_ Voyez sur cet… euh… hologramme, le mignon Podarcis…euh… sicula.

***526… 527…***

_ Ce lézard… euh… a été introduit en 1971 par l’équipe de Nevo, sur… euh… l’île Dalmate en mer Adriatique… euh… Il y a été abandonné à lui-même pendant… euh… 33 ans. C’est en 2004 qu’il a été… euh… redécouvert par Irschick et Herrel…

***528… 529… 530… 531… 532…***

Comptant patiemment les « …euh… », Maria mordillait avec ennui le bout de son stylo. Hubert Farnsworth était certainement un génie dans sa spécialité, mais quel piètre orateur !
_ En l’équivalent de trente générations… euh… le Podarcis sicula avait évolué de façon très… euh… significative. Le lézard avait grandi, sa mâchoire était devenue… euh… plus puissante, et surtout il avait changé de régime alimentaire : d’insectivore… euh… il était devenu herbivore, et des valves cæcales étaient apparues au niveau… euh… de ses intestins, ce qui lui permettait désormais de digérer les herbes. Cette… euh… découverte confirme, s'il en était encore besoin, que l'évolution n'est pas… euh… une théorie parmi d'autres, mais un phénomène… euh… biologique concrètement observable, et pas seulement chez… euh… les virus, les bactéries ou les espèces domestiquées…

***… 541 !***

Du coin de l’œil, Maria vit que l’holocaméra de la BBC était en train de balayer une autre partie de l’amphi. Le moment où elle pouvait se laisser aller à décrocher était enfin venu ! Elle posa son stylo sur son bloc note vierge et changea de position, ses fesses comprimées étaient toutes engourdies. Avec des manières de chat, elle leva les bras, s’étira en faisant craquer sa colonne vertébrale et bailla silencieusement, le gant blanc placé bien poliment devant la bouche. Le fait qu’elle fût assise au centre du troisième rang de l’amphi, juste sous le nez du professeur ne la gênait pas le moins du monde, tant qu’elle n’était pas filmée.

Si elle était aujourd'hui à Londres, ce n’était ni par amour de la biologie, ni pour le climat local… Mais elle était devenue, depuis la conférence de presse, un visage connu de la Confrérie Moderne et donc sa présence ici était essentielle pour leur image de marque. D'ailleurs, pour être sûre qu'on la reconnaisse bien, elle avait adopté exactement le même look : le même tailleur strict blanc et le même chignon sévère.
« Voyez-vous, chers citoyens du monde, nous ne sommes plus des brutes ! Nous sommes même devenus des intellos ! Même qu'on participe à des conférences incompréhensibles ! »
Et bien sûr, ça n'allait pas être Kenjiss qui allait se sacrifier pour cette tâche ! Maria sentait qu'il ne lui avait toujours pas pardonné les dix minutes du Beau Danube Bleu. Cette conférence ennuyeuse à mourir ressemblait fort à un acte de vengeance !

Désormais, les paroles du brave Hubert entraient par une oreille et ressortaient illico par l’autre. Elle souleva le cuir de son gant pour jeter un œil à sa montre : encore cinquante bonnes minutes face à ce raseur !
Assis à ses côtés, le menton posé sur son poing, Terry semblait avaler les paroles du biologiste. Mais écoutait-il vraiment ou bien dormait-il les yeux ouverts ?
Un petit coup de stylo sur la joue apporterait la réponse… Maria se colla au fond de son siège pour être hors du champ de vision de sa victime et approcha délicatement la mine pleine d’encre.
L’holocaméra revenait vers le centre de l’auditoire. Il fallait qu’elle exécute son méfait suffisamment rapidement pour ne pas être filmée... mais aussi suffisamment lentement pour ne pas éveiller les soupçons de Terry, si jamais il était assez conscient pour en avoir.
Hop ! Elle y était ! La pointe froide du stylo touchait la peau du caméléon… Et ils étaient encore hors champ ! Allait-il avoir une réaction normale d'homme éveillé ?

Cherchant une distraction - n'importe quoi ! - au discours soporifique Chiara balayait l'assemblée des yeux lorsqu'elle surprit le regard amusé de son voisin. Il fixait les bloc de feuilles posé devant elle. Consciencieuse elle l'avait amené pour prendre des notes. Résultat : chaque centimètre carré de papier était recouvert de gribouillis.
En d'autres circonstances Chiara aurait été génée d'être aussi inattentive. Disons aussi ouvertement inattentive. Mais les circonstances étaient loin d'être normales...

Peu après son arrivée à l' Institut Chiara avait décidé de s'intéresser de plus près au phénomème mutant d'un point de vue scientifique. Malheureusement sa formation littéraire la laissait démunie devant un tel sujet. Elle avait entamé plusieurs fois de nombreux pavés obscurs sans en retenir ni en comprendre une ligne.
Et puis un jour, miracle ! Elle était tombé par hasard sur un essai de vulgarisation scientifique du Dr Hubert Farnsworth. Elle l'avait dévoré d'une traite. Son style fluide et clair l'avait particulièrement passionnée.
Dès la nouvelle de sa venue au British Museum pour une conférence Chiara avait libéré sa journée, enchantée de pouvoir enfin rencontrer ce grand homme.

Le moins qu'on puisse dire c'était que ses attentes n'étaient pas comblées... Autant l'auteur était doué, autant l'orateur était pathétique !
Chiara retenait des soupirs exaspérés et fixait l'horloge depuis le début de la présentation. Le Dr Farnsworth était chanceux d'avoir en assistance d'adultes respectueux en face de lui ou il y avait fort à parié que l'amphithéatre se serait déjà bien vidé.

Cherchant une nouvelle occupation maintenant que ses papiers étaient bien remplis, Chiara jouait distraitement avec son crayon. Comme il fallait s'il attendre, celui-ci lui echappa bientôt des mains et atterit sur les genous de son voisin.

"Désolée" fit-elle avec un sourire.

Et si un sourire avait jamais pu exprimer "désolée mais vous me comprenez, hein ? Bon sang cette conférence est interminable !" c'était celui-là.

[Si tu veux être mon dit voisin Luc, n'hésite pas =)]

Au début, Terry était parti très enthousiaste à l'idée d'assister à cette conférence sur les mutations, l'évolution et les reptiles. Charmantes petites -ou non- bestioles qu'il considérait bien évidemment d'un tout autre œil depuis sa mutation qui avait fait de lui un homme caméléon. Seulement, s'il avait fait tout son possible pour rester attentif au début de la conférence, sa concentration vacillait à présent de plus en plus. Le sujet de la conférence n'étant pas tant à remettre en cause, mais plutôt son orateur. Une chose était sûre, il avait bien de la chance d'avoir Maria à la Confrérie. Jusqu'à présent, il n'avait vu personne d'autre lui arriver à la cheville.

Et en parlant de Maria, justement, celle-ci était assise à côté du jeune homme et tout comme son homologue masculin, son attention avait depuis longtemps dérivé vers d'autres horizons. La joue de Méléon, plus précisément. Terry avait bel et bien perçut des mouvements bizarres à ses côtés mais n'avait pas réagit, laissant faire la mutante pour voir ce qu'elle avait inventé pour passer le temps. Lorsque la pointe froide du bic caressa sa joue, un léger sourire s'afficha sur son visage. Il répondit tout simplement, tout en gardant la tête bien droite.

"Je te conseille de retirer tout de suite ce stylo de ma joue si tu ne veux pas le retrouver collé au plafond. Il agita discrètement sa main gauche, recouverte de son habituelle mitaine noire, son poing droit soutenant toujours son menton. Vois-tu, j'estime être parfaitement capable de barioler de couleurs ma peau, tout seul et de façon naturelle..."

Allusion plus qu'ouverte à son pouvoir évidement. Il avait mis du temps, mais aujourd'hui Terry s'acceptait presque comme il était. Son reflet dans le miroir ne l'effrayait plus autant qu'avant, mais ce n'est pas pour ça non plus qu'il passait son temps à admirer ses écailles devant un miroir. Fallait pas trop en demander non plus.

Cependant, son ton n'était pas méchant. Il s'agissait plus d'une boutade, même s'il lui en voulait encore pour sa prestation remarquable et surtout remarquée lors de la Conférence de Presse...

L’ambiance générale dans ce genre de conférence était toujours la même. L’ennuis et une base de cancanerie venu des autres scientifiques.

Damon comprenait l’ennuis. C’était une chose qu’il ne pouvait que bien comprendre d’ailleurs.
Mais contrairement à ce que pouvait laisser supposer son allure d’homme de Neandertal, il adorait ces représentations. Il buvait chaque parole, cherchant des points commun avec sa propre histoire peut-être pour mieux se comprendre lui-même.


C’est pourquoi cette histoire du Podarcisicula le captivait. Avec une attitude digne d’un élève de faculté, il prenait des notes sur ce qu’il pensait être intéressant et important pour lui.
Une voix attira son attention derrière lui. Mais il luta pour rester concentrer. Il avait été coupé du monde en quelques sortes pendant des semaines entières, mais il avait reconnu quelques visages connu du monde mutant si il en croyait les coupures des presses. Et a son grand damne son attention passait souvent du docteur à ces fameux visages.
Il cherchait quelque chose qui les distinguaient des autres, mais il ne trouvait rien. Ce qui le rassurait grandement. Si des gens comme eux pouvaient vivre en paix avec leurs dons, il pourrait peut-être y arriver lui-même un jour.

Néanmoins, un détail accrocha son regard deux rangs devant le sien. Il reconnu Luc pour l’avoir aperçu dans le parc quelques jours avant. Amusant… tout comme Damon lui-même. Il ne se serait jamais imaginé cet homme dans ce genre de lieux.

Se faisant violence, il rééquilibra néanmoins sont esprit sur la conférence. Il ne voulait pas devenir comme la masse somnolente. Qui sait, les informations pouvaient encore être intéressantes !
Il se retrouva a pouffer comme un idiot à ses propres pensées, on aurait dit un vieux docteur a moitié gâteux qui voulait à tout prix trouver comment changer le plomb en or.

" Idiot... "

Il équarquilla les yeux en entendant le propre son de sa voix lui parvenir. Voila qu'il parlait tout seul maintenant.
Il tourna la tête à droite et à gauche, son visage exprimant un réel embarra.

