Adam tentait de faire le tri, en pure perte, dans les derniers événements de sa vie: Depuis sa libération jusqu'à son arrivée à la confrérie, transporté comme un sac de patate par un colosse sortit tout droit d'un concours de mangeurs de sangliers...

Allongé dans un lit sur lequel il avait été déposé, avec une relative douceur, il fixait le plafond de la chambre luxueusement décorée en se demandant ce que ces individus lui réservaient et ce qu'ils voulaient vraiment. Pourquoi l'avoir libéré? Non pas qu'il s'en plaignait mais il craignait d'être tombé de Charybde en Scylla...
Quoiqu'il en soit, son problème principal était la perte de son fauteuil lors de sa "récupération": Comment allait-il pouvoir se déplacer?
La concentration nécessaire afin de pouvoir restreindre son pouvoir lui demandait un effort colossal et il ne savait pas si il pourrait reproduire son exploit de l'aéroport... Ces gens ne semblaient pas lui vouloir du mal, pour le moment du moins, et il ne vit donc pas la nécessité de s'enfuir... En admettant qu'il trouve comment faire!

Ceux qu'il avait pu croiser formaient une équipe pour le moins étrange et la présence d'adolescents s'étant précipités par curiosité aux fenêtres du bâtiment à son arrivée donnaient une allure générale de campus universitaire à cette gigantesque bâtisse.
Ceux qui l'avait libéré ne semblant pas être particulièrement intéressés par son existence, il se demandait la raison exacte de sa présence ici lorsque une ombre apparue à la périphérie de son champ de vision: Un homme.

Un homme en costard-cravate noir et blanc se trouvait là, immobile et droit comme un "i". Observant Adam en remuant les lèvres dans le vide, ne sachant pas que ce dernier était sourd dans son état actuel, et semblait demander quelque chose.
Au bout de plusieurs secondes à parler dans le vide, l'homme disparut en un battement de paupière d'Adam et revint trois secondes plus tard avec un bloc-note et un crayon! Il ouvrit le carnet et griffonna les mots:

" Comprenez-vous lorsque j'écris comme cela? Un clignement pour oui, zéro clignements pour non."

Adam cligna des yeux et l'homme laissa échapper un soupir de soulagement, se demandant certainement jusqu'ici comment bien faire son travail avec une personne avec qui il aurait été impossible de communiquer! Il reprit ensuite le carnet et griffonna un nouveau message:

" Bonjours monsieur. Je suis certains que vous avez beaucoup de questions qui trouveront certainement des réponses en la personne de notre directrice: Madame Maria Aleksandrovna Yevgeniyen. Pour résumer, vous êtes ici au Canada, dans la ville de Langley non loin de Vancouver, et ce lieu est le centre névralgique de la Confrérie Moderne, fer de lance du mouvement de libération des mutants opprimés comme vous. Je me nomme Emmet, majordome de la Confrérie, et suis chargé de vous préparer à votre rendez-vous avec la Directrice.
Tout est-il clair jusqu'ici?"

Un nouveau clignement.

" Bien.
Madame est au fait de votre... Etat... Un peu particulier et a préparé le minimum nécessaire à votre confort. Tout d'abord nous allons vous ôter, et brûler à tout jamais, cette horrible blouse blanche que nous remplacerons par une tenue de sport, car nous ne connaissions pas vos mesures, après quoi j'irai chercher un fauteuil roulant pour vous emmener en salle de test."

La peur apparut dans le regard d'Adam, certains que ces fameux tests seraient de même nature, c'est à dire très douloureux, que ceux qu'il avait subi toute sa vie aux mains de la BCGDCA!
Emmet remarqua la terreur sur le visage de l'homme allongé devant lui et griffonna en urgence un nouveau texte:

" N'ayez pas peur! Ce n'est pas le genre de test dont vous avez eu à pâtir! Cette salle sert de salle d'entraînement pour apprendre aux élèves à maîtriser leur pouvoir et évidemment à apprendre à se défendre. C'est tout. Rassuré?"

Un clignement d'oeil, inutile bien entendu car le soulagement était facilement lisible sur son visage...
Le majordome sembla satisfait et continua:

" La directrice vous rencontrera dans cette salle, car son emploi du temps est extrêmement bien rempli et elle doit donc parfois réunir deux tâches en une seule: En l’occurrence, votre rendez-vous devra donc se fondre avec la séance de test des capacités du cousin de Madame, Monsieur Sergueï Tereshkov. Vous le connaissez déjà c'est le jeune homme vous ayant transporté jusqu'ici sur son épaule. Madame ne l'ayant pas vu depuis bien longtemps elle a éprouvé le désir de mettre à jour ses données sur ses capacités physiques. Vous devrez donc passer les tests avec lui avant de pouvoir discuter avec Madame."

