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[RP] Nix et Nox (terminé)

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Sinéad O'Hegarty

Type Sigma

Type Sigma

Sinéad O'Hegarty

Race : Humaine mutante
Clan : Institut
Age du perso : Trente-sept ans
Profession : Généticienne
Affinités : Sa fille : Aisling ; Des amis : Samarah, Koyuki, Léon, Nakor
Points XP : 1275


-PERFORMANCES-
Pouvoir: Concrétisation des rêves
Type: Sigma
Niveau: 6

MessageSujet: [RP] Nix et Nox (terminé) [RP] Nix et Nox (terminé) EmptyJeu 14 Juil 2011 - 0:52

01 Février 2052

Il faisait froid encore ; c'était le matin, avant l'aube. Le silence planait sur la grande demeure : certains eussent pu y voir là une sorte de tranquillité, en profiter pour se saouler de sommeil ou, au contraire, pour commencer le jour dans une douceur laiteuse. C'était pour Sinéad une angoisse sourde : il était cinq heures du matin, elle ne dormait déjà plus. Ne dormait-elle plus déjà ? Personne n'aurait su y répondre – et pour cause, il n'y avait personne. Ou bien, au contraire, ne dormait-elle pas encore ? Elle regarda aux alentours, presque hésitante. Non. C'était la réalité.

« Il fait frais. Le chauffage ne doit pas bien fonctionner. »

Elle se disait ces quelques mots pour entendre un bruit : cela la rassurait ; elle vérifiait aussi qu'elle était bien là, qu'elle avait une voix, une existence physique ; qu'elle pouvait encore perturber l'ordre des choses par ce simple fait de parler – en somme qu'elle avait bien une emprise sur le monde. De fait, c'était une maigre consolation : et elle espérait, peut-être un peu secrètement, que quelqu'un vînt, la sortît de sa torpeur solitaire ; elle savait aussi que c'était un rêve improbable dans sa réalisation.
L'heure était bien matinale, surtout en hiver : Sinéad pourtant n'était pas fatiguée, mais plutôt lasse. Elle était dans la cuisine et repensait à ces instants, ces instants troublants, dont elle avait été la victime dernièrement.

Ils se caractérisaient tous par ceci qu'ils la concernaient, et qu'elle seule avait assisté à tous ces évènements ; par leurs côtés étranges et sans pourtant qu'au premier abord, bien souvent, ils lui eussent paru bizarres. C'est-à-dire qu'elle les acceptait sans trouver qu'il y eût là matière à redire : qu'ils faisaient, donc partie, du cours normal des choses, un instant au moins. Parfois, d'autres personnes étaient comme prises dedans : d'autres fois il n'y avait qu'elle, et elle semblait comme folle à leurs yeux.
Mais elle l'était peut-être.

En y réfléchissant, la première fois, ç'avait dû être ce jour où elle avait donné rendez-vous à Aisling dans un café : c'était cette rose qui était apparue. Il y en avait peut-être eu avant. Était-elle bien sûre ? Non. À vrai dire, peu importait. Il était clair qu'elle avait un problème.
Il y en avait eu d'autres plus tard, plus ou moins évidents.

Elle regarda par la fenêtre. Pas plus tard qu'hier, elle avait cru voir dans le jardin de l'Institut des formes de neige diffuses, comme des animaux, qui bougeaient, presque en chasse. Ils suivaient une ligne droite, comme une flèche lancée vers sa cible ; cette cible, quelle était-elle ? Sinéad ne le savait pas car ils ne s'arrêtèrent jamais – ils disparurent bien avant d'atteindre leur but, au bout de quelques minutes.
Quelques minutes : c'était l'archée de ces illusions. Ou plus ? Elle ne savait pas. Elle avait bien, en revanche, l'impression que ces sentiments, ces illusions, perduraient de plus en plus. Parfois, elle avait eu le regard perdu dans le vide, et quelques fois même en pleine conversation ; quand enfin elle revenait à elle, autour d'elle on s'inquiétait de ce qui se passait. Si on lui demandait ce qu'il s'était passé, elle ne devait rien dire – car c'était vrai : elle ne se souvenait de rien.
Alors qu'était-ce ? Des illusions sûrement : mais alors d'où pouvaient-elles venir ?
Elle avait d'abord pensé à un mutant extérieur. Cette rose, cette illusion. C'était si soudain. Cela ressemblait vraiment à un pouvoir mutant. Mais il y avait d'autres explications. Peut-être était-elle folle. Mais cela n'expliquait pas vraiment le fait que d'autres personnes eussent pu être impliquées.

Il restait une possibilité, une possibilité un peu folle : et pourtant elle expliquait très bien ces évènements, et c'était la seule à laquelle elle pouvait penser.
Si la cause n'était pas extérieure, elle était intérieure. Et si elle n'était pas folle, ce devait être autre chose. Dès lors, elle devait se demander si ce qui faisait ces illusions, ce qui la perturbait autant, n'était pas une manifestation de sa propre mutation.