" Désolé. "

Pour seule réponse il n'eu que des " Shhhhht ! " ennuyeux des gens l'entourant.

Avec un sourire tiré jusqu’aux oreilles, Maria retira son stylo.
_ Désolée, chuchota-t-elle, je vérifiais, c’est tout…

Il était sympa Terry -bon, bien sûr, Maria trouvait qu’il était parfois un peu donneur de leçons et moraliste- mais il faisait partie de ceux qu’elle considérait comme les « modérés » de la confrérie. Modéré dans le sens où il ne se la jouait jamais façon bad boy lugubre, maussade et au silence désabusé comme beaucoup d'autres. Pour s’entendre avec lui, elle avait compris qu'il suffisait simplement de ne pas trop le chatouiller... Enfin, pas trop longtemps !

_ Chez la bactérie …euh… le taux d’erreur typique est de… euh… 0,01 base modifiée par génome répliqué. Donc …euh… sur … 100 réplications de génome…euh… l’un de ces génomes contient une base mo… modifiée… euh… Ces mutations participent à… à…à l’évolution de l’organisme.

Pour illustrer ses propos embrouillés, Farnsworth appuya sur le bouton de son holoprojecteur. Une colonie de bactéries en pleine mutation se matérialisa au dessus de lui.

Malgré l'esthétisme indéniable de l'hologramme, Maria s’ennuyait de plus belle. Il fallait absolument qu’elle trouve une occupation qui puisse la distraire une minute. Elle détourna discrètement la tête vers les spectateurs, histoire d’apercevoir quelques têtes connues. Des représentants de l'Institut, peut-être ? Asakura, Hara ou encore Lemington avaient-ils daigné faire le déplacement ? Apparemment pas… Ils se souciaient moins de leur image de marque que la Confrérie !

_ Une modification de… l’ADN peut entrainer… euh… un changement dans… euh… dans une protéine. Chacun… euh… des 20 acides aminés existant dans …euh… la nature est… euh… codé par 3 bases d’ADN.

Maria se pencha vers Terry :
_ Bon, moi, ras le bol, je m’accorde une pause café… Il en est encore à parler des bactéries, je pense avoir une certaine marge avant qu’il n’aborde le sujet des homo superior.

Tout l’amphi allait remarquer son départ, mais tant pis… Elle n’en pouvait plus ! Sans attendre l’avis de son collègue, elle décroisa les jambes et commença à contracter les muscles de ses cuisses pour se lever. A l'instant même où ses fesses entamaient le premier centimètre de leur ascension, un miracle se produisit...

Le dieu des martyrs de l’ennui vint pointer du doigt l’holoprojecteur source d'images en trois dimensions et de lassitude en haute définition.

Farnsworth fut coupé au beau milieu de sa phrase par le cri de l’appareil électronique rendant l’âme. L’ADN de bactérie qui flottait au-dessus de sa tête disparut en un grésillement. Maria relâcha ses muscles et retomba sur ses fesses, un sourire béat naissant sur les lèvres.
Déjà, dans l’assistance, comme toujours dans ce genre de situation, une symphonie des murmures s’élevait en crescendo. Maria ne se gêna pas pour rejoindre le concert :
_ Quel soulagement, chuchota-t-elle à Terry d’un air ravi, je parie que c’est l’œuvre d’un spectateur mutant accablé par l’ennui. Il faut absolument qu’on le trouve pour l’engager, j’aime déjà ses initiatives !

Hubert le biologiste était maintenant dos à son public, en train de trifouiller les prises de son appareil. Un technicien en blouse blanche vint le rejoindre, un tournevis à la main. La douce symphonie des murmures était en train de muer en concert de black métal.
_ Veuillez excuser ce petit incident technique, fit un Farnsworth dépité en rebranchant le micro, le temps de retrouver un holoprojecteur, nous reprendrons la conférence d’ici un quart d’heure !

Yiipppahhh !! Maria fit un bond de son siège, se détacha les cheveux et les agita pour les démêler, comme si elle jouait une pub pour un shampoing antipelliculaire lambda.
_ Caféine !! Clama-t-elle joyeusement à Terry.

Pause aussi miraculeuse que bienvenue, mais Maria trouverait-elle le courage de revenir s’asseoir dans un quart d’heure ?

[HJ : J'ai pensé qu'il serait plus simple de faire rencontrer nos persos ainsi ! /HJ]

Chiara allait répondre à son voisin, ravie de la distraction qui s'offrait à elle, lorsque le projecteur 3D rendit l'âme. Apparemment quelqu'un dans la salle avait trouvé la bonne divinité à qui s'adresser.
Un long soupir de soulagement lui échappa tandis qu'elle étirait ses muscles endoloris par tant d'inaction. A dire vrai la partie de son anatomie la plus touchée n'était pas musculaire : en un mot comme en cent, elle avait mal aux fesses !
Autant profiter de ce répit qui - pitié, pitié, pitié - s'étirait peut-être au-delà du quart d'heure prévu.

"Ça vous dit de sortir prendre l'air ? J'ai cru voir des distributeurs en passant. Un petit café peut-être ?"

Pour sa part elle se contenterait de respirer un bon coup. Elle refusait fermement de boire quoique se soit sorti d'une machine automatique. Question de principe !
Elle tendit un main gantée vers son voisin, un sourire poli aux lèvres.

"Je m'appelle Chiara au fait. Enchantée."

La journée était agréable, la conférence interrompue et Chiara se sentait d'humeur à sociabiliser. Malheureusement sa bonne volonté fut contrariée par la vue, quelques mètres plus haut, d'un visage familier. Damon Quelque-Chose. Ce type qu'elle avait rencontré peu de jours auparavant dans un bar.
Qu'est-ce qu'un jeune musicien faisait à une conférence sur l'évolution ?

"On y va ?" pressa-t-elle son voisin.

Elle préférait éviter de croiser Damon. En femme organisée Chiara aimait compartimenter sa vie et cette conférence, aussi soporifique soit-elle, était classé dans "mutant". Hors de question de remixer cela avec une rencontre de "bar".

Oh miracle!! Bien qu'il ai trouvé quelqu'un d'aussi ennuyé que lui pour égailler un peu cette séance de torture, Luc vit avec soulagement l'holoprojecteur griller, ce qui en soit était un accident rare. L'étudiant soupçonnait qu'une main étrangère n'y était pas pour rien, mais là le plaisir de pouvoir lever son derrière pour aller prendre l'air surpassa ses doutes. La jeune femme à coté de lui lui proposa d'aller boire un café en attendant, proposition qu'il accepta bien volontiers.

"Je vous suis. J'ai besoin de prendre l'air moi aussi. Cette salle commence à être étouffante. "

Les deux jeunes gens sortirent d'un pas légèrement pressé, comme beaucoup d'autres autour d'eux. L'ennui avait semble-t-il gagné un grand nombre de personne, qui n'avait attendue qu'une seule chose, pouvoir échapper au discours soporifique du professeur.
En sortant, la jeune femme se présenta. Chiara. Un nom pas commun, qui sonnait joliment quand elle le prononçait.
Luc lui serra la main, gantée remarqua-t-il, qu'elle lui présentait.

"Enchantée Chiara, ravi de vous rencontrer. Je m'appelle Luc Treanez. "

Luc jeta un coup d'oeil aux machines à café, mais elles semblaient prises d'assaut. L'étudiant préféra attendre un peu avant de tenter de se frayer un chemin jusqu'aux distributeurs.
Il observa un peu le monde qu'il y avait autour de lui, se demandant combien de mutants étaient là, se cachant parmi la foule anonyme. surement plus que l'on ne pouvait l'imaginer.
Il se tourna vers Chiara.

"Je crois que pour le café ça va être juste, mais au moins on a pu détendre un peu nos pauvres arrières trains.
Je pense que l'on peut plutôt aller prendre l'ai... hé!! "

Luc venait d'être coupé dans sa phrase, bousculé par quelqu'un, qui se dirigeait vers les distributeurs comme tout le monde. Une femme. Il put voir son visage, qui lui disait quelque chose. Mais il s'en occuperai après.

"Faites attention où vous mettez les pieds! "

( dsl Mary c'est tout ce que j'ai eu comme idée.... )

* Mince, mince, mince, mince et…mince ! *

Un homme finit par débarquer un peu à la hâte dans le hall des distributeurs. Chemise blanche à col ouvert, un imperméable, des chaussures reluisantes et un porte document sous le bras, cet homme avait l’air d’une personne la plus classique du monde dans le British Museum.

Son regard sérieux, sa démarche rapide, mais pour le moins abstraite de bruits, il traversa le hall ne songeant même pas à regarder les gens qui étaient présents aux distributeurs.

Depuis la nouvelle théorie selon laquelle la mythologie n’est peut être pas seulement issue de l’imagination de gens créatifs ou usant de produits hautement nuisibles pour la santé mentale et que les actes narrés les plus héroïques étaient le fruit d’individus disposant de propriétés spéciales appelés plus communément mutants, Deklan s’était vivement intéressé au sujet de l’évolution des espèces. Et n’en fut-il pas réjouit lorsque une conférence sur ce même sujet avait lieu à Londres.

Malheureusement, entre les appels téléphoniques, la moto qui a eut du mal à démarrer ce matin pour amener le fiston à l’école, les bougies de l’engin à changer, des papiers à aller chercher, il n’avait pu se rendre à la conférence que maintenant.

Il était conscient d’être en retard et c’est pourquoi il alla comme une fusée dans l’amphithéâtre… Mais une fois à l’intérieur, le calme plat. Il y avait bien sûr quelques personnes qui attendaient mais aucune conférence, aucun discours généralement barbant à souhait mais qui était parsemé parfois d’informations intéressantes à noter sur un coin de feuille. Il regarda sa montre deux ou trois fois se demandant s’il était en retard ou en avance.

Dans l’un des cas, il était assez chanceux, dans l’autre pas. Mais il remarqua que des employés attelés à l’entretien du lieu tentaient de faire du bricolage sur l’holoprojecteur en panne tandis que d’autres en ramenait un à installer.

« Rhaaa… Je me demande si j’ai loupé quelque chose. »

Il fit demi tour et revînt dans le hall. Une fournée de gens s’accollaient aux distributeurs attendant leur tour pour reprendre vie comme qui dirait, en buvant le liquide noir qui parfumait déjà la pièce. Il supposa alors que la conférence avait bien commencé mais qu’à cause de l’holoprojecteur, une pause s’était imposée.