Clignement d'oeil final avant que le majordome ne range son carnet et déshabille Adam, disparaisse quelques secondes en le laissant nu sur son lit, et le rhabille avec une tenue de sport ample et clairement trop grande pour lui, intrigué par ce phénomène étrange empêchant les vêtements de toucher Adam, donnant l'impression de flotter autour de lui...
Il repartit dès l'habillage terminé et revint trois minutes plus tard avec un fauteuil roulant classique sur lequel il déposa Adam.

Ils sortirent dans le couloir de la Confrérie et Adam découvrit un monde qu'il n'avait jusqu'ici vu qu'en vidéo, sur son ordinateur... Mais le vivre était une expérience tellement plus excitante! Il redevint le temps de quelques minutes un enfant émerveillé par le luxe des Palaces, et ne reprit ses esprits qu'à son arrivée devant une porte métallique semblant lourdement renforcée, devant laquelle Emmet arrêta le fauteuil. Il appuya sur un bouton qui s'alluma d'une lumière rouge sur la porte, avant de passer au vert et de s'ouvrir en coullissant afin de laisser passer les deux hommes.
Emmet poussa le fauteuil et ils entrèrent dans une salle immense et métallique, entièrement vide...


Il reprit son carnet et griffonna un dernier message:

" Je vous laisse ici, Madame et son cousin ne devrait plus tarder. Bonne journée monsieur."

Il arracha du carnet une des pages et sur laquelle était écrit: " Bonjour, je ne peux ni parler ni vous entendre. Je me nomme Adam Nobiltà et vous devrez écrire ce que vous désirez me dire sur ce carnet. Je répondrais en clignant des yeux: Un clignement pour dire "oui"et aucuns pour dire "non"."

Puis il glissa la feuille bien en évidence ainsi que le carnet sur les genoux d'Adam, le salua et partit en un éclair!

Au moins il avait eu quelques réponses et savait où il se trouvait, c'était un début. Il ne restait plus qu'à attendre Cette fameuse Maria et l'impressionnant Serguei...

Une pièce entièrement vide... Immense et vide. Étrange.

Pour une salle de test, il manquait toute la batterie d'ordinateurs et d'instruments pointus habituelle à ce genre d'activité... Quel genre de test pouvait-on effectuer ici? De la méditation zen? Dans ce cas il réussirait haut-la-main avec ses 30 ans d’entraînements intensifs!

Blague à part, Adam pouvait deviner facilement toute la machinerie que cette pièce dissimulait: Les parois étant composées de multitude de panneaux fait d'une matière ressemblant à un alliage métallo-cristalloïde, parfaite pour retranscrire une information électrique en émission lumineuse contrôlée, des hologrammes donc. Les panneaux ne semblant pas fixés entre eux, ils devaient être amovibles afin de dévoiler la machinerie dissimulée selon les besoins... Et l'alliance des deux devait permettre la création de simulation extrêmement réaliste, en tous cas si leur ordinateur avait la puissance de calcul nécessaire... Passionnant!

Malheureusement, ni le temps ni sa mobilité ne lui permirent de satisfaire son envie de jouer avec ce gros jouet: Une jeune femme accompagnée du géant de sa libération firent irruptions dans la pièce et semblèrent échanger quelques paroles avant que la belle femme, riche de toutes évidences vu ses vêtements et le soin de ses cheveux, ne prennent la carnet sur ses genoux, belle femme d'ailleurs en passant, et la première fois qu'une non-infirmière s'approchait autant de lui...

Légèrement troublé par la féminité de son interlocutrice, il mit une seconde à se concentrer sur la lecture du mot de celle-ci.
Ses premiers mots le surprit au plus haut point: Son "Don"? Où dans son état voyait-elle un Don??? Il ne voulait pas le "maîtriser"... Il voulait s'en débarrasser! Ou bien juste trouver un moyen de mourir si il n'y arrivait pas!
Ensuite vint le sujet des hologrammes, donc il avait deviné juste sur cette pièce ce qui fit briller ses yeux de curiosité.
Un test en duo avec le géant, comme prévu donc...

Adam cligna une fois des yeux afin de montrer qu'il comprenait bien ce qu'on attendait de lui.

