienter, sur un territoire qui n’était pas le leur. Virginie était bien tentée, de descendre en cuisine pour demander un repas pour ces deux là. Mais cela impliquait de s’éloigner de la salle de bain… Une très mauvaise idée. Koji pouvait faire toutes les plaisanteries du monde, elle n’était ni dupe ni aveugle. Donc la mutante se dirigea, vers ce qui servait de canapé dans toutes les chambres du manoir : le lit. Sa première pensée fût toute féminine. Et si le garçon trouvait ces marques de passions sans y avoir été invité ? Parce qu’il ne pouvait s’agir d’autres choses ! Sans hésiter plus de quelques secondes ses mains regroupèrent les croquis. Son attitude était certainement trop empressée pour être honnête. Mais que faire d’autre ?

Le tas amassé fût retourné face cachée. Puis pour ne pas le trahir elle se « contenta » de le repousser loin de Gaël vers un coin du lit. Pour que le subterfuge soit complet Virginie tenta une réplique amusée :

-« C’est un vrai ouragan celui-là. »

Assise en tailleur. Son corps encore tendu comme un arc, mais son esprit plein de persévérance. Quand il serait couché elle pourrait aller prendre l’air. Mince. Elle avait oublié son sac dans la voiture. Il n’y avait plus de tableau. Il y avait Gaël. N’était-elle pas de trop ? L’une de ses mains rabattit sa chevelure en arrière. Un soupire s’échappa de ses lèvres. Chaque chose en son temps n’est-ce pas ? Bien. Devait-elle appeler l’infirmerie de l’Institut ? Alfred ne dirait rien. Il était neutre. Ils les laisseraient prendre leurs responsabilités. Koji ne voulait pas que cette histoire s’ébruite. Soit. Mais… Koji avait attenté à sa propre vie. Que devait-elle faire ?
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MessageSujet: Re: [RP] Koji Ashton, enfin majeur ! [RP] Koji Ashton, enfin majeur ! EmptyMer 16 Juin 2010 - 5:47

Gaël se contenta de suivre Virginie comme un fantôme, le regard en permanence dans le vague. Il ne souriait plus et se sentait d'une humeur plus tranquille que précédemment, vidé de ses émotions. Et par conséquent apte à réagir vite et bien quand il le faudrait.
Bien sûr, il n'était pas aveugle au point de ne pas remarquer les regards tantôt narquois, tantôt intrigués qui les avaient suivis jusqu'à la chambre de Koji. Ni suffisamment idiot pour ne pas savoir que tout cela ne serait pas sans conséquences. De là à dire qu'il en avait quelque chose à faire... il espérait seulement que les remous provoqués par l'évènement resteraient dans la sphère des élèves. Ah tiens, bonjour Alfred. Loupé.

Enfin ils arrivèrent à la chambre de Koji. Lorsque celui-ci prononça son nom, son regard mit quelques secondes à se détacher du pan de mur (c'est fou comme les murs peuvent être passionnants) avant d'atteindre le corps affaibli de son semblable, qui lui fit passer... un pass magnétique. Gaël se dépêcha d'ouvrir la porte, tout en se demandant s'il devait
garder ou pas la clef. Non, Koji avait dû plaisanter. Après tout il n'aurait pas pu fabriquer une copie de la carte qui ouvrait sa chambre tout en prévoyant de la lui donner ensuite après qu'il l'ait retrouvé agonisant dans le caniveau, n'est-ce pas ? Gaël sourit devant le ridicule de cette idée. Et lorsqu'enfin il entra, il n'éclata pas de rire. Mais ce fut tout juste.

Koji avait un sens du rangement qui était, il fallait le dire, plus qu'approximatif. En fait on aurait même pu se demander s'il en connaissait la notion, ou si ce concept avait définitivement déserté son esprit. Partout étaient éparpillés des objets que Gaël n'aurait jamais pensé éparpillables. Mais le plus impressionnant restait sans doute la diversité des objets qui parsemaient sa chambre. Son regard se fixa un court instant sur les appareillages électroniques. Peut-être bien qu'il avait les moyens de fabriquer des clefs magnétiques, après tout.

Le maltais mit un peu plus de temps à remarquer qu'un secteur très précis semblait beaucoup plus ordonné que le reste de l'habitat, secteur vers lequel Koji était soigneusement allé chercher quelque trésor vestimentaire, avant d'aller prendre sa douche. Il se déplaçait dans le chaos ambiant comme un poisson dans l'eau, avec une grâce que Gaël se sentait bien incapable de reproduire (raison pour laquelle il préférait, lui, ranger sa chambre de manière moins approximative).

