Cette fois si, la fin était proche… Coincé par une centaine de terroristes équipés d’armes automatiques, l’agent secret Marsh n’avait plus d’issues. Mais il avait la fierté de mourir en ayant servi son pays, d’avoir empêché ce général fanatique de détruire Washington avec la complicité des cellules communistes infiltrées sur le sol américain… L’ordre claqua sèchement. "Rendez vous !"
Se redressant de tout son mètre quatre vingt dix de costume de soie, mâchoires serrées, Marsh tira sa dernière balle entre les deux yeux du dirigeant dément… Dans le même mouvement, il avait dégainé son portable, qui, grâce à la magie technologique moderne, fonctionnait encore au fin fond de la grotte abritant les réserves nucléaires secrètes de l’URSS. "Je t’aime chérie… "

L’écran, qui restait constament allumé ou presque, devint brusquement noir. Une fraction de seconde plus tard, la présentatrice vedette de la chaîne, une blonde adulée par la majeure partie de la population masculine mondiale, apparut, son sourire habituel mystérieusement absent de son délicieux visage.

Nous interrompons notre programme pour un flash spécial d’information… Une violente explosion a secoué il y a une heure le terminal 3 de l’Aéroport International O’hare. Nous retrouvons immédiatement sur place notre envoyé spécial à Chicago, John Tombstone.

L’image se divisa pour laisser apparaître un jeune homme aux traits anguleux, cheveux courts sur costume impeccable. Tombstone était à quelques dizaines de mètres d’un bâtiment cerné par une double rangée de bandes jaunes, entouré par une foule de policiers qui tentaient de repousser tant bien que mal l’armée de caméras et de micros qui se jetaient en avant. Des ambulanciers allaient et venaient, sortant des civières à toute allure pour les embarquer dans la file d’ambulance qui attendaient, prêtes à décoller au quart de tour. La foule empêchait de voir grand chose du bâtiment mais toutes les vitres avaient visiblement volé en éclat, tandis qu’une masse impressionnante de débris divers, allant du terminal au bureau entier, jonchaient les alentours. L’explosion avait été suffisamment violente pour que la seule voiture entrant dans le champ de la caméra était criblée d’éclats divers. Tombstone avait déjà pris la parole.

En effet Kathy, les forces de polices viennent de confirmer que c’est bel et bien une explosion qui a soufflé le terminal, aux alentours de quinze heures. Nous n’avons bien évidemment pas pu pénétrer dans le bâtiment, mais les dégâts semblent considérables, comme vous pouvez le constater autour de moi. Etrangement, il n’y a pas le moindre nuage de fumée, et les pompiers ne semblent pas craindre un départ d’incendie. Pour ce qui est des victimes de ce drame, leur nombre est sans doute particulièrement élevé, nous n’avons vu que très peu de personne sortir des décombres par leurs propres moyens, et l’aéroport était comme toujours bondé.
Il ne peut évidemment pas s’agir d’un accident étant donné les normes en vigueurs, ce qui laisse à penser que notre pays est à nouveau la cible de menaces terroristes. Néanmoins…

Au studio, Kathy venait de porter la main à son oreillette.

Excusez moi de vous couper John, mais il semblerait qu’une déclaration officielle est en cours… de la part de… la BCGDCA ?! Nous rappelons que cette organisation s’occupe spécifiquement des problèmes mutant, et il apparaît que ce sont eux qui sont en charges de l’affaire… En direct de Chicago toujours, la déclaration officielle.

John et Kathy disparurent brusquement pour laisser place à un pupitre orné d’un aigle surmonté d’un agent type, en costume noir et chemise blanche. L’homme prit la parole, calmant instantanément le brouhaha des journalistes assis devant lui.

