Forum de Jeux de Rôle Futuriste - Inspiré des Mutants de Marvel (X-Men)
--In Game (Summer 2052) : Votre personnage peut évoluer librement en mode vie ou participer à l'Event 'Cymru'-- -- IRL : Nos personnages prédéfinis cherchent une plume pour leur donner vie !-- N'hésitez pas à nous rejoindre !
Sujet: Re: [RP] Appuyer sur pause Sam 3 Déc 2011 - 20:00
Il y avait peu de choses qui fussent susceptibles de captiver assez l’attention de Koji Ashton pour qu’il en oubliât d’être vigilant, pour que son esprit cessât de décortiquer de lui-même le réel qui l’entourait pour se plonger dans des rêveries tranquilles : les jolis garçons entraient dans cette sélective catégorie. Et Ewan Ramsay était peut-être l’un des plus jolis garçons du monde — d’une beauté surnaturelle.
Koji, donc, parvenait à peine à guider sa fourchette jusque dans sa bouche. La course poursuite était passé, les menaces au revolver, la découverte de la planque, les considérations stratégiques et psychologiques ; alors, dans l’intimité presque familiale de ce repas, dans cette douceur chaleureuse que répandait autour d’eux l’aimable activité de Virginie, place était offerte à l’abandon et Koji, pour la première fois, mesurait l’ampleur de la mutation de sa nouvelle connaissance.
Jamais, en vérité, il n’avait vu cela et les exceptions étaient si rares dans le monde de Koji Ashton qu’elles produisaient toujours sur lui le plus grand effet. Soit qu’il n’eût jamais croisé de métamorphes, soit que ces derniers eussent été plus prudents, et donc plus discrets, qu’Ewan, jamais Koji n’avait vu des traits si harmonieux, une peau si désirable et, en somme, des proportions qui rappelaient beaucoup plus une sculpture qu’un être humain.
Sans doute ce spectacle avait-il quelque chose d’un peu déstabilisant. Koji avait l’habitude, en observant une personne, de se rappeler d’autres personnes aux traits semblables, que la première lui évoquait par tel ou tel détail ; quand il observait Ewan cependant, c’était des livres d’art, des photographies, des peintures ou des sculptures, et même une impression esthétique diffuse, qui passaient dans son esprit.
C’était une étrange et plaisante inhumanité, mais elle recelait quelque chose de secrètement inquiétant, comme une violation de l’ordre de la nature. Pourtant, Koji connaissait des mutants dont le don se manifestait de façon beaucoup plus improbable, des êtres portant ailes, griffes ou tentacules, des personnes que l’on n’eût pas hésité, quelques siècles auparavant, à traiter de loups-garous ; mais ces êtres, parce que leur humanité, justement, paraissait plus improbable, menaçaient moins la nature elle-même, tandis que le corps d’Ewan, conforme en général et dans chacune de ses parties à ce qu’un être humain pouvait effectivement être, se trouvait cependant une réunion absolument impossible de ces éléments.
Peut-être l’esprit de Koji était-il également fait pour être plus fortement frappé par des impressions qui, subtiles et diffuses, n’eussent pas eu autant d’effet sur un cerveau normal et sans doute un peintre, un anthropologue, un photographe, tout professionnel de la forme humaine, eût éprouvé, devant ce visage que des passants se seraient contentés d’admirer sans y faire de réflexions, le même étonnement mêlé d’inconfort, la même secrète et incompréhensible angoisse.
Ce sentiment en faisait naître un autre chez Koji, qui était comme de la honte, car c’était la première fois de son existence qu’il percevait intuitivement l’inhumanité de l’un de ses semblables, et cette perception, lui semblait-il, le rapprochait dangereusement de ceux-là mêmes qu’il devait combattre, quoiqu’il ne s’y mêlât, pour sa part, ni dégoût, ni rejet formel. Lui qui se sentait si peu humain, et qui parfois souffrait de cette exclusion, était tenté de retirer à un autre cette humanité qui pourtant lui semblait devoir être si chère.
Des questions étaient inévitablement soulevées par cette amère constatation. Quelle aurait été sa réaction si, au lieu de modifier son corps, Ewan avait pu modifier ses sentiments et s’il leur avait présenté, non une enveloppe physique parfaitement angélique, mais une âme pure du moindre vice et de la moindre imperfection ? Etait-ce là une inhumanité que lui eût inspiré la même crainte ?
Ces spéculations entrainaient Koji dans des territoires familiers et néanmoins hostiles. Il savait depuis longtemps que le mal extrême était un concept plus aisé à manier que l’extrême pureté. Le mal, il suffisait de le reprendre, à défaut de le combattre et de l’éradiquer. A la pureté, il n’est rien possible d’ôter ni d’ajouter, et pourtant, il n’est que trop évident qu’elle menace l’ordre même du monde.
Comme à son habitude, l’esprit du mutant s’éloignait rapidement des premières impressions qu’avait produites en lui la nouvelle apparence d’Ewan et dérivait à présent vers des sphères de haute abstraction, où il risquait bien de se perdre. Déjà, le regard de Koji ne percevait plus précisément le jeune homme que pourtant il avait contemplé avec une passion d’esthète mêlée d’incertitude, déjà le métis n’entendait plus le moindre bourdonnement de conversation.
Il pesait désormais des problèmes métaphysiques de la plus grande complexité, revenait à des considérations ontologiques et se lançait dans de nouvelles étendues désertes. Son visage avait pris une expression que ceux qui le fréquentaient connaissaient bien et avaient appris à interpréter : c’était comme un masque mortuaire ou une statue de philosophe, figée pour toujours dans une expression marmoréenne d’insondable intelligence.
Quand les télékinésistes se laissaient emporter par leur pouvoir, ils détruisaient des immeubles. Les pyromanciens incendiaient les forêts, les téléporteurs se retrouvaient à l’autre bout du pays. Les aléas du don de Koji étaient beaucoup moins destructeurs, beaucoup plus silencieux et, en fin du compte, point du tout spectaculaires : Koji se contentait pour sa part de devenir fou, d’une folie heureusement sans danger pour quiconque, si ce n’était lui-même.
Il avait cessé de manger, bien entendu, et également de boire. A vrai dire, il avait cessé de bouger. Quand il était livré à lui-même, demeurait-il dans cet état pendant plusieurs heures, plusieurs jours ? Etait-ce pour s’assurer que quelqu’un, à un moment, viendrait le tirer de ces dangereuses méditations qu’il multipliait les activités, distribuait ses conseils, faisait dépendre tant de gens de ses bons avis, afin que toujours son téléphone sonnât, que toujours on cherchât à le voir et que jamais, dans l’immensité d’une solitude, son esprit ne s’abîmât définitivement dans ses profondeurs sans fin ?
Bien sûr, comme tous les mutants, il avait fait son possible pour contrôler ces manifestations imprévues de son pouvoir. Il avait même beaucoup progressé. Trouvé des petits trucs. Mais il lui arrivait parfois d’être surpris par lui-même, de se dissoudre sans pouvoir l’empêcher dans une mer de pensées et de trouver, même, dans l’effondrement de sa propre personnalité au profit d’une haute spéculation une sorte de douceur qui n’aidait guère à ce qu’il maintînt toute son intégrité.
Ewan Ramsay
Type Alpha
Sujet: Re: [RP] Appuyer sur pause Sam 3 Déc 2011 - 21:08
L’amabilité de Virginie, cette douceur presque maternelle dont elle tenait à l’entourer et dont Ewan devait bien s’avouer qu’il se sentait spécifiquement l’objet, faisait naître en lui un sentiment de naïve reconnaissance qui, lui étant si peu familier, le disposait avec force en faveur de la jeune femme ; jamais, dans son souvenir, personne n’avait été si immédiatement agréable avec lui et, pourtant, il n’y avait rien qu’il désirât plus.
Cette situation l’intimidait un peu. Instinctivement, il se faisait silencieux et attentif, tant pour ne rien perdre des explications de la jeune femme que pour ne pas dévoiler, par une maladresse d’expression ou de geste, l’infirmité de son existence qui lui apparaissait de plus en plus clairement. Si dans son monde il n’y avait pas de gens comme Virginie, n’était-ce pas en effet la preuve qu’il vivait dans un milieu très inférieur, qu’il était lui-même très inférieur, à tout ce que connaissait sa nouvelle amie ?
Ce fut donc avec une espèce de timidité enfantine qu’il hocha la tête quand la jeune femme lui demanda s’il vivait à Londres. Il y avait aussi dans son silence l’envie de ne pas s’étendre sur les conditions de son existence, les squats, les chambres de bonne sous les toits, les lits dans lesquels il ne faisait que passer. Ewan était soucieux de ne pas donner une image trop misérable de lui-même.
C’était d’ailleurs ce même souci, cette même scrupuleuse attention à ce que le monde pouvait penser de lui, qui gouvernait ses choix physiques. S’il lui arrivait de sacrifier aux exigences de telle ou telle mission en adoptant, pour quelques heures, un visage absolument disgracieux, la beauté qui était d’ordinaire la sienne était beaucoup moins la preuve de sa vanité qu’une tentative désespérée, et maladroite, de se faire aimer.
Habité de la sorte par de semblables douleurs, il était prêt à croire tout ce qui pouvait lui dire un ange de douceur comme Virginie, et eût-elle cherché à l’endetter pendant vingt ans, à lui vendre des dizaines d’aspirateurs ou à le faire adhérer à quelque obscure association de philatélie qu’il eût signé les yeux fermés sans poser la moindre question, abolissant toute volonté personnelle pour peu qu’il lui fût permis de se sentir encore un peu choyé.
D’ailleurs, il avait presque oublié la présence de Koji, auquel il n’adressait pas le moindre regard, moins par indifférence, que pour ne pas croiser ces yeux sombres qui semblaient toujours vouloir le déchiffrer et le faire en effet, et devant lesquels il ne sentait que trop bien qu’il était inutile de rien vouloir dissimuler. En règle générale, Ewan préférait se bercer d’illusions que d’affronter la réalité.
Le jeune homme attrapa la carte d’étudiante de Virginie et la fit tourner machinalement entre ses doigts, comme pour s’approprier un peu mieux le bref discours de la mutante. D’une voix mal assurée, en observant l’objet, il articula lentement :
« Je ne sais pas… J’veux dire… Enfin… »
Ce qu’il aurait aimé faire comprendre sans avoir besoin de le dire, ce que d’ailleurs il ne s’exprimait pas clairement à lui-même, c’était qu’un endroit semblable lui semblait un peu trop bien pour lui et qu’il avait l’impression, malgré toutes les assurances de la jeune femme, qu’il ne s’y ferait jamais une place.
Ce n’était pas que des considérations pratiques lui vinssent à l’esprit. Il ne songeait pas que, peut-être, on exigerait là-bas de lui des efforts qu’il n’était pas sûr de pouvoir produire, de la discipline, des études peut-être, une certaine civilité. Se projeter de la sorte dans l’avenir et le concret n’était guère un des maîtres traits de son caractère. Il n’avait que des intuitions diffuses.
Il déposa la carte au centre de la table, jeta un coup d’œil en coin à Koji qui semblait perdu dans ses pensées et reporta son attention sur Virginie, sur le verre de sirop, s’interrogeant sur la quantité de nourriture et de sucre qu’une jeune femme pouvait ainsi ingurgiter en gardant une ligne aussi parfaite. Il avait envie de s’exprimer pour qu’en lui répondant, elle chassât ses peurs.