Deklan espéra quand même avoir confirmation et savoir s’il avait raté quelque chose d’important. Il se rapprocha alors vers la première personne qui se trouva devant lui…

« Hum hum… Excusez-moi », dit-il d’une voix qui se voulait mure, calme et dénuée de tout aspect sentimental.

Il attendit que le personne se retourne puis continua :

« La conférence aurait-t-elle déjà... commencé ? »

Et pourtant, Samarah était bien là. Tout en haut de l’auditoire, dans un coin, près de la porte, habillée dans un tailleur noir et cachée derrière une paire de lunettes de soleil et une cascade de cheveux bruns coiffée en un chignon (elle avait pris l’habitude de les attacher lors de ses quelques apparitions en faveur de l’Institut). Elle observait l’assemblée, écoutant distraitement l’oratoire du vieil homme qui, pour être vraiment honnête ne l’intéressait pas du tout. Du moins tant qu’il n’aurait pas atteint le vif du sujet. Parce que les bactéries, c’étaient bien sympa, mais à petites doses s’il vous plaît. Et puis Samarah n’était pas vraiment quelqu’un de ‘scolaire’. Le destin avait abrégé son parcours à l’école et elle n’avait jamais repris d’études, préférant apprendre d’elle-même ce qui l’intéressait. Et puis, la gestion de l’Institut en sous marin occupait le reste de son temps. Car si elle avait proposé la direction de l’Institut à ses amis, elle n’en n’était pas moins restée propriétaire puisque le bâtiment qui accueillait aujourd’hui les mutants égarés constituait son héritage qu’elle avait mis à disposition de leur projet commun. Et par delà le fait qu’elle n’aimait pas s’occuper de la paperasse, elle en avait quand même un minimum à consigner pour tout ce qui concernait des modifications du terrain et bien entendu des factures diverses.

Tout en bas, le vieil homme continuait son monologue et à défaut d’avoir réussi à intéresser son public sur la passionnante petite vie des microorganismes, il était parvenu à plonger l’auditoire dans une profonde torpeur. Bon. Si elle n’agissait pas maintenant, ils en seraient encore au cycle de la reproduction bactérienne demain midi. La jeune femme lorgna discrètement en direction du petit projecteur et celui-ci émit un bruit suspect avant d’émettre une minuscule colonne de fumée tout aussi suspecte. Bien. Voilà au moins une bonne chose de faite. Le projecteur n’étant plus en état de continuer la conférence, ils eurent droit à la pause que tout le monde attendait. Par petit groupe, l’assemblée vida les lieux pour se retrouver soit devant les distributeurs, soit à l’extérieur pour prendre une bonne bouffée d’oxygène. La mutante ne fit pas exception et sortit à son tour de l’auditoire. Il y avait du monde autour d’elle, mais cela ne l’affecta pas plus que d’ordinaire. L’agoraphobie dont elle souffrait depuis son enfance n’avait jamais vraiment disparu, tout au plus était-elle parvenue à la contrôler, du moins tant qu’il n’y avait pas d’élément perturbateurs.

Elle reconnut une des ses collègues au loin, mais une voix qu’elle connaissait bien l’empêcha de la rejoindre. Elle se retourna

"Suis-je méconnaissable à ce point ? Je sais que je ne porte pas souvent ce genre de tenue, mais quand même !"

Puis, elle sourit au jeune homme en retard qui n’était autre que son ami Deklan et le charia :

"Je vois que tu es toujours aussi ponctuel, la conférence a commencé depuis plus d’une heure, mais ne t’en fais pas, tu n’as absolument rien raté ! Suis-moi, allons rejoindre Chiara, elle a l’air d’avoir de la compagnie"

Car si l’activiste confrériste, Maria, ne l’avait pas vue dans l’auditoire, ce n’était pas le cas de Samarah qui avait repéré quelques têtes ‘ennemies’ dans l’assemblée. Et entraînant Deklan derrière elle, Samarah se fraya tant bien que mal un chemin dans la foule jusqu’aux distributeurs…

Kenjiss avait toujours détesté les conférences des divers génies en biologie qu’il avait eut l’honneur de se farcir pendant quelques années… Aussi avait il tendu son billet d’avion à sa chère secrétaire avec un sourire carnassier et l’assurance qu’elle allait trouver le professeur Farnsworth paaaaaassionant, mais si ma chère, mais si. Il l’avait ensuite regardée partir avec son entrée au purgatoire, dissimulant autant qu’il le pouvait la joie d’échapper à cette conférence.

Et pourtant, en directeur consciencieux, il ne pouvait évidemment pas abandonner ses poulains seuls dans la nature… Quant bien même les poulains en question étaient depuis longtemps adultes et majeurs, et autrement plus capables qu’un grand type tatoué de se fondre dans la foule. Les mauvaises langues auraient sans doute rapidement fait le lien avec la monotone routine qui insupportait le mutant, mais le fait était établi, Kenjiss était lui aussi in ze place. Certainement pas assis dans la foule, buvant les paroles de Farnsworth… Il avait envoyé Maria à cette conférence, c’était bien assez ! En fait, l’honorable directeur de la Confrérie avait sournoisement subtilisé la place de Gordon. Gordon, agent de sécurité, serait en état de se lever dans une bonne semaine, lorsque le poison à tendance laxative aurait disparu de son organisme… En attendant, c’était Kenjiss et non pas Gordon qui allait devoir assurer la sécurité de la conférence, oreillette toujours aussi discrète qu’au début du siècle à l’oreille, bras croisés en gonflant les épaules.

Les distributeurs ? Au fond de la pièce monsieur. Du café ? Très fort ? Il y en aura sans doute...

Affublé d’une perruque blonde, d’un costume convenant à sa fonction, Kenjiss jouait son rôle avec l’humilité qui convenait. En réalité c’était amusant… Le seul point noir de cette affaire était la démangeaison atroce de la peau synthétique de son visage. En 2051, personne n’avait été foutu d’inventer une colle non irritante, c’était un comble ! Il avait déjà disparu trois fois aux toilettes pour soulever le masque et éviter de devenir fou à force de refréner l’envie d’arracher cette saloperie pour partir en courant… La sortie des invités lui permit de penser à autre chose. Il nota rapidement quelques têtes connues, amis comme ennemis… Entre autre Samarah Lemington, qui serait sans doute capable de le percer rapidement à jour. Les confréristes pourraient sans doute se douter également de quelque chose. La peau synthétique était particulièrement facile à mettre en place, mais elle ne modifiait pas grand chose des traits du visage… Peu importe. Bien que personne ne soit au courant de sa venue, ils seraient sans aucun doute discrets.

Kenjiss jugea bon de changer de place, autant pour éviter d’être emporté par la marée humaine que pour sécuriser le croisement couloir des chiottes-distributeurs hors de prix. Déplaçant sa masse costumée et son roulement d’épaule adéquat, il alla se coller dos au mur, survolant la foule d’un regard dur convenant à sa fonction, la bosse du flingue sous son aisselle bien en évidence, paré à intervenir, au cas ou de vils mutants seraient dissimulés dans la foule… La vue d’ensemble que lui conférait sa place était parfaite. Il avait un œil sur toutes les têtes connues des alentours….

Oui madame, au fond à droite.

… Et il servait de panneau indicateur pour chiottes. Maudissant les concepteurs de la salle, mal foutue au possible, la foule qui empêchait une personne normalement constituée de se douter de l’emplacement des commodités, Kenjiss se résigna à indiquer les toilettes à une bonne demie douzaine de personnes en trente secondes.

Oui monsieur j’ai vu cette personne se diriger vers les commodités. Monsieur ?! Vous ne pouvez rentrer dans les toilettes dames, pas plus qu’un autre homme. En effet c’est regrettable… Non personne ne l’accompagnait… Un grand brun costaud vous dites ? Non… Navré.

Comme l’assemblée au grand complet, Terry accueillit avec une reconnaissance non feinte le ou la responsable de la mort du projecteur. Paix à son âme. Maria avait cessé de le peinturlurer avec son stylo, trop pressée de pouvoir sortir de l’auditoire et il la rejoignit à l’extérieur. La foule s’était empressée auprès des distributeurs, avide de s’offrir quelques gouttes d’un liquide noir censé réveiller les esprits même les plus endormis.

"Je suis sûr que Kenjiss nous a envoyé ici exprès, après ce qu’il s’est passé l’autre jour à la Confrérie. Il devait se douter que cette conférence serait d’un ennui total"

S’il avait su que son cher supérieur était à quelques mètres à peine, en train de discuter papier WC et tasse à café, il aurait bien vite retiré ses paroles. Mais au fond de lui, il savait qu’il y avait quand même une autre raison à leur présence ici, plus honorable que l’idée de sanction. Cette conférence sur l’évolution était annoncée depuis plusieurs semaines et les plus éminents scientifiques et spécialistes du monde entier s’y étaient donné rendez-vous, dans le but très clair de comprendre la mutation qui touchait désormais une partie importante de la population mondiale et si elle se déroulait à Londres, c’était bien pour que les principaux intéressés puissent également s’y rendre. Aussi, les représentants des Institutions mutantes avaient été invités et tant l’Institut que la Confrérie avait envoyé ses moutons sur le terrain. Pour faire acte de présence. D’ailleurs, il avait repéré la tristement célèbre Samarah Lemington dans la foule. Terry ne l’appréciait pas particulièrement, mais tant qu’elle n’empiétait pas sur ses plates bandes, il entretenait ce que l’on pourrait qualifier de relations diplomatiques. Et il en était de même pour la jeune femme. Pourtant, ces deux-là avaient bien plus de choses en commun qu’ils ne le pensaient…


"Au moins, nous ne sommes pas venus pour rien, le chef aura les renseignements qu’il veut. Nous sommes là et l’Institut... aussi" dit-il à Maria en désignant d’un vague signe de tête la mutante qui s’approchait de sa collègue et des deux compères confréristes par la même occasion

Au passage, Maria semblait avoir bousculé quelqu’un et Terry lui lança un regard curieux. Il ne savait pas ce qu’il risquait à défier la jeune femme…

