Il était fort tard !
Trois heures déjà que le client la faisait attendre dans ce bouge inclassable. Si cet empaffé n'avait pas payé d'avance, cela aurait déjà fait un baille qu'elle aurait évacué les lieux pour rentrer ce coucher, mais ce con avait réglé une nuit complète et il lui restait encore sept bonnes heures avant le lever du soleil et la fermeture de cet étrange endroit.
Pourquoi donc avait-il choisi cet endroit comme lieu de rendez vous et pourquoi donc lui avoir demandé de venir vêtue comme les cow-girls qu'on voyait dans les clips country rétro, surtout dans une sorte de cabaret où chacun portait des apparats pour le moins moderne et du genre peu couvert.
Ainsi, accoudée au bar, elle se sentait faire tâche dans son pantalon blanc et sa chemise décolletée à franges. Tous les regards convergeaient vers elle.
En temps normal, cela ne l'aurait jamais gêné, mais en la situation, c'était plutôt des regards inquisiteurs et emplis de questions et sarcasmes qui la dévisageaient à longueur de temps.
Son client avait-il voulu cela ? L'observer mal-à-l'aise dans un cadre dépareillé, comme un anonyme voyeur, était-il son trip de ce soir, jouissant de l'humiliation qu'elle ressentait ici ? Sans doute que oui !
Ce n'était pas la première fois qu'on lui jouait un tel tour, mais en général on prenait au moins le temps de l'en avertir.
Après tout, si cet imbécile était prêt à payer pour rien, c'était bien son problème. L'important était avant tout qu'il eut casqué en bonne et due forme !
Et puis, si un type suffisamment barré venait à l'aborder, elle n'aurait au moins pas perdu complètement sa nuit. Mais c'était fort peu probable tant elle faisait dans ce décors comme une armoire normande sur un pédalo en plastique.

Se tournant vers le barman, elle lui commanda un nouveau verre :

« Hey, mon beau... Tu me ressers un soda sans sucre ?
Si un type me demande, je suis allée me refaire une beauté... »

Elle paya la consommation et la laissa sur le comptoir, vérifia son sac à main et se dirigea vers les toilettes. En passant prêt de la scène, elle jeta un rapide coup d'œil à ce succédané de spectacle qui avait tout à apprendre des exhibitions de la grande époque de son enfance, paraissant se chercher une identité dans un mélimélo de d'idée puisées de-ci-de-là et mixées sans rapport l'une avec l'autre.
Décidément, elle ne se sentait pas à sa place dans cette époque délurée...

Quand elle ressortit, elle retourna s'installer sur un tabouret du bar, recommençant son pied de grue après que le serveur lui ait lancé un regard lui indiquant que personne ne l'avait demandé. Elle reposa son sac à coté de son verre et se retourna légèrement pour faire semblant de s'intéresser au pseudo-spectacle qui se jouait devant son regard concentré sur la seule idée de faire passer le temps qui lui restait à attendre...

«- Les mutants sont méchants, les mutants sont sales, les mutants se droguent et se droguer c’est mal, les mutants sont des monstres, ils mangent les enfants, les mutants sont des bêtes, des animaux, des primitifs évolués. Tu dois les tuer, tous, pour nous sauver car ils sont le Mal et toi tu es le gentil de l’histoire. Ne fuis pas, ne recule pas, vaincs les car cela est juste. Tu comprends ? C’est toi le héros et eux sont les méchants, les méchants perdent toujours et les gentils gagnent. »

On lui avait dit ça.
On lui avait toujours dit ça.
Toujours et encore, et répété jusqu’à ce qu’il l’est parfaitement intégré, et même après, encore aujourd’hui, on continuait de lui dire ça. Et les mots, ils résonnaient, sans cesse, « Tu es le gentil et eux sont les méchants ».

La chose qui avait aujourd’hui les traits de William Bagot ne cillait pas (et ce n’était pas qu’une image), malgré la lumière, le bruit, et les éclats de rire. Il était comme raide, droit sur sa chaise, le regard fixé sur un point au fond de la salle. Et ce point se prénommait Anna. Une jeune femme brune, le regard salace, la moue boudeuse et le teint mat. Anna aimait se faire accompagner, elle changeait d’ailleurs de partenaire régulièrement car pour elle c’était « comme aller de l’avant avec les cuisses, voyez ? » (rapport de police après une arrestation n° 4576382, motif : racolage). Et plus encore Anna était une méchante. Une veuve noire en fait, un « foutu vampire » pour reprendre les termes de Jeanne. 411 ne craignait rien, ce soir c’était lui le prédateur et Anna serait sa première proie. Elle était seule à la table du fond, à 10h46 elle se lèverait et partirait en chasse.
Mais 411 avait pour mission de protéger les honnêtes citoyens de ce monstre, et il remplirait son devoir coûte que coûte. Pour l’humanité, pour la patrie, mais surtout pour Jeanne. Derrière le bar il y avait une petite ruelle où s’entreposaient les ordures, le genre d’endroits typiques pour un assassinat discret, il ne dérogerait pas à la règle officieuse. Encore fallait-il parvenir à amadouer une femme dans le genre d’Anna.
Et c’est pour cela que l’équipe avait trouvé judicieux de visionner pour 411 tout un tas de films pornographiques, et 411 s’était crée en deux jours de visionnage une véritable éducation sexuelle. Toutefois, la partie de son cerveau gérant les pulsions avait été inhibée, et tout ce qu’il tira de cette expérience, ce fut des informations concernant la vie délurée de cette pauvre fille.

« -Je ne te dirais pas que le papa plante la graine dans le jardin de la maman, non ça ce n’est pas pour toi, je vais t’expliquer, tout t’expliquer, absolument tout ! »

Il s’approchait d’elle en brassant la foule, donnant des coups d’épaules aux personnes qui se situaient sur son chemin. Son regard statique, sa rigidité corporelle, tous ces éléments contrastaient avec l’activité ambiante. Il arriva enfin à sa hauteur, elle toujours assise et qui semblait l’avoir remarqué depuis quelques instants déjà. Elle marqua son arrivée par un charmant sourire.

« -Souviens toi toujours la formule des trois : Bonjour-Au revoir-Merci. »

411 lâcha un bonsoir robotique et sans émotions, elle parut se rendre compte de l’inémotion de sa voix, il répondit à cela qu’il venait de subir une opération des cordes vocales et que les médecins lui avaient greffé un appareil pour qu’il puisse parler. Elle sembla le croire, elle lui proposa de s’installer tout près d’elle, il le fit. Assis ensemble, on aurait pu supposer à une situation des plus banales dans ce genre d’endroits. Mais son regard, si vide d’émotions, tellement vide, fixe et ancré dans rien, ce regard n'annonçait pas un sort enviable. Et elle, ignorante, se languissait à coté, et lui répondait à ses avances comme il l'avait vu faire.Mais trop empressée par son désir, Anna ne percevait pas la texture caoutchouteuse de la peau du faux William.
Dommage.

Le temps passait et rien d'intéressant ne se produisait. Personne ne s'approchait d'elle, dénotant trop de cette ambiance qui ne lui convenait guère.
Elle laissait son regard fuyant balayer la salle de long en large et en travers, s'arrêtant soudain sur un couple dont la femme était de dos. Pourquoi donc celui-ci ? Là était la bonne question. Peut-être parce que la silhouette de celle-ci ne lui était pas inconnue, ou alors, et plus certainement, parce que celui qui l'accompagnait avait une étrange manière d'être. Il avait des mouvements hors du commun, son corps semblant tricher avec la réalité, comme un paradoxe au milieu du chaos.
N'ayant rien de mieux à faire, et comme pour s'occuper l'esprit, elle se surprit à les épier !