« Tu sais, je ne suis pas très… Enfin, j’crois que j’ai un peu perdu la main en société, et, bon, alors, du coup… »
Il jeta un nouveau regard à Koji, comme si « perdre la main en société » était une justification suffisante pour braquer quelqu’un avec revolver. Quelque chose dans l’attitude, ou plutôt l’absence de réaction, du métis l’interpella un instant, mais, comme il n’avait aucune idée des dons et troubles du jeune homme, il ne s’y arrêta pas.
« Je suis pas sûr d’y arriver. »
Il avait dit cela en posant son regard dans celui de Virginie et, à peine avait-il fini de prononcer sa phrase, que ses yeux se muèrent du vert dans un bleu des plus clairs, des plus purs, achevant de faire de lui un ange d’une innocence surréelle.
Ces premières confidences le disposaient à parler plus avant, de sorte qu’il s’essaya à confier, à mots couverts mais clairement intelligibles, l’inquiétude qu’avait fait naître en lui la maladresse qu’il venait de commettre à l’égard de Koji et dont il était encore persuadé que le jeune homme pût lui en vouloir, ignorant que l’humanité de semblables sentiments avaient depuis longtemps déserté l’âme du Japonais.
« Et puis je n’suis pas sûr que tout le monde serait enchanté de m’y voir. »
Il dirigea ostensiblement son regard vers Koji, pour la troisième fois, et cette fois-là comme les deux précédentes, il le trouva exactement dans la même attitude, la fourchette à la main, le regard fixé sur des choses qui n’existaient pas, sans bouger. Même Ewan était capable de comprendre que quelque chose allait de travers.
« Euh… D’ailleurs j’crois que ton p’tit copain a un problème… »
Il avait dit cela sans animosité, mais avec une once de fascination enfantine et un peu malsaine face à l’inconnu et le danger. Sans doute cette fixité de marbre avait-elle quelque chose à voir avec le pouvoir de Koji, et Ewan ne pouvait s’empêcher de formuler en lui-même des hypothèses, toutes infructueuses, sur la nature d’un don qui produisait ce genre d’effets.
Virginie Parish
Type Sigma
Sujet: Re: [RP] Appuyer sur pause Ven 23 Déc 2011 - 18:55
Le dialogue se faisait par à coup. Virginie ne semblait pas pressée. Elle se contentait de sourire, à son interlocuteur, pour l’encourager dans sa démarche. Chaque mutant passait par cette étape. Celle où il devait exposer ses doutes. Celle où il donnait un avertissement. Parce que sa propre différence était toujours plus différente, que celle de tous les autres. Dans une certaine mesure c’était vrai. Le gène X entrainait des choses uniques chez chaque individu. Il n’y avait pas un télépathe identique sur la planète. On pouvait trouver des similitudes. Mais la personnalité du mutant, son histoire, influait sur tout. Et bien sûr la mutation avait un revers.
Ce qui était intéressant cette fois-ci c’était qu’Ewan craigne plus la part sociale de l’expérience. Il rappelait à cette londonienne ses propres angoisses. Virginie avait eu très peur de ne pas convenir. Elle n’avait jamais été douée pour rentrer dans les codes. C’était difficile le rentrer dans un moule. Un élan de solidarité poussait la jeune fille à trouver une façon de le rassurer.
-« Ne t’en fais pas. Tu iras à ton rythme. On apprend tous à … se faire confiance. »
Elle parlait en toute connaissance de cause. Ce n’était que dans ce manoir que mademoiselle Parish avait commencé à s’épanouir. Elle avait fait des pas de géant, lié des liens sincères, et construit des projets d’avenir. Tout ça grâce à ce lieu d’asile, éloignée de ses parents et des ennuis divers et varier.
-« Et puis Koji et moi on sera là. On t’aidera ! »
En disant cela Virginie tournait son visage vers son ami pour obtenir son appui. Elle eu un temps d’arrêt en voyant qu’il ne bougeait pas. Son sourire se décomposait à mesure qu’elle détaillait le visage statique qui se présentait. Elle détestait quand il faisait ça. Elle avait beau savoir, que ces capacités, lui permettait de décrocher de la réalité, Virginie avait toujours la hantise qu’il ne revienne pas. C’était de l’ordre de l’irrationnel.
Elle entendait Ewan mais ne répondait plus. Son attention était fixée sur ces traits figés. Le fait que quelqu’un d’autre soit préoccupé ne faisait que nourrir son angoisse. Sa main s’agitait un peu devant le regard vide du métis. Il ne réagissait pas. Il n’y avait pas de méthode infaiible pour le faire revenir. Parfois le simple fait de l’appeler l’attirait. Elle se penchait un peu et articulait d’une voix forte et la plus ferme possible.
-« Koji. Koji Ashton reviens. Tu m’entends ? »
Il était apparemment parti loin. Etait-ce Ewan qui avait réussi à stimuler son cerveau à ce point ? Dans un mouvement vif la mutante se dégageait un peu de sa place. Quand la voix était inefficace il fallait en appeler aux sensations. Le verre dans la figure était bon pour les rêveurs. Virginie trouvait ça sadique. Elle se penchait, pour saisir la main, restée en suspend au dessus de l’assiette. Ses yeux bleus s’agrandissaient sous l’effet des émotions. Elle n’arrivait pas à être autoritaire. Alors elle fut douce. Aussi douce que possible quand elle sentait la panique tenter de la déborder.
-« Tu sais bien que je ne sais pas gérer quand tu fais ça. Koji… S’il te plait ? »
La jeune fille continuait ainsi jusqu’à ce que son ami donne une réponse. Dés qu’il fit un mouvement ses doigts tendres s’éloignaient en même temps que sa silhouette. Elle avait comprit depuis un moment que la rituelle question du « Est-ce que ça va ? » était pauvre de sens dans ces cas là. Il n’y avait rien à faire d’autre que de le laisser revenir à lui-même. Elle se levait pour évacuer le stress provoqué par ce problème. Virginie n’étant pas dépendante de la nicotine se soulageait en bougeant. Il n’y avait hélas pas d’espace pour faire de la course à pied ici.
-« Ca s’amplifie, tu ne trouves pas ?»
Le dos tourné elle attendait que son visage retrouve un air à peu prés neutre. Il n’y avait strictement rien d’accusateur dans cette question. Mais elle n’arrivait pas à relativiser aussi vite qu’il le faudrait. C’était dans sa nature de s’inquiéter pour les autres. Ils étaient bloqués ici. Personne ne pouvait prendre le risque de venir les aider pour le moment. Alors ce genre de beug passager pouvait être très ennuyeux. Un petit frisson de peur la fit trembler. Elle se tournait de nouveau vers les deux garçons en faisant son possible pour sourire.
-« Tu vois, à l’Institut on apprend à gérer les effets secondaires des mutations, par exemple. »
Ce qui en d’autres terme voulait dire que la jeune femme allait fortement insister pour que Koji aille voir les adultes. Il était peut-être le plus intelligent du monde ça ne changeait rien ! Son regard, s’attardait sur celui-ci, comme si elle avait voulu le sonder. Il n’était pas son petit ami mais il contait tout autant. S’il lui arrivait quelque chose… La mort d’Aaron était encore trop fraîche dans sa mémoire pour que Virginie soit capable de se calmer. Que pouvait-elle faire excepté de faire attention ?
-« Tout ça veut dire qu’il nous faut une autre distraction ! Une idée ? »
C’était sa seule parade pour ne pas se mettre à couver Koji. Toute son énergie vibrait d’un appel à l’aide pour ne pas donner plus de poids à ses angoisses. On ne la changerait pas. C’était aussi ce qui faisait qu’on pouvait si bien compter sur elle. C’était loin d’être l’image la plus rassurante de la résistance pour le Passager. Virginie ne pouvait pas faire semblant. Elle donnait presque l'impression de s'excuser de sa façon de réagir.
Koji Ashton
Type Gamma
Sujet: Re: [RP] Appuyer sur pause Ven 23 Déc 2011 - 19:58
Koji n’existait plus vraiment : son esprit était désormais entièrement occupé de pensées qui ne le concernaient pas le moins du monde et dont le seul propos était d’embrasser des sphères de parfaite abstraction où aucun humain ne pouvait avoir le droit de cité. Il n’y avait plus ni sensations, ni sentiments, rien qui pût rappeler tel souvenir ou tel espoir ; c’était une montagne à l’air raréfié où l’on se dissolvait dans le vent.
Et Koji aimait cela. Il ne s’en rendait pas compte, évidemment : il était pour l’heure incapable d’avoir conscience de lui-même. Mais il éprouvait la morbide volupté de la mort approchante, là où toutes les inquiétudes personnelles, toutes les irritations d’une vie de chair et d’os, disparaissaient pour ne laisser place qu’à une libération apparemment mystique, et en réalité proche du néant, qui n’en laissait pas de séduire.
Alors la lutte de l’esprit était vaine : aucune réflexion, aucune raison ne pouvait le tirer de ces hauteurs pour le ramener dans le monde qui, malgré toutes ses particularités, était réellement le sien, dont il était, au même titre qu’un autre, un habitant. La pensée qui était son arme devenait son ennemi : il jouait contre lui-même, perdait et gagnait tout à la fois.
L’eût-on laissé entièrement tranquille dans ces moments que sans doute son être se fût définitivement perdu dans ses égarements. Quelque chose comme son âme, ou tout du moins sa capacité à se sentir un individu cohérent et distinct des choses qu’il envisageait, se fût aboli et il n’y aurait plus eu de lui qu’un corps en bonne santé, un cerveau plus performant que n’importe quel autre, mais d’être humain, plus une ombre, plus une trace.
Une information de nature différente parvint soudain jusqu’à lui. Sensation dans la main gauche. Main gauche ? Qu’est-ce que cela pouvait bien être ? Lentement, progressivement, son cerveau étendait à nouveau sa conscience, reprenait le contrôle de son corps, redécouvrait l’interface « peau » qui le mettait en contact avec l’environnement. Les doigts de Koji bougèrent très légèrement.
Puis son regard sembla à nouveau se poser sur des choses réellement existantes, sa respiration se fit moins mécaniquement régulière et d’infimes frissons de vie se mirent à parcourir son corps. La fourchette tomba dans son assiette et une violente sensation de froid le parcourut. Son cerveau si perfectionné avait un peu de mal à traiter les informations simplistes qui l’atteignait de l’extérieur.
Il fallut une longue minute à Koji pour reprendre pleinement contact avec la réalité. Le monde lui apparaissait un peu étrange : si différent de ce qui avait occupé son esprit pendant son absence et qui lui avait semblé, alors, bien réel. C’était une sensation un peu déprimante : il se retrouvait à nouveau enfermé dans un corps et, au sein de cette enveloppe matérielle, il se sentait fragile, faible, prêt à se casser.
Le Japonais repoussa son assiette et prit son visage en train ses mains. Ce n’était pas le moment de se laisser envahir par des émotions raffinées. Il fallait simplement reprendre pied. La nausée, la migraine, le froid. Traiter les problèmes les uns après les autres ou, tout du moins, faire le vide pour que son cerveau pût paisiblement revenir à la normale.
C’était agaçant. Là haut, il n’avait pas de problèmes. Là haut, où tout n’était que pure pensée, il était Dieu, c’est-à-dire qu’il n’était rien, tout, que cela n’avait pas d’importance. Se retrouver ramener aux pommes de terres et aux saucisses lui donnait tout simplement envie de pleurer et la faiblesse de son corps, au regard de la force de son esprit, l’insupportait comme une chose abominable.