Il regarda Virginie se diriger vers le lit et rassembler quelques feuillets épars pour en faire une pile, tout en bredouillant un truc obscur sur la météo. Ou sur Koji. Ou les deux. Enfin probablement pas quelque chose d'important en tout cas, que Gaël se permit d'écouter d'une oreille distraite, tout en réfléchissant à l'attitude qu'il convenait de prendre. Pas la peine d'essayer d'aller voler des trucs à l'infirmerie ou quelque chose du genre, il y avait tout le nécessaire médical (voire plus) ici, et Koji était sans doute plus compétent que beaucoup de médecins. A ce propos il n'était pas totalement impossible qu'un des responsables de l'infirmerie débarque ici dans les prochaines minutes, si Alfred ou un élève parlait un peu trop. Ou même quelqu'un d'un peu plus haut dans la hiérarchie qu'un infirmier. Pas de quoi se casser la tête ceci dit, vu qu'il n'était d'aucune utilité de prévoir ce cas de figure. Par ailleurs, ils étaient passés à côté de quelque chose de pire qu'une entrevue avec du personnel de l'Institut, fut-il médical (pire même que le dentiste).

Pour le moment, attendre que Koji finisse de prendre sa douche serait plus approprié que toutes les initiatives du monde. Gaël se tourna donc vers la mise en œuvre d'un processus de dialogue avec Virginie, qui finissait de tripoter le paquet de feuille qu'elle avait rassemblé pour le poser sur l'un des coins du lit.

"Aaaah... greuuuh..." Ah oui, voilà à quoi on s'exposait quand on ouvrait pas la bouche pendant trop longtemps. "Hu-hum... Donc, disais-je, vous vous connaissez depuis longtemps avec Koji ?"

Ce fut approximativement à ce moment qu'il se rendit compte qu'il avait toujours le pass dans la main. Il le jeta assez négligemment sur le lit, où il atterrit pas très loin de la galerie de portraits. De cette manière Koji ne devrait pas passer des heures à chercher sa clef. Gaël lui-même ne bougea pas, préférant ne pas risquer de marcher sur quelque chose, et restant près de la porte.

"Moi c'est la première personne que j'ai croisé ici. Enfin la seconde, la première c'était Alfred bien sûr..."
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MessageSujet: Re: [RP] Koji Ashton, enfin majeur ! [RP] Koji Ashton, enfin majeur ! EmptyVen 18 Juin 2010 - 21:44

L'eau qui coulait sur son corps – eau enfin chaude – comme la vie – et le sang qui coulait – à l'intérieur de ses veines – à nouveau à l'intérieur – qui coulait sur sa peau – fragile – comme une peau d'enfant – eau qui le faisait sentir – pas encore mort – dont il avait cru – que plus jamais – elle ne reviendrait – eau simple comme elle-même – simple confort – et simple chaleur – autour de lui comme la première – et la seule – couverture.

C'était plus que nécessaire – elle coulait – encore et encore – ce n'était sans doute pas très – écologique – mais il avait dessiné – plus jeune – des stations d'épuration – ça aussi il l'avait dessiné, mais avec moins de ferveur, avec moins de tendresse songeuse (comme la Lune), que pour Gaël, le visage de Gaël, son regard (le regard de Gaël), son sourire (le sourire de Gaël), les bras de Gaël (autour de lui comme une couverture – une seconde couverture – créée et découverte – par ce qu'il y a de précieux – l'humain) – et il savait que l'eau était recyclée – bien répartie – bien employée ; il n'avait pas la force, de toute façon – de se sentir – coupable.

Il sentait le savon parfum de lilas. Combien de faux lilas enfermés dans une goutte de savon ? Le lilas sur son corps comme pour la médecine des simples. Il regardait son corps parfum de lilas, son corps ennuagé de mousse : c'était un corps qui n'avait pas trop souffert – songeait-il. C'était un corps qui était encore un corps de jeune homme, qui ne fanerait pas – tout de suite – comme une branche de lilas, parfum de savon.

Il avait bien sûr enlevé ses bandages. Il en ferait d'autres. Il faudrait de l'aide. Pour tendre les bandages. D'abord désinfecter la plaie. Les deux – plaies – ouvertes dans son poignet – par lui-même – ouvertes avec un simple trombone – celui qui attachait les feuilles de son dossier (sa vie) ; il se souvenait de la – douleur – comme chaque moment de sa vie il s'en souvenait – comme d'une chose unique (et qui l'était vraiment) – c'était sa peau son corps – qui s'en souvenait – tout son être intelligent – jusqu'à la ressentir – à nouveau.

Bien sûr, cela, ce n'était pas beau. Il y avait encore la cicatrice. Mais maintenant la médecine allait vite. Si vite. La peau se refermait. Pour de petites choses on avait l'impression d'être immortel. Et ce n'était qu'une petite chose, vraiment, une plaie au poignet. Sans doute pouvait-on mourir de petites choses comme celle-ci. Et même, il y avait des gens qui le voulaient – voulaient mourir – de toutes petites choses – comme un terme à de très grandes – souffrances.