Après plusieurs minutes, la femme se tourna et elle reconnut parfaitement une collègue des rues : une arpenteuse ; comme elle les appelait pour leur façon de battre le pavé.
Elle n'avait pas le standing et la réputation de Tousled, mais elle avait néanmoins une belle affluence, ce qui présageait des talents réels pour la profession. Mais cette façon de racoler dans les bas-fonds dégoutait Vanessa au plus haut point.
Elle n'était pas connue pour avoir un souteneur – l'une des rares toutefois, ce qui démontrait une capacité d'adaptation importante ou une grande discrétion de son protecteur – alors pourquoi donc continuer à côtoyer la lie quand elle pourrait monter en puissance et en réputation ?!?

Savoir qu'elle trainait ici avait donc laissé germer dans l'esprit de la libre professionnelle : pourquoi ne pas lui proposer un partenariat. Il lui faudrait donc venir la revoir pour le lui suggérer, discrètement !

Soudain, elle les vit se lever et, machinalement, regarda sa montre : il était vingt trois heures et trois minutes !
Il lui avait fallu à peine un quart d'heure pour se laisser emballer, ce qui était trop rapide si elle voulait prendre de la hauteur, et elle se le nota quelque part dans un coin de sa tête.
Ils sortirent par la porte de derrière et disparurent ainsi de l'esprit de Vanessa, jusqu'à ce que cette même porte ne se ré-ouvre une dizaine de minutes plus tard avec juste le potentiel client.
Donc, soit elle s'était contenté de lui faire une fellation dans la ruelle crasseuse, soit le type avait comprit soudain qu'il avait affaire à une pute et s'était ravisé en l'insultant, ce qui l'aurait poussé à ne pas revenir avec lui pour ne pas se faire virer du bar.
Par simple réflexe, et histoire de ne pas se faire avoir par le même type, elle interrogea le barman :

« Excusez moi...
Vous connaissez ce type, là ?
...
Non, j'suis pas flic... Mais sa tête me dit quelque chose et je me souviens plus où j'ai pu le rencontrer... »

Ils avaient tous les deux quittés la table, dans un même mouvement, comme s’il s’agissait d’un couple parfaitement normal qui suivait une seule et semblable chorégraphie. Or, lorsqu’un homme et une femme décidaient de partager quelque chose, ne serait-ce qu’une parcelle d’étreinte, ils n’utilisaient jamais la porte de derrière. L’emprunter était comme un dérapage des plus complets vers des univers morbides où l’assouvissement brutal du désir se trouvait être le seul objectif à atteindre. Les endroits qui s’offraient à ceux qui avaient fait le choix de franchir cette fameuse porte se résumaient à des cachots humides, des ruelles étroites et mal éclairées, des parkings déserts ou bien encore des quais oubliés par l’âme humaine durant la nuit. Anna faisait partie de cet univers, elle y amenait ses victimes mâles pour ensuite les assassiner dans ces immondes cloaques obscurs. Mais la mascarade n’aura pas lieu ce soir, ni demain, elle venait de cesser à l’instant où le corps mort d’Anna se fut affaissé sur lui-même après avoir été brisé.
Elle poussa la battant en métal de la sortie en trainant le faux William par la main, et ils se retrouvèrent à échanger des propos salaces dans une allée sordide où s’entassaient des poubelles aux contenus divers et variés. La jeune femme, fiévreuse, se jeta sur le garçon dans un élan ardent avec la volonté première d’assouvir ses pulsions animales. Elle se serra tout contre lui en l’embrassant, collant son bassin au sien en essayant peut-être de l’aguicher. Il l’entoura de ses bras et plaqua ses mains contre les hanches d’Anna afin de la rapprocher plus encore. Elle toujours tournée vers son désir ne remarqua pas au début que l’étreinte passionnée se transforma en étau. Moisson n’eut pas à serrer bien fort pour broyer proprement la colonne vertébrale de sa proie, cette dernière ne lâcha qu’un couinement effrayé mêlé à de la surprise et elle s’effondra, passant de vie à trépas avant même d’avoir touché le sol. L’humanoïde ne lança pas un regard au cadavre qui jonchait à ses pieds, il ouvrit la porte de métal sur le fracas du bar et entra de nouveau dans cet enfer d’insanités.
Il venait de tuer pour la première fois et il n’éprouvait rien, ni joie, ni plaisir, du néant, du vide, à peine un vague sentiment de satisfaction du travail accompli mais guère plus.

Adam Walker était l’exemple parfait de la règle suivante : « Les apparences sont trompeuses ». Sous ses airs de biker, il était un parfait gentleman bien qu’au parler un peu rustre, il aimait boire mais pouvait être raisonnable, raffolait des femmes mais n’était pas un coureur de jupons pour autant (il définissait la séduction comme avant tout un code de conduite basé sur le respect), il travaillait également dans un bar quelque peu mal famé mais n’en restait pas moins un homme honorable, bref Adam était le chic type parfait bien qu’atypique. Et comme tout bon gars lorsqu’une jolie fille (bien qu’accoutrée bizarrement) lui demandait un renseignement, il n’hésita pas plus de trois secondes et demie à lui fournir :
- C’type là-bas vous voulez dire ? Ouais il traîne dans le coin d’puis trois ou quatre jours, il s’met toujours à la même table, il arrive toujours à la même heure et part toujours à la même heure. Ch’ai pas trop c’qu’il cherche d’ailleurs, il boit jamais rien et reste assis toute la nuit sans rien dire à personne. Enfin doit bien avoir trouvé son bonheur avec la petiote qui roucoulait à ses bras y’a dix minutes, me d’mande où elle est passée celle-là d’ailleurs, c’est une bonne cliente vous comprenez, j’l’ai pas vu partir, et c’est bizarre qu’elle ne soit plus avec c’te mec, mais c’pas mes oignons, elle doit être rentrée chez elle. On la r'verra demain, oh que oui, c'est une gourmande cette petite, elle enchaine les verres comme si c'tait de l'eau! Chic fille ouais.
Vot' verre est vide, j’vous sers aut’chose ?

Le barman, en bon professionnel, ne se fit pas prier pour se hâter à déblatérer tous les ragots dont il avait connaissance concernant la cible des interrogations de Vanessa.
En fait, il ne savait pas grand chose sur l'individu, mais avait ce petit quelque chose qui faisait de lui une mine d'informations, un observateur hors paires. Il était sans doute bon de garder un tel individu sous le coude en cas de besoin, et il lui faudrait sans doute l'entreprendre d'avantage sous peu, préférant ne pas trop se hâter pour qu'il ne se souvienne pas trop d'elle non plus.
Ainsi, elle le remercia d'un sourire charmeur, tel qu'elle savait si bien les faire, puis commanda un thé bien fort !
Elle savait que la nuit était loin d'être terminée et avait besoin d'un remontant nerveux pour tenir le choc en solitaire dans cet environnement qui lui correspondait si peu.

Étonnamment, personne ne venait l'entreprendre ce soir mais, en réalité, son accoutrement dans un tel endroit devait y être pour beaucoup. Elle s'adossa alors au comptoir et chercha un angle qui lui donnerait une vue directe sur l'étrange personnage qui occupait ses pensées analytiques et sa curiosité, lui offrant par la même occasion un axe dégagé sur sa propre personne.
L'homme était maintenant face à elle, et Tousled tentait de l'observer sans se montrer trop entreprenante du regard afin qu'il ne s'imagine pas n'importe quoi à son sujet. D'autant plus s'il avait fuis les avance de sa collègue des bas-fonds, il n'était pas question qu'il la prenne pour une tapineuse de bas étages. Elle était d'un acabit supérieur et tenait fermement à ce standing qui la maintenant au dessus du panier et lui avait toujours évité le panier à salade.