Il haussa les épaules à la question de Virginie et, d’une voix très légèrement exaspérée, répondit brièvement :
« P’t’être. »
C’était naturellement parfaitement injuste : il devait à Virginie de l’avoir sauvé du néant, aussi anodin qu’eussent été les gestes de la jeune femme. Et néanmoins, il ne pouvait s’empêcher de se sentir agressé par tout ce monde dont elle était une part. Déprimé. Irrité — littéralement irrité par sa propre peau. Bref, Koji était d’une humeur massacrante.
C’était une chose qui ne lui arrivait que très rarement et, si ses souvenirs étaient exacts (et ils l’étaient toujours), Virginie n’en avait encore jamais été témoin. Koji ne s’énervait pas pour les choses qui venaient de l’extérieur, pour les circonstances de la vie, pour les agissements d’autres personnes : tout cela se diluait dans ses univers infinis.
Mais, en de très, très rares occasions, quand son pouvoir lui jouait des tours aussi déconcertants, quand il se retrouvait à l’intérieur de son corps comme dans un territoire étranger, sa patience s’effondrait brutalement et il devenait un simple adolescent, avec une seule envie : se rouler en boule sur son lit, pleurer et mordre la main de quiconque essayerait de l’approcher.
Alors la remarque sur le contrôle des pouvoirs fit en lui l’effet d’une petite bombe. Il avait envie, comme ça, instinctivement, de répondre quelque chose de méchant comme : « j’aimerais bien voir une huître donner des conseils stratégiques à Kasparov ». Il savait que c’était injuste, il savait qu’il ne le pensait pas vraiment, et ces considérations, jointe à un zeste de décence, l’empêchèrent d’exploser.
Mais quant à trouver une distraction, cela, il s’y refusait formellement. Il lâcha quelques mots en japonais, incompréhensibles bien entendu pour ses interlocuteurs, mais avec un ton qui ne laissait que peu de doutes planer sur ses sentiments. Sans doute cela voulait-il dire en substance que se tirer une balle dans le pied était à son avis la distraction la plus intéressante qui s’offrît pour l’heure à eux.
Koji Ashton venait de relever l’un des pires aspects de son caractère, un aspect qui n’avait finalement pas grand-chose à voir avec sa mutation, la qualité de son esprit, la rapidité de sa pensée. S’il avait été télékinésiste et que par maladresse son pouvoir l’eût fait briser un verre, sa réaction n’eût pas été très différente. Il était simplement fatigué : par la soirée en particulier, par l’existence en général.
Toutes les contrariétés des derniers mois remontaient en lui, comme il arrive toujours dans les moments d’agacement : la police, le conservatoire, l’état de siège à l’Institution, Gaël, le Contrepoison, ses parents. Les choses les plus importantes comme les détails les plus triviaux de la vie d’un adolescent se mêlaient pour construire une unique frustration, une unique envie de s’enfermer dans sa chambre en criant « vous me faîtes tous chier ! » Koji Ashton, pour une fois dans son existence, avait dix-huit ans.
Il se leva brusquement de son siège, marmonna quelque chose dans une langue indéfinissable et alla se laisser tomber mollement dans le canapé, attrapant au passage le seul et unique livre qu’ils avaient trouvé dans tout l’appartement : une édition passée d’âge de Guerre et Paix.
Le métis se débarrassa de ses chaussures et ramena ses pieds contre lui sur le canapé. Jamais il n’avait tant ressemblé à un jeune homme caractériel de son âge, et l’on ne savait pas trop si l’on avait envie de lui mettre des gifles ou de lui faire un câlin. Et il se mit à lire. Une page par seconde. Car Koji Ashton avait dix-huit ans ET le meilleur cerveau de la planète.
Ewan Ramsay
Type Alpha
Sujet: Re: [RP] Appuyer sur pause Ven 23 Déc 2011 - 20:21
Virginie avait beau mettre beaucoup de cœur dans sa publicité envoûtante pour l’Institut, il fallait bien reconnaître que Koji ne la soutenait guère et offrait un contrepoint saisissant aux propos idylliques de la jeune femme. Ewan n’était pas sûr de vouloir vivre dans un endroit peuplé de gens aussi peu sympathiques que semblait l’être l’Asiatique.
Le jeune homme n’avait pas très bien compris ce qui venait de se passer. Les quelques paroles prononcées par Virginie pour « récupérer » Koji ne l’avaient guère éclairé sur la situation et la seule façon dont la jeune femme avait qualifié la petite crise était « ça ». Mais qu’est-ce que c’était que « ça » ? Qu’est-ce qui s’était passé exactement ? Ewan eût été bien incapable de le dire.
Tout ce qu’il avait compris était que « ça » n’était pas exceptionnel, que « ça » arrivait de temps en temps et qu’il n’y avait pas grand-chose à faire que de serrer la main de la victime. Est-ce que « ça » faisait mal ? Est-ce que « ça » avait des conséquences ? Ces questions, Ewan mourrait bien entendu d’envie de les poser, mais quelque chose lui murmurait obligeamment à l’oreille que le moment n’était sans doute pas très bien choisi.
Bref, malgré les efforts de Virginie, l’atmosphère n’avait fait qu’empirer et l’attitude de Koji, qui jetait un silence de mort sur l’assemblée, avait même réussi à couper l’appétit d’Ewan, qui se contentait désormais de remuer évasivement sa fourchette dans son assiette. Il avait cette sensation inconfortable de se retrouver pris dans une dispute qui ne le concernait pas vraiment.
Parce que lui, évidemment, lisait tout cela avec les grilles d’interprétation qu’il avait à sa disposition. Son hypothèse était donc la suivante. Virginie et Koji étaient en couple (bon, d’accord, un drôle de couple, mais enfin, un couple tout de même) et Virginie avait dit quelque chose qui avait vexé Koji, et maintenant Koji boudait, Virginie allait sans doute bouder également, bref, tout le monde allait faire un visage de trois pieds de long en attendant que quelqu’un craquât et s’excusât le premier.
A son avis, c’était sans doute la phrase « gérer les effets secondaires des mutations » qui avait été en trop. Sans doute Virginie avait-elle insidieusement reproché à Koji de ne pas être à la hauteur de son propre pouvoir. Cela ne ressemblait certes pas trop à la jeune femme qu’il découvrait, mais enfin, c’était peut-être une mégère dans ses relations sentimentales, comment savoir ? « Les gens sont pleins de surprises » était à peu près le summum de finesse en matière de psychologie dont Ewan fût capable.
Il se demanda machinalement si tous leurs repas étaient comme ça. Ca ne devait pas être triste ! Koji avait bien une tête, selon lui, à passer son temps à bouder. Une bien jolie tête, sans doute, mais une tête à claques tout de même. N’empêche, une bien jolie tête. Il jeta un regard un peu songeur au jeune homme réfugié sur le canapé, puis haussa les épaules pour lui-même et reporta son attention sur Virginie, comme si une observation attentive de la jeune femme pouvait lui apprendre si, oui ou non, elle était une mégère. Déguisée en ange.
Car elle avait l’air d’un ange. Un peu comme lui, sans doute, sauf que son intuition de métamorphe lui soufflait que chez Virginie, tout était, en quelque sorte, d’origine. Nul doute, extérieurement, ils formaient, elle et Koji, un bien joli couple, et Ewan aurait donné cher pour… Mais il ravala ces pensées hors de propos et se reconcentra sur la proposition, certes moins directement séduisante, mais finalement plus importante qu’on lui avait faite.
Car après tout, il s’en rendait compte maintenant (comble de maturité !) : ce n’était pas parce que Koji était une tête de mule et Virginie une potentielle furie des foyers que l’Institut n’était pas une bonne solution pour lui. Sans se l’avouer tout à fait, il commençait à trouver que la vie dans la rue manquait de sûreté et un endroit où dormir qui ne serait pas un squat changeant tous les trois jours constituerait un propos sensible dans son existence.
Mais le plus urgent était, sinon de détendre l’atmosphère, du moins de séparer les parties en présence. Alors, sur un ton un peu gêné, Ewan finit par articuler :
« Bon euh… Faudrait faire la vaisselle, hein. J’y vais. »
Il était pratiquement sûr que Virginie le suivrait : d’après ce qu’il avait compris d’elle, elle n’était pas du genre à rester inactive quand quelqu’un d’autre travaillait. Et peut-être qu’en laissant Koji moisir un peu dans son canapé, avec son gros livre, ils le retrouveraient en revenant dans un état un peu plus disposé et que toute la nuit ne se passerait pas en regards assassins.
Ewan rassembla donc les assiettes, partit les vider dans la poubelle et commença à emplir l’évier d’eau. Le matériel, comme le reste des objets de la planque, était sommaire, c’est-à-dire exactement ce à quoi il était habitué depuis quelque temps. Il commença donc à frotter vigoureusement les verres, les couverts et les assiettes.
Quand Virginie fut près de lui pour essuyer la vaisselle, il murmura à voix basse, sans quitter son eau savonneuse des yeux :
« Dis, euh, c’est pas pour t’vexer et tout, hein, mais ton p’tit copain, comment dire ? Il est vachement sexy et tout, j’dis pas, et puis il a la classe, mais i’m’a quand même l’air d’avoir plutôt mauvais caractère. C’est comme ça tous les soirs chez vous ? »
L’expression « chez vous » donnait un peu l’impression qu’Ewan s’imaginait Koji et Virginie mariées depuis dix ans, vivant dans un petit appartement de la banlieue londonienne et rentrant tous les soirs du travail pour se disputer, sortir le chien et regarder la Roue de la Fortune à la télévision.
Virginie Parish
Type Sigma
Sujet: Re: [RP] Appuyer sur pause Ven 23 Déc 2011 - 21:59
Virginie n’avait pas eu besoin de plus que cette réponse agacée pour comprendre qu’elle n’avait pas fait comme il le fallait. Elle restait donc plantée, là où elle était, à chercher un moyen de se rattraper. D’ordinaire faire preuve d’entrain pouvait aider à désamorcer ces situations désagréables. Mais voilà cette jeune fille n’avait jamais sut gérer la mauvaise humeur. Celle-ci lui était étrangère. Alors elle ne comprenait pas bien comment elle pouvait la déloger.
Le fait que Koji utilise du japonais pour lui répondre la prenait par surprise et la vexait même un peu. C’était bien la première fois qu’elle le voyait si peu disposé. Cela la déboussolait. Ce n’était pas normal. Elle avait l’impression de se retrouver devant une personne que la maladie contrariait. Ou non plutôt devant un adolescent qui piquait une crise. Lui qui passait son temps à dire qu’il n’en était pas un. Virginie n’avait aucune envie de passer à l’affrontement. Elle le laissait donc fuir vers le canapé. Cette réaction l’attristait un peu et blessait sa bonne volonté.
Cependant elle se forçait à faire bonne mesure en retenant son besoin de s’excuser. Virginie ne voyait pas ce qu’elle avait fait de mal. Elle essayait de dissimuler sa propre contrariété. Ewan était là lui. Il n’avait pas à subir les effets secondaires de cette… brouille. Oui c’était bien ce dont il s’agissait. Comme elle avait comprit que Koji ne voulait aucune compagnie tentait de passer à autre chose. La proposition de leur compagnon lui rappelait brutalement ses bonnes manières.