Koji savait. Que dans la pièce à côté, juste de l'autre côté de la porte, derrière l'eau aussi, et le savon, ils pensaient que c'était lui qui avait ouvert toutes ces plaies (ces deux plaies) sur son corps, qu'il avait jeté sa vie dans un grand tombereau, comme faisaient avant les fossoyeurs (pour les pauvres gens, ceux qui n'avaient pas de tombeaux), qu'il l'avait jetée de toute ses forces, comme une chose qu'on ne veut plus voir, dont on se débarrasse, comme une espèce de détritus, comme un poids que l'on a sur soi, et qu'on veut nager, l'avait jetée loin de lui comme une chose ignoble, comme un trop mauvais souvenir, un enfant que l'on ne désire pas, une portée de chiots que l'on met dans un sac, et après la rivière, ou bien le mur – il savait qu'eux deux, là-bas, ils devaient penser cela, pensaient à lui comme à quelqu'un de déjà un peu mort, parce qu'il avait voulu mourir – ils le croyaient, ils croyaient que lui n'était plus qu'un spectre qui regardait la vie déjà de loin, ils le pensaient malade, parce que le dégoût de la vie c'est la maladie, une petite maladie insidieuse, d'abord pas pire qu'un rhume (un rhume des foins), et puis après grande, horrible, une grande maladie envahissante, là au fond de lui, comme un virus sournois (celui que l'on voit dans les dessins animés, avec un air méchant et une moustache – comme celle – d'Hitler), ils étaient là, assis sur son lit, sans trop savoir quoi se dire, à chercher les symptômes, ils s'accusaient peut-être en eux-mêmes de les avoir manqués (les symptômes), de n'avoir pas été assez attentifs, sans cela bien sûr ils eussent – compris – le développement du mal et – arrêté – saisi son bras, retenu son geste, juste au bord du gouffre, ils se sentaient peut-être même un peu coupables, ils se demandaient, c'était très possible oui ils se demandaient d'où cela venait, qu'est-ce qui avait bien pu faire naître la mort (c'était contre-nature, hideux comme une plaine désolée, sans rien, ni arbre ni bosquet ni fourmis) en lui – qui leur avait souri, tant et tant de fois, ami et presque plus (non cela c'était lui – qui l'espérait – car il espérait toujours, lui bien vivant, et jamais mort, ne jamais mourir, comme son vœu le plus cher, et c'était un vœu de vieillard, bien sûr, mais de vieillard pas tout à fait encore assez vieux) et qu'ils avaient vu presque un cadavre, et alors il avait l'impression de leur mentir, de les faire souffrir (peut-être) inutilement : il aurait pu leur dire, bien sûr, avant de rentrer dans la douche, leur dire que ce n'était pas vrai, et puis expliquer, ou expliquer après, et de ne pas s'inquiéter, leur dire qu'il était là et vivant et jamais mort, vivant pour toujours, ou au moins pour quelques dizaines d'années, qu'il n'avait pas voulu, pas souhaité, pas désiré les quitter, les abandonner, les faire pleurer sa mort, il aurait pu dire je t'aime et dire – tant et tant de choses – si seulement il n'avait pas été – meurtri, décousu, fatigué – sans doute c'était un peu égoïste mais il n'arrivait pas – plus maintenant – pour l'instant – à se sentir – coupable.

Il aurait pu passer des heures sous cette douche. Mais dehors il y avait Gaël – sur qui il pouvait poser ses yeux – alors il aurait l'impression de sentir son cœur – battre – normalement – battre comme battait le cœur – de n'importe quel adolescent – de son âge – il trouverait un instant de répit – dans cette grande, et vaste, et profonde émotion – dans cette angoisse et cette inquiétude ; dehors il y avait Virginie – il en était sûr elle guettait – le moindre de ses mouvements – et s'il mettait un peu temps – elle croirait – qu'il avait tenté à nouveau – ou simplement fait un malaise – elle défoncerait la porte – comme un mur de papier blanc.

Il était sorti de la douche, il avait serré une serviette – contre lui – une serviette douce – il aimait les serviettes douces – comme celles – de son enfance. C'était de grandes serviettes immenses, blanches, épaisses, dans lesquelles il pouvait s'envelopper comme dans un grand manteau de fourrure ; il se sentait protégé comme un petit enfant – qui croit que se cacher sous sa couette – protège de tout – et surtout des monstres.

Mais ce jour-là, elle ne suffisait pas. Il la sentait chaude autour de lui – mais moins chaude que les bras de Gaël – qui pourtant n'avaient pas – touché sa peau (cela : c'était terrible). Elle ne suffisait pas parce qu'il avait – enfoncée dans sa chair comme un clou – facilement martelé dans du bois tendre – une angoisse sans forme mais non sans consistance – c'était une de ces angoisses contre lesquelles ne peuvent rien – l'intelligence – et tous ses raisonnements – même la plus grande – et en un sens sublime – des intelligences (humaines). Toutes ces épreuves, il les avait traversées, et puis il avait eu un plan, il l'avait exécuté – il avait songé à survivre – il y avait songé d'une manière très compliquée – songé dans une partie d'échecs – internationale – mais d'une certaine façon c'était tout simple – le même instinct que n'importe qui, et en cela le même sens – et après le songe, c'était la même angoisse – le même petit cœur, petit esprit, petit être – brisé.

