Le soleil commençait à se coucher. Le taxi dans lequel Morgoth était assis s'engagea dans une des multiples rues de la banlieue de l'Essex. Morgoth cligna plusieurs fois des yeux en regardant attentivement... Sous son regard étonné s'étendait une grande propriété, bordée d'une haute grille de fer. Le chauffeur s'avança un peu plus, longeant la grille, et s'arrêta face à un haut portail.

"Ce sera tout, Monsieur ?" demanda-t-il d'une voix grasseyante.

Le jeune homme ne réagit pas immédiatement, puis il sursauta et se tourna vers l'homme.

"Oui, je vous remercie..." marmonna-t-il.

Avec une démarche chaloupée, le chauffeur quitta la voiture et sortit du coffre de la voiture noire une valise de dimension moyenne, où Morgoth avait rangé ses habits, quelques livres et effets personnels. D'un geste brusque, le chaffeur enfonça la valise dans la poitrine de Morgoth, avec une telle force que le jeune mutant en eut presque le souffle coupé.

"Ca fera 28£ pour la course, Monsieur..." dit l'homme.

Morgoth hocha la tête, paya sans mot dire, les lèvres crispées. Puis, appréhendant la suite, il regarda la voiture s'éloigner en crachant une fumée d'essence. Le jeune homme toussa en respirant l'odeur âcre, puis, la gorge sèche, regarda le majestueux portail de fer qui lui faisait face. Il était clos.

*Allons bon...* songea le Franco-russe en soupirant.

"Et maintenant ?" marmonna-t-il pour lui même.

Maintenant... Voilà qui lui semblait une excellente question d'autant qu'il ne voyait aucun interphone ni âme qui vive auprès duquel se manifester. Il finit par identifier la sonnette, presque invisible, et, avec une lenteur calculée, pressa le bouton.
Et maintenant ?

La journée fut relativement calme pour la jeune mutante. Pas de catastrophe à signaler, pas de dérapage, pas d'attaques anti-mutante et mieux que tout, la Confrérie semblait continuer de se montrer discrète. Cependant, Samarah avait du mal de croire en une reconversion totale de la part de ses anciens 'ennemis'. C'est pourquoi, elle s'était jurée de garder un oeil sur eux, mais surtout sur leurs activités diverses et variées, destinées semblait-il au bien de tous.

La météo avait annoncé une nuit calme et sans nuage aussi Samarah décida d'aller se promener dans le parc. Depuis toujours, l'appel de la nature et le calme que ses ballades lui procurait parvenaient à apaiser Samarah. A faire le point mais aussi calmer ses angoisses et surtout à lui éviter certaines 'crises' qui pourraient s'avérer dangereuses. Quand elle sortait se promener la nuit, elle ne pouvait jamais prédire avec certitude l'heure de son retour. Ses insomnies chroniques n'y étaient pas totalement étrangères. Elle le savait. Même si Samarah avait découvert des choses et mis de l'ordre dans le puzzle que constituait son passé durant ces dernières années, cela n'avait pas fait taire pour autant ses vieux démons. D'autant qu'elle s'interdisait de se confier à ses amis. Elle même n'aurait su dire pourquoi, sans doute voulait-elle leur éviter de la craindre davantage... A moins que ce ne soit l'inverse, peut-être qu'au fond d'elle, elle désirait vivre une existence aussi normale que possible. Et pour ça, il fallait que les autres cessent de la craindre chaque fois que son chemin croisait le leur...

Lorsqu'elle voulut ouvrir la porte, la sonnette retentit dans le hall. Surprise, elle interrompit son geste avant de finalement ouvrir la grande porte de l'Institut. Sur le parvis, elle aperçut un jeune homme, manifestement fraîchement débarqué. Elle tenta de masquer sa surprise -non mais on n'avait pas idée de débarquer si tard !- quoique, elle se rappela sa propre arrivée quelques années plus tôt et elle se détendit.

"Oui ? Je peux vous aider ?"

Elle observa le jeune inconnu de pieds à la tête, en tentant de paraître la plus aimable possible. Tout en pensant néanmoins que ces derniers temps, elle faisait beaucoup plus d'acceuils qu'auparavant...