En deux temps trois mouvements la jeune fille avait récupérer le reste des couverts et rejoignait la cuisine. Elle était bien loin de se douter qu’Ewan avait fait user d’une stratégie. Malgré ses pensées perturbées, Parish affichait un air avenant, avec lui. Elle faisait –heureusement- la part des choses. Elle déposait les verres avec le reste et attrapait tout naturellement le torchon plié dans un coin. Elle l’assistait sans même réfléchir. Ses mains se souvenaient encore des plonges du petit bar dans lequel elle avait travaillé pendant un été.L
a réplique eu au moins le talant de faire renaitre son sourire. Ce garçon lui plaisait bien. Virginie trouvait amusant, qu’il valide le choix d’un petit copain fictif, tout en le mettant en doute. Elle trouvait également étonnant, qu’on les prenne, une fois de plus pour un couple. Pourquoi ? Etait-ce simplement parce qu’ils étaient une fille et un garçon ? Elle n’avait pas encore réussi à savoir et elle voulait comprendre ce qui, dans son comportement, pouvait donné à le penser.
-« On a vraiment l’air d’un couple tu trouves ?»
Ses iris se posaient sur le Passager pour l’étudier plus attentivement. Son hyper vue lui permettait de voir chaque infime mouvement. Virginie arrivait de mieux en mieux à lire les émotions des autres. Ce qui apparemment de l’empêchait pas encore de faire des bêtises…
-« Non ce n’est pas tout le temps comme ça rassure toi. Je crois que c’est juste pas son jour. Ça va passer. Il n’est pas méchant au contraire. » La jeune fille lui adressait un nouveau sourire cette fois-ci plus optimiste. Ses propres paroles arrivaient un peu à la consoler. Une amitié pouvait survivre à bien pire qu’une petite bouderie. -« Et on est juste amis, Koji et moi.»
Le quiproquo ne pouvait pas durer. D’autant que Virginie avait bien vu comment ces deux jeunes gens s’observaient. Elle aurait put ajouter « Il est célibataire ». Puisqu’elle avait l’intuition que ce jeune mutant lui aussi préférait les garçons. Un de plus. C’était à croire qu’il y avait chez les homosexuels quelque chose de plus. Cette pensée la ramenait vers Basile durant un instant. Son cœur se gonflait d’un peu d’amertume et Luc qui était loin. Pourquoi était-il toujours loin, celui-là ?
Une fois la vaisselle terminée la blondinette s’attardait un peu. Elle était toujours aussi curieuse. Et puis les mauvaises ondes de Koji ne lui disaient rien. Alors elle se mit à chercher un peu de réconfort gustatif dans les placards sans hâte.
-« Qu’est-ce qui t’a donné envie de travailler avec le Contrepoison ? »
Les raisons, idéologiques, politiques, financières, lui permettraient de mieux cerner ce jeune homme. La demoiselle avait réellement envie de faire connaissance. Les rencontres hors de l’Institut étaient de plus en plus rare… et pour cause. Elle se demandait ce qu’Ewan pouvait bien connaître du monde des mutants. Elle trouvait une plaquette de chocolat bon marché et commençait à la casser en petits morceaux dans un bol propre. Il n’y avait rien de mieux pour chasser les humeurs d’un japonais mal luné !
-« Bon ça l’à ce n’était pas un très bon aperçu. Mais là bas tu n’aurais pas à te cacher. Rien que la sécurité c’est un avantage. Ça permet… de se poser un peu. »
Elle plaçait le bol dans le micro-onde, choisissait le temps et démarrait. Elle ouvrait ensuite une boîte de gâteaux et le lui présentait avec un petit gourmand plein de complicité. Cette fois c'était devenu indispensable. En vérité Virginie en avait des meilleurs dans ses affaires. Mais elle ne voulait pas avoir à traverser le salon tout de suite. Elle en prenait elle même en réfléchissant.
Koji Ashton
Type Gamma
Sujet: Re: [RP] Appuyer sur pause Ven 23 Déc 2011 - 22:43
Koji avait une inénarrable envie de râler. De râler pour tout et n’importe quoi. Marre de ce pouvoir qui ne lui attirait que des ennuis. Marre de cette ville où il pleuvait tout le temps. Marre de ce bouquin où il ne se passait rien. Marre de son corps qui décidément ne ressemblait pas à celui d’Apollon. Marre de ne pas avoir Apollon dans son lit. Marre, marre, marre.
Bref, Koji avait décidé de faire sa crise de la dix-huitaine, ce qui, dans son univers mental ultra-accéléré, devait représenter quelque chose comme la crise du millénaire. Il se sentait vieux, fatigué, inutile et contrarié. Qu’avait-il gagné dans cette longue, longue vie de mutant ? Bon, d’accord, de l’argent. Bon, d’accord, une certaine célébrité. Mais ce n’était pas ce qu’il voulait. Lui, il voulait…
Hm. Le puissant cerveau Ashton se heurtait un mur. Qu’est-ce qu’il voulait, au juste ? Il n’avait jamais réfléchi à la question et il se rendait compte à présent que la question ne se laissait pas réfléchir. Il avait beau triturer sa propre psychologie tordue, il ne parvenait pas en extraire quelque chose comme un rêve, une aspiration, une lubie ou même un fantasme (exception faite d’Apollon).
Koji reposa son livre, terrifié par cette soudaine révélation. Il savait ce qu’il estimait bon, ce qu’il estimait devoir faire, mais il ne savait pas ce qu’il avait envie de faire. Il ne s’était plus posé la question, lui semblait-il… eh bien, il ne parvenait pas à se souvenir ! Cela devait précéder sa mutation, donc. Une éternité ! Une éternité qu’il ne menait qu’une vie raisonnable.
Gaël ! Voilà. Il avait envie de Gaël. Là maintenant sur le canapé. Mais était-ce bien le cas ? Il savait qu’il avait besoin de quelqu’un, de quelqu’un pour le regarder, afin de se sentir exister dans un autre esprit que le sien. Une sorte de fixation salvatrice qui l’empêchait de devenir complètement fou. Mais était-ce bien de Gaël, précisément, dont il avait envie ?
Et puis, Gaël était très gentil, mais Gaël était surtout très discret. Cela faisait des semaines qu’il ne l’avait pas vu et les semaines, dans l’esprit de Koji, avaient la valeur d’années. Ce n’était pas tout à fait exact, mais enfin, il se sentait un peu abandonné et tout lui indiquait que porter ses aspirations de ce côté serait perpétuellement voué à l’échec.
Donc, rien du tout. Tout ce qu’il avait se résumait à des montages financiers particulièrement retors, à une liste de poisons mortels et indétectables inventés dans sa folle jeunesse, quelques ouvrages sur des sujets divers et variés, bref, le travail, toujours le travail. Il allait mourir et on lui construirait une tour avec tout ce qu’il avait écrit. Avec une épitaphe : « personne ne l’a jamais aimé. »
Certes, il y avait Virginie. Virginie, sa Virginie. Sur elle, il pouvait compter. Elle était plus solide qu’un roc. Elle était le seul point fixe de son univers. La seule personne à peu près saine d’esprit qu’il connût. Elle n’était pas comme ses autres amis, enfermée dans un laboratoire à disséquer des batraciens pour inventer Dieu sait quoi. Elle était parfaite. Mais elle n’allait pas vivre sa vie à sa place.
Quoique… S’il parvenait à implanter des électrodes, renverser la polarité du flux neutronique, et… Non. C’était probablement une très mauvaise idée. Koji nota néanmoins dans un coin de son esprit sa nouvelle invention qui relèguerait un jour le lavage de cerveau et la lobotomie au rang des amusements de bacs à sable, juste à côté de quelques-unes de ses autres créations : la bombe à ciblage génétique, le camembert coulant qui ne coule pas, la réfutation systématique de la morale kantienne, l’appareil à dresser les colibris, l’annotateur de pensées et le remède contre les aphtes.
Virginie. C’était donc au seul point de fixe de son univers qu’il venait de dire : « Je préférerais traire un babouin que de trouver une distraction. » En japonais, certes, mais il l’avait dit tout de même. Qu’est-ce qui lui avait pris ? Il était d’une humeur massacrante, mais était-ce bien une raison pour en faire profiter tout son entourage ? Surtout quand une partie de son entourage s’appelait Virginie ?
Et quand l’autre partie était le seul garçon du monde à pouvoir avoir un physique parfait. C’était un comportement irrationnel et peu stratégique. Parce que, contrairement aux prétentions de tous les historiens depuis plusieurs millénaires, Apollon n’était pas un mythe : il était en train de faire la vaisselle dans la pièce d’à côté. Il n’avait certes pas l’air d’avoir inventé la poésie, mais il avait d’autres arguments sérieux.
Koji jeta un regard à la gravure de Tolstoï qui lui faisait face. Dans un russe impeccable il lui murmura :
« T’es d’accord, hein ? Je me fais vieux. »
Il devait se secouer, prendre entre ses mains son destin (il était certain d’avoir lu cela à la fois dans Nietzsche et dans le script du Tarzan de Disney) et conquérir le monde. Métaphoriquement. (Il rangea son plan de la conquête du monde à côté du dresseur automatique de colibiris.) Il avait trop sommeillé dans le sein protecteur de l’Institut. Il n’avait pas envie de retrouver ses jeunes années de débauche, mais il était persuadé de pouvoir saisir un juste milieu. Quelque part entre sa toute nouvelle réputation de moine et son ancienne réputation de… eh bien, de garçon (très) facile.
Le regard plein de compassion de Tolstoï fut d’un notable secours dans sa petite introspection digne des meilleurs manuels de développement personnel. (Le texte de son futur Réussir sa vie en dix leçons vint se placer près du camembert miracle.) Et maintenant, il lui fallait aller s’excuser, ce qui était de très loin l’entreprise la plus ardue de sa nouvelle vie. Et que sa mutation lui donnât l’impression de commencer une nouvelle vie tous les trois jours ne rendait toujours pas les transitions plus aisées.
Koji posa Guerre et Paix (une très mauvaise traduction, d’ailleurs — il avait finalement commencé à relire le texte original qui était rangé dans sa bibliothèque mentale) avec affection et s’extirpa de son canapé. Sans remettre ses chaussures, il rejoignit la cuisine et, silencieusement, s’approcha de Virginie.
Il n’avait pas envie de lui faire l’un de ses beaux discours qui, même sincères, lui paraissaient à l’heure actuelle engoncés dans les artifices. Alors, parce que Virginie était plus grande que lui (comme à peu près les trois quarts des gens de son âge), Koji se hissa sur la pointe des pieds et déposa un chaste baiser sur sa joue, avant de prendre un gâteau, de croquer dedans et de commenter :
« Pffeuh. J’en ai inventés des mieux que ça. »
Et commercialisé. Sous un faux nom évidemment. Pensez à acheter les Cookies Miracles de la Mère Poplu.
Ewan Ramsay
Type Alpha
Sujet: Re: [RP] Appuyer sur pause Ven 23 Déc 2011 - 23:24
Ewan n’avait plus fait la vaisselle depuis des semaines et il en avait oublié combien cette activité lui paraissait fastidieuse. Gratter, récurer, regratter. C’était à peu près son idée de la torture. Ou du moins ce devait constituer une sorte d’atelier en enfer. Oui, pour Ewan, les Enfers étaient un long cours d’histoire-géographie pendant lequel l’on devait faire la vaisselle.
En ce siècle de progrès, personne n’avait donc eu l’idée d’inventer de la vaisselle autonettoyante ? S’il avait su que Koji était un génie, il se serait empressé de lui suggérer cette judicieuse invention — dès que le Japonais se serait remis de sa petite crise de nerf, bien entendu. Ewan n’avait aucune envie de se faire mordre ou même insulter dans une langue qu’il ne comprenait pas. Assez d’émotions fortes pour la journée.