Il se regardait dans le miroir, et il avait peur de se voir si jeune, avec des traits si fragiles. Cette grâce, cette beauté, c'était ses fiertés – ses armes peut-être les plus subtiles. Il regardait ses muscles, il tentait de se rassurer : il regardait leur dessin sous sa peau. Ceux-là, ils étaient bien là. Lui qui faisait tant et tant de sport. Mais ce n'était pas assez. La grâce et la beauté, c'était – un corps facilement fracturé – une peau qu'on pouvait couper, des os qu'on pouvait casser – il aurait voulu avoir plus de muscles, avoir des cicatrices, et l'air méchant, et l'air antipathique, avoir une grande mâchoire carrée, et un nez cassé (deux, trois fois), de grandes mains solides et des doigts noueux, ces doigts que l'on imagine bien serrer une gorge, de grands doigts forts et dangereux – lui qui avait pratiqué des arts martiaux depuis tant et tant d'années, tant et tant d'heures par semaine, il regrettait – de les avoir pratiqués comme un art – il aurait voulu ne rien en savoir mais – s'être battu dans les bars – après avoir bu beaucoup d'alcool – s'être battu dans les rues, les terrains vagues, sans sabre mais avec une chaîne de vélo – parce que jamais dans la rue on ne trouvait un sabre qui traînait, mais par contre plein de barres de fer, et de chaînes de vélo – il s'était bien battu dans sa vie – il avait même gagné, souvent – dans des bars – mais il aurait voulu ne pas savoir esquiver – mais en contrepartie – avancer – comme un bulldozer – comme un buffle ou une espèce de grand taureau – et se sentir à l'abri – dans son propre corps.

Il sentait les larmes commencer à couler – enfin – et sous les yeux, juste au bord du nez, comme des nerfs qui vibraient, des cordes prêtes à se rompre – il sentait qu'il ne fallait pas – qu'elles se rompent – parce que sinon il pleurerait, pleurerait, sans pouvoir s'arrêter – peut-être jamais – peut-être qu'il pleurerait pendant des heures – jusqu'à tomber de fatigue. Il ne voulait pas. Il n'avait pas la force. C'était bien trop fatigant. De pleurer.

Il essuya ses larmes. Pris ses vêtements. Il mit son boxer, et machinalement il vérifia que ses fesses étaient encore – parfaites. Il trouvait presque que c'était inutile. Est-ce que des fesses parfaites sauvaient de la mort ? Peut-être que ça arrivait, parfois. Dans des circonstances très particulières. Mais enfin tout de même moins qu'une grosse mâchoire carrée. C'était ça qui était important. Survivre. Et sans trop souffrir. La seule vraie question. Mais déjà une autre question lui naissait. Ses fesses, Gaël les avait-il jamais regardées ?

Il mit son pantalon. Et moins machinalement, il vérifia que ses fesses étaient encore – parfaites. Après tout, ce n'était pas si inutile. Il fallait bien vivre, et pas seulement survivre. Ca ne servait à rien, de survivre, simplement comme une grosse brute, comme un rocher que la marée peu à peu altère, qui reste pendant des milliers d'années, mais autour de lui tout passe, tout, et qui pense à lui, qui se souvient de lui, qui le convoque dans sa dernière pensée avant de dormir, murmure son nom dans les rêves ? Les rochers ça n'a pas de nom. Enfin presque jamais.

Il boutonnait sa chemise, bouton par bouton. Il fallait qu'à la fin on devinât ses pectoraux – lui qui en prenait tant de soin – pas trop de même pas trop – sinon c'était disgracieux – et puis il y avait cette ambiguïté qu'il cultivait – après tout si les gens sont trop certains, ils n'ont pas envie d'enquêter plus avant. C'était important que les gens vissent juste assez – pour désirer voir plus. A cet instant précis il trouvait qu'il n'y avait rien de plus important au monde.

Et voilà c'était fini, il était habillé, ses pieds nus sur le parquet de la salle de bain, et ses yeux noirs qui le détaillaient dans le miroir. Il avait l'air un peu fatigué – trouvait-il – un peu pâle. Mais il était beau, si beau – il se regardait, il se trouvait séduisant. Très. D'habitude, cela suffisait. Ce n'était pas qu'il se complût dans sa beauté. La beauté, ce n'était rien qu'un moyen ; la beauté, elle le rassurait sur ce qui seul importait vraiment : qu'il y aurait quelqu'un, dehors, à l'extérieur de la salle de bain, qui le trouverait assez beau pour avoir envie de le prendre dans ses bras. Alors il savait que le monde existait, en dehors de ses pensées, en dehors du propre labyrinthe qu'il était à lui-même.