Nakor se promenait dans l'institut, en effet le vieil homme dormait peu depuis quelques années. Il se demandait toujours si c'était du à la vieillesse ou au fait que, avec les événements et la tournure des choses dans le monde, son esprit était en constante ébullition. Nakor marchait donc tranquillement, une canne à la main pour l'aider dans ses déplacements quand il entendit une sonnette retentir. Nakor se dit, à haute voix mais pour lui tout seul, dans sa langue natale aux consonances du sud-est de la France et son accent chantant

"Tiens donc, encore un nouveau? Décidément cela devient pire qu'un hall de gare ici! ... Ha moins que ce soit quelqu'un qui revienne de je ne sais où ... hum, allons voir ça de plus prés!"

Puis le vieux fou décida d'aller voir ce qui se passait. Tout le monde dans l'institut avait l'habitude de voir le vieux physicien chimiste arpenter les couloirs, toujours prêt à aider des élèves dans leurs devoirs où la science pointait son nez et où les élèves se faisaient des cheveux blancs dessus. D'ailleurs Nakor avait la mauvaise manie de venir mettre son gros nez dans les affaires de tout le monde, même ceux qui ne voulait ni de son aide, ni de sa présence. C'est donc avec le sourire aux lèvres, que Nakor accéléra autant qu'il pouvait sa marche, faisant ainsi résonner les bruits de sa canne sur le sol avec plus de rapidité. Il arriva enfin proche des portes, lorsqu'il vit au loin un visage connus et un étranger. Avant que celui ci n'ait put répondre, Nakor, dans un anglais qui ne cachait pas ses origines Marseillaise, s'exclama avec sa voix chevrotante de vieillard

"En tout cas jeune homme, je ne sais pas si elle peut vraiment vous aider, mais c'est ici la personne qui a le plus de chance de pouvoir le faire correctement!"

Puis Nakor éclata de rire, ce qu'il faisait de plus en plus souvent en vieillissant. Tout le monde pensait que Nakor était cinglé, mais en réalité il était loin de l'être, et surtout, il adorait bien vivre, rire et passait du bon temps avec qui que ce soit. Un bon vivant qui regarda avec un grand sourire Samarah, avant de se tourner vers le nouveau venus, et de lui adresser, à lui aussi, un sourire tout aussi chaleureux.

Alors qu'elle attendait toujours une réponse du nouvel arrivant, une présence se fit dans le dos de la jeune femme. Devenue très méfiante avec le temps, celle-ci se retourna brusquement pour apercevoir Nakor, sans doute le pensionnaire le plus âgé de l'Institut. Samarah l'avait toujours trouvé un peu loufoque, cette impression sans doute due au nombre d'années qui séparaient les deux mutants. Et aussi à cause de son comportement, jugé trop exubérant par la jeune femme, qui était elle naturellement discrète. Par contre, elle adorait son accent français ! Elle avait l'impression qu'il apportait le soleil partout où elle l'entendait. Mais ça, elle le gardait bien pour elle.

Celle-ci affirma les paroles du vieil homme d'un signe de tête. Elle ne se sentait en général pas d'une très grande aide pour les nouveaux, mais au delà de cette impression, elle était pourtant parfaitement qualifiée. Elle tenta un maigre sourire.

"En effet, il a raison. Je suppose que si vous êtes ici, c'est que vous avez une bonne raison. Soyez le bienvenu à l'Institut. Mais ne restez pas là, entrez donc", acheva-t-elle en s'effaçant de la porte.

Lorsque le nouveau fut à l'intérieur, la porte se referma derrière lui sous l'ordre de Samarah. La jeune femme réfléchit quelques secondes en passant son regard de Nakor au jeune garçon. Puis, elle s'attarda sur lui.

"Je suppose qu'une visite des lieux s'impose. A vous de choisir votre guide", dit-elle en indiquant d'un coup d'oeil discret vers Nakor qui signifiait clairement 'lui ou moi'.

Il n'y avait en effet qu'elle et lui pour le moment à disposition et Samarah ne put s'empêcher d'espérer secrètement qu'il choisisse Nakor. Elle ne doutait pas que la visite serait de toute façon plus chaleureuse en compagnie du vieux fou plutôt qu'avec elle.