Comme il s’acharnait à faire disparaître une trace de ketchup qui lui semblait d’autant plus contrariante qu’ils n’avaient pas mangé de ketchup, ses cheveux prirent brusquement une teinte poivre et sel, sans qu’il fût exactement possible de déterminer si les précédents cheveux avaient changé de couleurs ou bien s’ils avaient disparu pour laisser leur place à cette couleur qui paraissait étrange sur une personne aussi jeune.
« Ah non ! Je déteste avoir l’air d’un vieux… »
Il s’en fallait naturellement de beaucoup pour qu’il eût l’air d’un « vieux », mais cela ne semblait guère le consoler. Il posa l’éponge sur le rebord de l’évier, ferma les yeux et se concentra de toutes ses forces. Quelques dizaines de secondes plus tard, ses cheveux reprirent la nuance de blond doré qu’il avait choisi pour eux plus tôt, dans la salle de bain, et un sourire soulagé naquit sur le visage d’Ewan.
Ces transformations donnaient un spectacle à la fois fascinant et un peu inquiétant, tant il paraissait impossible de saisir la véritable nature d’Ewan. Plus on observait les oscillations de son regard, le cycle de sa chevelure ou même les imperceptibles signes de vieillissement qui passaient et disparaissaient sur son visage, plus on avait l’impression qu’Ewan était comme une rivière : jamais deux fois la même eau.
Mais lui ne semblait aucunement perturbé par sa condition. Il était de toute façon à nouveau absorbé dans sa tâche titanesque de laver trois assiettes, trois jeux de couverts, trois verres et une casserole. Une moue de contrariété s’était installée sur les lèvres, qui n’avait guère l’effet que de le rendre plus angélique encore.
Son pénible labeur ne l’empêchait pas de prêter une oreille très attentive aux explications de Virginie. Car, évidemment, l’intérêt d’Ewan pour les potins était inversement proportionnel à son intérêt pour l’histoire-géographie et, quoiqu’il ne connût à peu près rien de Virginie et de Koji, il était tout de même extrêmement impatient d’en apprendre un peu plus sur leur relation.
La question de la jeune femme fit naître un sourire amusé sur ses lèvres.
« Tu parles que vous avez l’air d’un couple. Quand il te regarde, on a l’impression que si on touche à un de tes cheveux, il va nous arriver un truc horrible dans la seconde qui suit. »
Il n’exagérait pas. Ou alors juste un tout petit peu, mais c’était dans son caractère. Simplement, le regard noir et intelligent de Koji le mettait un peu mal à l’aise et il était vrai que le métis avait beau ne pas avoir la carrure d’un videur de discothèque, il étendait sur Virginie une aura protectrice qui incitait à bien méditer ce que l’on allait dire ou faire à la jeune femme. La chose paraissait d’autant plus sensible à Ewan qu’il ignorait encore que Virginie n’avait pas vraiment besoin de protection.
« Et puis toi, eh bien, euh…. Comment dire ? Tu le regardes comme si c’était, j’sais pas moi, le mec le plus intelligent du monde, ou un truc comme ça. Mais vous êtes mignons, hein. Mignons comme tout. »
Il y avait quelque chose dans son « mignons comme tout » qui dépassait la simple appréciation un peu attendrie. Il fallait avouer qu’Ewan avait des goûts beaucoup plus larges que ceux que lui supposaient Virginie. Mais il était assez loin d’être un courir de filles et de garçons : il se contentait d’admirer les unes et les autres de loin, un peu sagement. Il était beau à se damner, sans doute, mais il se trouvait beaucoup trop idiot pour intéresser qui que ce fût sans une bonne dose d’alcool. Et, aussi étrange que cela pût paraître, l’idée de saouler quelqu’un pour un petit moment de tendresse ne l’enchantait pas outre mesure.
Toujours était-il qu’il n’était pas exactement rassuré par les explications de Virginie. Koji, pas méchant ? Pour Ewan, un type qui ne bronchait pas quand on le braquait avec un revolver et qui vous insultait en japonais quand on l’arrachait à ses pensées était nécessairement quelqu’un de peu recommandable. Mais après tout, Virginie aimait peut-être le côté tueur de chatons.
Ce fut alors que vint la révélation. Ils n’étaient qu’amis ? Ewan haussa les sourcils et commenta d’un ton faussement dégagé :
« Ah. Oui, oui. Non, mais, bien sûr, hein. Je te crois. »
Ce qui évidemment voulait dire : mon œil, ou si vous n’êtes pas ensemble, ça ne saurait tarder. Ewan n’était pas un fin psychologue ; aussi passait-il son temps à supposer aux gens des attirances qu’ils n’avaient pas, à leur prêter des motivations qui leur étaient étrangères et plaisanter sur des sujets qui leur paraissaient très graves. Cela ne l’empêchait toujours pas de tenter perpétuellement de percer les gens à jour.
Hélas, à son corps défendant, la conversation quitta cet intéressant terrain pour rejoindre des questions plus professionnelles. Il haussa les épaules.
« Rien. J’avais besoin de travail, il avait besoin de mes… euh… compétences… Et voilà. J’crois que de fil en aiguille, j’me suis laissé embarqué. Mais j’suppose qu’ils t’ont dit que j’étais pas un agent très fiable. »
Ewan ne se faisait pas d’illusions : il n’était pas un bon petit soldat de l’organisation et ne serait probablement jamais considéré comme tel. Il n’était du reste pas certain d’en avoir particulièrement envie. C’était une collaboration qui lui permettait de survivre et, au moins, elle lui laissait la conscience en paix, contrairement à certains de ses autres « petits boulots. »
Il songea que sa réponse ne le mettait pas très en valeur : ses motivations n’avaient pas l’air très héroïques. Mais Virginie se rendrait compte bien assez tôt que se mettre en valeur n’était pas l’une de ses spécialités. Il allait tout de même rajouter quelque chose d’un peu plus reluisant, un couplet sur la cause mutante, quand Koji sortit de l’obscurité comme un vampire (à son avis !). Ewan sursauta et rattrapa de justesse un verre qui avait failli se fracasser au sol.
Il observa du coin de l’œil la scène du baiser, qui ne lui paraissait évidemment pas chaste du tout à lui, avec un petit sourire en coin qui montrait qu’il était profondément persuadé d’avoir raison. Puis, ayant fini sa sale besogne et triomphé de toutes les tâches de ketchup surnaturelles, il s’essuya les mains avec un torchon, s’adossa au plan de travail et attrapa à son tour un gâteau.
Lui, il les trouvait très bons. C’était surtout qu’il ne mangeait que des choses de piètre qualité et généralement périmées. La remarque de Koji ne tomba donc pas dans l’oreille d’un sourd.
« Ah bon ? T’es cuisinier ? »
Oui, oui, oui, Ewan était un peu lent à la comprenette. L’équation Tolstoï + Invention + Perdu dans ses pensées ne se résolvait pas du tout dans son esprit.
Virginie Parish
Type Sigma
Sujet: Re: [RP] Appuyer sur pause Sam 24 Déc 2011 - 12:42
Virginie observait chaque changement en silence. Quel pouvait être le nom de savant pour un truc comme ça ? C’était plus subtil que beaucoup de transformations. Le Passager pouvait devenir une sorte d’espion, ou d’agent double, que personne ne pourrait tracer. Cette idée séduisante rendait le sourire de la jeune fille plus juvénile et elle répondait sans la moindre hésitation.
-« Pourquoi ? Je suis sûre que tu sera un beau vieux.»
Il existait des tas de mutation qui permettait de maîtrise des aspects physiques. Ils avaient l’occasion d’en voir pendant les simulations. Ce type de mutation fascinait Virginie. Elle qui désirait être en permanence adéquation, avec ce que les autres attendait, voyait dans ces métamorphoses la clé du bonheur. Bien sûr dans les faits ce n’était sans doute pas aussi génial que ça. Ewan pourrait devenir qui il voulait être quand il maîtriserait cette capacité.
Cette conversation était l’une des plus spontanées qu’elle avait depuis un moment. Virginie ne se serait jamais attendue, à ce que l’on identifie sa relation avec Koji, à une véritable relation amoureuse. En général, on le leur disait avec un sourire, en se contentant d’interpréter des faits réducteurs : Ils sont jeunes, ils sont toujours ensembles, ils s’entendent bien. Mais là son interlocuteur lui donnait des éléments. Des éléments qui, s’ils étaient vrais, ne démontraient rien.
-« Koji est réellement le garçon le plus intelligent du monde Ewan. »
C’était avec beaucoup de sérieux qu’elle révélait le potentiel du jeune homme. L’admiration qui brillait dans son regard était aussi puissante que l’affection qu’elle éprouvait pour l’intéressé. Mais Koji et Virginie ne formait pas un couple. Tout simplement parce que Virginie ne conviendrait jamais à Koji dans ce rôle. Et aussi… c’est vrai, parce que Virginie avait un petit ami.
-« Et puis… s’il me couve c’est parce qu’il tient à moi. Mais ce serait plus moi qui le protégerai que l’inverse. Regarde …» La jeune femme faisait redémarrer la plaque. C’était le moyen le plus rapide de faire comprendre la nature de sa mutation. Depuis le passage dans le désert son immunité contre les flammes était quasi complète. Ses jolis doigts caressaient la flamme sans brûler, rougir, ou chauffer. Elle présentait sa paume délicate et parfaite sous le nez du jeune homme. -« Tu vois. Je ne crains rien du tout. Tu peux altérer ton physique. Le mien il ne change plus du tout. »
Si cette démonstration était une preuve elle ne suffisait pas à enlever la première idée de la tête d’Ewan. Elle était prête à parler de Luc. Mais la pudeur l’empêchait d’utiliser l’intéresser comme une défense. Après tout la vérité était la vérité. Koji était son ami. Etait-ce de sa faute si tout le monde imaginait des choses ?
-« Si tu ne me crois pas, demande-lui. Tu verras bien. »
Virginie n’essayait même pas d’imaginer ce que cela aurait put donner Parce que… Koji était amoureux de Gaël. Koji préférait les garçons… Koji était trop bien pour aller avec quelqu’un comme elle. Mieux valait laisser ces réflexions pour un autre moment car elle n’aimait pas trop la voie sur laquelle elle était entrain de s’engager.
Ewan était franc. Ce qui plaisait à la jeune fille. Elle croquait dans un carré de chocolat en essayant de deviner comment il avait été retrouvé. Son regard retrouvait cet air optimiste. Cette rencontre était une nouvelle preuve que tout le monde pouvait se tromper. Avec touts les coups fourrés de cette époque trouver quelqu’un de valeureux était une chance. Ce mutant ne se prenait pas pour un héros. Pourtant cette nuit c’était un peu ce qu’il avait été.
-« C’est ce qu’on m’a dit, oui. Mais je n’aime pas condamner quelqu’un sans le connaître. C’est idiot et méchant. Et j’ai eu raison, tu ne trouves pas ? Tu nous as sorti d’un sacré pétrin Ewan ! Merci. »
Son sourire était aussi sincère que ses paroles. Avoir été témoin d’un peu de solidarité avait de quoi remonter le moral. Le geste de paix de Koji achevait d’éloigner le brouillard de son esprit. Il n’était plus fâché. La mauvaise humeur était passée ! Dans son regard passait une reconnaissance aussi vive que timide. Elle lui rendait son baiser avec simplicité en ignorant la réaction de leur comparse. Et puis comme Koji en avait décidé ils ne s’attardaient pas plus sur cet épisode.