Le temps passait et ce type continuait à resté prostré sur sa chaise sans rien consommer. Ce n'était pas normal, et cela commençait même à paraître inquiétant à la jeune femme.
Elle sentait quelque chose d'étrange chez l'individu mais ne parvenait pas à définir de quoi il s'agissait.
Était-ce là une intuition, ou avait-elle plutôt observé quelque chose que seul son inconscient avait perçu et que son cerveau n'avait pas relevé ? Sans doute un peu des deux, mais tant qu'elle n'avait pas pu mettre le doigt dessus, elle continuait son investigation silencieuse, son observation analytique discrète, n'ayant rien de mieux à faire de toute manière pour le moment.

Se tournant vers le barman, elle lui demanda :

« Serait-il possible de servir un café à cet individu, sur ma note, mais sans lui révéler qui le lui a offert ni pourquoi ?
Un gros pourboire pour vous si vous vous montrez suffisamment discret.
Au fait... si un jour on vous demande quelque chose me concernant, vous ne m'avez jamais vu ! »

Et, sur ces mots, elle lui glissa un gros billet qui devait bien couvrir son salaire de la nuit, et peut-être même d'avantage.

William s’était rassis à sa place habituelle, sans réellement comprendre pourquoi. La mission terminée, il ignorait quoi faire par la suite, comme si sa volonté d’initiative avait été effacée une fois Anna morte. Donc il attendait, sans rien dire, le regard figé sur la porte du fond, qui donnait sur la ruelle et sur un cadavre avachi près des poubelles, qui ne tarderait pas à être découvert. Et cette idée n’inquiétait pas le jeune homme car il patientait, elle morte, le reste n’avait plus d’importance. Quelqu’un viendrait le chercher, pour le ramener à la maison en le tenant par la main, comme un enfant rentrant de l’école, après le boulot, le goûter ! Puis dodo.

- Pour sûr que j’peux lui servir un café d’votre part si ça vous chante ! Faites c’que vous voulez de votre argent bien que j’serais vous, j’me méfierais du bonhomme, l’est pas très net et pour avoir vu pas mal de cinglés ici, vous feriez mieux de m’écouter parce que j’sais les repérer à trois kilomètres maintenant et tant qu’ils font pas de grabuge et qu’ils paient, on leur dit rien. Par contre dehors, c’t’une autre histoire. Enfin j’vais dire à une de mes p’tites d’aller lui servir un café ouais et il saura pas c’est quoi l’nom de sa bienfaitrice. C’est quoi vot’nom mademoiselle ?
Sur ces derniers mots il partit d’un grand rire tonitruant, loin, très très loin de l’idée que l’on se faisait habituellement de la discrétion. Puis il siffla une des serveuses qui vint le rejoindre la seconde d’après, une brunette qui devait plaire à la plupart des hommes réunis en ce lieu (les dollars glissés dans son soutien-gorge en témoignaient) et malgré la légère rougeur sur ses joues, l’enthousiasme dont elle faisait preuve à son travail était à peine émoussé.
Sauf que le type à qui elle devait apporter un café avait un regard bizarre, vide.
Pourquoi tu flippes idiote, juste un malade comme un autre, tu te déhanches un peu et le tour est joué.
Ouais mais il cligne même pas des yeux, ça fout les jetons !
Oh arrête de faire ta poule mouillée et avance !

- Bonsoir, quelqu’un a passé cette commande pour vous, roucoula la serveuse en se trémoussant à la table de William. Ce dernier se raidit et tourna la tête dans sa direction. Son regard ne s’éclaira d’aucune émotion mais un sourire s’étala néanmoins sur son visage. Sourire horrible s’il en est, qui révélait au grand jour la nature artificiel du faux garçon, la peau semblait bizarrement synthétique, les dents trop blanches et ces yeux, de verre ou de glace, peu importe, mais si froids de toute évidence.
Cours cours cours ! Pars très vite, loin et ne regarde pas derrière toi.
À croquer, tes os, quel son produiraient-ils en se brisant?
Si jeune et belle, à croquer, à croquer.
Cours cours cours et...
C’est ce que disait ce regard.
La serveuse vacilla un peu, son sourire également, elle déposa le café et repartit en chancelant.
Moisson fixa la tasse, ne sachant trop quoi en faire. Boire et manger étaient des besoins étrangers. Il trempa son doigt dans la boisson brulante, ne ressentant pas la chaleur qui s’en dégageait. Le retira puis se pencha un peu plus afin d’en humer l’arôme. Il ne le sentit pas bien évidemment, du moins pas de façon organique, en revanche il parvint aisément à identifier tous les éléments qui la composait. Une fois son inspection achevée, il se redressa, repoussa la tasse un peu plus loin et attendit de nouveau.
L’idée que quelqu’un pouvait l’observer ne lui avait pas traversé l’esprit.

Adam aux cotés de Tousled retint sa respiration. Il avait lui aussi suivi le manège du type, et sa terreur montait croissante. Ce gars là n’était pas comme les simples dingues de d’habitude, il avait une dimension supplémentaire, extérieure et étrange.
On dirait un scalpel, pour sûr, un putain de hachoir aiguisé fait pour tuer, un rasoir qui vous arrache la peau à chaque passage.
Il s'étonna lui-même de telles pensées puis marmonna un dernier « Pas net ce type, vraiment pas net » avant de retourner à ses activités. Il voulait se débarrasser de cette impression obscure qui l’effrayait tant.

Le barman avait accepté, mais son rire tonitruant était tout sauf discret, ce qui gêna quelque peu la jeune femme, vite ravisée en voyant que personne ne semblait y prêter attention. Son humour était très simple et puéril, tel qu'on pouvait s'y attendre dans de tels lieux, mais l'ambiance y donner un petit coté réellement amusant qui la fit sourire en rougissant légèrement.
Elle l'observa s'approcher de la serveuse qui paraissait craindre le client qui ne consommait jamais et tendit l'oreille pour percevoir ce qu'ils se racontaient, ce qui n'était pas trop difficile du fait que – tous deux étant habitués à travailler dans ce genre d'endroit ultra-bruyant – ceux-ci hurlaient d'avantage qu'ils ne parlaient.

Suivant ensuite l'employée du regard, elle put aisément constater la pâleur horrifiée de celle-ci face à cet étrange individu.
En effet, étrange était bien le mot qui lui correspondait le mieux, plongeant son doigt brûlant dans le liquide noirâtre sans en démontrer la moindre réaction, puis le humer aussi placidement – froidement, même – avant de repousser machinalement la tasse et de replonger son regard dans le vide d'une scène inexistante, comme attendant on ne savait trop quoi.

Vanessa commençait à se demander s'il ne s'agissait là d'un quelconque mutant, ou pire d'un de ces monstrueux humanoïdes, quant le barman assena une phrase qui lui glaça le sang et les os :

« On dirait un scalpel, pour sûr, un putain de hachoir aiguisé fait pour tuer, un rasoir qui vous arrache la peau à chaque passage. »

Les mots résonnaient trop juste dans l'esprit de la jeune professionnelle, qui se remémora soudain tout ce qu'elle avait glané d'informations sur ces individus si méprisables !
Elle se mettait maintenant à avoir peur pour sa collègues qui n'était pas revenue, tout en se demandant si – en fait – cette tarée de machine n'était pas ici pour elle, en réalité, et si ce n'était pas cette chose qui lui avait donné rendez-vous dans se bouge... Si elle n'était pas découverte...
Son esprit bouillonnait et une sorte de paranoïa peu commune à sa personnalité s'éveillait lentement le long de son échine frissonnante.
C'est à ce moment là que le barman cru bon d'ajouter : « Pas net ce type, vraiment pas net » ; ce qui ébranla le corps de la prostituée qui s'ébroua instinctivement, comme pour se débarrasser de cette désagréable et morbide intuition !

