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[RP] Murmures nocturnes - Terminé

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Gaël Calafel

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MessageSujet: [RP] Murmures nocturnes - Terminé [RP] Murmures nocturnes - Terminé EmptyMar 16 Mar 2010 - 22:18

Gaël se réveilla en tremblant, tous ses membres engourdis. Un hurlement silencieux résonnait encore à ses oreilles, mesuré par le battement frénétique de son cœur. Une bonne minute s'écoula alors qu'il restait là, couché, les yeux ouverts dans la clarté lunaire qui baignait sa chambre. Inutile d'espérer le retour de Morphée à présent, son cauchemar l'avait chassé avec autant de facilité que lorsqu'on souffle une bougie.

Le bureau lui apprit qu'il était un peu plus d'une heure. Diverses possibilités d'activités défilèrent dans sa tête, il n'en retint aucune. S'approchant de la fenêtre et écartant les rideaux, il posa son regard sur le paysage qui s'offrait à lui. Les arbres, squelettiques, et l'herbe, rare en cette fin d'hiver, étaient baignés par la lueur froide de l'astre sélénite. Une larme roula un court instant sur sa joue, avant de s'étaler gauchement sur le sol. Ce cauchemar était si réaliste... et en même temps si absurde.
Il éprouva soudain l'envie, le besoin -absurde- de changer d'endroit. La pièce lui paraissait étouffante, les murs étroits, le lit inhospitalier. Il embrassa une fois de plus l'étendue extérieure du regard, puis quitta l'insupportable chambre, après s'être habillé de vêtements taillés plus propices à son programme. Il voulait courir.

Il courut. Le sang battait à nouveau à ses tempes, mais de manière beaucoup plus sereine. Oubliés les cauchemars, les règles, les profs, les cours, les devoirs, les parents, les enfants, les oncles, les cousins... seule persistait dans l'activité physique la quiétude de l'instant, le bonheur intense, apaisant, de n'être que soi, vidé de la présence des autres. Un bonheur aussi éphémère qu'illusoire, mais ô combien satisfaisant. Le paysage dégageait une sorte de tension glaciale que Gaël était le seul à briser, unique objet mouvant parmi les ombres. En cet instant précis, il était chaleur. Il était mouvement. Il était vie, rompant l'équilibre mortuaire de la nuit hivernale.
Lorsqu'il s'arrêta, épuisé, une sensation bien familière se fit sentir.

Gaël se dirigea donc tout naturellement vers la cuisine, en faisant bien attention à respecter le silence ambiant. Éprouvant un sentiment teinté de rage et d'impuissance, il constata la disparition des madeleines à la fraise. Tant pis. Un simple verre d'eau fraîche lui ferait un bien fou.

Trois verres d'eau, un coup d'œil dans les placards et plusieurs mouvements de jambes plus tard, il se retrouvait devant la porte de la salle de repos, un paquet de cookies pas encore entamé dans la main. La salle n'avait pas eu l'honneur de le recevoir depuis sa visite avec Koji. Ce dernier avait réussit à changer au moins deux fois de comportement émotionnel en moins de deux minutes. Un exploit.
L'idée qu'une autre rencontre insolite pourrait avoir lieu ici, à cette heure saugrenue effleura doucement l'esprit de Gaël, sans vraiment s'y accrocher. Il entra dans un silence quasi-parfait, refermant doucement la porte derrière lui.


Dernière édition par Gaël Calafel le Mar 22 Juin 2010 - 11:39, édité 1 fois
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MessageSujet: Re: [RP] Murmures nocturnes - Terminé [RP] Murmures nocturnes - Terminé EmptyMer 17 Mar 2010 - 14:58

Artie appuya sa tête contre son bras, lui-même adossé à la fenêtre. Il sentait son front luisant de sueur, encore légèrement tremblant et empreint de la chaleur du réveil. A travers la vitre, la Lune daignait percer l'obscurité d'un pâle rayon qui éclairait une partie de la chambre. Artie avait eu l'occasion de la redécorer à sa manière avec ses effets personnels, qu'un mutant téléporteur était allé chercher en douce chez lui une semaine après son arrivée à l'Institut, il y a déjà plusieurs mois. Les posters d'anciens groupes de musique tels que Linkin Park, Within Temptation ou Skillet tapissaient ses murs. L'écran de son ordinateur, un Windows 35, trônait sur le bureau, immobile et sans vie, un unique reflet blanc sur l'écran du à la clarté de la Lune. Quant à ses innombrables brouillons d'histoires fantasy qu'il avait écrit, ils étaient tous empilés dans les tiroirs, les terminés et ceux en cours. Il adorait écrire. Quelques-uns de ses dessins étaient fichés au-dessus du meuble, le reste, dans une caisse à côté du bureau.

Artie quitta le paysage hivernal extérieur des yeux et vint s'asseoir sur son lit qu'il venait tout juste de quitter, en pleurs. Le souvenir du cauchemar était encore frais dans son esprit. Et, bien sûr, sa mère y était présente. Mais d'une manière si étrange, celle que l'on attribue au domaine du rêve, qu'il n'espérait pas l'y revoir...

Le garçon essuya d'un revers de main les dernières larmes qui faisaient la course sur ses joues. Son regard fut attiré par son bras alors qu'il effectuait le geste. La peau y était déchirée, mutilée... griffée. Son estomac se contracta. Quand cela allait-il donc s'arrêter ? Ou plutôt, cela allait-il s'arrêter ? Peut-être, peut-être pas. Il allait peut-être devoir apprendre à vivre en perdant encore et toujours sa peau.

Il songea à se recoucher, mais le souvenir du cauchemar encore trop proche l'en dissuada. Il n'arriverait pas à se rendormir, il le savait. Se relevant, il ouvrit la porte et, sans faire le moindre bruit - pas difficile vu qu'il était pieds nus -, il se dirigea... là où il se dirigea. Il n'avait pas la moindre idée d'où il se rendait, et il s'en fichait. La seule chose qui comptait, c'était marcher.

Il tourna à l'angle d'un long corridor et s'arrêta net. Devant lui, une porte était entrouverte. Le garçon hésita. Timide comme il était... d'un autre côté, le brusque réveil en pleine nuit l'avait un peu chamboulé. Tout ce qu'il voulait, c'était...

Oui, c'était ça. Juste un peu de compagnie.

Il s'approcha de la porte et regarda à travers l'entrebâillement. Là, à l'intérieur de la pièce, il y avait un jeune homme qui se reposait sur un canapé.

Avec une boite de cookies à la main.

Artie était un sacré goinfre, on le lui avait toujours dit. Et, malgré toutes les sucreries, les gâteaux, bonbons et autres saloperies qui faisaient le porte-monnaie des dentistes, il n'avait jamais pris un kilo en trop. Comme la nature était bien faite.

Et ce fut la boite de cookies qui finit par convaincre le jeune garçon de pousser la porte pour rentrer.
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MessageSujet: Re: [RP] Murmures nocturnes - Terminé [RP] Murmures nocturnes - Terminé EmptyMer 17 Mar 2010 - 15:41

In a sentimental mood

La treizième heure revenait, c’était encore la première : la première et la dernière, et à chaque fois le même instant. Le même, le seul, l’unique, parmi d’innombrables moments, le seul à ne surgir jamais, le seul toujours présent, qui brisait à chaque fois le long, lent écoulement du temps ; souvenir de Berlin et des paysages allemands, souvenirs des derniers jours de l’été mourant, il y avait un ou il y avait deux ans. Il y avait toutes ces nuits âpres, ces nuits de pâle misère, où le sommeil le fuyait, heure après heure : trop de pensées dans un esprit trop grand. Et il y avait les nuits où il trouvait le sommeil, mais cette heure revenait qu’il avait vécue autrefois, heure terrible qui continuait à déchirer, heure terrible comme un sac de graviers, comme une roche qu’il faut toujours faire rouler – heure terrible, c’était cruel, c’était ironique, qui ne pouvait que le réveiller.

Il n’avait pas dormi la nuit dernière. Il s’était couché le soir pour se réveiller l’heure d’après. Il avait regardé les murs de sa chambre – sa chambre encombrée d’objets, le sol couvert de livres empilés, qu’il n’avait pas besoin de ranger, car il n’y avait pas d’ordre qui pût lui servir, à lui qui se souvenait de tout, de l’endroit où il avait posé, il y avait trois jours ou des années, tel ou tel objet – et les tableaux que l’on avait peints, c’était ses tableaux plus que les siens, c’était pour lui que le pinceau avait tracé ses lignes, et ses courbes, et ses volutes de fumée, pour lui seul qu’une œuvre d’art avait été créée.

Il avait pleuré des heures, de longues heures depuis quelques mois, devant ces tableaux accrochés, ces tableaux, les seuls soigneusement rangés, rochers surnageant dans son désordre ambiant ; il pleurait encore, parfois, mais les larmes avaient changé. Les larmes d’autrefois avaient été mélancoliques, des larmes délicates que l’on avait plaisir à verser, des larmes poétiques ; c’était maintenant des larmes dures et salées, de vraies larmes réalistes, qui gonflaient ses paupières, qui irritaient sa cornée. Et pourtant, c’était ces larmes-là qu’il préférait : il ne pleurait plus dans l’espoir d’un bonheur retrouvé, il pleurait parce que ce bonheur était, était pour toujours passé.

Alors le jour suivant, il avait dormi, dormi toute la journée – c’était d’ailleurs ce qui lui arrivait souvent, des nuits sans sommeil et des journées dissipées, vivant au contraire du monde une vie inversée. Plusieurs fois déjà il s’était promené la nuit dans l’Institut, il avait hanté les couloirs dépeuplés, et c’était la nuit, dans le silence et l’obscurité, que la bâtisse lui était le plus familière – les rayons de la lune, jetées sur le marbre et les escaliers, plus froids que ceux du soleil, mais plus accueillants.

Il avait dormi toute la journée, et cette nuit ce qui le maintenait éveillé, ce n’était pas le sommeil qui refusait de venir, mais l’énergie retrouvée pendant les heures du jour ; il s’était levé ce soir-là comme il se levait d’ordinaire le matin. Il avait regardé ses tableaux – sans pleurer. Il était allé se laver, discrètement – pour que le bruit de l’eau, le bruit de ses pas, le bruit de ses murmures songeurs devant le miroir, quand il fallait choisir ses vêtements – ce qui prenait toujours beaucoup de temps – et le bruit des objets déplacés ne vinssent pas perturber le sommeil qui peut-être avait été, chez son voisin de chambre, plus régulier.

Gaël. Chaque seconde de leur rencontre, bien sûr, était gravée dans son esprit. Mais ce n’était pas seulement le visage, et tout ce qu’ils avaient vu ensemble, qui lui demeurait vif : car cette mémoire-là, depuis quelques semaines, lui était devenue absolument automatique. Ce dont il se souvenait, c’était de tout : de toutes les modulations de la voix maltaise, de l’odeur de son shampoing, de son gel douche, du goût des gâteaux qu’il avait mangé, de la texture du cuir du canapé. Etait-ce un exploit, même pour lui ? C’était ce dont il n’était pas sûr : après tout, peu de temps s’était écoulé.

Il l’avait aperçu, depuis, de temps à autre. Aperçu seulement, et Koji songeait que s’il avait eu une vie plus régulière, levé avec les autres, aux mêmes cours et aux mêmes repas, si sa mutation avait été juste un peu différente, et ne l’avait pas jeté dans des lieux et des moments si différents, il l’aurait vu plus souvent. Quelle importance cela pouvait-il bien avoir ? Il l’ignorait ; c’était que depuis que Gaël l’avait jeté en lui-même, depuis qu’il lui avait fait, sans le savoir (hélas ?) envisager toute sa vie sous un jour légèrement, mais profondément, nouveau, bien des choses qui n’avaient aucune importance, comme manger à la même heure que quelqu’un, en avaient soudainement pris une considérable.