Il y avait, là encore, plusieurs possibilités. Elle pouvait imaginer être emprisonnée dans un rêve et croire que c'était la réalité. Cela eut pu expliquer d'autres choses : jusqu'à peut-être la disparition de Samarah, ces enchaînements improbables d'évènements. Mais c'était horrible et insatisfaisant. De plus, Sinéad avait cherché à vérifier. Y avait-il des choses ici que son esprit n'avait pas pu produire ? Oui : ainsi des articles de magazine qui présentaient quelque nouvelle théorie, ou l'impeccable relief des objets. Tout était trop cohérent et compliqué pour que son esprit eut pu les produire seul. Elle n'était pas dans un rêve.
Une autre explication s'était alors présentée à elle. Son pouvoir s'était développé. Dernièrement, lorsqu'elle dormait, elle était quasiment toujours consciente. Il n'y avait plus de limbes, de sombres abysses dans laquelle elle sombrait et cessait, en quelque sorte, de vivre. C'était très particulier ; l'expérience, unique, était très claire, et s'expliquait très difficilement. Comment saisir exactement cette faculté et toutes ces conséquences : être lucide en rêves ? Ce n'était pas, vraiment, non, la même chose que d'être éveillé. Elle avait toujours conscience de son corps, même elle pouvait entendre des sons, sentir parfois les draps, mais ils étaient très lointains, ailleurs, dans un autre monde : leur existence paraissait une simple pensée, une idée, ou une imagination. Dans un rêve, elle était maîtresse : plus encore que n'importe quel mutant, plus que ce que pouvait donner l'impression d'une réalité virtuelle, elle avait non le sentiment, mais la certitude intime de contrôler tout. C'était vrai : personne à ce qu'elle en savait, aucun autre mutant, et aucune science encore, n'avait le don de maîtriser les rêves, de les modifier autant – et de les rendre, en partie, réalité.
Ce don divin était peut-être injuste. Cette zone d'inconscience, peut-être nécessaire à la survie de l'esprit, disparaissait progressivement. Pendant des dizaines d'années, Sinéad n'avait maîtrisé ses rêves qu'en phase de sommeil paradoxal, c'est-à-dire lorsque les songes s'expriment avec le plus de force. Maintenant, c'était plus fort, pire peut-être. Être toujours, non éveillée, mais consciente, était une épreuve pour elle. C'était peut-être un ennui. Elle avait appris, au fil du temps, à être patiente, à profiter du temps qu'elle rêvait. Mais maintenant qu'au lieu de quelques deux heures, elle avait plutôt sept, ou huit heures à rester consciente, c'était plus long ; plus pénible. C'était aussi plus perturbant : elle ne s'endormait pas vraiment, elle glissait doucement d'un état éveillée et consciente à un état endormie et consciente. En somme, seul son corps dormait. Ce n'était, peut-être, pas de bon augure pour elle, que son pouvoir se soit développé ainsi.

Certains mutants avaient en quelque manière plusieurs pouvoirs, souvent très liés entre eux. Samarah par exemple était télépathe et psychokinésiste. Ce n'étaient, en réalité, que plusieurs facettes d'une seule mutation : mais on se découvrait parfois une nouvelle capacité, presque un nouveau pouvoir. Il était possible que ce qui s'était passé récemment pouvait se rapporter à une cause unique : si elle était capable de créer de telles illusions, tout s'éclairait.
Les vers mystérieux ressurgirent de son souvenir, se précipitèrent, allèrent s'échouer sur ses lèvres.

« Is all that we see or seem but a dream within a dream ? »

Sa demande sincère resta sans réponse.


Dernière édition par Sinéad O'Hegarty le Mar 23 Aoû 2011 - 22:31, édité 1 fois
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MessageSujet: Re: [RP] Nix et Nox (terminé) [RP] Nix et Nox (terminé) EmptyDim 14 Aoû 2011 - 15:38

L'hiver, le sale hiver était là. La neige était blanche tout à fait ; on le voyait sous l'éclairage diffus des lampadaires transis, et toute la Terre semblait recouverte d'un épais manteau de neige. Les flocons tombaient dans une violence silencieuse, presque douce. Ils paraissaient la mort sous sa forme la plus pure – la plus épurée, la plus lisse des morts. La mort non pas voilée mais elle-même voile.
Le froid était d'une plus grande violence, mais d'une violence autre encore ; il avait une manière passive de se manifester, plus reptilienne aussi. Sa façon très propre de s'insinuer à travers toutes les couches de peaux, artificielles comme naturelles, cette politesse dans la façon d'aborder l'autre : si le froid était un homme, c'eût assurément été un gentilhomme.
On pouvait entendre quelques craquements de neige et voir quelques traces de pas qui partait de l'Institut et n'arrivait nulle part. Une silhouette brisait les flots : c'était Sinéad, tremblante, vêtue chaudement pourtant. Il était six heures et demie du matin, heure encore bien matinale pour les pensionnaires de l'Institut, surtout en hiver. Autant dire qu'il devait y avoir deux ou trois personnes éveillées dans le bâtiment tout au plus. Sinéad était la seule assez folle pour se promener dehors à cette heure.