La course était lancée. Le coup de pistolet avait été donné quand l’holoprojecteur poussait son dernier râle, mais Maria avait fait un mauvais départ ! Mauvaise idée en vérité de s’être installée au troisième rang : alors qu’elle arrivait enfin aux portes de l’amphi, c’était déjà la cohue. Telle une foule dans un centre commercial à qui on aurait annoncé une alerte à la bombe, les auditeurs du professeur Farnsworth se massaient à la sortie de la salle.
Un bouchon, tout ça pour un café !
Courir était devenu inutile, la russe se contenta, dépitée, de suivre la lente marée humaine…
Elle avança d’un pas.
Ah ! S’il y avait un peu moins d’homo inferior sur Terre, elle aurait été sûre d’avoir sa dose de caféine nécessaire à la poursuite de la conférence.
Elle avança d’un deuxième pas.
…Mais là, l’espoir s’amincissait avec le temps.
Elle envisagea un court instant de jouer la blessée pressée de sortir, elle avait même retiré un gant pour se scarifier en hurlant et ainsi accéder plus rapidement à l’extérieur. Mais la stupidité de l’idée se révéla rapidement à son esprit. Après sa scène à la conférence de presse, mieux valait pour elle éviter un scandale, elle avait déjà donné.
Elle était en train de faire un troisième pas quand le bouchon commença à s’évacuer.
Elle sortit dans le couloir et regarda au loin. Les machines à cafés apparurent à l’horizon. Déjà, Terry l’avait rejointe, ce petit malin avait dû passer tranquillement juste après la marée humaine et avait rattrapé son retard en quelques enjambées. :
"Je suis sûr que Kenjiss nous a envoyé ici exprès, après ce qu’il s’est passé l’autre jour à la Confrérie. Il devait se douter que cette conférence serait d’un ennui total"

"_ Je suis arrivée sensiblement à la même conclusion, répondit la russe, les yeux au loin, je pense qu'il serait bien de lui offrir l'holoDVD de cette conférence pour son prochain anniversaire, juste histoire de le remercier !'

Les distributeurs de café s'approchaient petit à petit...
"Au moins, nous ne sommes pas venus pour rien, le chef aura les renseignements qu’il veut. Nous sommes là et l’Institut... aussi"

Maria regarda dans la direction en prolongement du menton de Terry. A quelques mètres, emmitouflée dans des habits noirs et cachée comme un brigand derrière des lunettes de soleil, Samarah Lemington ! LA Samarah Lemington :
" _Qu’est-ce qu’on fait ? Chuchota-t-elle à son acolyte sans quitter la mutante des yeux, on va la voir et on lui serre la paluche ?"

Pour illustrer ses propos, elle brandit sa main toujours dégantée avec un sourire enthousiaste. Elle se sentait d’humeur taquine.
" _Tu crois à ce qu’on dit ? … Comme quoi elle maîtriserait assez son don pour être capable de lire dans l’esprit d’une centaine de personne en même temps ?"

Elle ignorait les réelles capacités de la mutante, était-elle aussi dangereuse que Kenjiss voulait le faire croire ? Un petit test s’imposait : elle regarda la télépathe en chantonnant mentalement :
***_Samaraaaah… Samaraaaah… Tu m’entends ? Un jour, je te saignerai à blanc… Un jour, je drainerai ton sang… ***

Elle avait pensé ces quelques mots sur un ton purement taquin, gentiment blagueur et narquois… Une manière discrète de lui tirer la langue ! La « cerbère de l’Institut » allait-elle l'entendre au milieu de cette foule ? Allait-elle réagir à sa petite provocation ?
Le souci c’est que, toute concentrée qu’elle était sur son petit pied de nez, Maria avançait sans regarder devant elle. Un choc la ramena durement à la réalité :
"Faites attention où vous mettez les pieds! "

Un échalas brun s’était mis en travers de sa route, il ne l’avait pas encore remarqué, mais son avant-bras droit était en train de saigner… Juste à l’endroit où la main nue de Maria l’avait effleuré par accident. A la vue de l’hémoglobine, le visage de la jeune russe se décomposa :
" _Euh… Je suis sincèrement désolée, bredouilla-t-elle d’une voix hachée, mais… je crois que vous vous êtes… blessé…"

Elle ne parvenait pas à quitter des yeux le membre victime de ses enzymes. Avec des gestes nerveux, elle réenfila rapidement son gant. Son front se couvrait de sueurs froides. Il fallait absolument qu’elle s’éloigne de « ça » sous peine de perdre les pédales en public. Elle inspira profondément :
" _Comment vous êtes vous fait ça ? Fit-elle en concentrant ses efforts et son sang froid pour prendre un ton innocent, il vaudrait peut-être mieux aller nettoyer votre plaie !"

Avec un peu de chance, le jeune homme interpréterait son trouble comme une phobie du sang. Après tout, de nombreuses demoiselles défaillent à la simple vue du délicieux liquide rouge.

Deklan n'avait pas encore eut le temps de protester que Samarah et lui se retrouvèrent près de Chiara et un jeune homme que la mutante ne connaissait pas. Samarah salua aimablement sa collègue. Elle savait que Chiara l'avait toujours trouvée... comment dire... bizarre ? Impressionnante ? Mais elle ne lui en tenait pas vraiment rigueur. Après tout, ce n'était pas totalement faux et sa collègue n'était pas la dernière personne à penser ça. Puis son attention se porta sur le jeune homme à ses côtés qu'elle étudia d'un rapide coup d'oeil des pieds à la tête. Une connaissance de Chiara peut-être ? Samarah, de bonne humeur, se montra donc polie malgré sa froideur habituelle.

"Bonjour, je n'ai pas l'impression de vous connaître. Vous êtes un ami de Chiara ?"

Puis, elle aperçut le pansement artisanal fraîchement posé autour du bras du jeune homme. Celui-ci venait apparemment de se blesser et de se soigner avec les moyens du bord.

"Que s'est-il passé ?" interrogea la mutante, à la fois curieuse et suspicieuse.

Il était en effet bien étrange qu'il se soit blessé comme ça sans raison. Il n'y avait pas eu de mouvement de panique ni rien lorsque le projecteur avait explosé. Au contraire, la foule avait même été soulagée de pouvoir s'extraire de l'auditoire. Et puis... il y avait Maria, la confrériste à moitié psychopathe qui suivait Kenjiss telle son ombre depuis des années. Un simple soupçon, qui n'avait peut-être pas lieu d'être. Mais le rapprochement était inévitable. Surtout lorsqu'on connaissait les tendances sanguinaires de la belle Russe. Et qu'elle aurait juré avoir aperçut Luc la frôler quelques instants auparavant. Sans en être certaine, toutefois.

Prudente, la jeune femme scruta la foule, cherchant à localiser certaines personnes. Si elle n'avait pas fait cela, peut-être n'aurait-elle jamais entendu le petit message provocateur de la Russe. Mais hélas pour cette dernière, Samarah croisa son regard alors que la Confrériste chantonnait la menace dans sa tête. Lorsqu'elle perçut le message, Samarah ne laissa rien paraître, hormis un sourire carnassier. Et fixant la jeune femme, sa réponse ne se fit pas attendre.

*Tu devrais réfléchir avant de provoquer inutilement les gens. Ce n'est pas très... prudent. A l'avenir surveille ton coeur, il pourrait lui arriver malheur...*

Elle lui renvoya même ses rimes, un sourire féroce collé sur les lèvres, tout en ne la quittant pas des yeux. Bon, au moins cela faisait un adversaire de localisé. Deux, si elle comptait Terry qui suivait Maria de près. Y en avait-il d’autres dans l’assistance ? Par mesure de sécurité, la mutante décida de le vérifier et commença à observer les gens ou sonder leur esprit pour capter leur empreinte et ainsi vérifier si elle la connaissait… Son instinct lui soufflait que si Maria était là, Kenjiss devait l'être aussi probablement !

Le monde s’était coloré en rouge écarlate, une écœurante odeur métallique saturait l’atmosphère…
Respirant par à coup, Maria enleva lentement ses deux gants de soie blancs et les jeta à terre, en plein milieu de la petite mare rouge laissée par le bras du jeune homme.
A cet instant, un quarantenaire grisonnant à l’after-shave mentholé la dépassa pour rejoindre les machines à café. Les yeux de Maria restèrent fixés sur son cou. Plus précisément sur sa jugulaire battant la mesure sous la fine couche de peau rose. Sans hésiter, comme un fantôme, elle s’approcha de ce sac de sang ambulant, se plaça derrière son épaule, à l’extrémité de son champ de vision, et appliqua son index et son majeur sur la veine apparente.
Le sang se mit à jaillir avec force, par à coup, rythmé par les contractions du cœur affolé. L’homme tomba en arrière dans un râle déchirant, créant une fontaine de sang qui aspergea Maria toute entière. La foule alentour s’écarta en poussant des cris de terreur suraigus. Le spectre russe s’approcha doucement d’une femme BCBG en tailleur qui pleurait comme un bébé et prit délicatement son visage entre les mains… Nouveau geyser, Maria sentit une nouvelle fois un flot d'hémoglobine tiède gicler sur tout son corps. Délectation… Il lui en fallait davantage !!

Le bras ensanglanté de Luc quitta enfin le champ de vision de Maria pour disparaître derrière la porte des toilettes, le monde retrouva petit à petit sa blancheur… Fin de l’hallucination.