-« On pourrait s’en faire des maisons au manoir ! Je voulais tester des sablés à la cannelle. » Pour la jeune fille l’avenir proche était déjà acquit. Ils s’en sortiraient très bien. Ewan les rejoindrait à l’Institut. Tout se terminerait très bien. Le bol fumant fut sorti en un tour de main. Elle improvisait un chocolat à la façon espagnole en faisaient trois portions équitables. -« Dommage il n’y a pas de chantilly. »
De retour dans le salon Virginie s’installait, de sa façon bondissante et gracile, sur le canapé. Son regard tombait sur l’enveloppe pour laquelle ils étaient tous les trois enfermés ici. Ses pupilles se fixaient sur la matière. Sa vue s’adaptait progressivement. Est-ce qu’un jour elle aurait la vision de Clark Kent ? Elle songeait au futur. Parfois il lui semblait que le combat était perdu d’avance. Que le mieux qu’ils pouvaient faire c’était retarder la fin. Elle se souvenait de la vision projeter dans leur esprit à la Confrérie.
-« Est-ce qu’on va gagner ? »
Il n’était pas question d’abandonner. Jamais. Mais Virginie avait un peu changer. Elle ne voyait plus le soleil éclatant derrière les nuages, mais de fébriles rayons. Elle avait peur de voir les choses empirer encore et encore. Elle n’arrivait même pas à remplir une mission basique sans faire de catastrophe.
Koji Ashton
Type Gamma
Sujet: Re: [RP] Appuyer sur pause Sam 24 Déc 2011 - 13:24
Les intuitions d’Ewan n’étaient pas entièrement mauvaises. Koji protégeait Virginie. Et faire du mal à la jeune femme sans le lui cacher était sans doute une entreprise extrêmement dangereuse : Koji, sous ses airs de poupée japonaise, n’était pas particulièrement réputé pour ses excès de compassion. Quand il avait quelque chose à faire, il le faisait — très efficacement — peu importaient les conséquences.
C’était sans doute cette discutable noirceur que le métamorphe avait ressentie, cette propension qu’avait Koji de ne jamais exclure aucun moyen de parvenir à ses fins par principe, cette menace latente que son intelligence insondable faisait peser sur le monde et qui était justement d’autant plus sensible qu’il semblait, par ailleurs, parfaitement inoffensif.
Et Koji était très bien placé pour savoir que la résistance physique absolue de Virginie ne la protégeait pas totalement. A bien des égards, son amie était la jeune femme la plus fragile qu’il eût jamais connu et il avait parfois l’impression qu’un mot mal prononcé, qu’une remarque un peu déplacée, suffirait à la blesser profondément. Virginie avait beau résister au feu et aux coups, elle était à ses yeux l’ange délicat qu’elle semblait être.
Protéger Virginie n’était pas seulement la conséquence d’une affection particulière, c’était presque, pour lui, un devoir moral. La jeune femme lui paraissait être l’incarnation de tout ce qui importait dans l’espèce d’humaine, une sorte de concentré de vertus, une pureté d’âme qu’il importait de préserver, pour elle-même et comme symbole d’espoir.
Alors, elle pourrait bien manger des bombes au petit-déjeuner qu’il n’en continuerait pas moins de la couver. Il était peut-être un peu plus discret et un peu plus menaçant qu’elle dans cette entreprise, mais il n’y était pas moins dévoué et, de ce point de vue, il formait indubitablement un couple fusionnel. Fusionnel mais amical.
En vérité, quoique Koji eût, en de très rares occasions, le regard attiré par quelque jeune fille, il n’avait jamais ressenti pour Virginie le moindre élan de la chair : l’évidence de leur relation lui était apparue dès le premier instant et ne s’était pas démenti depuis. Il voyait en elle une sœur et dans les sentiments qu’il éprouvait à son endroit, il n’y avait pas de place pour l’ambiguïté.
Et s’il y avait une cuisinière, ici, c’était bien elle ! Koji lui ne se relevait pas toutes les heures la nuit pour aller dévaliser la cuisine. Il avait beau savoir que l’appétit de Virginie naissait de son pouvoir, il n’en était pas moins admiratif des quantités de nourriture qu’elle était capable d’ingurgiter. Il espérait pour elle que le rationnement ne serait plus jamais instauré en Grande-Bretagne.
Cela dit, il se tourna vers Ewan et lui adressa un grand sourire — son premier véritable sourire depuis leur rencontre — et lui déclara d’un ton mi-sérieux, mi-plaisant :
« Je peux être tout ce que tu veux. »
C’était une remarque typiquement estampillée Koji, mais de ce Koji auquel Virginie n’avait jamais vraiment eu affaire, de ce Koji vivant et incorrigiblement charmeur, dont le carnet de bal était couvert de numéros griffonnés dans tous les sens et dont le répertoire téléphonique ajoutait des numéros aux prénoms de garçons, pour distinguer les dix-huit Steven qu’il pouvait connaître (ce qui ne servait évidemment qu’à flatter son tempérament de séducteur, puisqu’il n’avait besoin d’aucune indication pour se souvenir de qui était qui).
Cependant, Koji n’avait aucune envie d’en revenir à ses excès ni de montrer trop clairement à Ewan, qu’il ne connaissait qu’à peine, combien son comportement pouvait changer en quelques secondes. Il devait déjà passer pour un caractériel, il était inutile de devenir fou à lier. Il s’abstint donc de lui adresser un sourire plus évocateur et reporta son attention sur les gâteaux.
« Hmoui. Pas de chantilly. Pas de télévision. Pas de sauna. Quel genre de planque est-ce, je vous le demande. »
Il avait dit cela en veillant à insinuer dans son ton suffisamment de plaisanterie pour qu’Ewan ne fût pas définitivement convaincu qu’il n’était qu’un bourgeois pourri gâté. En réalité, Koji était déjà assez surpris de trouver du chocolat et des gâteaux dans ce qui paraissait être, par ailleurs, un refuge de second ordre, pour oser critiquer le confort des lieux.
Il emboîta le pas à Virginie dans le salon et s’assit en tailleur sur le fauteuil défoncé, en prenant soin d’en retirer préalablement un ressort assassin qui eût menacé le confort de son assise. La tasse de chocolat chaud entre les mains, il observait un point indéfini entre le canapé et une prise électrique mais, pour une fois, ne se perdait pas dans ses pensées.
La question de son amie le tira de sa muette contemplation. Il releva les yeux vers elle, un peu sérieux. Il savait parfaitement quelles inquiétudes devaient tournoyer dans le ciel intérieur de la jeune femme. Il comprenait combien, pour elle, l’évidence de la noirceur du monde s’imposait avec brutalité. Il mesurait le désespoir des combats incessants, des victoires minuscules, des trois pas avant et deux pas en arrière.
Pour lui, bien entendu, les choses étaient un peu différentes. Dans son esprit, le monde actuel était perdu dans une série de possibles, ce qui adviendrait était au mieux un objet de spéculation, ce qui advenait une contingence. C’était sa plus grande folie et sa plus grande force, ce qui le rendait hermétique aux angoisses du présent, et donc formidablement efficace, mais également, dans une certaine mesure, inconscient et presque insensible.
Sur un plan plus personnel, il était à peu près persuadé que l’évolution de son pouvoir le rendrait sinon fou, du moins complètement inconscient de la réalité du monde, bien avant que les choses pussent réellement empirer. C’était une consolation un peu morbide, mais il avait appris à prendre la chose avec résignation et parfois, presque impatience.
Mais, pour l’heure, dans la situation très particulière dans laquelle il se trouvait, il ne voyait aucune raison de s’inquiéter. Ils étaient bien cachés, chacun d’entre eux avait pris des dispositions pour ralentir ou disperser les poursuivants, ils étaient armés et leurs pouvoirs leur conféraient un avantage certain. Alors il haussa les épaules.
« Pas d’inquiétude, j’ai les codes pour tricher. »
C’était finalement un résumé assez fidèle de son pouvoir : il avait les codes pour tricher avec le monde. Il était un couteau-suisse de l’esprit. Ce n’était sans doute pas un argument très convaincant, mais il savait pertinemment dans, que dans ces circonstances, les discours les plus raisonnables étaient entièrement vains : on ne dispute pas avec l’inquiétude, et surtout pas quand on se cache dans un appartement miteux.
Ewan Ramsay
Type Alpha
Sujet: Re: [RP] Appuyer sur pause Sam 24 Déc 2011 - 13:48
Non, Ewan n’était absolument pas convaincu par les explications de Virginie. S’ils n’étaient pas ensemble, en tout cas, cela n’allait pas tarder. Le jeune homme était aussi obstiné qu’une mule et il en fallait beaucoup plus que les dénégations calmes, polies et un peu gênées de sa collègue pour le détromper. Koji et Virginie étaient comme dans les séries télévisées, pleins de sentiments inavoués, un point c’est tout.
Et il n’allait certainement pas demander confirmation à Koji, qui le mettait beaucoup trop mal à l’aise pour qu’il allât lui poser la moindre question personnelle. Il n’avait pas envie de le retrouver assis au bord de son lit, la nuit, avec un couteau à la main et son regard noir sadique posé sur lui, parce qu’il avait essayé d’en savoir plus sur sa vie privée. C’était tout à fait le genre de choses dont il l’imaginait capable.
Quoi qu’il en fût, son attention fût entièrement détournée de ces questions sentimentales par la démonstration magique de Virginie. Car, pour Ewan, tout cela ressemblait fort à de la magie. Des mutants, il n’en avait pas croisés tant que cela. Il ne connaissait guère que sa propre mutation et, bien évidemment, elle lui paraissait la chose du monde la plus naturelle, pas du tout comme les choses incroyables dont était capable Virginie.
« Waaaa ! »
Ce fut d’abord son seul commentaire. Il se disait que Virginie pouvait faire bien des choses avec un pareil pouvoir. Par exemple, elle pouvait… euh… elle pouvait… Il ne savait pas trop ce qu’elle pouvait faire, mais c’était sans doute très excitant et en tout cas beaucoup plus utile que de pouvoir se faire pousser une barbe sur commande.
Ewan, donc, était admiratif, et d’autant plus admiratif qu’il n’eût pas imaginé le plus petit instant que le pouvoir de Virginie fût de cette sorte-là. Donc, elle n’était pas un ange, une guérisseuse ou une sirène au chant magique. Comme bien des fois au cours de son existence, Ewan se sentait un peu ridicule d’en avoir été réduit à des préjugés enfantins, des stéréotypes presque sexistes.
Il regardait Virginie avec un rien de perplexité, tentant de superposer dans son esprit l’image de la jeune femme gracieuse avec celle d’un grand type très musclé et invulnérable. L’exercice n’était pas évident et il lui faudrait sans doute un peu de temps pour s’habituer à l’idée. Nul doute que les démonstrations futures de Virginie ancreraient tout cela dans son petit esprit.
Les compliments de la jeune femme le firent un peu rougir. Oh, non, il n’était pas un héros. Il n’était pas non plus le psychopathe déséquilibré que le Contrepoison se plaisait parfois à peindre. Il savait bien que ce portrait était fait pour assurer la sécurité de tout le monde et que, au fond, il n’était pas un agent très fiable. Mais tout de même, il était un peu vexé en songeant aux choses que l’on avait pu dire à son propos à Virginie.
C’était que pour Ewan, l’on ne pouvait être dangereux que si l’on n’était méchant. Les choses fonctionnaient comme ça dans son monde. Il ne se rendait pas compte que son caractère versatile, que ses décisions impromptues, étaient une source perpétuelle d’inquiétudes pour une organisation aussi prudente et bien huilée que le Contrepoison. Il avait simplement le sentiment qu’on était injuste avec lui.