Sans dire un mot, et voyant l'inconnu fixer toujours la porte de derrière, elle s'éloigna – non sans avoir demandé au barman d'appeler les flics si elle n'était pas de retour dans cinq minutes – vers la porte principale, qu'elle franchit promptement pour se rendre dans la ruelle, piquée par la curiosité.
Il y faisait sombre, mais cela ne la gênait jamais longtemps, et elle ne tarda pas à découvrir avec effroi que son instinct ne l'avait pas trompé, trouvant le corps sans vie de sa collègue entre les poubelles et les amas d'immondices, trônant dans les odeurs d'urine séchée et de vieux foutre.
Point besoin de s'approcher d'avantage pour vérifier ses signes vitaux, le corps plié en deux selon des axes impossibles aux humains, les yeux grands ouverts – regard vide et sans brillance – tournés vers le ciel, et l'absence totale de mouvement thoracique ne trompaient pas sur l'état effectif de la pauvre victime.
Craignant de laisser des traces, elle vérifia rapidement que personne ne pouvait la voir et absorba toute sa pilosité avant de tourner sa veste et son pantalon à l'envers, laissant une apparence crémeuse mate contrastant avec la blancheur luisante précédente et donnant un aspect plus moderne à sa tenue, puis continua jusqu'au bout de la ruelle comme si de rien n'était, comme si elle ne faisait que traverser le passage, pour contourner le pâté de maison jusqu'à revenir à l'entrée principale du bar.

À chaque pas, quelques millimètres de cheveux repoussaient lentement – imperceptiblement – pour reprendre la taille et la texture qu'elle arborait précédemment.
Poussant la porte de l'établissement, elle repensa à son obscure client :

* Tant pi pour le taf ! Si ce glandu était là à m'observer, je le rembourserai... sinon, il ira se faire foutre à la trinité ! *

S'approchant du barman, surpris de la voir s'être changée, elle lui demanda si elle pouvait utiliser le téléphone de l'établissement, lui glissant un nouveau billet, avant de se mettre un peu en retrait et d'appeler le centre de police le plus proche.
Par sécurité, elle plaça son Stetson blanc devant la caméra de visioconférence, l'appareil datant un peu à son grand bonheur, et attendit qu'on lui réponde.

« Commissariat central ? Déclinez votre identité et montrez vous que j'enregistre votre demande...
– Désolée, le visiocom est en panne ! Je suis au bar Spectral Socity au bout de l'avenue Queen Elisabeth ! Il y a un cadavre dans la ruelle qui donne sur la porte de derrière et le tueur est encore dans l'établissement... »

Sans attendre d'avantage, elle raccrocha, essuya se combiné pour en effacer les emprunte, et alla jusqu'aux toilettes pour remettre ses vêtements dans le bon sens, puis retourna voir le barman en se ré-asseyant à la même place, le visage un peu livide. Elle lui prit la main pour y faire apparaître une petite liasse de billets dont on pouvait se demander d'où elle les sortait, aux vues de sa tenue somme-toute moulante, et lui glissa à l'oreille :

 « Mon gars, y'a un problème ! Les flics vont débarquer ! Pas d'affolement et faites comme si de rien n'était... La fille de tout-à-l'heure... avec le type louche... elle est morte ! J'ai pas bougé d'ici... Okay ?
J'veux pas d'histoire et si je me barre je vais perdre un paquet de fric. Donc, si tu joues le jeu, t'en aura autant quand les grouillots auront lâché le morceau me concernant... »

Elle acheva sa phrase en lui glissant un baiser taquin sur la joue, ajoutant également :  « Et t'aura un bonus en nature si ça te tente... » ; ponctuant ces derniers mots d'un clin d'œil discret, puis commanda un nouveau thé, comme si de rien n'était...

L’attitude toujours inerte de William contrastait véritablement avec l’euphorie qui régnait dans le bar. Engouement qui disparaitrait d’ici quelques minutes lorsque les premières sirènes de police se feront entendre dans le lointain. Mais pour le moment, les hommes et les femmes engloutissaient sans vergogne boissons et poisons alcoolisés, tout ceci dans une orgie de sensations animales étant en réalité une ode à l’oubli de soi. Et parmi ce chaos d’abondance liquide était niché comme un noyau dur le faux individu, totalement insensible à ce qui se déroulait autour de lui. Mais les événements se mettaient lentement en marche et il ne serait pas épargné par la débandade qui suivrait, le vent de panique, les cris et les angoisses. Peut-être y aurait-il d’autres morts ? Qui comme Anna se retrouveraient brisés ici et là à la façon de pantins désarticulés. Tous les éléments d’un tel dérapage étaient réunis et la situation pourrait se transformer en drame humain très facilement, il n’appartenait qu’aux acteurs de cette future tragédie de changer le dénouement.

Le balourd mais néanmoins sympathique Adam se raidit considérablement lorsque Tousled lui apprit que l’une de ses « petiotes » favorites était étendue dehors, froide comme un glaçon et que le type responsable de son état de macchabé se pavanait à une table face à lui. La fureur avait jaillit dans son cœur, sa bonté lui hurlait de massacrer le monstre qui s’amusait à bousiller des jeunes femmes innocentes et ça sous son nez ! En tant que bon Americain, il ne pouvait tolérer un tel affront. Mais à l’instant, n’avait-il pas perçu un reflet orange dans les yeux du connard d’assassin ? Une fugace impression mais néanmoins persistante qui suffit à lui faire perdre tout courage. Sa colère disparut à la manière d’une nuée d’oiseaux effrayés. Fort heureusement pour lui, Adam n’était pas seul et son interlocutrice était l’une de ses dernières bouées de sauvetage. Il se rassura en constatant qu’elle était aussi livide que lui devait l’être, et le fait qu’elle avait pris les devants en appelant les flics le revigora davantage. Son baiser l’aida plus encore. Il se pencha vers elle et chuchota dans une voix à peine audible, mais posée :
-J'vais jouer le jeu, sûr, mais comme z’avez pu le constater, les habitués de ce bar pourri ils sont pas tous très cleans. Et j’parle pas du gars là, si j’avais sa tête entre mes mains j’lui…, il se reprit, conscient qu’il n’en aurait en réalité pas la force, bref c’que j’veux dire c’est qu’on a déjà eu une descente de poulets ici, ça a dégénéré clairement, y’a des chances que ça se passe pareil surtout que là on a un dingue de première. Donc si y’a du grabuge, vous vous planquez derrière le bar c’est clair ? Ce serait dommage qu’une jolie minette comme vous se fasse défigurer pas vrai ? Et vous…
Il s’interrompit soudainement, les sirènes, il était possible de les entendre maintenant. Il maudit intérieurement la stupidité des policiers et jeta un coup d’œil dans la salle. Les clients se turent un à un, l’inquiétude se peignit sur de nombreux visages. Sauf un, absent de la tourmente, toujours à fixer de ses yeux morts le fond de la salle. Il ne les entendait pas ces sirènes, il ignorait même ce qu’elles signifiaient. Jeanne n’avait sans doute pas prévu que une fois sa mission accomplie, Moisson resterait sur le lieu du meurtre. Elle ne lui avait pas inculqué la notion de la loi. Et le piège se refermait lentement sur lui, sans qu’il n’y prête une quelconque attention.


(HRP: Bon et bien je te laisse décrire la réaction des personnes présentes et l'arrivée violente ou non des policiers, je réagirai en conséquences, toi seule peut les sauver )

Le barman voulait protéger Vanessa en lui proposant de se jeter derrière le bar en cas de grabuge. C'était une bonne idée, d'autant qu'elle n'avait pas songé que les clients pourraient créer une émeute !
Elle le regarda avec un sourire crispé en hochant la tête, cherchant surtout à voir les réactions de celui qu'elle pensait coupable du meurtre de sa collègue. Étrangement, celui-ci ne mouftait pas, ne semblant réagir à rien, ce qui avait de quoi s'inquiéter plus qu'alors !