Dans le miroir, ses yeux noirs descendaient sur sa peau nue. Avec quel soin il la dissimulait, quel soin prenait-il à choisir des vêtements qui laissaient croire à tout le monde qu’il n’était que cela, un esprit, une pensée, et que surtout l’on ne soupçonnât pas qu’il pût s’entrainer, avoir appris à se battre, même un peu, avoir appris à courir, s’être musclé. Les dangers du monde n’échappaient pas à son habitant le plus intelligent, et il avait compris que qui ne pouvait pas devenir un grand guerrier devait faire de son mieux pour n’en être pas un trop faible, et jouer de son effet de surprise. Alors il avait pris l’habitude de dissimuler ce qui dans son corps trahissait qu’il n’était pas aussi frêle qu’il voulait le faire croire, et dans sa conversation tout ce qui suggérait que ses connaissances ne s’étendaient pas uniquement dans des domaines aussi innocents que la poésie et la philosophie.

Et pourtant, il savait que toutes ces précautions seraient inutiles devant l’assaut d’une violence brusque. Il avait beau savoir où frapper très précisément, avec quels produits affaiblir, il avait beau pouvoir anticiper tous les développements possibles d’un combat, et même frapper sans trop de faiblesse ni de lenteur, ce ne serait rien contre un adversaire moins bien préparé, mais plus grand, plus fort. Et lui, lui, la conscience du monde, pouvait disparaître après un coup de poing bien placé, et sans aucune raison.

Ce n’était pas l’orgueil qui animait ses pensées, alors qu’il choisissait le tee-shirt noir qui accentuait sa grâce fragile, le pantalon, noir aussi, qui achevait de lui donner l’air d’une ombre sans corps, sans cesse mobile et sans danger ; ce n’était pas qu’il songeait à la perte que le monde ferait lorsque ses paupières pour la dernière fois se refermeraient sur tout son savoir et toutes ses pensées : il avait peur, simplement peur, de cette brusque annihilation de son être. Soudain rejeté dans un néant dont il n’avait jamais vraiment songé qu’il fût un jour sorti, avant de connaître Gaël – car en lui donnant la joie de se sentir soi partout, Gaël lui avait également imposé la peur de disparaître.

A chaque fois qu’il pensait à lui, il pensait à Gaël, à qui il devait d’y penser, et aussi n’était-ce pas tout à fait à lui qu’il pensait.

Il était assis en tailleur à la chaise de son bureau, c’était ainsi qu’il avait passé le début de sa soirée : c’était comme n’importe quel adolescent qui, un peu tard le soir, fait ses devoirs pour le lendemain. C’était les mêmes mèches de cheveux noirs, un peu ocres parfois, qui tombaient sur les traits jeunes encore, ou bien simplement pour toujours un peu féminins, de son visage, la même concentration dans laquelle venait éclore, parfois, et comme par hasard, des éclats d’insouciance, lorsqu’il relevait les yeux de sa feuille pour rêver, la même distraction qui faisait tourner entre ses doigts le stylo entre deux phrases ; et pourtant, ce qu’il était en train d’écrire, il était le seul à pouvoir le penser, le seul au monde peut-être, et de tous les temps, à comprendre exactement ce dont il s’agissait, quelle importance cela pouvait avoir.

En travaillant, il écoutait toujours de la musique. Sans allumer son ordinateur, sans utiliser de lecteur, cependant : c’était inutile. Il cherchait dans sa mémoire le souvenir d’un récital qu’il avait entendu, à Tokyo, à Londres ou à Paris, et il l’écoutait à nouveau : chaque note avec la même exactitude, avec la même intensité. Il lui arrivait aussi de s’allonger, et de visiter à nouveau un musée qu’il avait beaucoup aimé, de revoir chaque toile exactement, ou bien de relire un livre qui était ancré dans sa mémoire : il le pouvait bien, après tout, cela ne lui prenait que quelques secondes.

Parfois, lorsqu’il n’écrivait que pour lui-même, lorsqu’il ne songeait pas que ce qu’il était en train de rédiger fût un jour publié, il utilisait quelque chose qui était comme sa propre langue, et qui mêlait, dans une phrase, les termes qu’il avait trouvés les plus propres, dans chaque langue qu’il connaissait, pour dire ce qu’il désirait, et dans cette phrase, c’était des mots de dix langues différentes qui se mariaient.

Il n’avait pas entendu Gaël se lever : c’était au moment fort du récital, et il s’était arrêté d’écrire pour seulement écouter. Rares étaient les moments qui apaisaient ainsi son esprit, de sorte que rien ne s’y pressât. Il y avait la musique, il y avait la profonde et saine fatigue du sport, il y avait la chaleur presque mystique, et tendre, qui suivait une étreinte. Il y avait encore toutes ces choses qu’il gardait dans un tiroir de son bureau, bien fermé à clef, mais auxquelles il préférait ne pas songer – et c’était difficile, très difficile, souvent.

Combien d’heures avait-il travaillé, finalement ? Il regardait la nuit au-dessus du parc, la nuit enveloppante et protectrice, les yeux levés vers la Lune : il ne savait pas pourquoi, mais depuis quelques jours, elle lui semblait plus belle encore qu’auparavant. Sans doute plusieurs s’étaient écoulé, et le soir avait passé : c’était la nuit, la nuit véritable, qui dehors à présent pouvait l’entourer. Alors il comprenait que le travail n’était que l’attente : ce qu’il voulait vraiment, c’était sortir. Maintenant, il marchait dans la nuit fraîche, il marchait sans manteau : il voulait sentir l’air de Londres sur son peau. Il songeait à l’air du pays natal, qu’il aurait aimé respirer à nouveau, maintenant que les années s’étaient écoulé, l’air de la floraison des fleurs de cerisier, au printemps.

Janvier approchait. Il allait prendre froid, c’était sûr, à errer en tee-shirt dans les allées du parc, errer comme un fantôme. Il songeait qu’il allait bientôt avoir dix-huit ans, il songeait à ses projets, ses projets immenses. Jamais il n’avait été aussi impatient que le temps s’écoule : la loi de la majorité était le seul obstacle qui se dressât encore devant lui. Ce n’était pas que la loi l’eût beaucoup retenu dans ses entreprises précédentes, mais enfin, il y avait certains petits détails que même lui ne pouvait vraiment contourner.

Le froid l’avait poussé, finalement, jusque dans les couloirs de l’Institut, qu’il sillonnait à présent un peu hasard. La seule personne qu’il songeait à y croiser peut-être, c’était Virginie, qui avait cette délicieuse habitude de ne dormir qu’une fois toutes les deux semaines (et il soupçonnait même que ce fût plus rare que cela). Ce qui n’empêchait pas la jeune femme d’être perpétuellement surchargée de travail. Virginie, la seule qu’ici il connût vraiment, et c’était à un hasard qu’il devait cette rencontre si précieuse.

Il errait dans les couloirs, il montait les escaliers, silencieux comme une ombre : c’était l’une des multiples petites aptitudes qu’il dissimulait d’ordinaire. Vie faite de secrets minuscules. Qu’était-ce qui en lui guidait ses pas vers la salle de repos, alors que jamais, ou bien si rarement, il ne l’avait fréquentée, salle qui lui était indifférente, dont le nom même l’agaçait un peu, lui qui ne savait pas vraiment ce que cela voulait dire, de se reposer, qui ne le savait plus ? C’était une raison qu’il n’avait pas envie de découvrir : elle était bien trop évidente, mais c’était autre chose de la savoir et de la dire.

C’était déjà le bon étage, la succession des salles de cours : vides de leurs clameurs. Il les préférait assis, quand il n’y avait pas trop à entendre, pas trop à voir, et pas trop à penser. Il aimait le monde, mais parfois le monde était riche, trop riche pour lui : un monde assourdissant et de trop de couleurs qui éclatait son esprit. C’était enfin la porte de la salle de repos, maintenant il se souvenait de chaque détail, il se souvenait de ses éraflures, il se souvenait du son qu’elle faisait, un son infime, lorsqu’elle s’ouvrait.

A peine avait-il fait un pas silencieux dans la salle de repos qu’un flot d’informations lui était parvenu. Ce n’était pas que ses sens fussent plus développés que ceux d’un autre, mais la moindre information qu’il en recevait, il la savait, il la réfléchissait, il l’interprétait instinctivement : il écoutait tout, il observait tout. Il avait entendu au milieu de la salle de repos une respiration : cette respiration, il l’avait fréquentée pendant presque une heure, elle était un rythme qui vibrerait pour toujours au fond de lui, malgré qu’il en eût peut-être, c’était la respiration de Gaël.

Et au milliardième de seconde qui lui apprenait que Gaël avait eu une insomnie, était allé courir un peu et mangeait des cookies, dans la pénombre de la salle de repos à laquelle ses yeux n’étaient pas encore habitués, Koji se rendit compte qu’ils n’étaient pas seuls dans cette pièce, et la silhouette qui se tenait un peu devant lui, il n’eut pas de peine à reconnaître que c’était celle d’Arthur Chastel. Ce n’était pas qu’il le connût : seulement Koji, que personne ne voyait jamais, qui vivait à l’Institut à peu près comme un fantôme, sortant à des heures indues, découchant toute une semaine, mangeant au milieu de la nuit, avait une espèce de don pour, à l’inverse, connaître tout le monde. Peut-être que la sécurité discutable (à ses yeux) des fichiers informatiques de l’Institut n’était pas étrangère à cette petite injustice.


« Arthur, Arthur, Arthur… »

Sa voix, elle sortait de l’obscurité comme la voix de l’obscurité même, la voix du bâtiment. La mélancolie qui vivait habituellement dans l’anglais de Koji, si douce, mais si lointaine de cette joie secrète, mutine, qui animait son japonais, était propre à se fondre dans la nuit : c’était un peu comme la voix d’un fantôme qui revenait veiller sur les vivants. Il se déplaçait les yeux fermés dans la pièce : il l’avait une ou deux fois, il en savait la disposition. Quand il passait près d’un canapé, ses mains frôlaient, mais frôlaient juste, comme si elles ne pouvaient vraiment le toucher, le cuir de son dossier.

« A votre âge, à cette heure, il faut dormir. Vous êtes trop jeune encore pour vivre la nuit. »

Il était arrivé finalement près du canapé de Gaël. Alors seulement ses paupières s’ouvrirent : c’était que son regard avait senti qu’il pouvait se poser dans celui de Gaël. Comme d’habitude. Un sourire né sur les lèvres de Koji, et qui répandait une joie soudaine sur le visage du métisse, bondit pour s’offrir à Gaël, puis le jeune homme se laissa tomber à côté de son camarade – aux cheveux blancs.

« Quoiqu’il soit vrai qu’il n’y a pas d’âge pour admirer les beautés sélénites. »

Cette phrase n’était certes pas des plus innocentes, mais l’obscurité des lieux permettait de parler un peu plus facilement – dangereusement, peut-être. Avec une désinvolture désarmante, Koji plongea sa main dans la boîte de cookies pour en extraire un gâteau – il s’était déjà pelotonné dans le canapé, près de Gaël, avec la même indolence féline, celle qui étend sur un meuble son royaume, dont il avait fait preuve, à leur première rencontre.
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Gaël Calafel

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MessageSujet: Re: [RP] Murmures nocturnes - Terminé [RP] Murmures nocturnes - Terminé EmptyJeu 25 Mar 2010 - 20:16

Il tourna son visage vers Koji avec lenteur, comme pour faire durer, savourer le court et délicieux instant qui s'intercalait entre le moment où ce dernier avait pénétré son champ de perception, et celui pendant lequel leurs regards, inévitablement, se croiseraient. Il n'avait pas manifesté le moindre tressaillement, et aucun signe de surprise ne teintait son visage presque aussi blanc que la neige qui, luttant encore vainement contre la chaleur, s'accrochait péniblement à ses lacets de chaussures. On aurait presque pu dire que Gaël attendait Koji.
Comme pour jouer, les yeux incolores suivirent le trajet du cookie, s'arrêtèrent un instant sur les lèvres, remontèrent l'arrête du nez pour finalement s'y arrêter.