Cependant, il n’était pas du genre à accepter les compliments immérités, aussi secoua-t-il la tête.
« Je vous ai mis dans un pétrin et après on s’en est sortis ensemble. Du coup, j’suis pas certain qu’il faille me remercier. »
Evidemment, de pétrin il n’y en eût point eu si le Contrepoison lui avait fourni du matériel un peu plus fiable que ces outils au rabais dont il avait dû s’accommoder au cours de sa mission. Mais enfin, Ewan était presque heureux d’avoir été impliqué dans une telle histoire, si la récompense était de rencontrer Virginie (et accessoirement Koji, quoiqu’il ne fût pas encore tout à fait convaincu qu’il fallût s’en féliciter).
Parce que Virginie le faisait rêver. Plus précisément, la perspective d’une vraie cuisine, où l’on fît des vrais sablés à la cannelle, le faisait rêver. Cette image éveillait en lui les mêmes sensations tristes qu’il avait en regardant, dans la vitrine d’un vendeur de télévisions, la cent-trente-troisième rediffusion de Sept à la Maison. Comme un paradis inaccessible.
Il rêvassait donc de sablés à la cannelle quand la remarque de Koji manqua de le faire s’étouffer avec son gâteau. Ewan rougit jusqu’à la pointe des oreilles mais sa peau reprit instantanément sa première teinte. Le jeune homme releva brusquement de grands yeux bleus vers son interlocuteur, en tentant de déterminer ce qu’exactement Koji avait voulu dire.
Il décida que ce devait être une plaisanterie. Mais l’hypothèse du couple Virginie-Koji commençait à faiblir un peu dans son esprit. Ou bien alors c’était un couple de libertins. Virginie n’avait pas vraiment l’air d’une libertine, cependant. Ces réflexions éveillaient toute sorte de fantasmes peu catholiques dans l’esprit d’Ewan, qui s’empara d’une tasse de chocolat pour se donner une contenance.
Il suivit le mouvement vers le salon, en se demandant si finalement « le garçon le plus intelligent du monde » n’était pas une description exacte de Koji. Bien entendu, il avait supposé que l’affirmation de Virginie n’avait été qu’une façon de parler, un aveuglément dû à l’amour passionné qui les unissait probablement comme Roméo et Juliette. Mais ses hypothèses personnelles étaient mises à rude épreuve.
Il s’assit sur le canapé, exactement à la manière de Koji, sans qu’il fût possible de savoir si ce mimétisme relevait d’un usage inconscient de son pouvoir ou s’ils partageaient tout bêtement la même manière de s’installer. Lui n’avait pas vraiment de pensées très intelligentes dans lesquelles se perdre, alors il se contenta de souffler sur son chocolat chaud.
Gagner, il n’y songeait pas. Il se contentait de survivre jusqu’au lendemain, de trouver un petit travail, à manger, un endroit où dormir. La politique, la lutte finale, la révolution, la condition mutante, tout cela lui passait très loin au-dessus de la tête et, quand il y pensait, c’était qu’une mission du Contrepoison l’obligeait à réfléchir à ces questions.
Alors il se disait qu’effectivement, le combat était perdu d’avance, avec ce découragement des gens qui ont l’habitude d’être broyés par la société. Il n’avait même pas de chambre à lui, comment pouvait-il croire en un avenir meilleur pour le monde entier ? Non, c’était de l’idéalisme (ça devait s’appeler comme ça), et même les « codes » de Koji ne pouvaient changer cela.
Quant à leur situation présente, elle le rendait au mieux nerveux. La question de Virginie le ramenait à des considérations beaucoup plus pratiques.
« Peut-être qu’on devrait essayer de dormir. Et instaurer des tours de garde. »
Il ne se doutait pas que « dormir » était une activité exceptionnelle pour Virginie et, pour Koji, un synonyme de « faire des cauchemars ». Lui, il trouvait simplement que veiller jusqu’au petit matin n’était peut-être pas la meilleure solution pour se trouver pleinement en forme si d’aventure on les attaquait.
Virginie Parish
Type Sigma
Sujet: Re: [RP] Appuyer sur pause Sam 24 Déc 2011 - 15:30
C’était au tour de Virginie d’hausser des épaules avec délicatesse. Techniquement la mission avait été mal préparée. Ça n’enlevait rien au fait que ces deux jeunes hommes avaient très bien réagis. Avec d’autres partenaires les choses auraient put empirer d’avantage. Le hasard avait été de leur côté.
La présence de Koji dans la pièce rétablissait l’équilibre du groupe. D’ailleurs sa répartie provoquait les réactions attendues : de la gêne venant du garçon et de la surprise amusée venant de la fille. Le charme était inné chez lui. Il était séduisant et tellement fin qu’à peu prés personne ne pouvait lui résister éternellement. C’était du moins ce que pensait la londonienne. Il lui arrivait d’envier cette capacité à amadouer les autres.
On aura tout ça demain. Mais ce n’est pas bête l’idée du sauna. On devrait en parler aux Représentants. Et un jacuzzi… Rhoo oui. Il faudra que j’essaie un jour. Avant que ça n’ait plus d’effets. »
Elle évoquait ça avec naturel alors que c’était l’un des sujets les plus troublants de sa petite existence. Si les calculs de la généticienne étaient exactes, le prochain stade de la mutation arriverait dans un, voir deux ans. Virginie avait encore du mal à se rendre compte qu’elle allait finir par ne plus rien ressentir. Cela paraissait tellement absurde quand on n’aimait la simple sensation de la pluie dans le creux de sa nuque.
Ce qui lui faisait le plus peur, c’était de ne plus pouvoir sentir ces gestes tendres qu’elle découvrait enfin, grâce à toutes ces personnes. Elle devait se dépêcher d’emmagasiner des souvenirs. Un petit sourire lui échappait quand elle pensait à la douceur de la peau du fils de June. Oui c’était des sensations pareilles qu’elle voulait garder en mémoire. Soudain l’envie de découvrir des nouvelles sensations la projetait plus loin. Aurait-elle l’occasion de tout faire si elle passait son temps à courir après la paix ?
Un petit sourire appuyait la réponse de Koji. C’était la meilleure qu’ils avaient en leur possession. Il était inutile de donner plus de champ à la résignation. Il était trop tôt pour être résigné. Virginie ne croyait pas au destin… même si certain avait une porte ouverte vers l’avenir. Tout pouvait arriver. Il y avait encore des chances raisonnables de rétablir la trêve. Pour tous ceux qui étaient innocents, mutants comme humains, elle voulait y croire. Elle adressait un sourire protecteur au nouveau membre de la communauté.
-« C’est vrai. Il faut que tu te reposes. Moi je dors très peu, donc ne t’en fais pas, je surveille… avec Koji. » Elle avait l’air calme même sereine. Les nuits blanches en compagnie du japonais étaient nombreuses. Ils avaient l’habitude de la présence de l’autre. Par certains aspects ils auraient put rendre jaloux les friteries qui ne se supportaient pas plus de deux heures dans la même pièce. -« Avant je vais aller me changer. »
La tasse presque vide atterrissait sur la table tandis qu’elle retournait vers ses bagages. Elle se saisissait d’un sac plus petit à l’intérieur et allait s’enfermer dans la salle de bain. A l’opposé de beaucoup de fille, Parish ne perdait pas de temps sous la douche. D’ailleurs elle ne réglait plus la température de l’eau en général. Parfois elle tournait la poigné au maximum pour voir si le froid arrivait encore à la faire frissonner.
Le peu de maquillage disparaissait. Ses traits paraissaient encore plus innocents. Une innocence légèrement fatiguée. Elle s’habillait avec automatisme. Ses cheveux ne poussaient plus. Une évolution qui l’avait plus chagriné que n’importe quel autre détail. Le reflet dans la glace était neutre comme si l’esprit s’en était éloigné. Elle se brossait les dents en pensant à tout ce qu’elle avait à faire. Le sarouel et le débardeur lui donnait un côté hippie qui lui plaisait assez. Quand elle revint, ses cheveux nattés, se balançaient dans son dos.
De la salle de bain elle avait entendu le signal sonore du PC. Léa lui avait probablement envoyé les exercices. Mais l’adolescente faisait une fois de plus acte de procrastination. Elle fit le tour des fenêtres pour vérifier que rien ne les menaçait. Elle était comme un chat et à certains moments, de jour comme de nuit, son corps avait l’un de ses surplus d’énergie dont elle savait que faire. Au lieu de maudire leur prison elle en prit son parti et se mit en position pour la méditation à même le sol.
-« Koji… si j’ouvrais un restaurant ? »
Remplaçait juste à temps : « Est-ce que je vais rester humaine ? » Parce que les réponses de la nouvelle directrice de la Confrérie n’avaient pas réellement apaisé l’angoisse qui sourdait dans ses entrailles. Elle avait peur de devenir une sorte de statue que plus rien ne pouvait altérer. Plus elle devenait forte et plus elle avait peur. Pourquoi ne pouvaient-ils pas stoper le processus ? Avoir un bouton pause.
Jusqu’au petit matin la demoiselle s’exerçait à cette activité venue de loin. Elle n’était pas très douée. Son esprit s’accrochait aux idées et les développaient à n’en plus finir. Elle s’interrompait pour discuter avec son compagnon de veille. Koji était peut-être l’une des rares personnes sur terre, qui pouvait comprendre ce qu’elle disait, sans y attacher la niaiserie d’une adolescente. Virginie avait besoin de lui pour s’assurer qu’elle n’était pas complètement déconnectée de la réalité. Quand elle pensait à elle, elle pensait aussi à lui, à tous les autres, qui tôt ou tard seraient confrontés à de nouvelles difficultés.
-« Je ne crois pas que ces évolutions sont faites pour nous détruire. C’est vrai. L’être humain s’adapte. Il trouve un moyen de survivre et d’avancer. Tu es d’accord ? »
L’aube était grise et fraîche. La rue était d’un calme mortelle. On aurait dit que le monde les avait oubliés. Virginie aurait tout donné pour avoir un pain au chocolat au petit déjeuner. Cette envie la faisait presque rire. Elle avait quelque chose de rassurant. Mut par une idée subite la jeune fille se redressait et se donnait pour objectif de préparer un petit déjeuner de champion. Cela ne sauverait pas le monde mais ça l’occuperait. La scène se répétait. Et comme toujours, les inquiétudes, ne pouvaient plus se lire sur ses traits. Les jours se suivaient et se ressemblaient tous. Virginie ne pouvait pas faire autrement qu’avancer en attendant que son corps prenne ses droits.
-« Je pense qu’on pourra bientôt rentrer. Ils ont du suivre la fausse piste. »
Et ils renteraient tous les trois. Foi de Virginie.
Koji Ashton
Type Gamma
Sujet: Re: [RP] Appuyer sur pause Sam 24 Déc 2011 - 16:11
Koji approuva les propos de Virginie d’un hochement de tête. Lui non plus, quoique pour des raisons entièrement différentes, ne se sentait pas d’humeur à dormir. S’il y avait une constante dans l’histoire de son pouvoir, c’était bien les cauchemars et il n’était pas pressé de se donner en spectacle avec ses nuits agitées. Il préférait garder ses imaginations et ses souvenirs soigneusement enfermés dans sa tête pour le moment.
Il était trois heures cinquante-sept minutes trente-huit secondes et des poussières. Depuis que Gaël lui avait un jour suggéré en passant de « compter le temps », Koji ne pouvait plus se défaire de l’heure exacte : c’était comme une opération de routine qui se déroulait dans un recoin de son cerveau et sur laquelle il se concentrait, de temps à heure, pour connaître l’heure qu’il était.