Les sirènes s'étaient tues mais des éclairs colorés parcouraient la pièce au moment où les portes s'ouvrirent dans le hall et du côté de la ruelle ! Trois hommes pénétrèrent par l'entrée principale pendant que deux arrivaient par l'arrière. Il s'agissait visiblement d'inspecteurs, chacun étant vêtu d'un costume bon marché.
La panique de la salle se calma alors immédiatement, chacun s'attendant surtout à voir surgir des troufions en uniforme pour divers contrôles de papiers. Ce n'était pas habituel que l'on déplace autant d'inspecteur pour une descente en boite, et cela avait laissé la clientèle suffisamment perplexe – consciente de la possible gravité de la situation – pour se décider à ne pas réagir inconsidérément, tous espérant s'en sortir – bien persuadé que ce n'était pas pour lui – ce qui étonna tout autant l'homme derrière le bar, pour le coup –.

« Que personne ne sorte ! On enquête sur une mort suspecte et avons besoin de témoins !
Tout d'abord, qui nous a appelé ? »

Les regards se croisèrent en tous sens, chacun cherchant des yeux le taré qui avait fait une telle connerie, mais personne ne répondit ! Tousled n'était pas prête à se dénoncer, n'ayant pas plus envie qu'un autre de passer des heures au poste pour se faire interroger.

« Bon, on va prendre les identités et témoignages de tout le monde et ensuite on vous laissera tranquilles, alors pas de conn'ries et regroupez vous tous devant la scène : on va vous appeler un à un... »

Encore plus étonnant pour tous, quasiment tout le monde paraissait vouloir obtempérer, mais deux jeunes imbéciles connus pour dealer et ne pas être des plus fut-fut' tentèrent de forcer le léger barrage de la porte arrière !
Sans trop prendre de risque, les deux costards s'écartèrent, mais à peine dehors, les deux couillons se retrouvèrent nez à nez avec la scène du crime et une vingtaine de flicaillons en train de boucler la zone. Bien entendu, ils ne firent pas trois pas de plus et se retrouvèrent immédiatement menottés et ramenés à l'intérieur pour y être placé sous surveillance en attendant la fin des interrogatoires.

Le brouhaha monta alors à nouveau, chacun voulant savoir qui avait été tué et où et si ça n'était pas un piège pour avoir posté tant d'uniformes à l'extérieur. Bien entendu, la situation n'était pas si simple et des dizaines de policiers parcouraient les alentours à la recherche de témoin, ce qui n'était pas visible de l'intérieur. Ainsi, celui qui avait parlé jusque là reprit la parole :

« Pas de panique ! Nous interrogeons tout le quartier, mais quelqu'un nous a appelé d'ici, et je voudrais savoir qui !?!
Une jeune femme a été retrouvé disloquée et nous voudrions trouver son assassin... »

Le barman, quant à lui, commençait à se demander pourquoi une telle descente pour une simple prostituée...

Lorsque les pneus des voitures de police avaient crissé juste devant le bar, William n’avait pas réagi. Lorsque les inspecteurs étaient rentrés en masse dans la salle, fracassant presque la porte d’entrée au passage, il ne broncha toujours pas. Ils parlèrent d’une mort suspecte, cela ne lui fit rien, ils demandèrent à relever les identités, aucune réaction de sa part encore une fois. Quand les deux idiots cherchèrent à s’enfuir par la porte de derrière, dans leur course, ils passèrent à coté de William et l’un d’eux renversa la tasse de café brulant qui vint immédiatement se répandre sur le pantalon du jeune homme. Rien toujours.
Jusqu’à présent il ne se sentait pas concerné par ce qu’il se passait autour de lui, simplement car il ne rapprochait pas les événements actuels avec ce qu’il avait fait dans la ruelle avec Anna. Toutefois lorsque l’un des flics parla plus en détail du meurtre, ou plutôt lorsqu’il prononça « disloquée », que William sut enfin que c’était bien pour lui qu’ils étaient ici.
Règle numéro une : la discrétion.
Règle numéro deux : l’efficacité.
Règle numéro trois : les deux règles précédentes sont nulles si elles sont compromises.
Dernier recours : la fuite et peu importe s’il y a de la casse.
Son objectif atteint, il ne savait plus trop comment réagir, son programme possédait encore quelques failles. Mais comme sa couverture avait été éventée, Moisson en concluait donc que sa mission n’était pas finie. Par la même occasion, il retrouvait son libre arbitre et sa faculté d’action.
La vengeance n’avait pas sa place ici, il ne s’agissait pas de punir celui ou celle qui l’avait dénoncé. Mais tout de même, la question se posait néanmoins. William laissa errer son regard sur les visages autour de lui. Les serveuses, les clients, puis le barman, enfin les policiers. Ces derniers étaient en train d’interroger les personnes juste derrière lui. Il se leva, ses yeux s’arrêtèrent à peine une seconde sur Tousled bien qu’ils marquèrent tout de même une petite hésitation. Un des flics à coté de lui tourna son attention vers lui :
- Vous comptez aller quelque part ? Rester assis s’il vous plaît, nous finissons avec ces gens et ce sera votre tour.
William, ou plutôt Moisson, ne répondit pas. L’homme a ses cotés sembla s’en irriter, il avait les nerfs à vif et sa patience était épuisée, supporter ce genre d’énergumènes devenait tâche trop difficile pour lui. Il posa une main ferme sur l’épaule de 411 :
- Asseyez vous s’il vous plaît, je ne me répéterai pas !
Ce qui se passa ensuite fut très bref, le coude de Moisson vint percuter le bras tendu du policier, bras qui fit une courbe bizarre sous le choc. L’homme hurla. Pendant un dixième de secondes, Moisson ressembla à ces athlètes sur le départ, attendant le coup de départ. Il s’élança, renversant la chaise, quelques personnes essayèrent de s’interposer, mais que pouvait faire un humain face à une machine en pleine course ? Les rares suicidaires à tenter eurent le droit à de beaux hématomes, quelques os fêlés et beaucoup de courbatures. Moisson frôla le bar, l’homme derrière le comptoir en était déjà à s’allonger au sol en se couvrant la tête de ses bras.
Arrivé près de la porte en fer, le robot déchainé la défonça à l’aide d’un coup d’épaule, le policier qui se trouvait juste derrière ne se relèverait plus. Néanmoins bien que l’équipe dans la ruelle venait d’être prise au dépourvu, ils n’en restaient pas moins des professionnels. Ils dégainèrent rapidement et firent feu sur Moisson qui s’enfuyait à toute jambe vers le coté opposé de la ruelle. Quelques balles ricochèrent sur son dos, laissant un trou noir dans la peau synthétique, le métal était visible dessous. Cependant une l’atteignit à l’arrière du crâne, ce qui le fit chanceler quelques secondes. Il parvint au bout de l’allée et disparut sur la gauche.


(HRP: Je pense que tu peux réagir à la scène, néanmoins ce serait dommage d'en finir là, même si nos personnages sont séparés. Du coup je pense qu'il serait bon de continuer le sujet malgré le fait de ne pas être ensemble, jusqu'à aboutir à une nouvelle rencontre )

La situation dégénéra soudain, prouvant rapidement à Vanessa que ses craintes étaient belles-et-biens fondées !
L'étrange individu se débarrassa sans aucun mal des policiers et prit la poudre d'escampette ! Se décalant derrière le bar pour se protéger, elle vit l'écran-relais de la caméra de surveillance placée dans la rue, constatant ainsi les balles qui ricochaient sur le dos de l'individu.
Il s'agissait donc visiblement d'un humanoïde : une de ces ignobles créatures qui avaient détruit sa vie, et plus particulièrement pris celle de sa mère !