Cet après midi, à 15h12 exactement, le terminal 2 de l’Aéroport International O’Hare a été soufflé par une explosion d’origine mutante. Tumulte dans la salle. Les images des caméras de surveillance montrent un jeune mutant interpellé au contrôle d’identité –il s’agissait d’un mutant non fiché-. Le mutant se débat quelques secondes avant de tenter de s’enfuir. Lorsque les services de sécurité parviennent à l’intercepter, une sorte d’onde de choc semble émerger du corps de l’individu. Les objets proches sont envoyés en l’air, de même que les voyageurs et vigiles. L’angle de la caméra elle même est modifiée, ce qui ne nous permet pas de voir la scène par la suite, nous ne voyons qu’une vitre du terminal être traversée par un pylône de support. Je dois également préciser que suite à cette onde de choc, le plafond du terminal s’est partiellement effondré sur les passagers, qui ont également été atteint par de nombreux débris ou objets envoyés en l’air. Le mutant semble également avoir occasionné des dégâts aux organes internes des humains. A ce stade, un premier bilan fait état de cinquante trois morts, mais il augmentera sans doute dans les heures à venir.

La vidéo sera vraisemblablement donnée aux médias après une analyse approfondie. Je ne répondrais à aucune question. L’enquête est en cours et nous nous efforcerons de vous tenir informé. Je vous remercie.

L’homme quitta la salle d’un pas typiquement militaire, indifférent à la horde qui hurlait une flopée de questions. L’image resta quelques secondes sur le drapeau américain en fond de la salle de conférence avant de revenir sur Kathy, qui prit à nouveau la parole pour commenter la nouvelle. Il était clair que les fans de l’agent Marsh ne verraient pas la fin de leur épisode avant une bonne dizaine d’heures...

Les images télévisées se reflétaient sur les pupilles de Maria. Affalée en travers du fauteuil devant l’holovision, la russe ne montra aucune espèce de réaction à l’annonce de la terrible nouvelle. Elle but stoïquement une gorgée de vodka en prenant garde de ne pas en verser sur sa belle petite robe blanche d’été.
Un attentat ? Des dizaines de morts ? Le BCGDCA qui pointait du doigt la communauté mutante ?
Cela ne valait même pas l’effort de hausser les sourcils. Non, ce qui la révoltait vraiment en ce moment, c’était qu’on ait pu interrompre un épisode de Marsh pour ce genre de chose et ce crime était bien plus grand que n’importe quelle perte humaine. Elle finit son verre d’une gorgée et le posa sur la table basse. A l’holovision maintenant, les images de l’aéroport avaient été remplacées par le témoignage confus d’un clodo qui dormait sur le banc d’en face au moment du drame.
Maria se leva de son fauteuil, remonta la bretelle de sa robe et s’étira la colonne vertébrale en levant les bras au ciel en grimaçant.
Le devoir l’appelait, à cette heure-ci, les journalistes devaient certainement être en route pour la Confrérie pour avoir leurs avis sur la question. Les phrases chocs de son speech étaient déjà toutes trouvées :
" _ C’est un incident grave que nous déplorons… Bla bla bla… mais il est inutile de stigmatiser la population mutante… Bla bla bla… un incident qui reste isolé… Bla bla bla… Et puis d’abord, les chiffres sont clairs, ce sont les humains qui sont à l’origine de quatre-vingt-dix pour cent des attentats meurtriers de la planète… Vous n’allez pas nous chier dans les bottes parce que, pour une fois, c’est un mutant qui s’est lâché !"

Bien sûr, il lui faudrait édulcorer ses propos pour ne pas paraître agressive, mais l’essence du discours était bien là et le reste n’était l’affaire que d’une dizaine de minutes de réflexion devant le clavier de son ordinateur.
Elle n’était pas la seule dans la pièce, mais tout le monde restait silencieux, comme si le journaliste qui parlait était un mutant doué d’un pouvoir de mutisme. Kenjiss aussi était là, assis, le coude posé sur la table, enfermé dans un silence monolithique :
" _ Rassure-moi, ce n’est pas de toi, tout ça ?" Lui demanda-t-elle soudainement prise d'un doute, en pointant l’écran du pouce.