"Bonsoir, Koji."

Deux mots simples, lentement prononcés, doucement savourés... Eux non plus ne contenaient aucune trace de surprise, mais ils avaient été prononcés avec une chaleur que semblait souligner un léger, très léger sourire.

"Et bonsoir... Arthur c'est ça?"

Il tourna la tête sans même survoler les yeux solaires, préservant encore le subtil désir, autant le sien propre que celui de Koji, qui poussait leurs regards à se rencontrer, pour détailler l'inconnu.
Il s'agissait d'un jeune adolescent brun qui couvait du regard le paquet de cookies. Gaël souleva ses commissures de lèvres d'un demi millimètre de plus et posa l'objet de toutes les convoitises sur une table basse à proximité.


"Sers-toi de cookies, je t'en prie."

Il porta sa main pâle jusqu'à sa bouche, non sans avoir auparavant enserré l'un des délicieux biscuits, et croisa enfin le regard de Koji, au moment précis où une saveur de chocolat faisait le régal de son palais. Il fit durer le distant contact pendant une pleine seconde, puis brisa le silence.

"Alors... que me vaut le plaisir de cette rencontre, ici, en pleine nuit? Pas le simple désir de contempler notre gracieux satellite, je suppose."

Une manière comme une autre d'entamer la discussion... Du pied, il poussa une chaise à proximité de la table, pour inviter le dénommé Arthur à s'asseoir.
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Artie Chastel

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MessageSujet: Re: [RP] Murmures nocturnes - Terminé [RP] Murmures nocturnes - Terminé EmptySam 27 Mar 2010 - 14:17

En voyant la manière dont les deux hommes présents dans la pièce avec lui semblaient s'entendre, Artie eut la nette impression qu'il était de trop. Malgré tout, il n'osa pas décliner l'offre du jeune homme avec les cheveux blancs. Étonnant, d'ailleurs, cette couleur de cheveux. Et ses yeux aussi, qui paraissaient translucides. Artie en était tout intimidé.

Tout en jetant des coups d'œil furtifs aux deux autres qui s'intéressaient plus à eux qu'à lui - et c'était tant mieux -, il s'approcha de la table, s'assit et prit un cookie avec des gestes lents. Il le porta à sa bouche et mordit dedans. Pas mal. Il ne sut reconnaître sur le coup si c'était du chocolat noir ou pas, son préféré, mais peu importait. Autant ne pas faire de chichis. Il mordit une deuxième fois dedans alors que celui aux cheveux blancs posait une question :


- Alors... que me vaut le plaisir de cette rencontre, ici, en pleine nuit? Pas le simple désir de contempler notre gracieux satellite, je suppose.

Artie hésita à répondre. Il voulait se soulager en parlant de ses cauchemars à quelqu'un, mais ici, il ne s'était toujours pas très bien intégrer. Il n'aimait pas être seul, mais il s'y forçait. Il pensait que c'était mieux ainsi, pour les autres, de ne pas imposer sa présence. D'ailleurs, il n'aurait pas du entrer.

D'un autre côté... non. Il ne voulait pas les ennuyer avec ça. Lâchant un toussotement qu'il avait du mal à contenir, il répondit évasivement, presque en marmonnant de manière maladroite :


- Heu... rien de spécial. J'ai juste fait un cauchemar, et puis... enfin... voilà.

Il se tût, fixant le sol entre ses jambes, le gâteau à la main.
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MessageSujet: Re: [RP] Murmures nocturnes - Terminé [RP] Murmures nocturnes - Terminé EmptySam 27 Mar 2010 - 15:16

Elle lui semblait familière, cette salle qu'il n'avait vue que deux ou trois fois, et ce n'était pas sa mémoire exceptionnelle qui, ayant engrangé méticuleusement les moindres détails, lui restituant la salle exactement comme il l'avait connue, le persuadait qu'il la fréquentait depuis toujours, et qu'elle lui était aussi habituelle que la chambre dans laquelle il vivait depuis des mois, et où il pouvait se réfugier au milieu de ses livres, de ses vêtements et de ses tableaux, comme en autant de secondes peaux ; la familiarité qui répandait depuis qu'il avait entendu la voix de Gaël une chaleur de son cœur jusqu'à la surface de sa peau, la sienne, sa vraie peau, était une familiarité d'une autre sorte : intimité secrètement dissoute dans un autre être et qui en animait les regards, les paroles et les sourires.

Ils étaient discrets, ils étaient légers, sans doute, les sourires de Gaël ; ils ne ressemblaient pas aux sourires qui illuminaient le visage de Koji, qui illuminaient son regard et sa voix, et qui lui rendaient soudainement un corps vivant, que ses vêtements noirs et sa démarche silencieuse avaient dissimulés dans la pénombre de la pièce. Et cependant Koji était persuadé – avec un peu trop de naïveté et d'espoir peut-être – qu'il y avait dans ces sourires presque invisibles autant de chaleur que dans les siens. N'était-ce pas elle qu'il sentait après tout dans ses veines ?

Dans ses veines ; et sur sa peau, il aurait juré qu'il pouvait sentir sur sa peau le trajet du regard de Gaël. Peut-être était-ce le silence et l'obscurité des lieux qui le poussaient à imaginer d'autres sensations, et faisaient naître par ses sens des fantaisies ; peut-être. Il n'avait cependant pas le courage de songer que c'était une fantaisie, que de sentir sur lui ce regard qui le parcourait lentement, qui s'approchait du sien, qui faisait frémir ses paupières d'impatience – il le sentait suspendu au bord de ses cils, il le sentait enfin reçu dans sa pupille, ce lent regard opalescent.

Ne pas battre des paupières : il y aurait un instant de noir qui peut-être durerait toujours. Et puis c'était fini, le regard de Gaël était parti, il avait parlé à l'autre – il s'appelait Arthur il le savait – sa voix aussi s'était éloignée, et son regard, et sa voix, le laissaient dépeuplé – il avait fermé les paupières à nouveau, Koji, comme pour empêcher la chaleur de s'enfuir – car elle s'enfuirait si ses yeux restaient grand ouverts sur autre chose que Gaël, sur la table et le paquet de cookies, sur les canapés abandonnés, sur la vitre et le parc derrière déserté, sous la neige enfoncé.

C'était parfaitement puéril sans doute : le plus grand esprit du monde renversé par un regard, comme une jeune fille en fleurs. Et pourtant, le plus grand esprit du monde, pendant quelques secondes, il n'avait pas pensé à grand-chose, il avait senti son corps vivre, son sang battre, l'air dans ses poumons, il avait rêvé (peut-être, un peu), mais sans trop souffrir – il n'avait pas été envahi, il avait pensé à ce qu'il avait élu ; et c'était un rapport rare, presque une médecine.

Maintenant, il avait cessé – du moins tant qu'il serait près de lui – d'errer dans l'Institut comme un fantôme, il s'était incarné, il avait faim. Assez pour croquer dans le cookie subtilisé, sentir sa texture friable contre sa langue, sentir les pépites de chocolat se défaire. Il aurait pu dire la marque des gâteaux : il les avait déjà goûtés, il y avait quelques mois de cela. Le monde se repliait sur lui-même, et c'était toujours le même moment.

Son regard désœuvré avait trouvé le chemin de la fenêtre, et il regardait la Lune – regard désormais lointain, c'était son regard de rêveries, qui faisait dire à Virginie qu'il avait l'air d'un poète. Que faisait-elle, d'ailleurs, en ce moment ? Il était certain qu'elle ne dormait pas. Qu'elle travaillait. Encore. Elle travaillait tout le temps. Plus que lui. Comment faisait-elle ? Lui n'avait pratiquement pas de vie, il n'avait que cela à faire. Il allait devoir lui parler. De la Lune. Des cookies. Des regards. Il n'était pas sûr, hélas, de savoir qu'en dire.

Son esprit s'était remis en route, et pendant qu'il rêvait aux étoiles et à la Lune – à quoi pouvait bien ressembler le ciel au-dessus de Malte ? - il écoutait la conversation qui s'engageait entre Gaël et Arthur – c'était bon, il avait calculé la position des étoiles à l'endroit où était Malte, il voyait le ciel de Malte à cette heure-ci.


« Une habitude, hélas, répandue dans ce manoir. »

Il parlait des cauchemars, comme s'il avait exactement suivi la conversation (ce qu'il avait fait en effet), mais sa voix semblait revenir de contrées et d'époques lointaines ; elle avait eu cette inflexion curieuse qu'elle avait souvent, et dans laquelle elle semblait se dépouiller de ses habits de vieillard, de vieux sage, prêt à se dissoudre dans sa contemplation mystique, pour revenir vers un présent plus tangible, dans lequel elle se glissait avec un soupçon de nostalgie.

Pour une fois, songeait-il également, ce n'était pas lui qui arpentait les couloirs de l'Institut à une heure incongrue à la suite d'un cauchemar – le sien datait de plusieurs jours déjà, mais c'était son éternel cauchemar, toujours le même, et moins qu'un cauchemar, d'ailleurs, un souvenir. Etait-ce aussi un cauchemar qui avait tiré Gaël du lit, qui l'avait poussé à aller courir dans le parc (cela il l'avait déduit) puis à venir se restaurer dans cette pièce – où ils avaient parlé ?

Les yeux de Koji abandonnèrent comme à regret le ciel, la Lune et ses étoiles, pour revenir dans l'obscurité de la pièce – ils avaient frôlé le visage de Gaël avant de venir se poser sur celui d'Arthur. Il était si jeune, si jeune, Arthur. Plus jeune que lui – de quelques années seulement, bien sûr, mais sa mutation avait transformé ces années en siècle. Qu'elle était étrange, cette jeunesse, la sienne, celle des autres, qu'il parvenait toujours si difficilement à saisir.


« Quand j'étais petit... »

Cette phrase avait un goût étrange sur sa langue – les souvenirs de son enfance étaient pour lui si étranges, souvenirs amassés avant que sa mutation ne se fût déclarée, et qui ressemblaient si peu aux souvenirs si exacts et détaillés qu'il avait depuis qu'il doutait toujours que ce fussent des souvenirs bien réels. Son enfance, c'était une autre vie qu'il n'était pas sûr d'avoir vécu, un autre être, un autre corps, un autre temps, un autre monde.

« Quand j'étais petit, à Tokyo, et que je faisais des cauchemars, mon père venait dans ma chambre, et il me racontait toujours, toujours la même histoire. »

Un sourire de tendresse pour l'enfant qu'il avait été (semblait-il) était né sur ses lèvres, et ses yeux lentement avaient quitté le visage d'Arthur pour mieux percer ses souvenirs – les seuls qui lui fussent brumeux, les seuls qui exigeassent de lui un quelconque effort.

« Plus grand, je lui ai demandé pourquoi il ne changeait pas d'histoire. Il m'a dit que j'avais toujours eu besoin de me retrouver en terrain familier. Qu'à chaque fois que je voyais ou entendais quelque chose, je lui demandais si c'était la même chose qu'autre chose que je venais de voir. Comme si tout devait être semblable. Ce qui est étrange, à vrai dire, c'est que cette histoire qui me rassurait n'est pas très joyeuse. »

A présent il avait fermé les yeux, et quelques secondes de silence s'étaient glissées dans son discours, pendant lesquelles il rassemblait les souvenirs de son enfance, les morceaux de cette histoire tant de fois entendue, et à laquelle il n'avait plus songé depuis des mois – ce n'était pas qu'ayant grandi il se trouvait trop sérieux pour les contes de fée, mais cette histoire, c'était l'histoire de son père, à qui il ne parlait plus.

« C'est un conte très connu au Japon. C'est l'histoire d'Urashima Taro. »

Dans les quelques syllabes de japonais qu'il venait de prononcer, sa voix s'était glissée avec une mélodie plus vive, plus insouciante que celle qu'elle avait, calme, profonde et mélancolique, lorsqu'il parlait anglais – c'était une mélodie qui ressemblait un peu à ses sourires. Quand il les adressait à Gaël.