Mais ce jour-là, ce ne fut pas pareil. Il se trouvait beau, mais ce n'était plus suffisant. Il regardait les mèches de cheveux gris, qui coulaient comme de l'argent de son cuir chevelu, comme un métal précieux directement sorti de son cerveau, et il se souvenait de toutes et chaque minutes des derniers jours, de la moindre souffrance de la moindre seconde, et il avait peur, il était terrorisé, comme l'enfant qui vient de comprendre – que la couette ne suffira pas – si vraiment le monstre est là – juste sous le lit.

Il sentait les larmes qui montaient à nouveau aux yeux, qui miroitaient déjà dans ses deux yeux noirs, et alors il bondit sur la porte, pour tourner avec maladresse la clef dans la serrure (s'y reprenant à deux fois, même), pour presser la poignée d'une main tremblante, et l'ouvrir, et voir Virginie, et Gaël, ils étaient là eux, bien vivants et humains, eux ils l'aimaient, au moins un peu, et ils ne lui feraient rien, pas de mal rien, ils allaient le protéger, parce que bien sûr des gens comme eux, des êtres aussi formidables, et qu'il aimait tant, c'était plus fort que tout, plus fort que les vampires suceurs de sang – qui attendent – dans la nuit éternelle.

Pendant une seconde, deux secondes, il posa sur eux son regard déjà plein de larmes, mais qui ne coulaient pas, son regard apeuré, il ouvrit la bouche – pour leur dire qu'il avait peur, si peur, de tout, du monde, des gens, pour leur dire qu'il avait confiance, en eux, en leurs bras, leurs mains, leurs regards posés sur lui, qui les aimait, aussi, elle comme l'amie la plus sincère qu'il eût jamais connu, et lui comme le monde, comme la vie, comme chaque grain qui éclot et chaque épi qu'on moissonne , il voulait dire tout cela, bêtement, naïvement, sans y réfléchir, mais c'était trop de mots, et des mots trop compliqués, trop importants – pour lui.

Alors il fit ce que seulement il pouvait faire : il referma la bouche et se mit à pleurer. Juste un peu. Il continuait ses efforts, pour ne pas se briser comme une digue. Il finit par ravaler ses larmes, et essuyer les récalcitrantes d'un revers de manche, avant d'esquisser un sourire un peu triste, et de murmurer d'un ton faussement désinvolte.


« Désolé, c'est juste que... »

Il avait songé un instant à faire un trait d'esprit. A mentir. A raconter une histoire farfelue pour détourner l'attention. Son regard s'était détourné. D'habitude, il mentait sans rougir, les yeux dans les yeux, mais là c'était tout de même trop fort, trop incroyable. Finalement, son regard avait cheminé, et s'était posé sur Gaël. Et mentir lui demanda brusquement trop de courage. Il abandonna son ton désinvolte, et glissa d'une voix timide, sans lâcher Gaël des yeux.

« J'étais dans la salle de bain et... Et j'étais tout seul. Et, c'est bête, bien sûr, hein, c'est vraiment bête, mais j'ai eu l'impression que je serais tout seul. Tout le temps. Et qu'il y aurait toujours autour de moi quelque chose, et que ça allait surgir, je ne sais pas, de la cabine de douche, surgir et me broyer. J'ai eu peur. »

Il allait rajouter un : c'est bête, mais lui-même finalement ne trouvait pas cela si bête. Alors il se contenta de sourire. Il fit quelques pas pour s'asseoir près de Virginie, et son regard tomba sur la pile de desseins. Et comme décidément il n'était pas en état de mentir, ses yeux bondirent sur la jeune fille, et le rouge lui monta aux joues. Avec un toussotement extrêmement gêné, il prit le paquet de feuilles et le fourra sous le lit, avant de s'asseoir en tailleur – enfin – sur un vrai matelas.

« Je suis désolé mais euh... Hm. Il faudrait... »

Il remonta ses manches jusqu'aux coudes, et d'une voix presque inaudible ajouta :

« Que quelqu'un m'aide. Pour refaire les bandages. »
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Virginie Parish

Type Sigma

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Virginie Parish

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Profession : Employée de la LC et Membre du Contrepoison
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MessageSujet: Re: [RP] Koji Ashton, enfin majeur ! [RP] Koji Ashton, enfin majeur ! EmptySam 26 Juin 2010 - 22:30

Les comprimés méticuleusement réunis avaient été disposés sur un coin du bureau. En brave lignarde ne connaissait ni les effets, ni les doses exactes, de chaque type. Elle avait discrètement observé l’évolution du fond médicamenteux du migraineux. Le sujet n’était jamais abordé de front entre eux. Depuis leur première rencontre Virginie avait comprit que celui-ci (en particulier) réclamait certaines précautions. Elle, qui avait perdue le simple reflexe de se plaindre, comprenait aisément qu’un individu voulu la paix dans ce domaine. Alors son tempérament protecteur se faisait parfois violence pour retenir les questions de santé. En même temps que son propre corps devenait inébranlable, son inquiétude pour les faiblesses conventionnelles s’amplifiait. Un phénomène qu’elle savait irrationnel mais qui résistait (lui aussi) à tout raisonnement. Ce froid matin d’hiver n’allait certes pas la faire progresser sur la question.