Que faisait-elle ici ? Elle prenait l'air en quelque sorte, elle se vivifiait l'esprit. Elle essayait de se purifier en une sorte de contact avec la nature, une nature qu'elle détestait pourtant. Elle tentait, dans cet espace devenu presque uniforme, de se vider l'esprit, comme si elle pouvait s'imprégner du caractère d'absence de ce paysage. Elle cherchait donc ce paysage pour état d'âme.
Cette méditation n'était qu'un prélude à une autre activité : elle voulait vérifier son hypothèse, voir si oui ou non ses pouvoirs s'étaient étendus à nouveau. Elle jugeait que la meilleure méthode pour cela serait de créer une illusion de son plein gré. Elle avait réfléchi que, de la même manière que, plus jeune, elle n'avait pas su maîtriser ses rêves, alors si c'était bien elle qui provoquait ces illusions, elle ne les maîtrisait pas plus. Et donc de la même manière qu'elle avait réussi à dompter ses rêves, elle saurait dompter ses illusions.
C'était un exercice hasardeux. Mais elle avait déjà une idée de comment procéder, s'inspirant de la manière dont elle créait ses rêves. Elle observa le paysage, clarté dans l'obscur. Elle ne sentait presque déjà plus le froid – ce qui était une manière de dire qu'elle avait déjà bien trop froid. Elle arriva au lac. Sa surface était glacée : une sorte de piège malveillant pour les étourdis ou les imprudents, qui pourraient bien y poser le pied. Alors la surface se craquerait, et dans un bruit soudain et bref – un bruit de cassure, un cri, des éclaboussures sonores –, elle tomberait. Il serait facile de s'y laisser voguer. Le froid ne serait qu'une caresse acide, presque un dernier ami. Alors en ouvrant les yeux, elle verrait à travers la nuit les cristaux sublimes de glace, et le jeu des réfractions des lumières artificielles. Le spectacle serait infiniment beau. Et pendant qu'elle commencerait à manquer de souffle, elle verrait au-delà : un monde idéal, un monde solaire et où le froid n'était qu'une douce chaleur, la neige une simple beauté. Elle verrait sa fille Aisling et ses parents ensemble, elle verrait ses amis et l'Institut rassemblés. Plus loin encore, elle verrait un univers dans lequel il n'y avait ni homo superior ni homo inferior mais simplement des êtres humains ; plus de vaccin Genesis et plus d'inquiétude. C'était un monde enivrant dans lequel elle se laisserait plonger. C'était un paradis ou un rêve : c'était les deux, c'était le songe d'un Éden inaccessible. Alors dans cette vision ataraxique, dans cette nuit qui serait devenue blanche, dans l'aube d'un nouveau jour et d'une nouvelle vie, elle fermerait les yeux.
Sinéad étouffait, subitement éveillée. Elle était dans l'eau, glacée, agitée soudainement. Elle comprit qu'elle était tombée stupidement. Son corps meurtri ne lui répondait que trop lentement. Elle se débattait de ses forces vives, remontant avec peine à la surface. Il faisait si froid. Il eût en effet été facile de se laisser emporter. Sinéad n'y pensa pas un seul instant : tendue par l'effort de reprendre le contrôle de ses membres, de faire bouger cette chair contre la nature injuste, la femme, mère d'abord, humaine aussi, l'emporta enfin et son corps obéit. Une énergie sauvage la poussa jusqu'à la surface. Elle transperça le film de l'eau, but une grande gorgée d'air. La vie rentrait dans ses poumons, elle nagea jusqu'à la rive proche et monta sur la berge. Grelottante, Sinéad s'éloigna. Trempée, elle était tremblante. Elle se demanda ce qui s'était passé. Elle avait un souvenir très diffus d'être tombée, mais ce ne semblait alors qu'une idée. Et soudainement, la voilà dans l'eau. Sinéad reprenait ses esprits peu à peu, tout en marchant vers l'Institut. Le paysage avait perdu de son calme, il semblait bien plus agressif et plus brut dans sa violence. Il s'était dévoilé : la neige n'était plus une mer tranquille, mais un champ ennemi et piégeur. Cette forme blanche et malsaine, révélée, n'avait plus rien de doux : c'était une traîtresse odieuse aux allures séductrices.
La mutante se calmait, raisonnait, s'expliquait : elle avait encore eu cette impression d'étrangeté, marque de ce qu'elle prenait pour des illusions. Sans aucun contrôle dessus hélas. Mais, et elle savait en pensant ça que ce n'était pas un détail anodin, cela s'était bien produit lorsqu'elle l'avait voulu.


Elle émergea très doucement d'un sommeil sans rêve et ouvrit les yeux. Par la fenêtre, on pouvait voir le jardin enchanteur et halluciné. Il neigeait encore doucement. Les flocons tombaient en meurtriers, s'entassaient les uns sur les autres, formaient d'épaisses couches blanchâtres à la lueur du Soleil. Des silhouettes lui apparurent. Un désespoir transcendant s'empara d'elle et au grand jour elle vit que la nature et l'humanité étaient enterrées en-dessous d'eux.



(Liszt – Chasse-neige)
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