« Urashima Taro était un jeune pêcheur de Mizunoé, et tous les jours, quand il revenait de la pêche, quand il tirait sa barque sur le sable de la plage, il croisait les enfants du village, qui jouaient. Un jour, il vit que les enfants s'amusaient à agacer une tortue qui était venue sur le rivage. Urashima vint à eux et les chassa, puis il remit la tortue à la mer. Le lendemain matin, comme il allait tirer sa barque jusqu'aux vagues, une grande tortue vint le voir, et lui dit que la tortue qu'il avait sauvé était la fille du roi des océans, et que le roi voulait le voir pour le récompenser. Alors Urashima s'installa sur le dos de la tortue, qui l'amena en un rien de temps aux portes du palais du roi des océans. Lorsqu'il vit le roi des océans, celui-ci lui dit qu'il lui donnait sa fille pour épouse. La petite tortue qu'il avait sauvée la veille s'était transformée en une magnifique princesse. Ils vécurent tous les deux de longues, longues années, plus de trois cent ans dans le palais du roi des océans, et leur bonheur était parfait. Mais il y avait une chose qui manquait à Urashima, et c'était son pays. Il aurait aimé revoir son village natal, revoir ses parents, ses amis. Il n'avait pas senti les années passer. La princesse son épouse tenta de l'en dissuader, mais rien n'y fit. Elle consentit finalement à le laisser partir, mais lui donna pour son voyage une boîte à bijoux, en lui recommandant de ne surtout jamais l'ouvrir. Alors Urashima partit, et il revint à Mizunoé. Il vit le village où il avait grandi, mais personne ne le reconnaissait. Il vit la maison où il était né, mais elle était en ruine, et dans le jardin, sous les ronces, il y avait la tombe de ses parents. Alors il comprit que des centaines d'années s'étaient écoulées, et que ceux qu'il aimait étaient morts depuis longtemps. Il revint sur le rivage, et sa peine était si amère qu'il en oublia les conseils de son épouse, et ouvrit la boîte qu'elle lui avait confiée. A peine l'eût-il ouverte qu'une fumée noire s'en échappa, et son corps se mit à vieillir, à vieillir, à vieillir. Et bientôt son corps vieux de centaines d'années fut réduit en poussière sur le sable, et c'est ainsi que disparu Urashima no Mizunoé. »
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Gaël Calafel

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MessageSujet: Re: [RP] Murmures nocturnes - Terminé [RP] Murmures nocturnes - Terminé EmptyMar 6 Avr 2010 - 23:00

Il croqua pensivement dans son deuxième cookie, songeant avec une sorte de mélancolie totalement inappropriée que c'était la première fois que Koji évoquait devant lui son passé pour quelqu'un d'autre. Puis il dériva sur le triste conte, qui le renvoya aux origines métissées de son ami.
Gaël savait bien qu'il suffisait parfois d'un rien pour développer un sentiment d'exclusion, réel ou fictif, qu'on vous fait ressentir en permanence. Et l'arrivée de la mutation n'avait dû faire qu'empirer les choses. Ou peut-être était-elle la seule responsable. Quoiqu'il en soit, difficile de nier le fait que Koji avait conscience qu'il était
différent, d'une manière qu'aucune autre personne ne pouvait comprendre. A une exception près, peut-être... Il jeta un bref coup d'œil à ses gants, posés négligemment sur une chaise, puis revint au jeune homme.

Koji avait fermé les yeux pour raconter son histoire, comme pour mieux en apprécier le souvenir. Et pendant un instant, fugace, Gaël l'envia pour la première fois.
Il ne s'agissait pas vraiment de jalousie, simplement d'envie, le désir d'accéder à quelque chose que l'on a jamais vraiment eu. Les parents de Gaël ne racontaient pas d'histoires. Les parents de Gaël ne venaient pas réconforter leur fils quand celui-ci faisait un cauchemar. Les parents de Gaël n'étaient pas vraiment chaleureux.
Puis le sentiment passa, trop rapide pour laisser une quelconque trace sur le visage.

Il repensa un peu au conte. Et donc, fatalement, à Koji. Cette histoire signifiait peut-être beaucoup pour lui. Peut-être que lui aussi avait un jour eu l'impression que des centaines d'années s'était écoulées, créant un décalage impossible à combler, et que tous ceux qui l'aimaient avaient été happés hors de son existence. Peut-être que son père ne lui racontait plus d'histoire.
Peut-être Koji était-il triste.
On va loin avec des peut-être.

Un demi-sourire se dessina sur son visage. Koji devait changer d'humeur à peu près aussi souvent qu'un papillon battait des ailes. La tristesse ne devait pas durer longtemps. Même la mélancolie devait pour lui être quelque chose d'éphémère.
Sauf que pour Koji, même un instant durait plus longtemps qu'une vie.

Gaël fut ramené au présent par son troisième cookie, qu'il avait saisit par réflexe, sans geste conscient. Il le regarda avec amusement. Une fois de plus, il leva ses yeux vers ceux de Koji, puis, toujours sans articuler un mot, hocha légèrement la tête avec un sourire plus léger encore, remerciant silencieusement son interlocuteur de lui avoir offert cette histoire. Une histoire de changements. Une histoire d'adolescent.
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MessageSujet: Re: [RP] Murmures nocturnes - Terminé [RP] Murmures nocturnes - Terminé EmptySam 10 Avr 2010 - 20:45

Une habitude de faire des cauchemars ? Sans doute, oui. Sinon, ils ne seraient pas là, eux aussi. Ils semblaient perdus dans leur petit monde à eux, comme dans une bulle uniquement conçue autour d'eux. Quant à Artie... il tremblait encore, rien que de repenser à son rêve. Qui incluait deux des personnes à qui il tenait. Sa mère, et son seul ami ici. Ulrich.

Il essuya son front brûlant. Il faisait trop chaud ici. Beaucoup trop chaud. Il transpirait à grosses gouttes.

Il termina son gâteau mais n'en prit pas d'autre. Il était trop timide pour ça. Il attendait l'autorisation d'un des deux jeunes hommes, mais il ne semblerait pas l'obtenir de sitôt. Ils semblaient trop absorbés dans une contemplation mutuelle, silencieuse, et forte. Une contemplation qu'Artie n'était pas sûr de pouvoir définir. Ou qu'il ne voulait pas définir. Tant pis. Il pouvait se passer des cookies, finalement.

Le jeune homme aux cheveux de nuances rougeâtres avait parlé. A Artie. A lui. Il lui avait prêté attention. Ce qui ne rendit Artie plus que mal à l'aise. Bon sang, pourquoi était-il entré ici ? Mais à bien y réfléchir, ce n'était pas si dramatique.

Le jeune homme aux traits séduisants parlait, encore et encore. Comme une douce mélopée, les mots s'échappaient d'entre ses lèvres, comme le souffle de la vie s'échappe en petits nuages blancs les jours d'Hiver. Artie voulut qu'il parle pour l'éternité. C'était une voix reposante, attendrissante, rassurante. Une voix qu'Artie aimerait entendre tous les soirs avant de s'endormir. Une voix qui avait le pouvoir d'écarter les mauvais rêves.

Quand il eut finit de parler, quand son timbre doux s'éteignit, quelque chose s'éteignit en même temps à l'intérieur du jeune garçon. Il ne se sentait plus mal, à présent. Il fixait le jeune homme, comme hypnotisé. Il l'avait écouté, écouté plus qu'il ne l'eut jamais fait. Et une phrase sortit inconsciemment de sa bouche :


- Je connais ce conte. Il est très beau.

C'était vrai. Il l'avait lu dans un livre de légendes provenant des quatre coins du monde, que sa mère lui avait offert. Et maintenant que le jeune métisse venait de lui raconter, tout était parfaitement clair.

Voilà au moins quelque chose qu'ils avaient en commun.
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MessageSujet: Re: [RP] Murmures nocturnes - Terminé [RP] Murmures nocturnes - Terminé EmptyLun 12 Avr 2010 - 18:18

Koji semblait à la fois si jeune et si vieux, c'est-à-dire si peu soumis à l'écoulement normal du temps, qu'il était difficile de l'imaginer enfant – difficile de croire que, quand il était petit, il était un jour revenu de l'école avec les genoux en sang, au terme d'une course un peu trop ambitieuse dans la cour de graviers, qu'il avait pleuré la nuit, certain que des monstres guettaient son sommeil, dissimulés sous le lit, qu'il avait cassé le vase précieux de l'entrée et tenté de recoller les morceaux avec de la colle ultra-forte. Qu'il avait un jour regardé ses parents jouer au bridge avec un couple d'amis, sans rien comprendre à ce qu'ils faisaient.

Son enfance avait été si paisible, et presque heureuse. Sans doute était-il né dans un milieu un peu trop riche et un peu trop expatrié pour avoir une enfance tout à fait normal, mais il ne s'était jamais senti ni malheureux, ni différent – du moins pas pour cela. Il était allé dans une école privée, où les enfants avaient les mêmes jouets sophistiqués que lui. C'était un monde poli, très poli, et tout allait bien.

Certes, sa mère avait très, très occupée. Elle rentrait tard le soir, dans son tailleur sévère, et souvent il était déjà couché (c'était la nourrice qui s'en était occupé), alors il ne la voyait pas. Parfois, il ne la voyait pas non plus le matin, ni son père : ils étaient partis tôt, pour travailler – à l'ambassade ou au cabinet d'avocats. Le week-end, ils ramenaient des dossiers de leur bureau respectif, et ils travaillaient un peu – mais toujours, parfois, ils allaient aussi à des réceptions, ou à des dîners d'affaire.

Cela n'empêchait pas son père de s'occuper de lui, de veiller à son éducation, de s'informer sur ses bonnes notes, et de lui demander s'il n'avait pas une amoureuse (ce à quoi, Koji, méfiant, s'abstenait de répondre qu'il avait un amoureux ou deux – question de prudence). Et puis il l'installait devant des documentaires sur le Royaume-Uni, pour s'assurer que son précieux fils sût quelque chose de la terre natale. Et il lui racontait des histoires. Parce que, selon lui, c'était important de rêver.

Koji se souvenait surtout que, quand il était malade, son père parfois prenait un ou deux jours de congé pour s'occuper de lui, et qu'il faisait chauffer du lait, jusqu'à ce qu'une fine pellicule se formât à la surface du liquide, qu'il ajoutait du miel et qu'il venait le lui apporter au lit – alors il lui racontait une histoire, ils discutaient un peu, et ensuite Koji essayait de négocier (sans succès) pour avoir un chaton (ou un iguane).

Quand sa mère apprenait qu'il était malade, il avait toujours semblé à Koji qu'elle n'y prêtait guère attention. C'était qu'il n'était, à l'époque, qu'un enfant normal, peut-être un peu plus intelligent que les autres, mais en aucun cas un fin psychologue, un génie de l'observation, qui eût été à même de déceler dans le comportement de cette femme l'amour maladroit, pudique, incapable de trouver la manière dont s'exprimer sans être ridicule, qu'elle lui vouait. Et depuis le jeune homme avait contracté l'habitude de ne pas voir cet amour toujours aussi vif, mais toujours aussi maladroit, d'Ikuko Ashton.

Alors, même si ses parents n'avaient pas été très présents, Koji avait senti que quelque chose se brisait quand sa mutation s'était déclaré : le fossé entre lui et sa mère s'était agrandi, et un autre qui n'existait pas encore s'était creusé, qui l'avait éloigné de son père. Au début, il s'était senti plus proche d'eux : comme un adulte enfin à même de comprendre leurs inquiétudes, leurs travaux, ce qui les préoccupaient et ce pour quoi ils se battaient. Mais bientôt, il s'était senti vieux, et pour eux il s'était surpris, de plus en plus souvent, à avoir l'indulgence que l'on a pour les enfants.