Il ne restait de toute façon plus beaucoup de temps à dormir. Koji savait que les ordres reçus par Ewan et Virginie impliquaient de rester dans la planque jusqu’à ce que la nuit arrivât à nouveau, mais il les trouvait personnellement d’une prudence inutile, et peut-être dangereuse. Se fondre dans la foule, le jour, était une bien meilleure solution. Et puis Ewan n’avait pas exactement l’air de suivre les ordres.
Comme Virginie s’éclipsait, Koji reporta son attention sur le jeune homme. Cela faisait longtemps qu’il n’en avait pas croisé de semblables. Indépendamment de sa mutation, Ewan était, aux yeux de Koji, quelque chose d’un peu inhabituel : il n’était pas un scientifique, pas un bonne élève, pas un élève du tout d’ailleurs et il n’avait pas non plus le calme mélancolique quoiqu’un peu fantasque de Gaël.
En fait, Ewan était jeune. Terriblement jeune. Moins sérieux que Virginie, moins posé que Gaël. D’une certaine façon, il lui paraissait même plus jeune qu’Arthur. Et cette jeunesse emplissait Koji de songes ; le mutant se sentait comme un vieillard au crépuscule de son existence qui regarderait les petits-enfants des autres s’éveiller à la vie, avec une tendresse un peu triste.
Il ne se souvenait pas d’avoir jamais été comme Ewan. Incertain, maladroit, touchant. Il l’avait été, peut-être. Avant la mutation, dans cette zone de son existence, entre sa naissance et ses douze ans, dont il ne se souvenait absolument pas. C’était la vie d’une autre personne, pas la sienne. Depuis, les hasards de la génétique l’avaient arraché à l’innocence pour toujours.
Il se demandait quelles étaient les inquiétudes d’Ewan. Tous les mutants en avaient. Il connaissait celle de Virginie et le destin de son amie lui paraissait en effet terrible. Le sien n’était guère plus brillant. Il avait beau savoir que leur mutation les façonnait de sorte à ce qu’ils pussent s’adapter à cette extrême inhumanité, cette pensée n’apportait guère de réconfort.
Et Ewan, que pouvait-il craindre ? De ne plus savoir qui il était ? Koji essayait de s’imaginer quelle partie de sa propre identité il s’imaginait reposer dans son corps. Il supposait son esprit transféré dans une autre enveloppe, bien différente de la sienne. Dans le corps d’une femme de quarante ans. A quel point resterait-il Koji Ashton ? Ces problèmes étaient insolubles, même pour lui.
Ewan s’était endormi sur le canapé, sa tasse encore en main. Koji reposa la sienne, se leva, desserra délicatement les doigts du jeune homme et récupéra la tasse. Puis il promena son regard autour de lui, avisa une couverture et l’entendit sur le dormeur. Celui-là aussi, il allait protéger. En bien des manières, il lui rappelait un peu Virginie. Il s’assit sur le bord du canapé, près d’Ewan.
Il sourit à la question de Virginie.
« Tu pourrais. C’est un commerce qui marche relativement bien dans une ville comme Londres, touristique toute l’année. Et tu n’aurais pas de mal à trouver des investisseurs. »
Les investisseurs en question, c’était lui, bien entendu. Il avait donné à sa réponse un tour très concret, non pour ôter au rêve de Virginie un peu de sa poésie, mais bien plutôt pour lui montrer que la chose était réellement possible et que, pour sa part, il était préparé à l’envisager sérieusement. Après tout, la jeune femme en aurait bientôt fini avec sa scolarité et la vie active pouvait s’offrir à elle.
La seconde question était plus grave. Koji posa les yeux sur Ewan qui dormait près de lui. Un caméléon. Lui, ce ne serait pas sa mutation qui lui poserait des problèmes, mais sa propension à s’attirer des ennuis. Koji esquissa un sourire attendri, puis quitta le canapé, pour s’asseoir près de Virginie.
« Quand je dors… »
Il s’arrêta une seconde. Il n’avait jamais particulièrement parlé de ses cauchemars à Virginie. Il en avait, c’était entendu, inutile de s’étendre sur le sujet. Mais cette fois-là…
« Quand je dors, mon imagination travaille. Et tu sais, mon esprit rend les choses très… convaincantes. Alors quand je fais des cauchemars, c’est comme si je vivais réellement ces choses. Ce n’est pas juste l’angoisse, la peur, l’inquiétude. C’est tout. Même les sensations les plus concrètes. Même la douleur. »
Si c’était un encouragement qu’il essayait de lui donner, il était un peu étrange. Mais Koji en arrivait à son propos.
« Nous ne sentons pas uniquement par notre corps. Notre esprit prend sa part. Il y a toujours un moyen, Virginie, et s’il le faut, nous le trouverons. »
Il lui adressa un sourire réconfortant qui avait le poids de son intelligence. Les promesses de Koji étaient rarement des mots en l’air. Il laissa la jeune femme à sa méditation et alla s’installer à nouveau dans son fauteuil. Le temps passa. Du moins le supposait-il ; immobile, il n’en était pas moins occupé à divers travaux. La voix de Virginie, finalement, le tira de son labeur.
Il hocha la tête et commença à rassembler leurs affaires. Quand ils furent sur le pied du départ, il s’agenouilla au bord du canapé, se pencha à l’oreille d’Ewan et murmura quelque chose. Pour le réveiller.
Ewan Ramsay
Type Alpha
Sujet: Re: [RP] Appuyer sur pause Sam 24 Déc 2011 - 17:09
Ewan avait soudainement l’impression d’être un enfant que ses deux parents vont coucher après une journée au zoo. Si Virginie ne dormait pas, il supposait que c’était à cause de son pouvoir, mais pour Koji, il n’en voyait guère la raison. Il pensait trop, peut-être ? Enfin, lui, il dormirait. Il n’avait pas vraiment l’habitude de se lever avant midi et la perspective de repartir le lendemain à l’aube l’incitait à prendre toutes les heures de sommeil qui s’offrait à lui.
L’excitation de la course-poursuite, l’angoisse de la rencontre, tout cela se dissipait et faisait place en lui à une sensation de profond épuisement. Il n’avait qu’une envie, retrouver son lit. Bien sûr, en l’occurrence, son lit avait plutôt l’air d’un canapé à l’odeur discutable, mais il n’était pas du genre à faire des manières. Alors, avant même d’avoir pris le temps de s’allonger, il se mit à somnoler.
Il ne sentit pas que Koji lui volait sa tasse de chocolat. Machinalement, il se laissa retomber sur le canapé et s’installa aussi confortablement qu’il était possible. Ewan avait l’extraordinaire faculté de s’endormir dans toutes les circonstances et il était en cela à peu près semblable au chat qui vient s’installer sur le clavier de son maître pour une sieste amplement imméritée.
Quand il sentit la couverture reposer sur lui, il l’attrapa sans pour autant se réveiller et s’enroula à l’intérieur. Son sommeil imperturbable donnait l’impression de la plus parfaite innocence. Et Ewan, lui, ne faisait presque jamais de cauchemars. Il rêvait. Il rêvait qu’il était un super-héros, ou qu’il allait au cinéma avec une jolie fille, ou qu’un beau garçon le draguait dans un bar, ou qu’il mangeait des cerises. Ce genre de choses.
La conversation de Virginie et de Koji n’imprima pas la moindre syllabe dans son cerveau assoupi. De temps à autre, il se retournait sur son canapé, marmonnait quelque chose comme « l’opercule est percé » ou « pas de tomates avant demain », poussait un soupir et se tournait encore. De temps à autre, son corps était parcouru d’un vague sursaut d’énergie.
Il rêvait. Il rêvait qu’il était au supermarché, avec Virginie et Koji. Plus précisément, avec Maman Virginie et Papa Koji. Ou Maman Koji et Papa Virginie, ce n’était pas très, très net. Il arpentait les rayons et ramenait ses trouvailles à ses deux parents, qui le félicitaient. A chaque fois cependant il y avait un problème : pas de tomates, l’opercule était percé, la boîte de raviolis était cabossée.
Ce n’était pas un rêve exaltant et quelque part, dans le fond de son inconscient, Ewan était un peu déçu de ne pas avoir trouvé mieux pour occuper sa nuit. Pourquoi ne rêvait-il pas que Koji et Virginie l’invitaient à une de leurs probables soirées libertines ? C’eût été beaucoup plus intéressant ! Hélas, le sommeil est injuste, même avec les anges.
Ce fut au moment où il essayait de convaincre ses deux parents d’acheter une marque précise de céréales dont le paquet contenait — c’était incroyable — une dague en plastique, fidèle reproduction miniature de celle que Frodon avait dans le Seigneur des Anneaux, qu’une voix étrangère vint perturber l’équilibre de son petit univers onirique.
On lui murmurait à l’oreille. Koji lui murmurait à l’oreille. Le vrai Koji, non Papa-Maman Koji, qui décidément refusait formellement d’acheter les céréales. Ewan remonta la couverture sur son visage et marmonna d’une voix endormie.
« Noooon… Encore cinq ou six heures… »
Puis il prit lentement conscience qu’il n’était pas chez lui — ce chez lui qu’il avait déserté depuis bien longtemps déjà — que Koji n’était pas son-sa Papa-Maman et qu’il fallait vraiment qu’il se réveillât, à moins de vouloir risquer que des hommes vinssent le tirer du canapé à coups de crosse de revolver. Il se redressa donc d’un coup, manquant d’assommer le Japonais au passage et promena autour de lui un regard fatigué.
« Hmmmohpfff… »
Ce fut son premier commentaire. Ses cheveux blonds étaient ébouriffés et ses yeux ne cessaient de changer de couleur, témoignage de son peu d’emprise sur la réalité. Il lui fallait d’ordinaire une demi-heure pour émerger de son brouillard mais, manifestement, ni Koji ni Virginie ne comptaient lui en laisser autant.
Cependant, il avait son idée déjà bien arrêtée sur la suite des événements. Il avait rempli sa part du travail, livré le disque et maintenant, il n’y avait plus de raison qu’il restât avec eux. Cela avait été son idée de départ. La soirée avait fait miroité dans son esprit un futur adieux. Mais il n’allait pas se jeter comme ça à tête perdue dans ce nouveau monde. Pas lui. Ce n’était pas du tout son genre.
En fait, il avait surtout besoin de régler quelques affaires. Il consentit finalement à quitter son canapé, posa son regard si déstabilisant tour à tour sur Virginie et Koji et déclara finalement.
« J’crois qu’vous devriez y aller. J’vous mets pas à la porte, hein, mais j’vais partir de mon côté. Deux ou trois trucs à faire, et tout. Mais… J’passerai sans doute à l’Institut, hein. V’z’inquiétez pas pour moi. »
Il avait l’air sincère et, de toute manière, l’heure n’était pas aux atermoiements. Il passa en coup de vent dans la salle de bain, salua une dernière fois Koji et Virginie et s’éclipsa par l’une des fenêtres ; étrangement, ce n’était pas celle qui donnait sur l’escalier extérieur, mais Ewan avait l’air cette fois-ci parfaitement réveillé et parfaitement sûr de ce qu’il faisait.
Une dizaine de minutes plus tard, un jeune homme barbu d’une trentaine d’années, le teint mat, les cheveux noirs, arpentait les rues matinales de Londres, en songeant à son Papa-Maman et sa Maman-Papa, et au futur qui l’attendait peut-être, quelque part non loin d’ici, dans ce manoir un peu fantastique que l’on appelait le Nouvel Institut.