Haletante, immobile au milieu de gens qui passaient à côté d’elle sans la voir, Maria regarda ses mains. Elle portait toujours ses gants blancs. Ainsi, Bloody Mary n’avait pris la place de Maria Aleksandrovna Yevgeniyen que dans son imagination. Elle prit conscience que la fraîcheur de l’air climatisé qui entrait dans ces poumons lui faisait du bien, elle inspira profondément par le nez. Il fallait absolument qu’elle raccroche à la réalité.
Bon point : sous le coup de l’adrénaline, elle avait réussi à se contrôler assez longtemps pour suggérer à sa victime de s’éloigner au plus vite. Mauvais point : elle mettait encore un temps fou à se remettre du choc.
*Tu devrais réfléchir avant de provoquer inutilement les gens. Ce n'est pas très... prudent. A l'avenir surveille ton cœur, il pourrait lui arriver malheur...*

Ces quelques mots furent pour elle comme un phare dans la nuit. Sans le savoir, Miss Lemington lui avait jeté une bouée de sauvetage : en un instant, elle retrouva toute sa lucidité.
Oui... Voilà ce qu’elle était en train de faire avant le bras ensanglanté : elle taquinait une dangereuse télépathe ! Avec un sourire, elle tourna les yeux vers elle et regarda sa sauveuse.
***_ Tu arrêterais télépathiquement mon cœur ? Je serais étonnée que tu sois capable de t'avilir avec un geste aussi peu sportif. Je demande à voir... Tiens, je vais même te faciliter la tâche : je viens à ta rencontre, ainsi tu pourras me tuer en me regardant dans le blanc des yeux.***

Depuis son black-out, Maria n’avait pas revu Terry, sans doute avait-il rejoint les machines à café sans se rendre compte qu’il n’était plus suivi. Peu importait, ils réussiraient bien à se retrouver plus tard !
Elle se fraya un chemin dans la marée humaine en remerciant avec un sourire les gens qui avaient la gentillesse de s’écarter et s'approcha de la célèbre télépathe.
C’était leur première rencontre officielle, elle lui tendit sa main gantée.
"_ Heureuse de vous rencontrer enfin, miss Lemington ! Fit-elle, toute sourire, je suis Maria Aleksandrovna Yevgeniyen, porte-parole de la Confrérie Moderne, je crois que nous avons tout un tas d'amis en commun !"

Concentrée sur le visage de la télépathe, elle ne remarqua pas tout de suite la présence du jeune homme qu’elle avait saigné une minute auparavant.

Le Caméléon assista d’un air crispé à l’échange entre Luc et Maria qui faillit presque tourner à la catastrophe lorsqu’il aperçut le sang sur le bras du jeune garçon. Bloody Mary avait encore frappé mais fort heureusement, l’adolescent venait d’avoir un réflexe qui lui sauva probablement la vie, celui de s’écarter pour aller se soigner. Et Terry put reprendre la parole, à demi soulagé.

"Je ne sais pas si c’est réellement utile d’aller la provoquer sur un coup de tête!"

Terry ne connaissait que trop bien les capacités de la Cerbère et il savait aussi parfaitement que contre elle, lui comme Maria partaient d’office perdants, leurs talents étant loin d’égaler ceux de la mutante névrosée.

"Et tu serais surprise de voir ce dont elle est capable, alors ne fait pas de… "

Mais Maria n’avait pas froid aux yeux. Terry ne l’ignorait plus, pour vivre sous le même toit qu’elle depuis plusieurs années. Mais parfois, il mettait encore cette témérité douteuse sur le dos de son jeune âge. Car il n’avait même pas eu le temps de protester qu’elle envisageait sérieusement d’aller papoter tranquillement avec l’autre psychopathe d’en face ! Elle fut juste ralentie dans son élan par… il ne savait pas très bien quoi.

La jeune femme demeura immobile quelques secondes devant lui, comme absente. Le regard étrangement vide. Avant de subitement raccrocher à la réalité. N’ayant pas assisté à l’échange télépathique entre les deux mutantes, Terry n’avait pas la moindre idée de ce qu’il venait de se passer, encore moins de se douter de ce à quoi ils venaient d’échapper. A peine aurait-il pu en avoir une vague idée, vu les frasques sanglantes dont se tenait parfois responsable la Russe. Terry secoua vivement la tête d’un air désolé et lui emboita le pas, oubliant son envie de caféine.

Il serait probablement un des seuls à pouvoir gérer la situation si cela dégénérait vraiment... Le pauvre ignorait encore à quel point cette pensée risquait de se révéler exact d’ici quelques minutes. Lorsque Maria entamerait la conversation avec Samarah (du moins si cela était chose possible entre les deux femmes), lorsqu’il s’apercevrait que leur patron était dissimulé à quelques mètres d’eux seulement. Et lorsqu’il verrait que la victime accidentelle de Maria se retrouverait encore une fois en face d’eux… Une belle brochette de joyeusetés en perspective…

Lorsque Maria rejoignit la Cerbère, lui resta légèrement en retrait. Par mesure de précaution. Et puis, il n'appréciait pas spécialement la jeune femme. Il y avait toujours eu quelque chose en elle qui le dérangeait. Et cela faisait 20 ans qu'il cherchait ce quelque chose sans grand succès. Mais un jour il saurait... Il se l'était juré !

Luc observait toujours la foule, se retenant de prendre son bras blessé dans l'autre. Une douleur de plus en plus vive lui donnait une envie furieuse de toucher sa blessure, de la gratter, de la presser, de faire n'importe quoi qui pourrait permettre de diminuer cette sensation plus qu'irritante.

Heureusement une voix le distraya, non pas celle de chiara qui demeurait silencieuse, mais d'une personne qui semblait la connaître. Il se retourna et tomba nez à nez avec une femme brune, ou plutôt chatain quand Luc y fit attention. Elle semblait assez enjouée, mais dégageait quelque chose, comme une aura qui la rendait... étrange?? imposante?? Il n'arrivait pas à mettre le mot juste sur ce qu'il ressentait en voyant cette personne, pourtant pas imposante physiquement.
Luc la salua en retour.

Ca dépend de ce que vous appelez amis fit-il en souriant, disons plutôt que nous sommes devenus compagnons de l'ennui avec cette conférence.

Mais l'air enjoué de la femme disparu assez vite à la vue du pansement. Luc posa une main dessus, espérant qu'on ne voie pas les légers tremblements qu'il sentait secouer son bras.

Je ne sais pas comment c'est arrivé. Je discutais avec Chiara, quand je me suis fais bousculé, avec ce monde dans le hall ça doit arriver souvent, et d'un coup je me suis retrouvé avec cette blessure. Je ne sais pas quand c'est arrivé, mais je m'en suis aperçu après avoir à une jeune femme, celle qui m'avait bousculée. Le temps que je comprenne, elle avait d'ailleurs prit un air étrange... presque comme fasciné.

Mais avant qu'il continue Luc vit que la femme ne l'écoutait plus, et scrutait la foule. Savait-elle quelque chose? Avait-elle une idée de ce qui lui été arrivé? Mais une chose lui fit peur l'espace d'un instant, quand il vit le regard de l'amie de Chiara virer presque au noir profond, et un sourire... animal se dessiner. Sur qui était-il tombé? Il jeta un coup d'oeil à Chiara, pour savoir ce qu'il se passait. Il comprit un instant plus tard.

La femme qui l'avait bousculée, celle là même qui avait intrigué l'étudiant, venait à leur rencontre. Et quand elle prit la parole, il étouffa un hoquet de stupeur... porte parole de la confrérie? amis en communs?
Luc préféra faire un ou deux pas en arrière. Mais qu'est-ce que c'était ce foutoir. Il venait de tomber sur la racoleuse de journaliste de la confrérie mutante. Et si elle connaissait cette fameuse Lemington, c'est que celle ci devait en être aussi. Et par extension... il regarda derrière lui, Chiara aussi.

Luc émit un AU SECOURS mental. Il venait de tomber peut être sur les personnages les plus dangereux du coin, bien qu'il soit lui même un mutant. Mais lui ne maitrisait absolument pas ses pouvoirs. Il avait l'impression d'être la brebis au milieu de la meute de loup.

Tandis qu’elle promenait son esprit dans la foule, la réponse à sa menace à peine voilée ne se fit pas attendre et avait jailli dans son crâne, aussi cristalline que la voix glaciale de la jeune Russe. Un étrange sourire toujours collé à ses lèvres, la mutante rétorqua avec aplomb, oubliant un instant qu’elle était en train de discuter d’abord et avant tout avec le jeune garçon au bras sanguinolent.

*Ma pauvre… il y a encore bien des choses dans ce bas monde qui t’étonneraient…*

Apparemment, celle-ci pensait encore naïvement que Samarah n’était pas capable de tuer. Malgré ses positions plutôt pacifistes envers le conflit ambiant. Mais, c’était là bien mal la connaître. La mutante avait déjà une liste bien longue de morts sur la conscience. Elle se gardait juste bien de ne pas en faire état devant le premier inconnu. La proposition de rencontre de la Confrériste la surprit légèrement, mais Samarah se contenta d’hausser un sourcil curieux. Si la Russe décidait de se rendre au casse pipe d’elle-même, on ne pourrait pas lui reprocher de l’avoir prévenue.

*A ta guise, très chère…hélas, j’ai peur que tu ne te déplaces pour rien. Te tuer ne m’apporterait aucune satisfaction…Mais, soit. Je t’attends !*

Et elle reporta son attention sur Luc, son regard reprenant imperceptiblement une couleur normale afin de le rendre plus amical. Elle avait suivi son explication assez distraitement, mais elle avait saisi l’essentiel. Assez en tout cas pour comprendre ce qu’il s’était passé. C’était peut-être bel et bien un accident mais d’une façon ou d’une autre, la jeune Russe y avait été impliquée. Elle sourit faiblement aux paroles de Luc :

"J’espère que cela s’arrangera pour votre bras, ça n’a pas l’air très grave et que cet… incident ne gâchera pas cette conférence pour le moins… édifiante."

Elle attendit, au cas où l’adolescent aurait encore quelque chose à ajouter, mais face à son silence, elle reprit sa fouille systématique des esprits qui l’entouraient. Jusqu’à présent, elle n’avait rien trouvé d’exceptionnel. En fait, c’était toujours les mêmes secrets qu’elle mettait à jour. L’un avait trompé sa femme, l’autre avait triché au poker, ou bien celui-là encore avait volé de l’argent dans la caisse de son bureau pour offrir un cadeau à son gosse. L’espèce humaine, quoiqu’on en dise, était poursuivie sans cesse par les mêmes vices. Une des raisons pour laquelle, Samarah limitait ses incursions dans l’intimité des gens demeurait principalement celle-ci. Le dégoût de ce qu’elle découvrait au fil des pensées visitées.

La jeune Russe arriva bientôt face à elle et se planta, très sûre d’elle devant la mutante. Méticuleuse, Samarah continua sa fouille mentale, n’ayant toujours pas localisé la cible précise qu’elle cherchait –et pourtant elle était certaine qu’il était ici !- tout en jaugeant la nouvelle venue. C’était effectivement ce qu’on pouvait qualifier de première rencontre ‘officielle’ entre les deux femmes puisque jusqu’à présent, les différents contacts qu’elles avaient pu avoir s’étaient toujours fait de façon indirecte ou bien par personnes interposées.