Il arrivait parfois que le boss pète un plomb et déclenche des évènements de ce genre sans auparavant en avoir fait part à ses sous-fifres. Si cette fois-ci encore c’était le cas, il avait vraiment fait fort et Maria n’avait pas encore perçu l’intérêt sous-jacent de l’attentat.
"_ Parce qu'il serait temps que tu me l’avoues, ajouta-t-elle, si tu as une idée derrière la tête, autant que je sois au courant pour orienter de manière utile les bobards que je vais servir aux journalistes !"

La vieille dame avait été très choquée par le violent attentat et demandait innocement au présentateur si un jour ils pourraient vivre en paix sans ces monstres surpuissants dans leurs aéroports. Ah et puis les étrangers aussi, ils pouvaient pas dégager tant qu’à faire ? Et les hispanos, et puis les noirs, même s’ils étaient américains, c’était pas génial non ? De son temps…

John ? Navré de vous interrompre à nouveau, mais il semblerait que nous ayons de nouvelles informations

L’écran revint sur Kathy, laissant Tombstone achever l’interview de la malhereuse vieille dame. Sans doute pourrait on la ressortir aux élections, lorsqu’il faudrait trouver des supporters pour le président sortant… Mais on n’en était pas là. La pimpante présentatrice eut un sourire crispé, inclina ses cheveux blonds qui dévalèrent sur son épaule dans un tourbillon éblouissant qui lui valait l’adulation de la moitié de la planète. Surtout des hommes en fait…

Nous venons de recevoir à l’instant une revendication. Le groupe se revendique comme mutant, prônant la liberté et la défense des droits mutants… Après une analyse de la bande, nous avons été autorisés à la diffuser.

L’écran bascula à nouveau pour révéler un homme massif, au teint pâle. Aucun logo ou décor quelconque, il n’y avait que ce type avec son fusil… Il prit la parole d’une voix métallique. En réalité, on ne pouvait qu’être impressionné par la puissance apparente du colosse…



Aujourd’hui, l’un des nôtre est mort. Tué par votre intolérance. Vous avez tué un de nos frères, un homo superior… Pour ce crime abject, les Etats Unis paieront. Nous avons infiltré la plupart des grandes villes du pays. Vos services n’ont eut aucun soupçon jusqu’à maintenant. En une poignée de seconde, nous pouvons anéantir votre orgueilleuse puissance dont vous vous vantez tant… J’invite mes frères mutants à se battre contre l’oppresseur, quelque soient leurs possibilités. La moindre perturbation nous sera utile. Si vous ne pouvez agir, restez chez vous aujourd’hui pour ne pas subir notre courroux à la place de ces inférieurs.

Dans trente six heures, si les Etats Unis n’ont pas détruit leurs bases de données fichant les mutants, nous agirons.

L’image revint à Kathy dans un contraste étonnant entre le guerrier qui paraissait sorti d’un autre âge et la présentatrice trop maquillée et habillée à la dernière mode… Elle reprit la parole d’une voix blanche.

Kenjiss haussa les épaules en jetant un coup d'oeil acerbe à Maria. Dernièrement, le tatoué n'avait pas paru au mieux de sa forme et avait encore moins ouvert la bouche que d'habitude. Qui plus est, ce n'était certainement pas au milieu de la salle commune qu'il allait révéler pareilles machinations ! Le directeur se contenta de plisser les yeux et de répondre d'une voix glaciale. On ne discutait généralement pas de ce genre de choses en public...

Il est hors de question que je sois lié de quelque manière que ce soit à ces actes Maria, et tu le sais... Je ne cautionne aucune mort mutante. En revanche, je pense que cela a un lien avec le directeur de la BCGDCA qui m'a appellé y a une heure. Il requiert la présence de la Confrérie aux Etats Unis figure toi... Avec assurance d'une sécurité parfaite etc... Amusant hein ? Ils ont besoin de nous... Modalités non précisées. Ca te tente ?

En réalité, il avait déjà accepté, et sa question était parfaitement rhétorique... Qui était le boss et détenait une autorité incontestée par ses sujets fanatisés ici ?!

J'envoye Terry aussi. Peut être même Twik si vous sentez avoir besoin d'un coup de lame...