Par contre la suite se révéla plus stressante, ne sachant pas vraiment si il pourrait refaire ce qu'il avait fait un peu plus tôt: Ce n'est pas comme si il ne se souvenait pas de la sensation... Mais cela demandait un effort de concentration colossal, il sentait bien que sa force mentale pouvait lâcher n'importe quand sous l'effet de la fatigue.
Sur ce point, lui aussi devait s'avouer une certaine curiosité sur la durée exacte durant laquelle il pouvait maintenir un tel effort... Il cligna donc à nouveau des yeux pour répondre qu'il se pensait capable de la refaire, même si il ignorait durant combien de temps!

Un dernier mouvement des, fascinantes, lèvres de la jeune femme blonde semblant s'adresser à son cousin et la voilà qui sort de la salle en laissant Sergueï et Adam seuls.
Quelques secondes d'intense solitude plus tard, plusieurs panneaux formèrent un message écrit en hologrammes devant eux:

" Bien. Je vous suivrais depuis la salle de contrôle et vous guiderez comme ceci. Nous allons commencer par Sergueï si vous voulez bien.
Prêt Sergueï? On commence par ta force. Tiens-toi prêt."

A peine le géant russe acquiesça t'il que deux panneaux de chaque côtés de lui lui foncèrent dessus grâce à un système de presse hydraulique impressionnant!
Si il avait esquivé, Adam aurait été écrasé comme une crêpe ... Mais resta où il était et stoppa net les panneaux en écartant les bras, protégeant ainsi Adam comme sa cousine lui avait ordonné sous les yeux ébahis de celui-ci!

* Maria contente de Sergueï* sembla-t'il penser en souriant de toutes ses dents alors qu'il laissait échapper un rire franc et fort et que la pression augmentait lentement sur ses bras...
Puis un nouveau message apparut devant lui:

" Bien Sergueï! On  va voir jusqu'où tu peux aller..."

La pression augmenta encore ce qui effaça brutalement le sourire du visage de l'homme venu du froid: ça commençait à être beaucoup là... Et ses bras commencèrent à plier alors que des gouttes de transpirations se formaient sur son front.
Adam ne savait comment réagir à cette situation, comprenant très bien que c'était un test et qu'il ne risquait pas grand chose mais il ne connaissait de ses capacités que la théorie générale, et n'avait jamais réellement testées celles-ci. Un doute subsistait donc dans son cœur et son esprit.

Dans la salle de contrôle, Maria alternait entre l'écran montrant la salle et ceux affichant les différents relevés chiffrés et analyses des capteurs... La pression des panneaux affichait déjà 180kgs... 190kgs...200kgs... Et le géant commençait à peine à plier les bras!
Un sourcil relevé, Maria observait les relevés physiologiques de son cousin: Aucuns signes d'efforts hormis une légère augmentation du métabolisme et le faisant transpirer... Mais son organisme en lui-même était le même qu'au repos?
Posant un doigt sur sa tempe, elle réfléchit à ce phénomène illogique... Il approchait de sa limite dans la salle, mais pas son corps?
...
...
Ah... Peut-être que... Son corps limitait lui-même sa mutation? Non...
L'explication de ce phénomène était étrange mais semblait démontrer que Sergueï n'en était qu'au début de son potentiel, et c'était une très bonne nouvelle aux yeux de Maria!

Ce fut arriver à 280kgs que les bras du géant cédèrent d'un coup malgré tous ses efforts et les gouttes ruisselantes de sueurs qui gouttaient sur le sol... Et surtout furieux d'avoir échoué à obéir à sa cousine!
Mais les panneaux ne les écrasèrent pas et se stoppèrent à l'instant même où ceux-ci touchèrent les roues du fauteuil de Adam, avant de partir se replacer à leur place sur le mur.

" Très bien Sergueï! Test suivant! tu es prêts?"

Un pouce levé du géant et voilà des bras mécaniques qui sortirent du sol munis de canons étranges à leur extrémité:

" Sergueï? Esquives les balles!"

Adam écarquilla les yeux de surprise à la demande de la directrice! voulait-elle le tuer? Mais c'est lorsque le premier projectile fut craché par un des canons et l'atteignit en plein torse qu'il comprit: Une balle... de tennis! Voilà qui était beaucoup mieux et permis au vénitien de se concentrer sur la tache confiée au russe, loin de lui être naturelle de toutes évidences: L'esquive.