Nakor fut content de surprendre la jeune Lemington, il la trouvait trop rigide. Le problème principal étant que selon ses propres critères, tout les gens de l'institut étaient rigides, une fois qu'ils avaient dépassé leurs premières années. A croire que le monde des adultes détruit le brin de folie qui permet aux jeunes de profiter pleinement de la vie et qui ne revient qu'à l'aube de la mort, quand les années pèsent lourd sur les épaules des hommes et des femmes. En tout cas, Samarah affirma que le vieux fou semblait avoir raison, ce qui mit Nakor dans un état clairement euphorique, où il commença à hocher de la tête comme pour dire oui à ses compagnons. Le nouveau venu entra, et Nakor de son coté, un sourire d'idiot sur le visage, continuait à faire oui de la tête. Miss Lemington prit de nouveau la parole et Nakor s'attendait à ce qu'une fois de plus la brillante Samarah dise quelque chose de tout à fait vrai, c'est donc pourquoi il commença à dire

"Oui oui oui oui oui ... hein? Non mais, ... quoi? Pardon? Mais pas du tout!"

En effet Nakor cessa de dire oui quand elle proposa un choix au nouveau venu sur qui serait le guide. Nakor s'était fait avoir en beauté, ce devait être une petite leçon pour dire au vieillard que s'il voulait se mêler de tout et bien qu'il en assume les conséquences. Nakor donna un coup de canne au sol et continua à la suite de Miss Lemington

"Non mais qu'est ce que c'est que ça ... Jeune homme ce n'est pas que je ne veux pas mais ... rhoooo Samarah, c'est à toi de faire ça ici non? Je serais bien incapable de lui faire faire le tour du propriétaire sans qu'on y passe deux ou trois siècles bon sang!"

Nakor, autant bougon que doux comme un agneau passait souvent du coq à l'âne au niveau de son comportement, il pouvait très bien féliciter quelqu'un puis, la seconde d'après, le frapper à grand coup de canne pour une sottise sans la moindre importance. Il se tourna vers Samarah, qu'il nommait par son prénom comme il le faisait avec tout le monde, car son âge avancée lui avait fait prendre l'habitude de prénommer ses connaissances, et continua, un sourire sur les lèvres

"Et puisque c'est comme ça, si nous le faisions à deux ce petit tour de manège Samarah, la sagesse impressionnante de l'âge lié à la force absolus de la jeunesse ... ce jeune homme ferait d'une pierre deux coup ... si ce n'est plus!"

Puis Nakor ne put retenir une petite explosion de rire, devant les qualificatifs qu'il avait utilisé, sa sagesse étant fortement à mettre en doute, le vieil homme adorait rire de ses propres blagues, aussi nulles qu'elles pouvaient être. A croire que plus la blague était vaseuse, plus il riait. Pauvre vieillard, il avait quand même renvoyé la balle dans le camp de Samarah, à elle de répondre, à moins que le jeune nouveau se décide enfin à prendre la parole au milieu d'une petite scène de couple.

Tel est pris qui croyait prendre… ou pas.

C’est qu’il avait encore toute sa cervelle ce vieux fou, car derrière son sourire goguenard et son crâne à moitié chauve, il avait réussi à déjouer le piège de Samarah. Cette dernière ne manqua d'ailleurs pas de lui montrer son mécontentement en le fusillant du regard. Non, ce n'était pas à elle de faire ça. Enfin, pas tout à fait. D'habitude, elle préférait l'éviter, mais quand il n'y avait personne dans la maison, cela rentrait dans ses obligations. La jeune femme inspira profondément pour se calmer.

"Eh bien dans ce cas, c'est parti pour un tour du propriétaire, lança-t-elle à Morgoth. Ne fais pas trop attention à ces délires séniles, ajouta-t-elle sur le comportement de Nakor. On l'a toujours connu comme ça. Et, entre nous, je me méfie de sa sagesse tout comme de ma force..."

La force de l'esprit, bien entendu car à la voir -Samarah avait toujours été un peu frêle- il n'était pas très dur de deviner que sans son pouvoir, il ne serait pas très difficile de la mettre à terre.

La jeune femme prit donc la direction des opérations et se dirigea vers les chambres, Nakor et Morgoth sur ses talons...

(HJ: Si tu passes, Morgoth, tu peux poster ici et nous dire si tu as envie de continuer, sinon, tu peux poster n'importe où et créer ta chambre. Nakor, si tu souhaites continuer notre échange, je vous rejoindrai avec Chiara)