Elle poussa même l’audace mensongère dont elle faisait preuve en lui tendant la main. Si ça ne tenait qu’à elle, Samarah lui aurait déjà fait ravaler ses bonnes manières, mais l’étiquette l’obligeait à rester polie. Elles étaient peut-être observées avec tous ces journalistes venus assister à l’exposé. Elle devait rester prudente. La jeune mutante accepta donc poliment la main tendue, la serrant furtivement et peut-être un tantinet trop fort avant de murmurer à son interlocutrice, avec une joie tout aussi factice que la Russe :

"C’est en effet un réel plaisir de pouvoir vous parler face à face, très chère Maria. J’ai… beaucoup entendu parler de vous..."

A cet instant, tout aurait pu se produire. Une simple poignée de mains, des plus hypocrites certes, mais suffisante pour berner l’opinion publique. Ce que l’une comme l’autre cherchait à faire finalement. Et puis… rien. Les deux adversaires auraient pu reprendre leur chemin respectif. Ou bien, une phrase malencontreuse suivie d’un dérapage incontrôlé. Mais ce qui se produisit, personne n’aurait pu le prédire. Pas même Samarah. Et à vrai dire, il aurait mieux valut un ‘simple’ dérapage façon crêpage de chignons entre les deux mutantes plutôt que…ça.

En fait, il se passa deux choses en même temps. Ce qui permit sans doute la confusion qui ne tarderait pas à s’installer. A peine Maria s’était-elle présentée que le jeune garçon à côté de Samarah hurla. En silence, mais un silence parfaitement audible pour la télépathe. Et recula d’un pas en arrière pour s’éloigner d’elles, comprenant sans doute face à quelles personnalités il se trouvait. Prise par surprise, Samarah grimaça et réagit violemment en lui hurlant à son tour dans le crâne.

*SILENCE ! ABRUTI ! *

Puis, elle se ressaisit légèrement et continua, un peu plus calme :

*Ce n’est pas la peine de crier ainsi… Eloigne toi et il ne t’arrivera rien*

Judicieux conseil… qui, hélas, risquait de se révéler parfaitement inutile. Car soudain, elle se matérialisa dans son esprit. L’empreinte qu’elle cherchait. Froide, métallique, presque tranchante. Bon, au moins, elle ne s’était pas trompée. Le boss d’en face était là aussi. Les menaces étaient donc à présent localisées. La tentation de le sonder fut grande. Ce n’était pas tous les jours que le directeur de la Confrérie se présentait sur un plateau d’argent pour lui offrir ses petits secrets. Et des secrets, il en avait. Elle en était certaine. A commencer par ses mensonges qu’il étalait sans vergogne dans la presse afin de se reconstruire une image de bienfaiteur. Pathétique !

La mutante retint un juron de dégoût. Elle n’était pas toute seule. Elle ne pouvait donc pas se permettre de faire n’importe quoi. Et ce fut pour cela qu’elle faillit presque ressortir de son esprit comme si de rien n’était, malgré l’occasion en or qu’elle avait de percer à jour le terrifiant Kenjiss. Presque.

Car quelque chose attira son attention. Dans son comportement d’abord. Le mutant demeurait particulièrement… soucieux. Ce qui, pour autant qu’elle le connaisse, ne lui ressemblait absolument pas. Pour Samarah, cela ne pouvait signifier qu’une seule chose. Louche. Le leader confrériste préparait encore un coup foireux. Sans hésiter, Samarah replongea dans l’esprit tortueux du mutant. Elle fut surprise d’y ‘voir’ autant d’agitation. Les pensées du mutant fusaient dans tous les sens. Ce qui en rendait la lecture très difficile, complexe même pour une télépathe de son niveau. Puis des images se dessinèrent les unes après les autres. Du sang, de la douleur… la peur aussi et la rage. C’était presque insupportable, ce défilement de souvenirs qui n’étaient pas les siens. Déjà, elle sentit les prémices d’une migraine approcher. Elle devait sortir de la tête du mutant fou. Tout de suite ! Mais c’est là qu’elle la vit. Une image qui n’aurait jamais du se trouver dans l’esprit malade du mutant.

Samarah, malgré toute la froideur et l’intangibilité dont elle faisait preuve eut un hoquet d’horreur, rapidement transformé en un accès de rage. Confiné de justesse pour la foule. Mais qui éclata tel un boulet de canon dans la tête du mutant. Elle était entrée en toute discrétion dans sa tête, mais elle en ressortait plus fracassante que jamais.

*QU’EST-CE QUE TU LUI AS FAIT !! ??*

Son regard, à nouveau assombri, se planta dans celui de Kenjiss, inutilement caché derrière un pilier. D’ailleurs, son masque ne l’avait même pas dupée. Elle avait un système de détection infaillible. Les empreintes mentales ne mentaient jamais. Sa colère était telle que le mutant aurait presque pu se sentir propulsé contre le mur. Non en fait, cela arriverait probablement s’il n’avait pas le temps de réagir pour contrer l’onde mentale et surtout rageuse de la mutante. Samarah en oublia momentanément la présence de l’adolescent et de Maria. Dans sa tête, ne dansait plus qu’une seule et unique scène qui se répétait en boucle. Une ruelle, des débris… et un visage terrorisé. Celui de June…

Maria sentit la paume de Lemington serrer sa main un peu plus fortement que nécessaire… Cette petite méchanceté la fit sourire aux anges. Elle ouvrit la bouche pour répondre quand un mouvement brusque détourna son attention : un jeune homme, aux côtés de Samarah, s’était reculé de trois pas… Le garçon au bras ensanglanté ! Elle lui sourit et reparcourut la distance qu’il avait précautionnneusement mis entre elle et lui. Comme il restait muet, c’était à elle de combler le silence :
"_Ah tiens, lança-t-elle sur un ton amusé, revoilà mon jeune admirateur timide qui s’amuse à me bousculer ! Vous savez, c’est un peu vieux jeu comme tentative d’approche ! Et, le coup du bras sanglant, oubliez-le tout de suite : ça ne marche pas avec moi ! Vous auriez dû vous limiter à m’aborder classiquement en me proposant un verre…"

Noyage de poisson.
Elle inspecta ostensiblement son tailleur blanc sous toutes les coutures en enchaînant :
" _J’avoue que, sur le coup, j’ai eu un peu peur pour ma veste et j’étais prête à vous écorcher vif si vous l’aviez sali… Ou pire encore, je vous aurais envoyé la note de mon voleur de teinturier ! Mais bon, vous avez eu de la chance et c’est avec plaisir que j’accepte vos excuses… et votre invitation à prendre un verre tout à l’heure !"

Elle lui fit un clin d’œil radieux voulant signifier "j'ai bien pris note du rendez-vous" et reporta son attention sur la télépathe :
" _Vous tombez vraiment bien, Miss Lemington, poursuivit-elle en tirant sur les poignets de ses gants de cuir blancs, je voulais revenir sur ma proposition concernant un échange d’étudiants. J'aimerai que vous reconsidériez votre réponse : nos chères petites têtes blondes en ont marre du climat canadien et rêvent de passer quelques semaines sur la douce terre d'Albion… Et en profiter pour tester le légendaire charme anglo-saxon."

Bloody parlait tranquillement, sans craintes, ni chercher à retenir ses pensées. C’était pour elle l’occasion de vérifier une de ses théories : ses origines lui permettaient-elles d’avoir un barrage mental naturel ?
*** Прими предложение и наши ученики съедят твоих в течение своего сна.*** [HJ : "Accepte la proposition et nos élèves dévoreront les tiens durant leur sommeil." /HJ]
Penser en russe était-il un bon moyen de garder ses secrets ? Elle le saurait rapidement… Si jamais cette malpolie prenait la peine de lui accorder ne serait-ce qu'un seul regard !
Car la télépathe ne faisait même plus attention à son interlocutrice, elle regardait à travers la foule, concentrée... Son expression faciale changeait régulièrement, il y avait quelque chose qui était en train de se tramer entre elle et quelqu’un d’autre de l'assistance… Maria se tut et tourna la tête pour regarder dans la direction visée par ses yeux.
Elle ne mit pas longtemps à comprendre la situation : le patron, pour une raison inconnue, était à quelques mètres d'elles, grimmé en agent de service ! Qu'est-ce que c'était que ce délire ?

L’esprit toujours réglé en mode cyrillique sans sous-titres, elle fit discrètement glisser son gant droit, le regard rivé sur la gorge de la télépathe, prête à intervenir si les circonstances l’exigeaient :
"_ … Et si vous-même voulez venir nous rendre visite, vous serez bien évidemment la bienvenue..."

Le petit soldat était prêt. Elle toucherait la jugulaire de Lemington, le flot de sang la déconcentrerait au moins quelques secondes... Assez longtemps pour que Kenjiss vienne l’achever.
"_ ... Ce serait également un plaisir de recevoir quelques uns de vos professeurs… Par exemple, nous sommes assez curieux de savoir comment vous enseignez l’Histoire des USA post-2030…"

… Et les journalistes apprendraient de Maria éplorée que sa chère amie Samarah Lemington avait été abattue par un sniper anti-mutant… Dans la confusion et la panique, personne ne serait capable d'infirmer cette version, surtout si les bandes holovidéos de surveillance disparaissaient… C'était gros, mais le public avait déjà, par le passé, avalé tant de couleuvres bien plus énormes !

Kenjiss savait pertinement qu’il n’avait pas la moindre chance de résister mentalement à Lemington. S’il haïssait la mutante, il devait bien lui reconnaître ça… Elle était puissante, et pas qu’un peu. Suffisament sans doute pour explorer son esprit sans laisser le moindre secret enfoui, et probablement pour déterrer ceux que lui même avait oublié…. Mais le tatoué n’était pas pour autant du genre à battre en retraite, surtout si la Confrérie s’exposait avec autant d’aplomb que Maria… Il était hors de question d’abandonner la jeune russe aux griffes de Samarah Lemington, quand bien même on était soit même loin d’être en position de force. On pouvait lui reconnaître beaucoup de défauts mais la lâcheté n’en faisait pas partie, loin de là. Aussi le regard noir du mutant suivit-il discrètement la rencontre entre les deux femmes, sans en perdre la moindre miette.