Gaël ne semblait pas mal à l’aise. Il faut dire que peu de monde pouvait l’être aussi vite et bien que la demoiselle. Il restait debout prés de la porte, autrement dit prés de la sortie. Elle aussi choisissait souvent cette place dans les lieux inconnus. La manière la plus directe de prendre la fuite n’est-ce pas ? Ici cette tactique était à présent inutile. La jeune fille connaissait cette chambre. Elle la connaissait presque aussi bien que la sienne. Car sans vraiment le vouloir les rituels s’étaient installés. Certes ils étaient quelques peu malmené depuis l’automne. Mais Virginie venait toujours écouter le silence de Koji, les poèmes de Koji et les histoires de Koji. Il n’y avait guère que Luc qui en de trop rare soir la volait au regard de l’Institut. En ayant vu les dessins Virginie savait que Gaël pourrait un jour avoir le même pouvoir sur son ami.

Bien sûr maintenant qu’il était là depuis assez longtemps Koji était connu. Il était connu comme ces jeunes hommes populaires de la fac. Sans en avoir côtoyée la mutante en avait vue les prémices au lycée. Beauté, charme, charisme et parole. Il avait tout pour être le parfait avatar de l’étudiant tombeur et il le savait. Sans soupçonnée une seconde que Koji puisse en profiter de manière abusive, elle faisait en sorte que cette aura ne la touche pas. Virginie ne voulait surtout pas devenir populaire. Elle l’était sans doute un peu malgré tout. Avec ses longs cheveux blonds, son timide silence et ses exploits en salle d’entrainement. Et Gaël ? Gaël elle ne le connaissait pas. Elle l’apercevait parfois. L’ombre de la Lune se plaisait-elle à le surnommer. Elle ne savait rien de lui. Excepté la teneur de sa mutation. Impossible de garder le secret dans une école pareille.

-« Depuis un petit moment. Depuis son arrivée ici, fin mai. En fait j’étais en retard en cours et lui il attendait à l’entrée. Je lui proposé de l’aide et il a accepté. Et toi ? »

Son regard suivait le mouvement de l’objet qui retomba donc sur le lit. Le visage d’Alfred. Il était un peu l’alter ego de Samarah entre ces murs. Deux veilleurs éternels. Virginie essaya d’imaginer la première rencontre. Le coup de foudre de Koji… tout. Elle se souvient de sa propre arrivée. Débarquant et étant embarquée dans un entrainement sans avoir le temps de fuir. Pour cette fois la curiosité avait bien fait son œuvre. Elle n’avait jamais put recroiser les élèves de ce cours. Quant aux quatre professeurs… ils l’intimidaient toujours autant. Mais bien vite son esprit revint dans la pièce. Il l’intriguait ce jeune homme. Elle se demandait ce qu’il avait put entrevoir. Alors la question s’échappa avec un rien de curiosité dans le regard.

-« Quels vers a-t-il dit ? »

Le son de l’eau berçait leur lente conversation. Malgré elle Virginie gardait chaque sens en éveil. Bien sûr elle ne pouvait pas encore discerner le parfum du gel douche de sa place, mais cela viendrait aussi apparemment. Alors en bruit de fond elle écoutait cette eau rassurante. La mélodie calme d’une action normale. Il était frustrant de se dire qu’elle avait passé tout ces soirs à quelques centimètres de lui sans deviner. C’était surtout malheureux. Elle avait remarqué les maux de tête. L’absence progressive du peintre dans sa vie. Ses apparitions dans les journaux. Mais ça…

D’ailleurs elle n’avait toujours pas put lire le rapport. Il y avait de l’autre côté du couloir son ordinateur. Celui sur lequel elle aurait put consulter le mail de Claudia. Mais cette lecture devait attendre le soir. En dehors de toute observation possible. Une lecture qu’elle redoutait réellement. Une transgression. Cependant l’inquiétude en justifies certaines, n’est-ce-pas ? Elle sentait la boule recommencer à grossir dans son ventre. Les larmes n’étaient (ne seraient) jamais de douleur. Une peine, une peine véritable d’avoir échouée. N’avoir pas sut l’aider le protéger comme il le méritait, comme elle le désirait. Car comment son esprit aurait put envisager un subterfuge aussi risqué que de simuler un suicide ? Idée inconcevable, trop romanesque et bien trop morbide !