Elle sentit alors la rage monter en elle. Elle savait que si elle lui donnait libre court, ses pouvoirs allaient se manifester de façon dangereuse, ainsi elle se força à respirer bruyamment et profondément, tentant de se détendre en s'hyperventilant lentement.

Cette fois les policiers étaient très énervés et il en fallut de peu qu'une émeute se déclenche, mais – sans trop savoir comment – les forces de l'ordre avaient pour une fois bien mérité leur nom, parvenant à calmer le jeu sans qu'il n'y ait d'avantage de casse, alors que les ambulances arrivaient pour s'occuper des blessés.

Vanessa, comme tous les autres, fut interrogée par les inspecteurs. Elle dut leur fournir son identité, ce qui n'était pas la première fois, ainsi que la raison de sa présence ici, ce à quoi elle répondit simplement qu'elle était venue prendre du bon temps.
Elle se risqua néanmoins à demander qui était la victime pour attirer ici autant d'inspecteurs pour une affaire qui lui semblait plutôt banale pour le « peu » qu'elle en avait saisi.

« Écoutez, ma p'tite dame !
Ceci est une enquête de police et ça ne vous regarde en rien, mais je peux vous dire – parce que vous y êtes mêlée malgré vous – qu'elle avait des relations, la pauv'petiote... »

* Alors comme ça elle ne trainait pas que dans les bouges ?
Quel dommage, vraiment, elle aurait pu aller loin, y'avait du potentiel à n'en point douter ! Pourquoi diable est-elle venue fricoter avec un humanoïde ? Et pire encore, pourquoi un humanoïde s'en est pris à elle ? Avait-elle un lien avec des mutants ? Était-elle mutante elle-même ?
Après tout, Maria a bien trouvé que mes pouvoirs se nourrissent de l'énergie sexuelle... Je ne suis peut-être pas la seule dans ce cas... *

Les flics finirent par s'en aller, après avoir relevé toutes les identités, non sans ajouter :

« Ne quittez pas la ville les prochains jours... »

La vie reprenait son court normal dans un lieu de ce genre, le barman n'osant pas trop parler avec Tousled par crainte qu'on leur pose trop de question et pour rester fidèle à sa parole, et il la regarda souvent rester accoudée au bar comme depuis le début de la nuit, ne comprenant pas vraiment ce qu'elle faisait là et pourquoi elle était resté sur place.

Quand la nuit fut suffisamment avancée pour que le cabaret ferma ses portes, elle en sortit parmi les dernières, déambulant alors dans les rues sans trop savoir quoi faire, frustrée de sa nuit solitaire autant qu'obnubilée par les évènements de la nuit qui la travaillerait encore longtemps...

Cela faisait déjà plusieurs heures que Moisson s’était éloigné du quartier ayant été le lieu de son crime, et loin de l’effervescence policière, il lui était plus aisé de réfléchir. Quelque chose n’allait pas, il ne pensait pas avoir surestimé ses forces mais toujours est-il qu’une grande partie de son corps était en plein état de liquéfaction. Les fluides qui parcouraient sa structure et qui lui donnait une allure humaine dégoulinaient et s’écrasaient au sol avec un bruit spongieux. L’humanoïde effarouché s’agitait en tout sens dans la ruelle où il avait trouvé refuge, elle ne pouvait plus tromper personne cette grotesque statue de métal et de chair. La moitié de son visage s’en était allée, découvrant un faciès digne d’un célèbre film des années 1980, l’un de ses bras aussi était entièrement mis à nu, branche métallique et misérable. Il se formait une flaque autour de ses pieds et il ne pouvait rien y changer. Affolé, il s’agita en tous sens, renversant quelques poubelles, tout ceci était un échec des plus complets, un fiasco sans nom. Le corps de sa cible avait été localisé de prime, puis sa couverture éventée et enfin sa propre nature. Même le plus idiot des policiers aurait pu comprendre qu’un humain n’aurait pu encaisser autant de tirs sans broncher. Mais un mutant aurait-pu lui, non ? Une idée des plus perverses naquit dans cet esprit plutôt jeune, et cela n’était à imputer qu’au vol de son innocence.
Pourquoi ne pas se servir de ce qui venait de se passer comme argument supplémentaire pour la lutte mutante ? 411 ignorait tous les enjeux politiques que cela impliquait, il réagissait comme un gamin qui préférait accuser un camarade plutôt que d’avouer sa faute. Il dirait à Jeanne que ce n’était pas lui la cause de tout ce chaos, que c’était un autre mutant dont les informations de sa mission n’avaient pas fait mention qui était le responsable de tout ceci. Maintenant comment justifier la perte de contrôles sur ses fluides ? Une balle perdue qui l’avait atteint au cours de la fusillade. Cela lui semblait un bon mensonge. Pour nous beaucoup moins, juste une histoire boiteuse et sans fondement.
Toutefois, trop absorbé par ses enfantillages méprisables qui nécessitaient toute sa concentration, il buta contre une poubelle plus violemment qui le l'avait fait jusque là, et cette dernière s’écrasa avec un gros bruit métallique, sans doute afin d’achever une dernière fois la notion de discrétion de la soirée. Il y eut encore quelques échos silencieux dans la ruelle, qui semblèrent s’éterniser, puis la tempête sonore survint aussi subitement que violemment. Une fenêtre au dessus s’ouvrit avec un chuintement inquiétant, puis apparut le visage d’une femme réveillée en plein milieu de la nuit, soit un spectacle peu reluisant à voir :

- Pas bientôt fini tout ce bordel, ouais ?! Y’a des honnêtes gens qu’essayent de dormir !

Dans le lit nuptial derrière elle était allongé un homme tout rabougri au visage las qui lui suppliait de revenir se coucher.

- Nan s’pas un chat, encore un de ces connards de clodos ! Va cuver ton vin ailleurs ivrogne ! Pourri, déchet de la société, sale rat, parasite, sangsue, alcoolo, vermine, pouilleux, canaille, crapule, racaille !

La fenêtre se referma toute aussi soudainement, la lumière s’éteignit et le calme revint. Moisson avait fait un bond et s’était plaqué contre le mur, sa terreur s’était accrue au fur et à mesure que l’autre hystérique s’échauffait les cordes vocales. Il attendit dans cette position quelques minutes encore, et une fois sûr que le dragon se soit de nouveau endormi, il détala en courant de la ruelle. Il déboula dans la rue principale qui fort heureusement était vide de la moindre présence car rares étaient les personnes à vouloir s’aventurer dans un quartier aussi sordide après minuit passé.
Les fluides continuaient de dégouliner de son corps, bientôt il lui faudrait reprendre son apparence d'origine car celle qui avait revêtu était devenue complètement inutile. Avançant péniblement le long des immeubles, se raidissant au moindre bruit suspect, il errait sans but.
Il savait que son corps était équipé d’une alarme silencieuse qui permettait de le localiser par satellite, toutefois il ne pouvait l'activer lui-même, son système s’en chargeait automatiquement s’il venait à être endommagé à plus de 60%. Et il n’était pas désespéré au point de vouloir se blesser lui-même pour qu’on le retrouve, il lui faudrait attendre. Sans doute toute la nuit…

Les événements de la nuit la laissait songeuse. Elle savait qu'elle serait incapable de dormir et avait besoin de se changer les idées, qui plus était, elle voulait absolument observer le lieu du crime d'elle même, des fois que ces couilles molles de poulagas auraient raté un indice précieux. Elle tourna donc dans les quartiers environnant pour s'assurer qu'aucune surveillance n'était restée à proximité, puis repris l'apparence qu'elle avait la première fois qu'elle s'était engouffrée dans la dite ruelle. Elle réabsorba ses cheveux ainsi que tous les poils de son corps, revêtit son chapeau, puis mit sa veste et son pantalon à l'envers.
Elle revint alors jusqu'au lieu du meurtre, passant sous les bandes de la police pour s'engouffrer dans le coupe gorge imprégné d'odeurs d'urine.