Ce n'était pourtant pas ce qui avait porté un coup fatal à la cohésion précaire de leur famille – cela dit, l'évènement n'avait pas tardé à suivre les débuts de sa mutation. C'était qu'un jour, un respectable collègue de travail de son père, qui avait un fils un peu plus vieux que Koji, et avec lequel il avait laissé le jeune métisse un jour de réunion, pour que les deux jeunes adolescents s'amusassent en toute innocence, était rentré et les avait trouvés qui s'amusaient, c'était indubitable, mais d'une manière plus sportive et moins chaste qu'il ne l'avait prévu. Ce qui fut par tout le monde très mal pris.

Ce soir-là, lorsque le père de son camarade de jeu l'avait ramené chez lui, un peu penaud, Koji avait vu quelque chose disparaître dans le regard que son propre père avait posé sur lui – et ce fut la dernière situation de sa vie où il se sentît comme un adolescent à peu près normal, avec le même problème qu'un autre adolescent qui eût été surpris dans la même situation. Et son père soudain était devenu moins exceptionnel – moins compréhensif.

Alors était née vraiment en Koji la passion des études. Plus il étudiait, plus il avait d'excuses pour vivre loin de chez lui, pour partir à l'étranger dans des universités prestigieuses, et ne plus sentir ce regard, injuste, mais terrible, se poser sur lui, ce regard de déception lasse, dans lequel le mépris ne germait certes pas – car Edward Ashton s'efforçait d'être un homme de son temps – mais où l'amour non plus.

Il était parti avec le sentiment que jamais il ne retrouverait sa famille semblable. Il était parti différent d'Urashima Taro, car lui savait qu'au retour il n'y aurait plus que des cendres à répandre sur le sable. Et pourtant, cela ne l'empêchait pas de désirer retourner au Japon comme à son pays natal, à se terre d'enfance. Retour aux sources encore pures. C'était une illusion que toute son intelligence n'était pas parvenue à défaire.

Il avait songé à cela, à son enfance dissipée, pendant le court silence qui avait suivi son conte. Il avait senti sur lui revenir le regard de Gaël, comme une présence familière – et désormais presque nécessaire. Un instant il hésita – songeant aux souvenirs qui affleuraient sans doute dans son regard, songeant aux sentiments confus que l'histoire avait rassemblé dans ses yeux, et qui y peignaient une fragilité qu'il n'avait pas pour habitude de montrer – mais c'était Gaël qui l'avait vu pleurer, et Gaël à qui il n'avait pas vraiment envie de mentir.

Il avait levé les yeux vers lui, juste à temps pour attraper le sourire. Il se demandait si un jour il allait recevoir un vrai sourire, un sourire qui durât longtemps, un sourire qui éclairât le visage de Gaël sans mélancolie. Il ne pouvait s'empêcher de trouver à ce visage, à ce sourire et à ces yeux une certaine tristesse – il avait envie d'effleurer sa peau pour l'éclairer, de le prendre dans ses bras peut-être, de lui raconter (et c'était sans doute très naïf, d'un bête romantisme de sa part) d'autres histoires, ou bien des plaisanteries, pour le voir sourire. Mais il était là déstabilisé comme un clown devant un enfant qui ne rit pas.

Son regard fut arraché à celui de Gaël par la voix d'Arthur – mais il fut gêné de constater que ses yeux mettaient deux ou trois secondes de plus qu'il n'était nécessaire pour quitter ceux du Maltais et se poser sur celui qui venait de parler, et il craignait qu'en partant, ils eussent trop laissé voir que ce n'était que malgré eux qu'ils s'éloignaient.

Fort heureusement, Arthur paraissait un peu plus calme qu'en entrant dans la pièce, et le spectacle d'un changement que Koji avait toutes les raisons d'attribuer à ce petite histoire (jointe aux cookies de Gaël) le flattait, et le rassurait un peu : ses mois d'ermitage à l'Institut ne lui avaient pas fait perdre tout contact avec les réalités d'une discussion. Il lui sembla opportun de tenter encore un peu de sa chance, et d'entreprendre de parachever la consolation d'Arthur en poussant vers le jeune homme la boite de cookies.


« Prends-en un autre. »

Il lui adressa un sourire d'encouragement, pour qu'Arthur n'hésita pas à se servir : après tout, les cuisines de l'Institut étaient suffisamment généreuses pour fournir des cookies à tous les élèves, et il soupçonnait Gaël d'avoir une réserve personnelle conséquente. Et puis, en cas de force majeur, ils pourraient toujours descendre aux fourneaux pour en préparer de nouveau – cela ne prendrait qu'une trentaine de minutes.

Koji n'osait pas reposer son regard sur Gaël, et il ne voulait pas le laisser trop longtemps dans celui d'Arthur, soupçonnant que leur jeune camarade devait se sentir vite mal à l'aise à être un peu observé. Il pouvait imaginer, d'ailleurs, ce que devait être l'entrée à l'Institut pour un tout jeune homme, qui avait probablement quitté sa famille après des moments difficiles, et qui se retrouvait dans un univers qui, quelque protecteur qu'il dût finalement le trouver, lui paraissait d'abord étranger, et presque hostile.

En cela, comme en beaucoup de choses, Koji avait eu une chance qu'il estimait à sa juste valeur : sa mutation l'avait jeté loin du monde, sans doute, mais elle l'avait mené vers assez de sagesse pour qu'il ne souffrît pas trop de cette distance désormais irréductible. Ce n'était pas que sa mutation lui fût indolore – elle avait été terrible par bien des côtés. Mais l'exclusion, il ne l'avait jamais sentie trop durement – jamais, du moins, au point de désespérer de l'humanité.

Alors s'il pouvait étendre un peu sa chance, et en faire profiter d'autres personnes, il ne voyait pas de raison qui l'empêchât de faire quelques efforts, surtout quand les efforts étaient aussi aisés à faire que de raconter une histoire de son enfance. Cela ne lui coûtait que de se souvenir de cette enfance, et des évènements qui en avaient fait un temps douloureusement révolu. Dans d'autres circonstances, c'eût été un prix lourd à payer, mais il se trouvait que, ce soir-là, la salle de repos était aménagée de sorte à le distraire.

C'était que ses yeux, qui avaient quitté ceux d'Arthur pour le soulager, et qui fuyaient ceux de Gaël avec une pudeur de biche (effarouchée), avaient trouvé à s'occuper : Gaël avait abandonné ses gants à côté de lui. Des gants qui venaient affiner la théorie que Koji avait formée, le jour où ils s'étaient rencontrés, quant au pouvoir de son camarade : si Gaël copiait (ou volait) les pouvoirs des autres mutants, ce devait être en les touchant.

Cette conclusion fit un curieux chemin dans les dédales de l'esprit de Koji. Il songeait à la tristesse de Gaël, et à ses propres doigts qui, en frôlant la peau de sa joue, peut-être, un jour, auraient pu la chasser, la dissiper comme un souffle de vent les nuages, pour quelques instants – il songeait à d'autres choses auxquelles il n'avait pas encore songé jusqu'à présent, et il ne savait s'il devait être surpris d'y songer, ou de n'y songer que ce soir-là.

Et ces songes, c'était comme son être qui se réveillait, comme son corps qui reprenait peu à peu vie, un peu plus qu'il ne l'avait fait, ce jour où il s'était rencontré, et où l'effort d'une séance d'entraînement avait rompu ses muscles rouillés comme une chrysalide : cette fois, c'était le sang qui rejoignait sa peau, lui semblait-il, qui diffusait une chaleur, distillait une nouvelle vivacité – c'était comme si, à chaque fois que Gaël était près de lui, quelque chose de son être se réveillait.

Cela dit, il trouvait que le moment n'était pas très bien choisi pour se laisser aller à des rêveries pour lesquelles il n'était pas certain que tout autre moment fût très approprié, et ce fut avec une gêne sensible qu'il se leva de sa chaise, adressant un sourire évasif à ses deux interlocuteurs et s'adosser près de la fenêtre, pour regarder par la vitre et songer un peu plus à la neige – froide.

Il songeait aussi que si même il y avait eu une chance infime que ces rêveries pussent prendre plus de réalité, et il doutait (par manque d'optimisme – ou par un réalisme acéré) qu'il y en eût la moindre, sa peau trouverait en celle de Gaël un danger. Pourrait-il le toucher sans que sa mutation se transmît ? Et alors, comme ses secrets se trahiraient. Et peut-être si même il avait un jour le courage de jeter de la lumière sur les minables obscurités de son histoire cette transmission n'en serait-elle pas moins terrible. Douloureuse pour Gaël.

Il regardait le parc vide, endormi sous la neige – les arbres dépouillés de leurs feuilles, les oiseaux partis. Certains disaient que la terre était morte en hiver – il trouvait qu'elle vivait un autre genre de vie, un peu plus triste. C'était une beauté noble et mélancolique. La neige fixait les arbres dans le sol comme des monuments – dont les frondaisons ne remuaient plus sous le vent, immobiles comme l'éternité.

Dehors, en bas, dans la neige du parc, il y avait les traces de quelqu'un qui avait couru. Koji les apercevait, et en plissant les yeux, il pouvait distinguer la longueur des pas, l'estimer à peu près, et conclure que le sillon tracé était celui de la course de Gaël. Comme si tout le monde avait pu suivre les mêmes pensées, il glissa d'une voix songeuse.


« Tu vas attraper froid à courir la nuit en plein hiver. »

Ses yeux peu à peu quittaient le sol du parc, ils suivaient les troncs des arbres, ils suivaient leurs branches sombres contre le ciel sombre, ils suivaient les constellations jusqu'à la Lune. Un sourire amusé lui vint enfin, en songeant aux gants.

« Je vais te tricoter des moufles. Et pour vous, Arthur, un bonnet de nuit. Rose. Ce sera charmant. Tellement à la mode. Vous ferez fureur pendant vos insomnies. »

Et comme l'imagination de Koji était infaillible, il n'avait aucun mal à se représenter Arthur en bonnet de laine rose, et Gaël avec des gants de la même couleur, arpentant les couloirs déserts de l'Institut – ce qui permit aux éclats de son rire enfantin d'emplir la pièce crépusculaire.
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MessageSujet: Re: [RP] Murmures nocturnes - Terminé [RP] Murmures nocturnes - Terminé EmptySam 17 Avr 2010 - 15:00

"Rose...?"

Gaël soupira en souriant et en secouant doucement la tête.

"Monstre ! J'aurais l'air de quoi avec ça ?" Il jaugea l'autre pensionnaire du regard, l'habillant de ses (roses) pensées. "Par contre je crois que ça ira parfaitement à Arthur, même si cette couleur n'a pas l'air d'être dans ses habitudes."

Il revint à Koji, étudiant la silhouette gracile dont l'extérieur seul avait le privilège d'être la cible de ses yeux à cet instant. Il se demanda par quel raisonnement celui-ci était-il parvenu à déduire comment Gaël avait passé le temps avant de venir dans la salle de repos.
De sa position, il ne pouvait qu'apercevoir la cime des arbres et le ciel nocturne que la lune avait déserté au profit de l'éclat de ses compagnes stellaires. Mais Gaël se lassa bien vite de cette vue. Pour une obscure raison, il ne se sentait pas d'humeur à les admirer cette nuit-là.
Peut-être à cause du cauchemar. Mais il valait mieux ne pas y repenser tout de suite, et laisser le mauvais rêve de côté.


"Courir me réchauffe suffisamment pour que je n'ai pas froid. Le seul danger vient d'après l'effort, lorsque le corps se refroidit. C'est à ce moment là qu'il faut se couvrir."

Peut-être Koji savait-il déjà cela, mais à dire vrai, Gaël ne s'en souciait, pour ainsi dire, presque pas. Il donnait librement ce qu'il savait, en espérant que cela soit utile. Et après tout, même la personne ayant la mémoire la plus développée au monde (qu'il soupçonnait se trouver devant lui à cet instant) ne pouvait tout connaître.