93 balles furent envoyées en deux minutes à une vitesse de 190km/h au départ... Puis 150... 120... Et c'est lorsque la 94ème balle fut envoyée à 100km/h que Sergueï réussit enfin à en esquiver une...
Bon... Ce ne serait pas lui que Maria enverra en tant que monte-en-l'air... Rien de surprenant néanmoins. Elle s'y attendait et savait déjà que le gros nounours serait déçu:

" Sergueï, ne sois pas triste... Tu as réussi ce test bravo!" Un mensonge blanc...

C'est avec un demi-sourire pas vraiment convaincu que Sergueï accepta les paroles de Maria et lut la suite:

" Maintenant tu n'esquives plus d'accord? ne bouges plus d'où tu es et dis-moi quand tu ne pourras plus supporter le prochain test d'accord? C'est partit"

Nouvelle balle de tennis... A 250km/h en pleine tête! mais cela ne lui fit que cligner des yeux... Plus surpris que heurté.
Nouveau tir... 500km/h en plein milieu du torse. Mais là il la sentit un peu apparemment, car Sergueï se gratta le torse, et Adam remarqua que ce n'était plus une balle de tennis mais une balle de caoutchouc pleine de même taille... On attaquerait très bientôt les choses sérieuses à ce rythme mais Sergueï, loin d'être inquiété de toutes évidences, se permit un sourire d'amusement.
Et en effet il sentit très nettement le projectile suivant: Une boule bowling projetée sur lui à 250km/h! Le choc lui coupa le souffle quelques secondes mais il ne bougea pas d'un millimètre pour autant, se massant simplement le torse sur lequel il venait de recevoir ce qui aurait broyé et projeté n'importe quel être humain sur plusieurs mètres sous le regard effaré de l'handicapé!

Maria devenait maintenant plus enthousiaste devant ses écrans: La mutation de Sergueï lui était déjà connu, mais les chiffres avaient bien augmentés depuis la dernière fois! Et apparemment ce n'était que le haut de l'iceberg, son potentiel ne semblant qu'attendre son heure avant de prendre sa place...
C'est avec satisfaction qu'elle appuya sur le bouton de tir du dernier projectile, en priant que cela ne blesse pas son cousin chéri.
Un dernier tir sur Sergueï réveilla enfin ses détecteurs de douleurs et le fit hurler comme un homme se frappant le doigt de pied dans un meuble... Sauf que dans son cas ce fut suite à la réception dans ses parties intimes d'un ballon de caoutchouc dur envoyé à plus de 500km/h! Un homme normal n'aurait même pas senti la douleur à ses bijoux de famille car le choc lui aurait broyé le bassin et peut-être déchiré les jambes au passage... Et voilà ce gros bébé qui se tenait son paquet comme si il avait reçu un petit coup de poing!

* Donc c'est bien tout son corps qui est ultra-résistant...* pensa Maria...

" Merci Sergueï. Tu peux te reposer quelques minutes! Monsieur Nobiltà? Vous êtes prêts?"

Un regard inquiet, principalement à cause de la toute dernière attaque sur Sergueï passa dans le regard D'Adam; mais il comprenait très bien que le choix ne lui était pas donné de toutes façons...
Il se prépara psychologiquement à avoir mal. Encore.

Un clignement.

Le grand, le puissant, le massif, l’inexpugnable, l’invincible Sergueï Tereshkov, à genoux, geignait misérablement en massant ses valseuses endolories. De sa vie, il avait rarement eut mal, encore moins à ce point. Une larme sournoise coula de son œil. Après quelques instants, il se remit sur pied,  maintenant toujours son scrotum meurtri.

« Même… pas… mal… »

Derrière son écran, Maria éclata de rire. Ah, les hommes et leur égo … Bien, le cas de Sergueï était donc réglé. Maintenant allait venir le tour de l’énigme en fauteuil roulant.

« Monsieur Nobiltà, ça va être à votre tour. Êtes vous prêt ? »

Un clignement. Heavy s’écarta, pour laisser à la machinerie infernale de la salle d’entraînement toute la place qu’il faudrait.