Elle commença alors à fouiller systématiquement tous les recoins, soulever tous les cas, non sans avoir pris la précaution d'user d'un mouchoir en papier pour n'y laisser aucune trace et éviter de se salir ou de sentir les ordures pendant des heures !

* Putain, quel merdier ! C'est écœurant ici ! Quel horrible endroit pour crever... *

Elle soupira bruyamment, prise dans ses réflexions alors que les premières lueurs du jours pointaient à l'horizon, derrière les buildings crasseux.

* Si j'étais un indice, j'me planqu'rais où ? *

Une bonne heure passa à ratisser la zone, mais si indice il y avait eu, la volaille devait l'avoir trouvé et emporté. Au moins, cet enculé d'humanoïde ne s'en sortirait peut-être pas aussi aisément...

Il n'y avait rien eu à trouver, et cela énervait considérablement la professionnelle !
Elle s'arrêta pour réfléchir un peu sous les premières lueurs de l'aube. Une idée lui traversa alors le crâne : une idée logique qu'elle se voulut immédiatement de n'avoir pas eu plus tôt. L'humanoïde potentiel avait été touché à plusieurs reprises par les poulagas, et il y avait de fortes chances pour qu'il ait laissé des traces... ou des morceaux !

Sans attendre, elle se dirigea dans la direction de sa fuite, courant jusqu'au premier carrefour. Cela faisait bien longtemps qu'il avait disparu, et la piste risquait fort bien d'être froide et impossible à suivre mais, si elle avait un peu de chance, elle la remonterait suffisamment pour trouver le nid de cette vipère mécanique.

Ne sachant trop par quoi commencer, elle prit la première voie sur sa gauche jusqu'au carrefour suivant, effectuant en courant le tour du pâté de maison pour revenir au même endroit, n'ayant toujours rien trouvé.
Réitérant sa démarche – ou plutôt sa course folle en quête d'improbables indices – elle emprunta la voie suivante ! Elle allait abandonner quand elle repéra une sorte de fluide qu'elle prit tout d'abord pour de l'huile de moteur. Mais, en s'en approchant, elle y plongea son doigt ! C'était encore liquide et n'avait pas la consistance, l'odeur, ni la couleur d'un liquide mécanique ( tout du moins pour ce qu'elle en connaissait ). Avait-elle trouvé un indice tangible ?

Redoublant d'attention, elle continua sur cette voie pour trouver une seconde goutte, assez éloignée, puis une troisième, et ainsi de suite, les « larmes » synthétiques étant de plus en plus nombreuses et rapprochées ! Elle en était certaine, ça ne pouvait être que lui... ou alors elle réveillerait un mécanicien qui testait ses réparations de nuit.

Elle sortit son téléphone et commença à composer un numéro : celui de Maria, la personne qu'elle appréciait décidément le plus à la confrérie. Mais rien, personne ne répondit ! Effectuant un nouveau numéro, puis un autre, personne ne semblait répondre à cette heure encore matinale !
Enfin, l'une des personnes de son répertoire décrocha son téléphone : c'était Terry ! Elle le connaissait somme toute assez peu, mais elle ne se sentait pas de suivre une telle affaire sans un minimum de renfort, et surtout sans ses précieux couteaux ! Sa voix s'était faite mielleuse, grasse, et douce : naturelle ! Ça la rendait difficile à comprendre, parfois, mais avait de quoi charmer également...

« Terry ? Vanessa ! Désolée si j'te réveille, mais j'crois qu'un putain d'humano a butée une de mes collègues. Les flics lui ont tiré dessus mais il s'est barré !
Bon, ça fait un moment, mais j'ai enfin trouvé une possible trace. Et, franchement, j'me sens pas d'attaque à le traquer seule.
Accepterais-tu d'me r'joindre avec un véhicule ? J'te branche mon GPS, comme ça tu pourras me r'trouver, parc'que j'vais continuer à remonter la piste avant qu'ell'n'soit trop g'lée ! »

Aussitôt, elle actionna le GPS de sa montre bracelet, celui que lui avait fourni le big boss à la fin de leur première entrevue. C'était fort pratique dans un cas comme celui-ci.
Quand il eut accepté, elle ajouta :

« Ah, si tu peux passer dans ma piaule et prendre avec la mallette qui est sous mon pieux... On sait jamais ! »

Elle ne pouvait plus attendre. La réponse de Terry n'était pas encore achevée qu'elle reprenait la remontée des gouttes suspectes, continuant sa traque furieuse vers un adversaire sans doute bien trop fort pour elle.

Quand elle eut finalement raccroché, elle commença à nouveau à courir, bien qu'un peu plus lentement qu'auparavant, sachant maintenant parfaitement ce qu'elle cherchait, la piste lui paraissant désormais évidente et facile à suivre une fois que son cerveau eut isolé les informations relatives à son but.

Elle devait faire vite : elle avait plus de quatre heures à rattraper sur sa « proie »...

« Terry ? Vanessa ! Désolée si j'te réveille, mais j'crois qu'un putain d'humano a butée une de mes collègues. Les flics lui ont tiré dessus mais il s'est barré !
Bon, ça fait un moment, mais j'ai enfin trouvé une possible trace. Et, franchement, j'me sens pas d'attaque à le traquer seule.
Accepterais-tu d'me r'joindre avec un véhicule ? J'te branche mon GPS, comme ça tu pourras me r'trouver, parc'que j'vais continuer à remonter la piste avant qu'ell'n'soit trop g'lée ! »

« Ah, si tu peux passer dans ma piaule et prendre avec la mallette qui est sous mon pieux... On sait jamais ! »

Terry somnolait depuis un bon quart d’heure sous sa couette lorsque son communicateur le tira définitivement de sa torpeur. Il mit quelques secondes à reconnaître la voix qui s’adressait à lui. Tousled ? Que lui voulait-elle encore ? Si elle comptait encore sur une prestation d’un intérêt purement personnel pour recharger ses batteries, le caméléon allait lui faire passer l’envie de le réveiller la prochaine fois qu’il la croiserait dans les couloirs de la Confrérie. Mais –à son grand soulagement- ce n’était pas ça. Du tout. Le mutant dut faire un effort de concentration pour comprendre ce que Vanessa lui voulait. 30 secondes top chrono. Le temps exact que durait la communication. Terry marmonna.

*Merci Tous’ de m’avoir réveillé. Non tu ne me déranges absolument pas. Un Humanoïde, mais bien sûr oui…*

Minute.

Un… quoi ?

Terry sauta hors de son lit en un bond. Depuis la conférence de presse et l’incident survenu juste après avec leur hôte étrange, le mutant entendait de plus en plus souvent parler de ces ‘humanoïdes’. Et ce n’était pas pour le rassurer. Sans prendre le temps de passer un coup de peigne dans ses cheveux –sacrilèges !-, l’homme caméléon enfila sa tenue de combat. Celle-ci, couplée à son pouvoir, faisait des merveilles. L’idéal par exemple, pour des filatures. Il passa ensuite dans la chambre de Tousled, en priant pour que personne et en particulier Maria ne passe devant à cet instant. Elle aurait encore été bien capable de s’imaginer des choses totalement stupides. A peine entré, il ressortit, la précieuses malette de la confrère dans la main. Lui s’était armé comme à l’habitude, un bon petit pistolet à plasma.