Il prit les gâteaux et les tendit au dénommé Arthur, l'invitant d'un geste à se servir. Le dernier cookie parti, il amorça un geste de lancer : grâce à une chance insolente, il parvint à l'envoyer précisément dans la corbeille. En temps normal cela l'aurait fait sourire. Cependant une sorte de mélancolie semblant le regagner lentement. Elle s'était dissipée à l'arrivée des autres pensionnaires, mais Gaël la sentait presque reprendre petit à petit possession de son être.

Étrange parfois comme un seul geste, un seul regard peuvent changer l'humeur d'une personne. Un événement si infime, mais parfois plus important qu'un battement de cœur.

Toujours est-il qu'en cherchant et esquivant tour à tour celui de Koji, Gaël rencontra celui de l'« autre ». Des yeux étranges, encadrés par un visage exprimant plus la retenue que la chaleur. Il comprit pourquoi Koji lui avait enjoint de finir le paquet.

Sa main plongea sous l'obscurité de son fauteuil, pour en extirper un autre paquet (parmi les trois qui restaient encore cachés ici). De nourriture. Sucrée.

Ces sucreries étaient toutefois bien plus inoffensives et se présentaient sous la forme d'un sachet d'abricots secs. Pas aussi calorique qu'un cookie.

Le paquet fit un bruit sec en s'ouvrant. Gaël le posa à portée de main d'Artie, lui indiquant d'un léger geste de la main qu'il pouvait se servir sans demander la permission. Puis il se leva, l'un des fruits entre les dents, et se dirigea silencieusement vers la commode.

Une fois à proximité, il ouvrit un petit tube de comprimés blancs, et en renversa un dans sa main. Les insomnies étaient une chose rare mais pas inexistante dans les nuits du jeune homme, aussi avait-il jugé opportun d'emporter avec lui un tube de somnifères. Somnifères qui avaient la fâcheuse habitude de prendre effet au cours de la journée plutôt qu'au cours de la nuit.

Peut-être que le fait de les prendre entre quatre et six heures du matin en moyenne y était pour quelque chose.

Il regarda fixement le petit comprimé plus blanc que blanc. Le blanc. Il aurait préféré des comprimés noirs. Le noir signifiait le vide, l'oubli. Le noir était reposant.

Il attrapa une bouteille d'eau minérale, et s'en servit un verre plein, qu'il but avec empressement, comme s'il mourait de soif. Le comprimé n'avait pas quitté sa main. Pas encore. A nouveau, il le contempla. A nouveau, il eut soif.

Puis vint l'illumination. Un sourire espiègle naquit sur son visage, tandis qu'il se retournait vers Koji. Il ne prendrait pas de somnifère aujourd'hui. Pas lui.


"Dis-moi Koji, demanda-t-il alors qu'il levait les yeux de la pilule de Morphée vers son ami, tu dois bien savoir où se trouve le réservoir d'eau potable ?"
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MessageSujet: Re: [RP] Murmures nocturnes - Terminé [RP] Murmures nocturnes - Terminé EmptyDim 25 Avr 2010 - 16:30

"Monstre ! J'aurais l'air de quoi avec ça ? Par contre je crois que ça ira parfaitement à Arthur, même si cette couleur n'a pas l'air d'être dans ses habitudes."

Artie regarda Gaël, fronçant les sourcils, ne sachant pas s'il devait vraiment le prendre au sérieux. Gaël ne semblait pas rire, mais ses paroles étaient d'une absurdité qui fit un peu peur au garçon. Brusquement, il s'imagina, forcé par les deux jeunes hommes, en train de se faire habiller de rose. Erk. Plongeant la main dans le paquet, il en retira un nouveau biscuit, qu'il fit tourner entre ses doigts.

- En rose... marmonna-t-il. Pourquoi pas avec du violet, tant qu'on y est ?

[Je laisse la place à Koji parce que je n'ai pas grand-chose à dire.]
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MessageSujet: Re: [RP] Murmures nocturnes - Terminé [RP] Murmures nocturnes - Terminé EmptyDim 25 Avr 2010 - 17:37

Le rire de Koji continua de résonner dans la pièce pendant quelques secondes encore, tandis que le regard pétillant du jeune homme abandonnait le parc, et sa neige froide et mortuaire, pour se poser sur Gaël – et Koji saisit l'occasion qui se présentait à lui de détailler Gaël du regard, puisqu'il avait une excellente excuse à cela : répondre à Gaël, et lui dire si le rose lui irait ou non.

C'était que jusqu'à présent, Koji n'avait songé à Gaël – au corps de Gaël – que d'après ses souvenirs, et sans doute ses souvenirs étaient-ils les plus exacts du monde, aussi exacts que la réalité, mais c'était deux choses très différentes de voir réellement, et de voir dans sa mémoire – du moins l'était-ce quand il songeait à Gaël. Y songer ne suffisait pas.

Il n'était pas certain que le regard noir qui glissait sur Gaël, qui arpentait ses épaules et son torse, avec une lenteur propre à en savourer tous les détails, fût parfaitement innocent, et Koji misait sur l'obscurité de la pièce pour ne pas avoir l'air tout à fait lubrique aux yeux de son camarade – c'était qu'avant de mettre sa puissante imagination à profit pour habiller Gaël de rose, le jeune homme avait jugé bon de faire place nette, et de commencer par le dévêtir. Question d'efficacité – bien entendu.

Et quelque rapide que fût l'esprit de Koji, cette scrutation dura plusieurs secondes, durant lesquelles un sourire appréciateur vint peu à peu aux lèvres du jeune homme – un sourire qui pouvait cependant passer pour un sourire amusé. Après tout, ne plaisantaient-ils pas ? Et ainsi se révélait, dans l'ambiguïté de ses sourires et de ses regards, un peu de la vie nocturne de Koji, cette vie qu'ignoraient les pensionnaires de l'Institut, qu'ignorait même Virginie, et qui lui avait valu, dans des milieux bien différents, une réputation un peu sulfureuse, et sans doute pas toujours très flatteuse.

Bien sûr, depuis qu'il était à l'Institut, Koji s'était considérablement calmé. Il sortait peu. Une fois de temps en temps, tout de même : pour ne pas perdre l'habitude. Mais la vérité, c'était que ses derniers déboires sentimentaux, d'abord, lui avaient ôté un peu de son appétit. Puis il avait mûri. Finalement. La réputation de garçon facile n'était peut-être pas la plus fructueuse qu'il pût cultiver. Il fallait savoir être raisonnable. Et enfin, bien entendu, maintenant, il y avait Gaël.

Un soupir équivoque franchit les lèvres du jeune homme, tandis que son esprit entreprenait à présent de rhabiller Gaël de rose, et éventuellement de lui ajouter des oreilles de lapin. Le résultat n'était pas très glamour – et le contraste entre les habits dignes de Chantal Goya et le regard placide de son camarade provoqua chez Koji un nouvel éclat de rire, que son regard mit à profit pour se détourner (afin de ne pas trop éveiller les soupçons de Gaël).


« Hmmm... Mais c'est très à la mode, le rose, Gaël ! Tous les hommes modernes portent du rose. Ca souligne leur virilité ! »

Un nouvel éclat de rire suivit ces propos, ce qui n'était pas nécessairement très flatteur pour Gaël, du moins si ce dernier escomptait produire chez Koji une impression décisive de virilité. Pas très flatteur, non plus, le ton de moquerie sur lequel il avait prononcé ses dernières paroles. Mais alors qu'il finissait de rire, son regard se posait sur Gaël, avec une telle douceur, une telle bienveillance, et un zeste d'admiration qu'il était difficile de lui en vouloir.

Puis les yeux du jeune homme se détachèrent de Gaël, comme ils le faisaient toujours : avec une certaine lenteur, comme si ce seul mouvement exigeait d'eux un effort considérable. Ils vinrent se poser sur Arthur, et Koji esquissa une moue pensive.


« Je ne sais pas. Pourquoi pas, du violet. Avec vos cheveux, ça ne peut qu'aller. Du violet sombre, bien entendu. Un tee-shirt, de préférence. Vous savez, ceux avec les ficelles sur le col. Vous seriez charmant. »

Et cette fois-ci, Koji était tout à fait sérieux. D'ailleurs, inévitablement, quand la conversation se tournait du côté des vêtements, quelque légère qu'elle fût d'abord, Koji devenait au bout d'un certain temps sérieux. La mode, c'était toute une affaire ! Il avait un goût infaillible dans le domaine, une sorte de sixième sens qui le poussait à choisir exactement les vêtements susceptibles de le mettre en valeur.

Sans doute était-ce un peu superficiel de sa part. Mais tous les comportements de Koji avaient plusieurs raisons. Il tenait à ce que les gens pussent songer à lui comme à un jeune homme à la mode, un adolescent comme les autres, c'est-à-dire : inoffensif. L'apparente faiblesse était la meilleure des protections. Mais il lui semblait également important de cultiver la beauté quand c'était possible.

Et puis, bien sûr, c'était un peu superficiel aussi. Koji était un séducteur. Invétéré. Soucieux de se donner les moyens de sa séduction. De cultiver chacun de ses avantages, au prix parfois d'un travail acharné. Sans doute était-ce qu'il lui était plaisant de plaire. Mais surtout, il trouvait dans les regards qui se posaient sur lui un peu de repos, un peu d'apaisement, et ainsi il entrait dans sa dépravation beaucoup d'innocence.

Alors qu'il songeait aux conseils vestimentaires dont Arthur avait besoin (mais il fallait bien que jeunesse se fît !), son regard fut attiré par les gestes de Gaël – non celui d'attraper les abricots secs (et d'ailleurs, Koji détestait les fruits secs), mais l'autre – le comprimé blanc, blanc comme ses cheveux blancs, blanc comme la neige – c'était la couleur parfaite, sa couleur favorite depuis quelques temps, et il était triste, de la voir sur un comprimé.

Comprimé que Koji n'eut aucun mal à reconnaître. D'abord, parce que Koji avait fait des études. Il avait lu des livres de pharmacie. Il était un toxicologue émérite. Ensuite, parce que le corps de Koji avait absorbé toutes sortes de substance, et que dans le domaine des somnifères, narcotiques, pilules, poudres et herbes plus ou moins autorisées, Koji était d'un expert dont les connaissances n'étaient pas entièrement académiques.

Alors, avec cette mauvaise foi qu'ont parfois les toxicomanes, Koji ne put s'empêcher de laisser un peu de désapprobation nager à la surface de son regard, tant il lui semblait plus opportun de prendre un somnifère pour dormir, alors que d'autres moyens pouvaient sans doute être encore tenté. Et en le regardant ainsi, Koji évitait soigneusement de songer aux tubes et sachets qui se dissimulaient dans des recoins variés de sa chambre.

Ce fut donc avec plaisir qu'il constata que Gaël avait renoncé à prendre le cachet en question, plaisir de courte durée quand émergea du silence et de l'obscurité la question de son camarade. Gaël n'avait pas besoin d'eau. Il avait une bouteille. Donc, il voulait utiliser le réservoir à d'autres fins. Il était probable que cela eût un rapport avec le comprimé qu'il avait sorti. Donc, Gaël envisageait de contaminer le réservoir d'eau de l'Institut avec ses somnifères.

Koji avait de l'humour. C'était certain. Il n'avait rien contre les farces. Mais celle qu'ourdissait à présent Gaël lui semblait dépasser les limites du bon goût, et il lui paraissait souhaitable de dissuader son camarade de mener à bien sa sombre entreprise. Koji quitta donc sa fenêtre, pour revenir s'asseoir près de Gaël.


« Je sais, oui. Ceci dit... »

Il avait songé d'abord à lui expliquer que des élèves pourraient faire une mauvaise réaction au somnifère, que ce pouvait être dangereux, que peut-être, très certainement même, ils seraient punis, si ce n'était renvoyés de l'Institut, que pour sa part il n'avait aucune envie d'être renvoyé (et aucune envie que Gaël le fût, d'ailleurs), et que, en règle général, droguer ses petits camarades était perçu comme un signe d'inadaptation sociale.