« Très bien. Nous allons commencer par mesurer la résistance du champ de force qui vous entoure. Si vous ressentez la moindre douleur ou si vous sentez que vous n’allez pas supporter d’avantage de pression, clignez des yeux. »

Aussitôt, les deux presses qui avaient servies à tester les limites de Sergueï ressurgirent du sol métallique, et se dirigèrent lentement mais inexorablement vers Adam dont les yeux affolés sautaient de l’une à l’autre. Lorsqu’elles touchèrent les roues du fauteuil, les immenses plaques se scindèrent à hauteur des épaules du mutant, coulissant pour libérer deux pistons dont les cylindres d’acier commencèrent à enserrer l’handicapé au visage affolé. Mais arrivés à la surface de ses vêtements, les machineries commencèrent à forcer. Maria et Sergueï regardèrent, stupéfaits, les pistons s’acharner en vain contre leur victime qui semblait ne pas y croire non plus. Sergueï restait bouche bée parce qu’il lui semblait impossible qu’un homme aussi petit et maigre puisse supporter une telle pression. Maria, pour sa part, restait interdite devant les chiffres inconcevables qui s’affichaient sur les consoles : 100 kilos… 200 kilos… 300 kilos… 500... 800... Une tonne… 5 tonnes… Et ça montait encore !!! Et Adam, quant à lui, ne semblait rien ressentir du tout !

Pendant une bonne minute, les presses s’escrimèrent en vain, atteignant finalement leur maximum de 75 tonnes. Les machineries hurlaient, les moteurs surchauffaient, mais le mutant semblait toujours tenir bon sans le moindre effort. Et puis tout à coup, une secousse d’une violence inouïe ébranla la salle, et le bâtiment entier, dans un grincement métallique à déchirer les tympans et libérant un aveuglant nuage de poussière.

Derrière son poste de contrôle et malgré les alarmes qui s’affichaient de partout, Maria activa l’évacuation d’air en se relevant péniblement. Quant la visibilité revint à un niveau acceptable, elle vit Sergueï qui toussait en s’extirpant de sous une grosse poutre d’acier. La salle d’entraînement était maintenant presque coupée en deux par une immense tranchée dont suintait fumées et étincelles… Non, correction : Deux tranchées, creusées par les presses qui étaient maintenant en piteux état et encastrées dans un mur, chacune à un bout de la salle ! Et au milieu de ce chaos…

*Боже мой!* pensa Maria. Ce qui se traduit plus ou moins par « Mon Dieu ! »

« Sergueï !! Tu m’entends ? Relèves-le, regarde s’il va bien ! »

Le colosse obtempéra, soulevant difficilement le corps complètement nu d’Adam Nobiltà de ses bras épais. Les yeux de l’homme bougeaient en tout sens, ce qui indiquait au moins qu’il n’avait pas perdu connaissance.

« CAMARADE ADAM !!! TU VAS B… »

Heavy ne finit pas sa phrase, se rappelant que son camarade ne l’entendait pas. Il se contenta juste de se redresser en le portant d’un bras, et leva son pouce à l’attention de l’observatrice. Celle-ci n’avait pas perdu de temps, aussi Emmet le majordome arriva dans la seconde avec nouveau fauteuil roulant flambant neuf. Heavy y installa précautionneusement son passager, puis en un tour de main, l’hyper véloce vêtit le paralytique d’un survêtement dépareillé. Puis, sur un signe de tête qui signifiait « sonnez moi si vous avez besoin », il s’en fut en un éclair.

Derrière les écrans, la sanglante directrice tentait de donner un sens aux relevés hors-normes que lui renvoyait ses moniteurs. Le champ de force de cet homme défiait toute logique. Résistant, d’accord… mais comment et pourquoi avait-il fait… ça ?

« Impressionnant, monsieur Nobiltà. Avez-vous été blessé ?»

Aucun clignement. Il n’avait subit aucun dommage, rien, il n’avait pas la moindre égratignure. Les presses hydrauliques étaient bonnes pour la casse, le sol était à réparer entièrement, les murs étaient à colmater, les débris de son fauteuil étaient méconnaissables et ses vêtements étaient tout bonnement partis en fumée, mais lui, il n’avait rien.

C’était véritablement stupéfiant… Et le mot était faible.

Il se pourrait bien que cet investissement, en fin de compte, soit fructueux. Bloddy Mary, en femme appliqué, décida de pousser encore l’expérience. Il lui fallait plus d’information.

« Très bien… Maintenant que nous avons vérifié la … résistance de ce champs de force, voyons un peu combien de projectiles il peut bloquer. Encore une fois, si vous sentez que quelque chose se passe mal, clignez des yeux. Sergueï, recules un peu s’il te plait.»

Un déluge de balles en caoutchouc s’abattit alors sur Adam, toujours immobile.

Et là, les deux russes en restèrent bouche bée.