Et puis il y eut le cri. Un hurlement dévastateur qui parut exploser d’un coup dans ses neurones, précipitant son cerveau dans un tourbillon de souffrances qui parurent durer une éternité. Pour Kenjiss, trois malheureuses secondes parurent durer une heure entière… Il eut à peine conscience de se cogner l’arrière de la tête contre la colonne qui soutenait son dos, incapable de réagir à autre chose qu’à l’explosion de sens qui venaient d’anéantir toute pensée à l’intérieur de son crâne. Tout parut blanc durant un instant…

Lorsque le tatoué rouvrit les yeux, il ne put que constater que ses articulations étaient sur le point de se rompre. Ses mains s’étaient crispés avec tant de violence qu’une goutte de sang perlait à l’extremité de ses ongles… Kenjiss serra les dents. Tant de violence… Et elle s’imaginait l’avoir abattu ? Ou ce n’était qu’un commencement ? Qu’importe… Lui aussi était puissant. D’autant plus puissant qu’il était acculé et que la prochaine attaque de ce genre avait de fortes chances de lui broyer les neurones.

BORDEL LEMINGTON !

Oui c’était un bon début… Le tatoué n’avait aucune idée de l’impact de son « volume mental » sur les neurones de la télépathe mais il pouvait toujours tenter de lui gueuler dans les synapses…

Tente encore un truc comme ça, un seul… Tu me cramera ptet les neurones mais jte garantis que personne ne sortira vivant d’ici, pigé ? J’aurais le temps de foutre un toit de trente tonnes sur les six cents personnes qui grouillent ici !

Ca c’était pour la calmer… Kenjiss jeta un nouveau coup d’œil à la foule. Maria continuait visiblement son petit numéro. Parfait. Qu’elle énerve la névrosée, ça ne pouvait que le servir… Car force était de constater qu’il était dans une situation pour le moins catastrophique. Que Lemington lui creuse les neurones à savoir tout ce qu’ils contenaient, ce n’était pas en soi si grave. Il savait pertinement que l’apparente bienveillance de la Confrérie ne trompait pas l’Institut. Mais peu importe, ils n’avaient qu’une influence limité sur l’opinion publique. Qui croirait une nana qui affirme lire les pensées des autres ? C’était d’un point de vue bien plus personnel qu’il était dans une impasse… Il n’avait plus vraiment le choix. Révéler ce qui s’était déroulé voilà quelques heures ? Tenter de le cacher encore un peu plus longtemps ? Elle trouverait de toute façon…

Qu’est ce que je lui ai fais ? Il s’efforça de donner une tournure moqueuse à ses propos. T’es pas foutue de lire mon esprit hein ? Y a toujours des choses qui te perturbent ? Mais je t’en prie, découvre par toi même, je ne peux pas me soustraire à la toute puissante Samarah Lemington non ? C’était fou ce qu’on pouvait penser vite… On pouvait en dire des choses en une fraction de seconde…

Kenjiss sourit, seul contre sa colonne. Son esprit était trop tourmenté, trop perturbé pour qu’elle le lise clairement. Et elle ne pouvait pas faire grand chose d’autre… A plus forte raison avec Bloody qui alimentait toujours la conversation… La jolie russe l’avait vraisemblablement démasqué puisqu’elle avait retiré son gant, visiblement prête à transformer la télépathe en morceau de viande saignant à souhait. Brave petite… Sans même la moindre chance face à la mutante, elle n’hésitait tout de même pas à se préparer à l’attaquer de front… Kenjiss jugea opportun de ne pas bouger. Terry était là en cas d’agression physique et il était fort peu probable que l’un des deux parti bouge sans action concrète de sa part… Nous étions dans un lieu public tout de même !

Fouille mon esprit Lemington ! Cherche ! Savoure la douleur que tu y trouvera, la folie que tu y croisera… Essaye donc de trouver une seule raison de défendre tes humains ! Egare toi dans les méandres de mes tourments, tente de trouver une seule once d’espoir, régale toi de ma haine ! Trouve ce que je lui ai fais puisque tu y tiens tant !

Et les tourments emplirent son esprit. Kenjiss se força à visualiser les scènes les plus douloureuses de son enfance, la folie qui l’avait hanté, la terreur qu’il avait parfois ressentie… Ce tourbillon de violence qu’il ne cessait de vivre, le sang, la mort… L’enfer se déchainait au sein de son esprit, sans qu’il ne cherche à l’arrêter, au contraire. Mais il était hors de question de laisser Sam s’amuser dans le livre ouvert qu’était devenu son esprit. Car au plus profond s’y cachait une petite silhouette humaine qu’il avait tout intérêt à protéger… Frêle lueur d’espoir au cœur de ce maëlstrom de souffrance, blottie dans le coin le plus sombre, le plus tourmenté qu’il puisse trouver. Quelle ironie. Le mutant xénophobe au possible hurlait sa haine des humains pour protéger l’une d’entre eux… Pas n’importe laquelle, certes, mais une humaine tout de même. Kenjiss se surpris à se demander ce que Maria penserait de cela, si elle savait qu’elle risquait sa vie non pas pour la cause mutante mais plutôt pour protéger une demoiselle humaine… Protéger ? Oui sans doute. Car lui même n’avait pas la moindre idée de la réaction de Lemington envers June….

Luc retint un gémissement de douleur. S'il y avait bien quelque chose à laquelle il ne s'attendait pas, c'était que quelqu'un se mette à lui hurler dans la tête. La réponse à son cri lui déchira le cerveau. Il était tombé sur une télépathe!
La douleur s'estompa rapidement, mais pas la voix, bien qu'elle se soit calmée. Elle lui disait de s'éloigner et de rester en dehors de ça. Luc était parfaitement d'accord.

D'ailleurs il allait prendre congé de cette bande de tarés, quand la femme le reconnu. Mais elle semblait cette fois plus normale, même si son ton bien que poli laissait paraître une hostilité franche envers Miss Lemington.
Il aurait bien aimé se retirer le petit Luc, car il se rendait compte qu'il jouait plus dans la même cour là. D'ailleurs, la russe commençait à mettre son filet sur lui, sans qu'il comprenne ce qui lui arrivait.

* Qu'est-ce qu'elle me chante là?? Prendre un verre avec elle? Elle rêve!! *

Mais il la vit commencer à se rapprocher. Il sentait le danger, mais n'osait bouger cette fois. Il ne fallait pas provoquer le danger cette fois. Il jeta un coup d'oeil à sa main, gantée maintenant. Sa plaie se mit à le lancer furieusement. Luc retint une grimace de douleur. Magnifique...

Il afficha néanmoins un sourire de façade. Il allait s'en tirer aussi bien qu'il pouvait, et la suite, on improviserai.

" Hum il faudra effectivement que je revoie mes techniques d'approche vu que vous avez facilement éventée celle-ci. J'ai du mal choisir la personne visée.
Il faut croire que j'ai du commettre une erreur en effet. Et je m'en excuse. Et puisque vous tenez tant à votre verre, j'accepte votre proposition... "

* Mer** je viens de dire quoi là?? *

Il avait parlé sans réfléchir. Pour se mettre dans les ennuis, il devenait vraisemblablement très fort. Il venait d'accepter de prendre un verre en compagnie de peut être une des mutantes les plus dangereuse du moment. En même temps, cela permettrait peut être de calmer un peu le jeu.

Jusqu'à qu'il croise un instant le regard plein de fureur de Sam. Il comprit qu'il se passait quelque chose, mais quoi? La russe elle continuait de parler, d'échanges d'étudiants ou quelque chose dans le genre. Luc n'y prêtait pas attention. La seule chose qu'il voyait à présent c'était le gant que la femme était en train de retirer tout en parlant. Luc se rappela qu'il l'avait touchée au niveau du bras, peut être bien de la main. Et si elle avait besoin d'un contact physique pour faire ce qu'elle avait fait au bras de Luc? Cela expliquerai pas mal de choses, comme le gant.

Que fallait-il faire? Sam semblait ne pas avoir vue le mouvement de la russe, peut être ne connaissait-elle pas le pouvoir de la femme? Fallait-il qu'il s'interpose? Et l'homme derrière la russe, que faisait-il? Etait-il aussi un mutant? Surement. Et ils n'étaient pas seuls, de cela Luc en était sûr.

Bien. Le tatoué aussi savait hurler. Cependant, comme elle s’y attendait plus ou moins, l’atteinte synaptique tant escomptée du Confrériste n’eut au final que peu d’effets. A peine, une légère résonnance qui se répercuta dans son esprit, avant de disparaître, noyée par son propre flot de pensées coléreuses. Certes, il avait toutes les raisons de lui en vouloir. Après tout, elle venait de lui griller la moitié de ses neurones pour la prochaine demi-heure, mais son hurlement de rage ne calma pas vraiment Samarah.

Au contraire, il attisa davantage sa colère lorsqu’il menaça de s’en prendre aux innocents présents pour s’en tirer. Une illustration supplémentaire des coups bas dont était capable le mutant pour sauver sa peau. Comportement tout à fait pathétique et révoltant aux yeux de la mutante, mais qui ne l’étonnait même plus venant de son ennemi. Son étau mental se resserra davantage sur le cerveau du mutant qui se sentirait probablement… légèrement comprimé de l’intérieur. Ses yeux avaient à présent viré au noir profond, abritant une colère féroce à l’encontre du sinistre provocateur. Alors qu’à côté d’elle, Maria tentait d’amadouer sa jeune victime, la jeune femme répliqua vivement dans la tête du tatoué :

*Crois-moi si j’avais réellement voulu te griller les neurones, tu serais déjà raide mort maintenant ! Population innocente aux alentours ou pas !*

A vrai dire, ce n’était pas tout à fait exact. Elle exagérait un peu. Samarah ne se permettrait sans doute pas de massacrer la foule dans le but d’abattre uniquement Kenjiss… Quoique. Mais autant espérait-il la calmer avec ses menaces, autant elle décida de l’intimider en retour. Il en tirerait quand même une tête si elle décidait de faire fi des gens qui les entouraient pour l’abattre. Non ? Rien que pour ça, l’envie d’essayer, fugace, lui traversa l’esprit durant une fraction de seconde. Mais elle se retint.