Mais tout cela ressemblait bien trop à une leçon de morale pour que Koji se résolût à le dire à Gaël. Il se méfiait de l'image que de ses réflexions pouvaient lui construire, et il sentait fort bien que la limite était mince entre un jeune homme respecté pour son extraordinaire intelligence et un pédant méprisé pour ses airs d'autorité. Il lui fallait donc une autre technique d'approche.


« Ceci dit, nous ne sommes plus en l'an 2000. Dans des endroits comme l'Institut, les circuits de distribution de l'eau ont des protections. Des systèmes de détection de substances chimiques. Afin d'éviter les accidents. Ou les actes de malveillance. »

Koji n'avait pas une idée très nette du degré de sécurité que le manoir de l'Institut offrait à ses résidents, mais il en avait vu assez pour être certain que de semblables systèmes avaient été installés. Il était évident, après Boston, que les groupes de mutants devaient se protéger au mieux de l'inimitié que les débordements de l'époque avaient suscitée à leur encontre, et Mademoiselle Lemington était certainement du genre à prendre toutes les précautions qui pouvaient être nécessaires, et beaucoup d'autres encore.

« J'ai conçu ce genre de systèmes moi-même, à une époque. Je t'assure qu'un somnifère du commerce n'a aucune chance de passer, ni celui qui tente de le verser de s'en tirer à bon compte. »

Il était extrêmement rare que Koji évoquât ses études et ses réalisations dans le domaine de la toxicologie devant quelqu'un. Il préférait que l'on oubliât cette partie de son existence et de ses compétences, et que l'on se concentrât sur le caractère beaucoup plus romantique et paisible qu'avaient ses études d'art, de littérature, d'histoire et de philosophie. Mais Koji avec Gaël était parfois assez bête pour cesser de réfléchir, et abandonner certaines de ses précautions.

Assez bête pour se dire, par exemple, que son ami allait être terriblement déçu de ne pas pouvoir mener sa plaisanterie à bien, et qu'il fallait absolument trouver quelque chose pour compenser cette horrible déception, à laquelle Gaël ne manquerait pas de l'associer, et qui risquait de ruiner toutes ses chances (mais lesquelles donc ?) auprès de lui.

Le cerveau de Koji s'activa donc à trouver une solution à ce problème très grave. C'était l'un de ces moments où le jeune homme utilisait ses compétences à mauvais escient – l'une de ces idées farfelues, généralement sous l'influence d'un autre étudiant auprès duquel il voulait faire bonne impression, qui lui avait valu, dans quelques universités très prestigieuses, des menaces d'expulsion, écartées à force de bons résultats.


« Ceci dit... Mettons que tu disposes d'un chimiste très compétent... On pourrait synthétiser un arôme. Par exemple du piment. Trouver le moyen de contourner les systèmes. Et donner à l'eau de l'Institut une saveur plus exotique, pour la journée de demain. »

L'idée lui semblait brillante ! Gaël pourrait faire sa farce. La plaisanterie ne prêterait pas à des conséquences trop graves. Et Arthur violerait la plupart des articles du règlement, à peine arrivé à l'Institut. N'était-ce pas merveilleux ?
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MessageSujet: Re: [RP] Murmures nocturnes - Terminé [RP] Murmures nocturnes - Terminé EmptyJeu 10 Juin 2010 - 7:01

Gaël était proprement stupéfié. Koji était pire que lui, et de loin! Quelques idées de saveur « exotiques » lui traversèrent l'esprit. Mais au final, il savait que...

"Je ne suis pas sûr que ça soit une très bonne idée, par contre. Mettre des somnifères c'était sans risque parce qu'il aurait suffi de trois ou quatre comprimés pour faire bailler tout le monde dans la matinée et ça c'est assez indétectable comme effet. Mais changer le goût de l'eau... enfin disons que je ne connais qu'un seul et unique chimiste compétent. Tout le monde saura très vite qui est à l'origine de la farce."

Il alla se rasseoir d'un pas tranquille, jetant un emballage dans une poubelle au passage.

"En fait c'était une mauvaise idée dès le départ... mais merci d'avoir proposé, c'est vrai que ça aurait pu être... intéressant."

En fait Gaël aurait a-do-ré donner à l'eau un goût sucré. En effet, il n'y avait dans tout l'Institut qu'une seule et unique personne qui n'aimait pas le sucré... et la perspective de voir Miss Lemington surprise était suffisamment rare pour mériter d'y consacrer quelques pensées amusées.
[/color][/b][i]
Il étouffa un bâillement. La fatigue commençait à le rattraper peu à peu, mine de rien. Ou peut-être était-ce simplement l'effet du comprimé. Un peu rapide, tout de même.

"Je crois que le marchand de sable a décidé de réexaminer mon cas. Je vais aller me recoucher."

Il se leva et se dirigea rapidement vers la porte, comme s'il craignait de tomber endormi pendant le trajet. Il posa sa main sur la poignée, hésita et se retourna.

"Au fait Koji... si tu me pardonnes ma curiosité... est-ce que quelqu'un t'a appris à dessiner ?"

C'était une question qui avait surgit sans crier gare la veille alors qu'il regardait une fois de plus le plan que lui avait dessiné le métis. Il savait qu'aucun être humain n'était capable de dessiner aussi précisément et rapidement que Koji. Ce qui l'intriguait, c'était de savoir si celui-ci avait dû s'entraîner pour acquérir un trait aussi fin en mettant ses aptitudes particulières à contribution, ou si celles-ci avaient tout simplement rendu la chose obsolète. Pourquoi s'y intéressait-il ? Lui-même n'aurait su le dire. Il ne se posa même pas la question. Depuis la découverte de son pouvoir, il se montrait très curieux sur les possibilités qu'offraient ceux des autres, ainsi que leurs limites.

Et à ses yeux, Koji était une vraie mine d'or, une source de curiosité presque intarissable. C'était l'un des rares pensionnaires dont les talents influaient directement sur la personnalité. Cerise sur le gâteau, il était très sociable (Gaël était encore loin de soupçonner que cela était lié) et il prenait toujours un grand plaisir à discuter avec lui. Il regrettait presque de devoir l'abandonner pour pouvoir dormir (presque car il savait qu'il souffrirait plus d'un manque de sommeil que d'un manque de Koji le lendemain).
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MessageSujet: Re: [RP] Murmures nocturnes - Terminé [RP] Murmures nocturnes - Terminé EmptyVen 11 Juin 2010 - 21:51

Koji ne songeait pas à le nier en lui-même : la soudaine sagesse de Gaël le soulageait un peu. Ce n'était pas que la perspective de s'introduire subrepticement dans un des laboratoires de chimie de l'Institut en pleine nuit pour composer un arôme qu'ils verseraient dans le système de distribution d'eau du bâtiment n'était pas des plus riantes qui fussent, mais il préférait ne pas être expulsé si vite d'un lieu où il avait enfin trouvé un peu repos.

D'autant plus soulagé que, tout occupé à l'idée de faire plaisir à Gaël en l'aidant à mener à bien sa douteuse plaisanterie, il n'avait pas songé que le soupçon serait immanquablement tombé sur lui, et qu'il n'y avait pratiquement aucune chance qu'il pût s'en sortir indemne. Il était pourtant évident que Gaël avait raison, et que les regards un peu avisés se seraient tournés vers lui, s'ils avaient tous les deux procédé comme il le proposait.

Cette omission constituait pour Koji un petit événement : il était rare qu'il ne pensât pas à quelque chose, et d'autant plus rare que la situation qu'il s'était agi d'examiner avait été l'une des plus simples qui fussent ; il n'y avait rien qui y présentât la moindre difficulté susceptible de l'occuper trop pour ne pas songer à se prémunir contre tous les risques. Il y avait donc quelque chose qui avait assez occupé son esprit pour qu'il se rendît distrait.

Dans la pénombre de la salle de repos, ses yeux noirs suivaient la démarche lente, et nonchalante, et calme, de Gaël. Koji n'était pas très doué pour l'honnêteté, et singulièrement peu lorsqu'il s'agissait d'être honnête envers soi-même. Que cette seule démarche pût le préoccuper autant, c'était ce qu'il ne parvenait pas à admettre.

Pourtant, quelque grandes que fussent ses réticences, elles ne l'étaient pas assez pour l'empêcher de la suivre, attentivement, cette démarche, comme peut-être certains suivent les spectacles de danse. Il ne savait exactement ce qu'il y admirait, si c'était la simplicité tranquille, et un peu éthérée, comme lointaine, des gestes, ou bien la blancheur des cheveux qui se distinguait dans l'ombre de la nuit ; c'était sans doute ces deux choses, et une infinité d'autres détails – qu'il observait, sans y songer.

Mariage unique en un seul être de petites choses – de gestes, de frémissements, de certains sourires et de certains regards – qu'il était le seul à apprécier exactement de cette façon – le seul à le pouvoir – car lui seul, et il aurait pu le savoir, était capable de tout voir, et de songer à Gaël, de le regarder, à la fois entièrement et dans chacun de ses détails. Possessif peut-être était le regard qu'il posait sur lui, et qui était capable de l'assimiler à ce point.

Mais un sens, c'était la certitude rassurante d'une possession jamais possible qui le charmait, cette sensation de voir Gaël le fuir, toujours – le fuir, lui, et fuir tout le monde – dans lequel il lui semblait que son ami (en était-ce seulement un ?) passait parfois sans y songer, sans même le voir ni l'observer, comme un fantôme parfois passe dans le monde des vivants. Et peut-être Koji ne voulait-il pas prendre conscience du regard qu'il posait sur lui pour que ne cessât jamais la fuite de Gaël.

Car Gaël loin de lui, c'était un paysage extérieur vers lequel il pouvait tourner ses regards, et un être sur lequel son esprit n'étendait pas sa domination ; c'était ainsi la certitude d'une vie qui continuerait à vivre s'il n'y songeait pas, si lui-même mourrait, vie extérieure à la sienne, et sans cesse riche de promesses, parce qu'elle vivait un temps et un monde qui ne parvenaient pas à être les siens – et le seraient de moins en moins.

Sans doute y avait-il cela en tout être que Koji croisait, et sans doute finalement les sentiments qu'il avait pour Gaël ne tenaient-ils qu'à un hasard, qu'à quelque détail superficiel qui originellement avait fixé son attention, et permis à son esprit de tisser, tisser, tisser. Et quelque léger que pût être un jour ce détail ou cette circonstance qui avait tout déclenché, Koji n'en suivait pas avec un intérêt moins vif la progression de Gaël.

Ce fut donc une moue horriblement déçue qui se dessina sur le visage de Koji quand Gaël parla d'aller dormir. Avec toute la mauvaise foi du monde, il était prêt à affirmer qu'il n'était pas si tard, et que Gaël pouvait bien rester encore un peu. Mais son aveuglement n'était pas tel qu'il eût pu survivre à une protestation aussi transparente, aussi se contenta-t-il de hocher la tête à contrecœur.

Et comme il est aisé de se vexer dans un état comme le sien, il trouva que c'était avec un peu trop de rapidité que Gaël regagnait la porte de la salle de repos. Il ne devait pas être si fatigué que cela pour marcher aussi vite ! En signe de courageuse protestation, Koji détourna le regard, pour observer le parc à travers la vitre, plutôt que Gaël s'éloignait. De toute façon, l'ombre était trop épaisse pour qu'il pût nettement distinguer son fessier.

La situation lui paraissait à ce point désespérée qu'il ne songeait pas à souhaiter à Gaël une bonne nuit. Après tout, un homme qui s'éloignait si soudainement de lui, et d'un si bon pas, ne méritait certes pas un sommeil réparateur. Ce fut de ces réflexions, parangon de maturité, que l'interrogation de Gaël tira Koji. Et parfois, le cours de l'esprit de Gaël semblait à Koji encore plus hasardeux et fluctuant que celui du sien propre.