Les petites balles de caoutchouc, lancées à une vitesse plus que suffisante, s’immobilisèrent purement et simplement à quelques centimètres du mutant, figées en plein air l’une après l’autre, comme dans ce film de science-fiction où le héros peut modeler la réalité virtuelle dans lequel il est plongé. Les balles venaient de tous côtés, et simultanément. Les tirs cessèrent lorsqu’ Adam fut entièrement masqué par la carapace de plastique noir que les projectiles constituaient. Mary eut le réflexe d’enclencher le chronomètre. Au bout de 45 secondes, les balles figées à la verticale retombèrent mollement au sol, privées de tout élan, tandis que celles qui surplombaient le mutant (sur le sommet de son crâne ou ses épaules) restaient en place.

60 secondes.

90 secondes.

110 secondes.

Lorsque le chronomètre atteint pile les cent-vingt-secondes, le phénomène se reproduisit : une onde de choc projeta violement les balles restantes, et fut même suffisante pour faire chuter Heavy sur le dos. Une fois encore, les frusques d’Adam n’avaient pas survécues, pas plus que le siège roulant. Maria manda encore une fois Emmet, qui remit le pauvre mutant d’aplomb.

La directrice se rongeait l’ongle du pouce en réfléchissant. Cet homme avait un pouvoir tout simplement hors du commun. Le fait que la seconde onde de choc ait été moins violente que la première suggérait que le champs de force d’Adam Nobilta ne se contentait pas de « repousser » ce qui le touche : Il absorbait complètement l’énergie, la force de ce qui entrait en contact avec lui. Et c’était sûrement une énergie proportionnelle qui était relâchée après coup. Cela expliquerait également la surdité du mutant : le son, ce n’est jamais qu’une vibration de l’air. Il faudrait sûrement effectuer d’autres tests pour en déterminer les limites, mais cela ne pressait pas à la minute.

Dans l’immédiat, quelques questions plus importantes s’imposaient : Comment s’alimentait-il, s’il lui était impossible de toucher quoi que ce soit ? Comment respirait-il ? Sa protection était peut-être extrêmement efficace, mais elle semblait surtout avoir un coût terrible. Maria regarda son cousin qui essayait en vain de mimer quelque chose de drôle au mutant paralytique. Deux blocs de béton. Increvables peut-être, mais définitivement inaptes à la discrétion, la vitesse ou toute tâche un temps soit peu délicate. Le « potentiel agilité » de la confrérie avait dramatiquement chuté depuis la désertion de Terry, et il ne faudrait pas compter sur ces deux là pour relever le niveau… Quoi qu’il en soit, elle devait impérativement entraîner l’handicapé à se mouvoir de lui-même, sans quoi il lui serait très difficile d’en faire quoi que ce soit.

« Nous en avons fini avec les tests physiques, Monsieur Nobiltà. La dernière étape vous coûtera probablement un effort, mais elle est capitale pour la suite, et surtout déterminante pour le reste de votre vie. Vous sentez-vous prêt ? »

Un temps. Long. Très long. Nul ne put dire ce qu’il se passait dans la tête d’Adam. Mais finalement, il cligna des yeux.

« Parfait. Ce qui vous enferme, ce n’est autre que votre propre potentiel; c’est votre propre corps qui le produit, qui vous l’impose. Maintenant, je vous demande de reprendre le contrôle. Concentrez vous, et d’une manière ou d’une autre, abaissez cette prison qui vous entrave. Vous l’avez déjà fait, peut-être sans vous en rendre compte, mais vous pouvez le faire. »

Maria retint son souffle. Elle en était presque à penser « Lèves-toi et marches… ».

« Monsieur Nobiltà, ça va être à votre tour. Êtes vous prêt ? »

Puisqu'il le fallait... C'est en clignant des yeux que Adam se demanda ce que la directrice avait bien pu lui réserver comme supplice.
Et c'est avec une certaine surprise qu'il vit la même épreuve que pour Sergueï se mettre en place: Les plaques se rapprochèrent jusqu'à venir broyer le fauteuil... Au grand affolement d'Adam qui n'avait jamais eu de test aussi brutal auparavant:

* Ho non... Ne faites pas ça! Vous ne savez pas ce qui va...!*

Trop tard. Adam sentit les plaques se stopper lorsqu'elles furent assez proches de lui et leur force entrer en lui... D'abord doucement... Puis toujours plus... La sensation était des plus agréables comme d'habitude mais il ne put se résoudre à savourer ce "repas" offert par la Confrérie car il savait très bien ce qui allait suivre et cela n'allait pas être beau à voir! Son affolement était clairement visible dans ses yeux mais il y avait peu de chances que Maria et Sergueï comprennent assez vite que la peur dans ses yeux était la peur de la catastrophe à venir et non pas d'une blessure éventuelle pour lui-même!