De son côté, le mutant en profitait pour la provoquer davantage, rendant son esprit plus inaccessible encore, trouble et tortueux. Sonder son ennemi en plein milieu du British avec en plus une Russe folle dingue à vos côtés qui, tout en vous faisant la causette, se préparait à se jeter à votre gorge, n’était pas vraiment ce qu’on pouvait appeler des conditions optimales. Kenjiss le savait et tirait cet avantage à son profit.

*Ce n’est certainement pas dans ton esprit de taré que je trouverai la moindre trace d’indulgence envers les humains !* lâcha-t-elle, plus hautaine que jamais, à cent lieues de se douter à quel point… elle se trompait. Au moins pour une personne. Et pas n'importe qui, en plus !

Car oui, à cet instant, l’esprit du tatoué lui résistait. Non pas qu’il avait réussi à le rendre totalement opaque à ses intrusions, mais tout ce qu’elle pouvait y voir n’avait plus de sens. Des images s’imprimaient avant de disparaître tout aussi vite dans un désordre sans nom. Et dans ce tourbillon de pensées noires, douloureuses et empreintes de folie, elle sentait qu’il y avait quelque chose. Quelque chose qui lui échappait et que Kenjiss semblait vouloir lui cacher. Samarah jura de rage. Mentalement. Elle n’aimait pas qu’on lui résiste. Aussi, elle fut très claire et en guise d’avertissement, elle asséna le mutant d’un nouveau coup de poignard psychique.

*Je préfère t’avertir… Si jamais je découvre que tu lui as fais du mal, ou bien que tu l’approches encore, je te garantis que la planète entière ne sera pas assez grande pour te cacher !*

Cette simple pensée, savoir qu’il aurait pu la torturer, la… toucher, au pire encore la tuer, la rendit malade. Presque nauséeuse. Bon, la migraine qui pointait le bout de son nez du aux efforts qu’elle déployait pour révéler les secrets du mutant n’y était certes pas étrangère non plus. Cela faisait longtemps que la mutante ne s’était plus retrouvée dans un tel accès de rage. Dans la pièce, les lumières au plafond et le long des murs commencèrent à grésiller. Signe que son pouvoir frôlait l'explosion imminente. Il fallait qu’elle se calme avant d’envoyer le British sur orbite. Pas sûre que la ville de Londres apprécierait cela.

Cet échange mentalement musclé n’avait duré que quelques secondes. Ce fut un geste à côté d’elle qui détourna son attention du tatoué. Toute occupée à lui parler, Maria avait dégainé ses armes, visiblement alertée par la situation. Le regard de la jeune femme passa du noir ébène au brun foncé, signifiant qu’elle n’était calmée qu’en apparence seulement. La Russe avait terminé de parler et semblait décidée à tester les limites de la télépathe lorsque Samarah sentit poindre dans son esprit… du russe. La mutante eut un fin rictus. Bien essayé. Et bien pensé aussi. Elle irait loin et il fallait s’en méfier. Cette petite était futée. Mais pas assez, hélas. Car si Samarah n’était effectivement pas en mesure d’appréhender toute les subtilités de la langue slave, les images qui s’associaient aux perfides pensées de la Russe lui suffisaient pour au moins deviner ses réelles intentions. Et honnêtement, les envies de sang et de mort qui émanait de la jeune fille en aurait amené plus d’un à se méfier. Aussi, elle lui répondit tout aussi subtilement que le lui permettait sa colère contenue :

"Je ne changerai pas d’avis. Libre à vous de venir découvrir notre beau pays mais vos Confréristes ne logeront pas sous notre toit"

Et elle ne se gêna pas de préciser à la seule attention de la Russe, dans un regard soutenu

*Je tiens à la vie de mes pensionnaires ! Et… je ne vous fais absolument pas confiance, à toi et ta Confrérie*

Puis, elle avisa la main tendue de Maria, vive comme un serpent, prête à frapper au moindre signal de son cher patron.

*Je ne te conseille même pas d’essayer…*

Et dédaignant l’attaque d’un haussement de sourcil, elle reprit, de manière parfaitement audible cette fois :

"Et pour en revenir à cette histoire de rencontre, je suis prête à revoir mes positions seulement si celle-ci se fait en terrain neutre. L’ouverture prochaine de la TransAtlante me semble être l’occasion idéale."

En effet, ce n’était plus un secret pour personne, d’ici quelques semaines, cette fabuleuse plateforme qui traverserait l’Atlantique accueillerait les premiers curieux pour son inauguration. Et tant l'Institut que la Confrérie s'y verrait convié, sous l'initiative de la Lib'Corp.

"Tant nos élèves que nos professeurs pourront se côtoyer et discuter. Mais je vous rassure, au niveau de l’histoire, nous l’enseignons sûrement de la même façon que vous…"

Durant tout le temps de cet échange houleux, Luc ne s’était plus fait remarqué. Sans doute avait-il suivi le conseil de Samarah. Pour la peine, la mutante décida de lui en donner un dernier

*Tu dois certainement te demander où tu es tombé… mais je te conseille vraiment de te méfier d’elle…Les apparences sont souvent trompeuses*

Et elle replanta son regard sombre dans celui de Kenjiss. Non, elle ne l’avait pas oublié et sa colère envers lui bouillait encore au fond de ses veines. Sourde et froide. Colère qui ne demandait qu’à être apaisée. Par n’importe quel moyen

*Toujours décidé à tout faire sauter, Kenjiss ? Dois-je rester pour les protéger de ta folie ? Ou bien puis-je aller m’assurer qu’elle est toujours en vie puisque tu ne sembles pas enclin à me livrer ta réponse ?*

Car si Kenjiss n'avait pas été là, Samarah serait déjà sortie du museum depuis longtemps, communicateur dégainé pour appeler celui de June. Elle devait s'assurer que...

(Désolé du retard... Sam t'as bien fait de continuer ^^)

Quelle surprise. La personne a qui il avait demander un renseignement était Samarah. Il ne l'avait pas reconnue dans son accoutrement. Il fut légèrement confus de ne l'avoir pas reconnu alors qu'il la connaissait depuis tant d'années. Mais bon, on mettra ça sur le compte de la précipitation et de la crainte d'avoir loupé quelque chose d'important. Fort heureusement ce n'était pas le cas.

"Moi? Toujours en retard? J'avoue mais il m'arrive toujours une broutille... ou presque."

Chiara? Il ne la connaissait. La rencontre n'allait pas tarder à se faire.

"Qui est-ce? Une élève?"

Deklan n'eut pas de réponse, mais regarda directement dans la direction de la marche de Sam et la suivit sur les talons pour avoir ce qu'il voulait. Malgré le nombre de personnes présentes, il ne fut pas gêné, il se glissait entre eux comme une anguille sableuse. Ne fut-il pas quelques pas pour arriver enfin devant deux jeunes gens qu'il salua d'un hochement de tête.

Sa langue resta scellée durant leur court échange, préférant comme à son habitude observer les gens qu'il ne connaissait pas. Où même qu'il connaissait à vrai dire. Seul Samarah et son propre fils qui étaient particuliers pouvaient témoigner que Deklan n'était pas qu'un mur dont les lances effilées étaient braquées sur toutes les personnes qui s'en approchaient.

Voici donc Chiara. Une jeune demoiselle, brune... Elle lui disair quelque chose. Il ne savait vraiment quoi. Comme une personne que l'on aurait croisé en achetant son pain, ou en faisant ses courses. Enfin bref il ne s'attarda pas dessus.

Il remarqua la blessure du jeune homme dont le prénom restait encore un mystère. Vu les bandages et les quelques filets de sang, c'était du tout frais. Y aurait-il un stand charcuterie camouflé à côté du distributeur de café? Il resta intriguée et sa pensée se perdit légèrement toujours fixer sur les bandages. Mais Samarah le questionna dessus. La réponse en était des plus attendues.

Bousculade? Blessure? Jeune femme? Fascinée? Autant d'indices qui laissaient beaucoup de possibilités qui ne se réduisaient qu'à deux dans une ville pleine de mutants. Un simple accident ou une personne pas très nette qui s'amusait à ouvrir le stand. Celui-ci ne s'était pas encore déclaré ouvert publiquement s'il existait bien... ou elle, puisqu'on parla de femme fascinée. Quoique... Regardant Samarah, d'habitude attentive des problèmes des gens, se perdre à regarder vers la foule. Aurait-elle découvert la trace du petit chaperon rouge?

Au bout de quelques secondes, une jeune femme s'approcha, toute vêtue de blanc. Le compagnon de Chiara poussa un cri à sa venue. Serait-ce la responsable ou une simple coïcidence? Ce doute fut balayer en un instant par la prononciation de "porte-parole de la Confrérie Moderne". Nous voici donc en plein dedans !

Deklan avait confiance en Samarah et savait qu'elle savait gérer la plupart des situations haut la main. Si elle avait besoin de lui, c'est qu'il y avait du lourd en face. Il se contenta de plonger ses mains dans ses poches tout en tenant du bras son porte-document. Quelque chose titilla quand même sa curiosité. Sam était furieuse intérieurement. Sans avoir à entendre n'importe quel message télépathique, il connaissait certains indices de sa personnalité même si elle n'en laissait pas grand chose de paraître. Il aurait pu faire beaucoup pour en savoir plus mais il n'osa pas interrompre l'échange avec la jeune russe.

En parlant de celle-ci, il observa le fait qu'elle enlève son gant après avoir serrer la main de la Cerbère. Généralement, on fait cela avant même de saluer quelqu'un d'une poignée de main.

* Etrange... *

Le mutisme resta son précepte.

Il fut mention d'une rencontre Institut-Confrérie? Ca peut être intéressant... si l'on aime cotoyer les serpents et fort heureusement il en avait vu près des charmeurs en Egypte.

* Il faudra prévoir une flûte. Et la partition de la musique de la publicité sur le café... Ca faisait quoi déjà? Tintintin tintintin tinnnnn tintintin... *

Deklan resta donc là à assister à l'échange tout en se passant cette maudite chanson dans la tête, sachant tant bien que mal qu'il ne la jouerait jamais à la flûte mais surement au violon.