Terry déambulait dans le centre de Vancouver lorsque Kenjiss l’avait appelé. Aussitôt, il était entré dans le premier magasin d’holo-écrans. Tous passaient déjà en boucle les mêmes images de l’attentat. Et c’est au milieu d’une foule de plus en plus compacte que le mutant avait prit réellement conscience des évènements. Et de la raison de son appel. Et surtout de l’étrangeté de la situation. Visiblement, la victime était mutante. L’attentat revendiqué par un groupuscule anti-humains parfaitement inconnu. Aux méthodes plus que… discutables. Et cerise sur le gâteau, au lieu de les accuser directement, la BCGCDA les appelait à l’aide. Le Caméléon en avait assez entendu, déjà il sortait du magasin pour rejoindre sa voiture et rentrer à la Confrérie le plus rapidement possible. Il allait avoir un petit voyage à faire.

*Kenjiss, j’espère que tu n’as rien à voir avec toutes ces conneries…*

Sans le savoir, les mêmes soupçons que Maria avaient traversé son esprit. Terry le savait capable de beaucoup de choses mais de là à jouer des jeux dangereux… très dangereux… On ne se frottait pas à la BCGDCA sans y perdre quelques écailles. Et ces fédéraux n’avaient à priori aucune raison de les appeler, ni de leur demander de l’aide… Etrange. Est-ce que que le serpent caressait la souris avant de la gober ? Terry grilla tous les feux et brûla la plupart des priorités sur la route, si bien qu’il arriva à la Confrérie une dizaine de minutes plus tard.

Il entra dans le salon où il trouva Maria et Kenjiss. La Russe sanglante était sur le départ. Il jeta un coup d’œil suspicieux à Kenjiss mais rien ne laissait transparaître le moindre soupçon dans son attitude. Il était toujours fidèle à lui-même, fermé comme une huitre. Peut-être encore plus fermé que d’ordinaire, mais ça, comme l’avait noté Terry, cela durait depuis plusieurs jours déjà. Pour une raison qu’il ignorait, leur leader semblait… quelque peu préoccupé et légèrement lointain. Mais il n’insista pas. Il y avait urgence !

"J’ai raté quelque chose depuis la dernière menace de ce mastodonte abruti ?"demanda-t-il à ses confrères par mesure de sécurité.

Devant leur silence, apparemment non. Il jugea qu’une tenue de combat serait plus appropriée.

"Je vais me changer aussi, on se retrouve au Jet dans 10 minutes" lança-t-il à Maria.

C’était court mais il ne lui accorderait pas plus. Ils n’allaient pas un défilé de mode ! La demoiselle n’avait pas besoin d’emmener avec elle ses quinze valises de tailleurs et autres vêtements divers.

"Le boss suit –il ses troupes sur le terrain ou nous surveille-t-il de loin… juste au cas où ?" interrogea-t-il en se tournant vers Kenjiss

Twik’ remplissait assez bien son rôle en ce qui concernait leur sécurité, mais un petit coup de pouce supplémentaire ne pouvait pas leur nuire. Surtout là où ils se rendaient…

Kenjiss leva les yeux vers le nouvel arrivant. Terry put alors apprécier les effets de la privation de sommeil... Le tatoué était plus pâle que d'habitude, et bien qu'il ne paraissait pas spécialement faible, son visage blafard avait de quoi inquiéter.

Je m'occupe de couvrir vos arrières... Bonne chance à la troupe.

Et ce fut tout. Une brève salutation, aucune poignée de main chaleureuse, gorges nouées par l'émotion... Pour l'adieu aux kamikazes, on repasserait !