Ses yeux bleus et brillants d’angoisse accaparaient le compagnon incongru. Savait-il quelque chose lui ? Une chose qu’elle ignorait sur Koji. Une chose que même cette jeune fille : Mathilde ignorait ? Il ne pouvait pas savoir que Koji avait été sous le girond d’une police malfaisante. Mais savait-il ce qui aurait put donner l’envie… l’envie d’en finir ? Elle détestait cette idée ? Aussi fort qu’elle détestait son ignorance. Koji était un garçon mélancolique cela elle le savait. Est-ce que ce sentiment suffisait une fois coincé sous les griffes des autorités ? Koji Ashton, la vis sans monsieur Ashton Koji. Non. Impossible. Dans ces instants où les réponses manquent la langue devient une créature autonome. Un murmure aux accents de supplique.

-« Tu sais quelque chose ? »

Koji n’était plus sous l’eau. Le silence fût plus lourd à porter. Un peu comme celui de son père il y a quelques mois. Celui qu’il n’avait pas quitté pendant les douze heures d’attente. Dans la frénésie d’un hôpital londonien leurs deux silhouettes, aussi droites que menues, avaient attendu. Ils n’avaient pas patienté. Ils avaient attendu. On n’attend pas un bus, un café, un baiser comme on attend le verdict d’un docteur. Cette tension. Ce besoin d’en finir et cette peur affreuse que celui-ci s’assouvi. Pouvait-elle demander à Gaël d’aller voir ? Contredisant ainsi ses propres réflexions. Elle inspira une longue goulée d’air. Ses mains remontant jusqu’à son crâne pour repousser la chevelure. Ce geste qui trahissait la nervosité qui l’habitait depuis la lecture de quelques mots.

Quelques minutes encore avant un cliquetis annonciateur et redoublé. Koji n’était jamais maladroit par le geste. Sa main tremblait-elle ? Pourquoi cette main tremblait-elle ? Elle amorça un mouvement pour se relever. Ses yeux détaillèrent alors les siens. Virginie avait déjà vue des larmes chez Koji. La souffrance physique avait eu plus d’une fois raison de son calme princier. Mais là, le scintillement était différent. Ho Koji ! Cette fois ce n’était plus la pudeur qui retenait Virginie, ou bien pas tout à fait. C’était la crainte de voir sa propre digue céder. Ce qui n’aurait aidé en rien. Elle refoula ses émotions avec une perversité digne des plus beaux cas freudien. Il amenait déjà le tissu à ses joues. Le sourire elle y répondit tout de suite et de son mieux.

Elle le laissa regarder Gaël et expliquer. Expliquer cette impression… avoir une menace tapis à chaque moment, endroit de l’existence. Cette impression que l’amie avait si souvent depuis l’aube de sa treizième année. Ce monstre caché là pour vous dévorer jusqu’à la moelle. Cela peu importe la carapace dont vous profitez.

-« Non ce n’est pas bête du tout. »

Il approcha et la jeune fille le laissa approcher avec une bienveillance palpable. Plus de crainte à son approche plus aucune. Ce matin une irrésistible envie de lui offrir asile. Tout à son but salvateur elle n’anticipa pas la découverte du logeur. Les feuilles. Le rouge de ses joues appela celui de l’amie maladroite. Elle avait fait au plus vite. Non elle n’avait rien dit. Non elle ne dirait jamais rien. Sous le lit c’était tout de même beaucoup mieux ! Ouf.

Lui aussi en tailleur. Deux silhouettes graciles et tout à fait gênés par cette complicité imprévue. Mais il y avait bien pire dans une vie. Virginie revint délicatement vers lui. Quand il se sentit capable de porter la voix. Elle devinait ce qui allait suivre. Ses yeux d’abord refusèrent de se baisser. Elle avait vue pire que deux entailles. Le service des grands brûlés regorgeait d’apparitions cauchemardesques. Sa mère à demi-brûlée était une vision désastreuse par moment. Elle avait vue des cadavres après l’attaque sur l’Oiseau blanc. Les blessures elle les savait. Le sang n’était plus le même ennemi pour elle depuis. Elle n’avait plus l’estomac retourné. Pourtant… Pourtant là c’était différent. C’était Koji d’abord. C’était des marques. D’affreux symboles de mort.

Un regard vers Gaël. Savait-il faire des bandages ? Pendant des semaines elle était passée chaque soir chez les Parish. Parce qu’elle coûtait moins cher que l’aide soignante à domicile. On lui avait apprit chaque pansement. La matière, la longueur, le nombre de tour, la manière de l’attacher. Est-ce que cela suffirait pour aider son ami ? Probablement. Au moins un minimum. Alors pour différer la vision, elle se leva et attrapa le matériel nécessaire. Il était à côté de tous ces comprimés. Le désinfectant, le baume, les bandes blanches, il y avait tout. Il serait peut être plus simple pour ces deux là qu’elle fasse les choses ? Gaël n’avait pas l’air très enclin aux contacts. Koji par contre… Elle retrouvait sa place, face à son profil, déposant les objets dans le creux de ses jambes. Une véritable petite infermière des champs de batailles adolescents.