Il se concentra aussi fort qu'il put dans l'urgence afin de pouvoir contenir juste assez son pouvoir pour hurler un avertissement mais sa concentration ne fut suffisante que trop tard: Il sentit l'énergie affluer du plus profond de lui et se libérer violemment de son emprise en une onde de choc dévastatrice!
Les plaques volèrent en éclat, avec tout ce qui entourait le mutant vénitien, en couvrant le son de sa voix enfin utilisable: " Mettez-vous à l'abri!!!!!"

Une fois l'explosion passée c'est avec un certain soulagement qu'il constata que les dégâts n'étaient que matériels. Sergueï et Emmet le remirent sur un fauteuil neuf... Et des vêtements. La plupart se serait sentit gêné dans une telle situation mais Adam était depuis longtemps habitué à être nu en publique quotidiennement, au moins ces trois-là ne prenaient pas de notes en le regardant comme un animal de laboratoire et c'était déjà beaucoup!

* Par contre j'espère qu'ils  ne comptent pas me faire payer les réparations... Ils seraient déçus.*

Il vit sur l'écran, encore en état par miracle, devant lui un nouveau texte s'afficher:
« Très bien… Maintenant que nous avons vérifié la … résistance de ce champs de force, voyons un peu combien de projectiles il peut bloquer. Encore une fois, si vous sentez que quelque chose se passe mal, clignez des yeux. Sergueï, recules un peu s’il te plait.»

Son accord donné, il souffla en constatant que les tests étaient tout simplement les mêmes que pour le colosse venu du froid. C'était déjà une bonne chose.
Et cette fois-ci il se surprit à ressentir quelque chose de nouveau bien qu'encore faible et diffus en lui lorsque les balles de caoutchoucs fusèrent de toutes parts autour de lui... Qu'était-ce? Ce n'était pas du soulagement... Ni de la peur... de... L'amusement?
Il se surprit à trouver amusant toutes ces balles lui fonçant dessus!

... Décidément les garçons et les jeux de balles... A croire que c'est génétique et qu'un mâle est programmé à s'amuser dès qu'il a quelque chose de rond dans les mains... *Hum*

Encore une fois, il sentit l'énergie, moindre toutefois, entrer en lui au fur et à mesure... Pour être expulsé à nouveau... Détruire à nouveau sa chaise... Déchirer A NOUVEAU ses vêtements... Et se retrouva A NOUVEAU allongé au sol... Nu.
Sur ce le majordome revint avec une nouvelle chaise et un nouvel ensemble... Mais combien de chaises roulantes avaient-ils ici???

Un nouveau message:
« Nous en avons fini avec les tests physiques, Monsieur Nobiltà. La dernière étape vous coûtera probablement un effort, mais elle est capitale pour la suite, et surtout déterminante pour le reste de votre vie. Vous sentez-vous prêt ? »

Ha. C'était trop beau. Les choses sérieuses allaient certainement commencer maintenant. Adam se remémora les pires expériences que les scientifiques avaient mené sur lui et d'autres prisonniers... Sur quoi allait-il tomber?
Au bout de quelques minutes, il acquiesça:

« Parfait. Ce qui vous enferme, ce n’est autre que votre propre potentiel; c’est votre propre corps qui le produit, qui vous l’impose. Maintenant, je vous demande de reprendre le contrôle. Concentrez vous, et d’une manière ou d’une autre, abaissez cette prison qui vous entrave. Vous l’avez déjà fait, peut-être sans vous en rendre compte, mais vous pouvez le faire. »

* Mon propre potentiel... Elle en a de bonnes elle... Si c'était aussi simple cela ferait bien des années que je maîtriserai ce cauchemar...*

Mais que lui demandait-elle? De contrôler les explosions? Cela il en était incapable et ne savait pas si il en serait capable un jour! Par contre, il pouvait bouger et parler en se concentrant... Un petit peu du moins.
Etant tout ce qu'il pouvait montrer à la directrice, il décida de rassembler toutes ses forces et montrer quel était le niveau actuel de son contrôle sur lui-même, aussi faible soit-il:
Il ferma les yeux, tentant de combler par lui-même le vide qu'il sentait au fond de lui, et tourna son regard vers le centre de son torse, là où se trouvait ce trou béant semblable à un trou noir...
Il imagina de toutes ses forces ce trou se remplir peu à peu de points lumineux, comme un trou noir avalant autant d'étoiles, jusqu'à ce que le trou ne soit plus que lumière chaude et pleine. Il rouvrit les yeux au bout de plusieurs longues minutes, transpirant fortement et les veines gonflées à bloc.