En guise de véhicule, le mutant dégotta une moto au sous sol de la Confrérie. Il irait plus vite s’il devait se faufiler dans les embouteillages matinaux de la ville. Grâce au GPS, Terry put rejoindre le quartier où se trouvait Tousled en une quinzaine de minute. Il localisa rapidement le lieu de crimes, à présent entouré de banderoles policières. Soucieux de ne pas attirer l’attention sur lui, il continua encore sur quelques mètres et prit la première rue à gauche. Il enclencha son communicateur alors qu’il s’éloignait de l’engin rutilant.

"Tous’. Ici, Terry. Je suis sur place. Première rue sur la gauche après ton bar. Tu as intérêt à tout me réexpliquer calmement. Je t’attends. Ne cours pas après toute seule tant que la menace n'est pas clairement identifiée"

Vanessa courait depuis une petite vingtaine de minutes quand son téléphone se déclencha !
Elle était en sueur mais ne s'en rendait même pas compte. En sueur... pour une fois qu'une activité physique la faisait transpirer, elle était trop obnubilée pour s'en apercevoir d'elle-même ! Elle avait suivi les traces de fluide sur une trentaine de pâtés de maison, ce qui représentait pratiquement trois kilomètres.

Elle attrapa son appareil en ralentissant, marchant désormais, quelque peu essoufflée, essayant de répondre à celui qu'elle avait elle-même contacté :

« Terry !?! Ah, super, t'es venu !
Bon, je peux pas te rejoindre... Pas... pas maintenant !
J'ai... je remonte sa piste et je suis... loin... loin du bar... maintenant !
Cales toi sur... mon GPS... je suis au moins... à deux... voire trois kilomètres...
Je pense... avoir... remonté presque entièrement sa... piste ! Rejoins moi... s'il te plait... je t'expliquerai tout... »

Ayant fini ce qu'elle avait à dire, elle recommença à courir après ces précieuses traces de liquide non identifié, ne raccrochant pas pour le moment...

Ne cours pas après toute seule tant que la menace n'est pas clairement identifiée

Terry se demanda ce que Vanessa n’avait pas compris dans sa phrase. L’avertissement était pourtant clair, non ? Ne pas bouger avant qu’il n’arrive ! Et elle, que faisait-elle ? Elle s’éloignait encore de deux ou trois pâtés de maisons ! Le mutant lui raccrocha et pressa le pas. En tant que pensionnaire de la Confrérie, Tousled était aussi sous sa responsabilité et Terry s’en voudrait s’il lui arrivait quelque chose de… regrettable et définitif. Se lancer seule à la poursuite d’un probable humanoïde. Cette nana était complètement timbrée. Comme la majorité de la gente féminine qui vivait sous le toit de la Confrérie, constata amèrement le caméléon.

Le GPS incrusté dans son communicateur lui indiqua qu’il n’était plus désormais qu’à une centaine de mètres de la mutante. Au coin de la rue, il ne tarderait certainement pas à l’apercevoir. Pas caméléon pour rien, le jeune homme observa d’abord la rue, caché par le mur, avant de s’y engouffrer. Rien. Pas même la silhouette de la prostituée. Le mutant haussa un sourcil surpris. Il allait devoir revoir la fiabilité de leurs appareils à la Confrérie. Parce qu’entre quelques mètres et tout un pâté de maisons, il y avait quand même une différence ! En effet, le mutant aperçut Vanessa au tournant suivant et il lui emboita le pas calmement. D’une part pour ne pas l’effrayer et d’autre part pour conserver l’anonymat le plus longtemps possible. Habitué à être envoyé sur le terrain, le mutant commençait à avoir l’habitude des coups fourrés. Et il n’aurait pas été surpris d’apprendre que la cible de Tousled soit encore dans les parages, prêt à lui bondir dessus.

Mais rien de tout cela ne se produisit et Terry arriva à hauteur de la jeune femme. Après avoir ôté ses mitaines – simple mesure de précaution- son regard se planta droit dans le sien.

« Alors ? Quelles sont ces explications ? Tu aurais du attendre au lieu de te jeter dans l’inconnu comme ça. Il aurait pu t’arriver n’importe quoi… »

Rassuré d’avoir retrouvé Tousled en un seul morceau, le mutant n’en resta pas moins sur ses gardes, prêt à parer le moindre assaut, la moindre attaque. Prêt à réagir au moindre bruit suspect. Le danger rôdait, il le sentait…

Terry était enfin arrivé !
Vanessa avait été un peu surprise de le voir surgir ainsi alors qu'elle essayait de trouver le trace suivante, mais avait gardé un calme étonnant pour la situation. Sa concentration s'était accrue à mesure de la traque. Elle avait senti monter en elle une sorte de poussée d'adrénaline, comme diffusée en douceur pour croitre puissamment, mêlée à une excitation quasi palpable. À chaque pas qui avait martelé le bitume, elle avait perçu cette montée de jouissance qui lui était encore inconnue. Quelque chose en elle s'était éveillé, et elle savait déjà que ce n'était pas forcément pour améliorer sa sécurité.

Le caméléon venait de lui demander des explications alors qu'elle cherchait des yeux sa précieuse mallette. Elle s'en saisit dans un remerciement discret et commença à l'ouvrir en s'expliquant, changeant de voix avant de prononcer le moindre mot, prenant un timbre que personne le lui connaissait encore :

« Merci...
Bon, j'trainais dans un bar en attendant un type qu'est jamais v'nu. J'y ai observé les allez-venues, notamment d'une collègue que je songeais à recruter. Bref, elle a clamsé !
Le zigoto avec lequel elle est sorti est rev'nu quelques minutes plus tard sans elle. Comme j'voulais lui causer, j'suis allée à sa rencontre et elle était morte ! C't'enculé l'a dessoudé !
J'ai illico appelé les poulagas et ils ont débarqué avec leurs gros souliers pour prendre les papiers de tout le monde. Z'ont failli déclencher une émeute ces cons ! Enfin, quand ils sont allé voir le tueur, il s'est barré en démolissant la moitié de la brigade qui lui a tiré dessus. Planquée derrière le bar, j'ai suivi la scène avec les caméras de surveillance pour voir qu'il continuait comme si de rien. C't'un putain d'humano d'mon cul !
J'l'ai traqué jusqu'ici... il doit plus êt'loin... »

Elle avait tombé la veste et le chapeau et ôtait son pantalon pour se retrouver quasi-nue dans la ruelle face à Terry. Pendant qu'elle enlevait ses vêtements, sa pilosité croissait lentement pour lui donner une apparence de prédateur d'un brun clair aussi luisant que la robe d'un pur-sang brossé.
Alors que sa toison s'enchevêtrait comme une armure autour de ses chairs, elle jonglait avec les ustensiles qu'elle tirait de la petite valise, la plupart disparaissant du regard étonné du Caméléon sans qui le puisse définir le pourquoi du comment.
Tirant enfin une pièce de tissus, elle l'a fit passer sur son pelage pour se donner un semblant de pudeur, avant de plaquer un couteau de chasse contre son mollet droit, une hache de lancé à sa ceinture et de se saisir d'une arbalète de poing et d'un couteau de combat, alors que sa chevelure atteignait une longueur et une épaisseur impressionnante.

Le gratifiant alors d'un clin d'oeil en achevant sa dernière phrase, elle ajouta :

« J'vais pouvoir étrenner ma tenue. Pas question de laisser ce truc ce barrer et s'en tirer comme ça. »

Là, elle se retourna et avança de quelques pas, cherchant à retrouver sa piste quand elle perçu soudain cette flaque visqueuse de ce qu'il restait de la peau de la créature cybernétique. La pointant du doigt, elle la signala à Terry en plaçant son index gauche sur sa bouche pour lui signifier de se taire, que la "chose" n'était sans doute plus très loin...