Maintenant il fallait regarder. Regarder ce qu’elle allait soigner. Son cœur se bloqua. Son souffle se suspendit. Deux plaies parfaites, rouges, ouvertes, propres… Ce n’était pas beau, ce n’était pas aussi laid que les cloques ou les cotes disloquées. Ne pas réfléchir à leur signification. Ne surtout pas penser et agir. Lentement elle imbiba un premier coton d’une lotion cicatrisante. Aussi précautionneuse que lorsqu’elle préparait ses ballerines, ou bien une coiffure. Retrouvant les gestes de chez elle près d’Alison. Avait-elle dit à Koji ce qui était arrivé à Alison ? Ses iris l’enrobaient de tendresse. Elle se souvenait très bien des grimaces maternelles. Alors elle mit toute la douceur du monde dans son avertissement.

-« Je suis désolée ça risque de piquer un peu. »

Ses doigts fins et amicaux déposèrent les premières gouttes. Son visage penché savamment dissimulé par sa crinière blonde. Une jolie nonne entrain de souffrir avec son prochain en ne sachant pas tout à fait comment cela devait être. Elle s’exécutait dans un silence studieux presque religieux. C’était sa manière à elle de bien faire les choses. A chaque mouvement de Koji elle hésitait à suspendre son action.
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MessageSujet: Re: [RP] Koji Ashton, enfin majeur ! [RP] Koji Ashton, enfin majeur ! EmptyMar 17 Aoû 2010 - 16:01

Gaël prit un regard vague pendant qu'il tentait de se rappeler ce que lui avait dit le majordome. Il comprit rapidement que c'était en pure perte et renonça en haussant les épaules. La deuxième question le surprit, jamais il n'aurait imaginé que Virginie puisse penser qu'il avait plus d'information qu'elle sur la situation. Après tout c'était elle qui l'avait tiré du lit. Il promena à nouveau son regard sur elle et la vit tendue, plus qu'elle ne l'avait laissé paraître en présence de Koji. Elle s'était construite une apparence de confiance et de maîtrise mais à présent qu'il était ailleurs, ses véritables sentiments reprenaient le dessus. Il crut comprendre qu'elle faisait cela pour le jeune métis, pour le protéger.

"Non."

Il s'était efforcé de prendre un ton rassurant en prononçant ce mot, mais aucun de ses efforts n'aurait pu atténuer le choc de cette réponse crue et la destruction du mince espoir qu'elle avait entraîné. Il aurait aimé se montrer plus à même de répondre à cette attente mais au final il ne savait lui-même pas exactement pour quelle raison il était présent. Virginie pensait qu'il pouvait en savoir plus qu'elle, et c'était pour ça qu'elle l'avait emmené. Mais comment avait-elle put se faire cette idée ?

"Eh bien... non. En fait, je ne vois pas ce qui te fait penser ça."

Ce fut alors que Koji réapparut, propre, beau, et terriblement seul. Lorsqu'il s'effondra, Gaël ne fit pas un geste ni ne pipa mot, se contentant de le fixer avec son regard un peu vague. Il ne savait pas faire de bandage et n'était pas doué pour réconforter les autres, aussi laissa-t-il ces deux lourdes tâches à Virginie.

Pendant qu'il restait debout prêt de la porte, sans bouger, son esprit s'activait à trouver une solution à un problème énorme. C'était l'anniversaire de Koji. Il lui fallait un cadeau. Un beau cadeau.

D'habitude Gaël aimait bien offrir des livres. Il s'agissait d'un présent qui permettait beaucoup de diversité, tout en étant durable ; cependant il suffisait sans doute à Koji de lire une fois quelque chose pour s'en souvenir éternellement, et à en juger par la quantité de papier qui se trouvait dans la pièce, il devait déjà avoir assimilé plus de livres que Gaël n'en avait vu dans sa vie.

De la musique peut-être ? Mais sans doute qu'il en était de même que pour les livres, et il doutait sérieusement de pouvoir trouver quelque chose qui ne serait pas pour Koji qu'une musique parmi tant d'autres.

C'était que Gaël prenait très au sérieux le choix d'un cadeau d'anniversaire. C'était à ses yeux quelque chose de vraiment important, une opportunité de consolider les liens avec quelqu'un. La situation présente étant ce qu'elle était, Gaël pensait également (et de manière sans doute assez naïve) que cela serait une façon de remonter le moral de Koji. Et pour lui de trouver enfin une place dans l'enchaînement de situations improbables qui l'avaient conduit ici, à contempler cette chambre à l'agencement chaotique tout en s'efforçant de trouver quoi offrir à quelqu'un dont il lui semblait qu'il posséda déjà le monde entier.
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MessageSujet: Re: [RP] Koji Ashton, enfin majeur ! [RP] Koji Ashton, enfin majeur ! EmptySam 21 Aoû 2010 - 17:22

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[RP] Koji Ashton, enfin majeur !

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