Petit à petit, il bougea quelques orteils... Puis les muscles des jambes se contractèrent... Et peu à peu le reste du corps suivit: Il souleva une jambe pour la poser au sol, puis l'autre, et empoigna les coudières du fauteuil afin de se soulever et se mettre debout!
Il tourna alors la tête vers Sergueï, à défaut de voir Maria, et fit des grimaces avec sa bouche afin de remettre en marche ses muscles faciaux:

" Bonjours... Veuillez... M'excuser... De mon... Silence... Mais... Ce n'est pas... facile pour moi de contenir ma faim..." Encore quelques grimaces et il reprit " Ne pouvant maintenir cet état trop longtemps, je vais me permettre de vous donner les renseignements que je possède sur ma mutation. Etant limité dans le temps vous me pardonnerez j'espère de mon monologue."

Il reprit un instant pour inspirer à nouveau et reprit:

" Tout d'abord je tiens à vous remercier de m'avoir ôté des griffes de mes geôliers, et j'espère avoir la chance d'avoir une très longue discussion avec vous à leur sujet. Je vous remercie aussi Sergueï pour avoir mit votre vie en danger afin de pouvoir me libérer. Je ne l'oublierai pas soyez-en sûr.
En ce qui me concerne, je répondrais à vos questions sur ma vie une prochaine fois ce n'est pas la priorité. En ce qui concerne ma mutation je ne peux vous dire que ce que mes propres recherches, avec le peu de moyens à ma disposition, a pu me révéler... Les chercheurs du lieu où j'étais n'ayant pas pensé à partager leurs découvertes avec moi."

Un rictus amer et plein de rage passa sur le visage d'Adam lorsqu'il prononça cette dernière phrase... Voilà un sentiment qu'il connaissait bien mais qui avait disparu depuis bien des années, remplacé par la résignation: La Haine.
Il mit de côté ce sentiment nostalgique et continua:

" Pardon. Ma mutation donc... Voyons... Il semblerait que mon corps absorbe et stocke l'énergie cinétique situé dans un rayon de 2 à 3cm de ma peau en permanence. Cette énergie, une fois stockée, doit être relâché dans les 120 secondes au maximum faute de quoi elle sortira d'elle-même de la manière dont vous venez d'être témoin. Ce que vous avez dû, par erreur, prendre pour un champ de force me protégeant n'est en fait qu'une libération continue de cette énergie non-contrôlée: C'est donc un champ de répulsion et non pas un champ de force, bien que l'effet final soit le même.

Quoi d'autres... Mon contrôle actuel ne peut s'exercer que sur une durée limitée à 3 heures chaque jour et m'oblige à gérer avec soin cette durée. Je dois penser à garder la moitié de ce temps au minimum pour me nourrir, faire mes besoins et ma toilette. En fin de compte et par mesure de sécurité, je ne dépasse pas 1 heure par jour pour autre chose que mes besoins vitaux donc.
Cet état m'est impossible en période de stress pour l'instant car j'ai besoin d'une concentration absolue afin d'y arriver... Ce qui explique mon incapacité à avoir pu aider plus que cela votre équipe de sauvetage... Et pour cela je vous pris de m'excuser.

Pour finir, vous devez savoir que je ne respire pas. Jamais. et qu'il m'est possible d'abaisser mon champ de répulsion mais tout ce qui me touche directement se voit privé d'énergie cinétique quoiqu'il arrive... Ce qui explique ma gestuelle actuelle."

Il imagea son commentaire en marchant et bougeant les bras... Et effectivement on aurait dit un homme en costume ample qui marcherait au fond d'une piscine. L'effet était des plus étranges et rappelait les fantômes des films d'horreur... Sans oublier les vêtements et les cheveux qui flottaient de la même manière...

" Les mouvements rapides me sont donc impossibles. Ou du moins pas en ce qui concerne les gestes amples."

Transpirant à grosses gouttes, il se rendit compte que parler et se concentrer en même temps demandait bien plus de force mentale que prévu! C'était un exercice qu'il n'avait jamais effectué jusqu'alors et il fronça les sourcils un instant, sa concentration vacillant par instant.

" Pour finir, et pour une raison que j'ignore, il semblerait que ma mutation n'absorbe pas l'électricité, la lumière ou les radiations... Alors qu'en théorie elles devraient être absorbées aussi. Je n'ai toujours pas compris pourquoi malheureusement."

J'estime à environ 20-25 minutes le temps qu'il me reste pour répondre à vos questions oralement et effectuer la suite de vos tests..."