« Oh, euh... C'est-à-dire... »

Il commençait à se glisser dans sa voix la même douceur mélancolique, à la fois charmée et triste, qui avait été la sienne lorsqu'il leur avait raconté ce conte qui avait rythmé son enfance. C'était invariablement le ton que Koji prenait en parlant de son enfance, de sorte qu'il ne semblait pas que sa mémoire lui proposât de cette époque un souvenir qui fût entièrement joyeux – ni, de la même façon, un qui fût tout à fait triste.

Son regard, qui était un peu plus mûr, et moins aisément dissimulateur, qu'il ne l'était lui-même, consentit à quitter les arbres squelettiques et enneigés qui s'apercevaient par la vitre pour venir chercher la silhouette de Gaël dans l'ombre, au loin – si loin – près de la porte de la salle.


« En fait, tu vois, c'est drôle... Enfin, drôle. Je veux dire, curieux... »

Cette fois, il y avait peut-être un peu plus d'amertume dans sa voix que la première fois. Sans doute le souvenir était-il moins lointain, et en un certain sens beaucoup plus complexe, que celui qu'il avait d'abord évoqué. Car il s'agissait d'un souvenir à l'orée de son adolescence, alors que son pouvoir commençait à se déclarer, et ainsi était-il gravé dans son esprit beaucoup plus précisément que les vagues déboires de son enfance gâtée et délaissée.

« Quand ma mutation a commencé à se déclarer, j'ai failli... Je ne sais pas comment dire. Me perdre, en quelque sorte. Dans les chiffres. Tu sais, les mathématiques. Dans les mathématiques, rien n'échappe à la raison. Tout est une question de savoir et d'intelligence. C'était... J'avais, tu vois, j'avais un sentiment de toute-puissance. Peut-être aussi un peu de revanche. »

Se dévoilait dans son ton un peu de la distance froide qu'il entretenait avec son être passé ; car pour Koji, dont l'esprit ne cessait de s'étendre et de s'approfondir, les premiers mois où s'éveilla cette intelligence laissaient des souvenirs douloureux : il y voyait la médiocrité de son âme non encore éduquée à la sagesse, y découvrait les recoins sombres et pathétiques de son cœur.

Quand il songeait à nouveau à cette époque, et à celui qu'il avait été, il avait l'impression, tant il était différent désormais, d'avoir en lui les souvenirs d'un étranger, qu'il ne pouvait que détester. Et il songeait que, peut-être, dans un mois ou même quelques semaines, il se trouverait aussi différent de ce qu'il était alors, qu'alors il se voyait différent de ce qu'il avait été à l'époque, et c'était pour lui comme la menace d'une mort perpétuelle.

C'était qu'aussi sage et vénérable qu'il était en effet, Koji n'avait pas malgré tout vécu assez longtemps pour se rendre compte que si en un sens son intelligence dissipait aux quatre vents son identité, en un autre elle la cimentait bien plus efficacement que celle de n'importe qui : elle la rassemblait dans tous ses souvenirs, dans cette histoire de soi-même qui se déroulait clairement dans sa conscience. Ainsi son âme ne changeait-elle jamais du tout au tout : elle s'accroissait.


« Le monde, la vie réelle, tout cela devenait moins intéressant. C'était à peine si je le voyais. Si je le regardais encore. Je ne sais pas trop ce qui m'attendait, à vrai dire. Peut-être la folie, ou bien la mort. »

Il avait tenté de dire cela avec un air dégagé et courageux, tant pour se convaincre lui-même que ces perspectives qui demeuraient les siennes, malgré les progrès qu'il faisait dans la maîtrise de son pouvoir, ne l'émouvaient pas plus que cela, que pour éblouir Gaël du spectacle de son flegme stoïque et viril, mais le succès de sa bravade n'était pas tel qu'il pût faire complètement illusion, et se sentait bien dans ses mots la douleur que ces pensées lui causaient.

« Et donc... Ma mère un jour est venu me voir. Me tirer de mes équations. Avec du matériel de dessin. Et m'a appris à dessiner. Tu sais, parce que, pour dessiner, d'abord, il faut voir, observer, il faut prêter attention au monde alentours. Je suppose qu'elle avait compris que si je faisais l'effort de m'y intéresser, je le trouverais intéressant. Et que je recommencerais à vivre. »

Koji ne s'étendait pas sur une des ombres de son histoire : la raison pour laquelle, s'il était alors si absorbé par les chiffres, il avait finalement consenti à s'intéresser au dessin qu'on lui proposait de pratiquer, avant de s'intéresser au monde auquel ce dessin l'engageait. Mais le jeune homme estimait avoir donné un spectacle suffisamment mélancolique de ses relations familiales pour ce soir-là.

Après un léger silence, Koji glissa d'une voix lointaine, et comme sortie d'une longue réflexion :


« Je crois que je vais aller dormir, moi aussi. »

C'était un pieux mensonge : il savait pertinemment que le sommeil ne le trouverait pas avant le début de l'après-midi, et qu'en attendant il allait lire livre après livre. Mais l'évocation de ce passé et de ses insuccès qui lui semblaient si proche l'engageait finalement à la solitude, et il n'était plus mécontent que Gaël eût ouvert une brèche dans leur petite réunion.

Il quitta son siège, et adressa un sourire doucement protecteur à Arthur.


« Arthur, bonne nuit. Tâchez de ne pas manger trop de cookies avant de dormir : c'est mauvais pour le sommeil. »

Le jeune homme se fraya un chemin entre les fauteuils, les canapés et les tables qui formaient le mobilier de la salle de repos, jusqu'à parvenir à la porte de la salle de repos, et conséquemment à Gaël. Les yeux noirs de Koji retrouvèrent enfin les chemins de ceux de son camarade, et un instant, Koji hésita, avant de murmurer :

« Gaël... »

Après avoir suspendu sa phrase, s'être mordillé la lèvre, avoir soupiré puis haussé les épaules, Koji détourna le regard, et compléta :

« Ronfle pas trop fort. Les murs sont fins. »

Et sans lancer à Gaël le temps de répondre à cette accusation (sans fondement, nous en sommes sûrs), Koji ouvrit la porte de la salle de repos, et disparut à pas de loup dans l'ombre du couloir, pour rejoindre sa chambre, son désordre, et ses livres.
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Artie Chastel

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Artie Chastel

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MessageSujet: Re: [RP] Murmures nocturnes - Terminé [RP] Murmures nocturnes - Terminé EmptySam 12 Juin 2010 - 1:16

Du violet. Les deux jeunes hommes en étaient encore à échanger quelque conversation que seuls leurs bâtisseurs pouvait intéresser qu’Artie essayait de s’imaginer avec du violet sur lui. Il se voyait plus avec un chandail violet qu’avec un tee-shirt. Ce qui lui donna encore plus chaud.

Il jeta un coup d’œil vers le paquet. Non, plus de cookies pour ce soir. Pas plus que des fruits secs. Il allait encore avoir soif. Et s’il buvait, il devrait encore se relever pour aller aux toilettes. Se relever, s’il réussissait à se rendormir.

Son regard se promena sur ses deux compagnons. D’une certaine façon, ils lui rappelaient la relation qu’il commençait d’entretenir avec Ulrich. Avec quelque chose en moins. Mais il ne saurait dire quoi. Peut-être la différence d’âge ? Quoique, elle n’était pas assez grande pour qu’elle ait quelque chose de différent. En tout cas, ils complotaient. Il ne savait quoi, et il devait avouer que pour l’heure, il s’en fichait un peu. Il n’était plus intimidé, juste qu’il se sentait un peu mis à l’écart.

Il bailla. Manière gentillette de la part de son corps de lui dire qu’il avait encore besoin de repos. De toute façon, Gaël et Koji semblaient sur le point d’aller se coucher. Autant faire de même.


- Hein ? … Oh, heu, oui… les cookies… eh bien, bonne nuit, Koji, Gaël.

Il n’ajouta rien de plus parce qu’il n’en vit pas l’utilité. En réalité, cette petite discussion nocturne avait été bien plus pour lui qu’il ne voulait l’admettre. Mais pour les deux amis, ça n’avait été sûrement rien de bien important. Pas avec le garçon, en tout cas.

Il attendit patiemment que Koji et Gaël aient quitté la pièce, puis se leva lentement à son tour. Il s’approcha de la fenêtre, l’ouvrit en essayant de faire le moins de bruit possible et pointa son museau d’ado timide par-dessus la balustrade. Il inspira à fond et profita du vent – très – frais sur sa figure pâlotte. Il ne le fit pas plus de quelques secondes. On ne sait jamais ce qu’on peut encore choper comme saloperie par une nuit hivernale, surtout en pyjama.

Refermant la fenêtre, il retourna vers la table basse et referma le paquet de cookies et celui des abricots secs, puis alla les ranger dans l’armoire. En ouvrant les portes, il se rendit plus que jamais compte à quel point il était petit.
Va falloir se mettre à la soupe.

Il éteignit la lumière et partit se coucher. Arrivé dans sa chambre, il jeta un coup d’œil à son compagnon endormi. Il ne lui avait pas raconté son cauchemar, comme il avait promis de le faire à chaque fois qu’il en faisait un. Tant pis. Puisque Ulrich, de toute manière, ne le saurait jamais.


Et pourtant, en se couchant, Artie, dont la vision s’était accoutumée à l’obscurité, aurait juré avoir vu un petit sourire étirer les lèvres de son camarade.
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MessageSujet: Re: [RP] Murmures nocturnes - Terminé [RP] Murmures nocturnes - Terminé EmptySam 12 Juin 2010 - 3:44

Il ne vit pas le regard de Koji se détourner de lui alors qu'il fuyait sa présence, attiré par la perspective de terminer sa nuit. Ce qu'il sentit en revanche, ce fut le ton un peu plus... froid ? amer ? qu'employait Koji pour lui répondre. Il se dit qu'il avait peut-être touché un point sensible par mégarde. Ce que lui confirmèrent les paroles du jeune homme. Pour la première fois, il prit conscience du fait que poser à Koji la question la plus anodine du monde pouvait le renvoyer à d'innombrables souvenirs pas forcément plaisants. Et il était prêt à parier que celui-ci les revivait avec plus d'intensité que n'importe qui d'autre, parfois avec la douleur qui les accompagnait, peut-être aussi fraîche qu'au premier ressenti.

Il songea pendant un bref instant à s'excuser d'avoir été indiscret. Ou à le remercier d'avoir répondu. Puis cela lui passa. Il ne l'avait pas forcé après tout.

Et en moins de temps qu'il n'en faut pour le penser, les yeux de Koji se fixèrent dans les siens. Même dans la demi obscurité, Gaël sentit l'émotion profonde qu'il véhiculait, sans pouvoir la définir précisément. Et ce fut fini, Koji disparu, happé par le couloir sombre, Gaël seul dans la pièce. Enfin, seul...


"Bonne nuit Arthur."

Il le planta là pour arpenter les couloirs à pas feutrés. Il ne souhaitait pas recroiser Koji cette nuit, mais savait qu'il marchait plus vite que lui. Il ne souhaitait pas non plus recroiser Arthur qui n'allait probablement pas tarder à quitter la salle. Il fit donc un peu plus de détours que nécessaire pour parvenir jusqu'à sa chambre, pour y arriver exactement entre les deux. Apparemment ses calculs furent bon car il ne les croisa pas.

Il se planta sur son lit, se demandant comment il pouvait arrêter de ronfler. Koji avait dû vouloir dire autre chose... mais quoi ? Probablement pas quelque chose d'important. Pas de raison de s'en faire. Pas de raison d'y penser.

Et sans s'en rendre compte, il bascula doucement dans un sommeil apaisé, profond, réparateur, sans rêve ni cauchemar.


Fin
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[RP] Murmures nocturnes - Terminé

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