Dix minutes plus tard, tous se réunirent dans le hangar, près du jet. Étrangement, Maria était parvenue à faire un choix parmi toutes ses tenues, Terry était parvenu à repousser ses envies de chemises hideuses et Twik... Sans que personne sache comment, la jeune mutante était déjà équipée lorsque déboulèrent l'hématophile et le caméléon. Twikjeya n'avait bien évidement pas revêtu la combinaison standard moulante de la Confrérie. La demoiselle avait ses propres goûts et il était hors de question d'enfiler une tenue de combat aussi peu pratique... La jeune slave avait depuis longtemps confectionné une variante très... Personnelle. Tout en utilisant la matière de base, conservant donc l'intérêt protecteur des tenues de combat, Twikjeya avait changé tout le reste. La jeune slave avait redécoupé le haut, avait resserré les manches, recousu le dos... Mais surtout, surtout, elle avait éliminé le pantalon. Ne vous attendez toutefois pas à voir la sombre dame courir dans tous les sens en petite culotte, Twikjeya s'était simplement débrouillée pour confectionner une jupe longue. Le tissu frôlait le sol à chacun de ses pas, et on pouvait douter de l'intérêt pare balle de l'ensemble, mais Twikjeya semblait préférer se prendre une balle dans la jambe que de sacrifier l'esthétique...

En d'autres termes, et bien que la combinaison soit autrement plus solide que les robes habituelles de la jeune slave, Twikjeya avait encore trouvé le moyen de se parer de noir et de conserver son laisser passer pour les soirées goth des alentours. A plus forte raison que deux lames dépourvues de manches dépassaient de ses avant bras, glissées dans des étuis spéciaux autour de ses poignets... Deux autres, de plus grandes tailles, étaient fixées dans son dos et nul ne doutait que la gentille infirmière en cachait une paire supplémentaire dans ses bottes.

Je vous attendais... J'ai déjà chargé le matériel médical à bord. Le jet ne contient que les armes par défaut. Si vous voulez votre propre équipement, vous devez faire un tour par l'armurerie.

Et trois minutes plus tard, les deux folles décollaient, avec le seul et unique individu saint d'esprit aux commandes... Direction Chicago, si Terry résistait à l'envie de larguer Maria en vol.

[Suite sur le prochain topic]

Dix minutes de préparation ? C’était amplement suffisant ! En vérité, la mission tombait merveilleusement bien : elle avait l'occasion de pouvoir étrenner sa belle combinaison !

Tout en enfilant l’armure noire, elle se repassa mentalement sa discussion, un mois auparavant, avec Conrad, le spécialiste en équipement de la Confrérie. Ils étaient tous les deux dans les vestiaires de la salle d’entraînement, il lui présentait fièrement la combinaison protectrice standard de la Confrérie :
"_ Elle est complètement imperméable aux balles, vantait-il, et peut atténuer leur impact jusqu’à un certain point. Elle te protégera également des armes blanches classiques et, dans une moindre mesure, te permettra de survivre à une décharge énergétique… Un vrai bijou de technologie…"

Maria, les bras croisés, n’avait pas décroché un seul sourire.
"_ Conrad, je vais être très claire, si tu me forces à porter cette espèce de loque, je t’intente un procès et je m’arrange pour que Kenjiss te vire et organise une chasse à l’homme !"

Maria se souvint avec un sourire carnassier comment le pauvre technicien avait pâli en un instant.
"_ Que… Quelque chose ne va pas ? " Avait-il demandé en déglutissant.

"_ C’est clair, il est impossible que je mette un truc aussi impersonnel… Et ce noir, ça ne sied pas du tout avec mon teint… Je préfèrerai encore mourir -et ce serait entièrement de ta faute- plutôt que de me présenter aux autres là-dedans… ou alors il me faut quelques retouches."

Ce niais de Conrad avait mordu à l’hameçon.
"_ Des retouches ? "

Le sourire de Maria était enfin apparu comme un lever de soleil sur la toundra après une longue nuit d’hiver.
Le premier changement suggéré ne concernait pas la mode proprement dite, mais les armes naturelles de la russe : ses mains.
Devoir retirer ses gants avant le combat et les remettre après la victoire ne s’avérait pas pratique. Le brave Conrad avait installé un système automatique rudement bien pensé. En pressant le bouton situé sur le poignet droit, les gants jaillissaient des avant-bras de sa combinaison et venaient instantanément recouvrir la totalité de ses mains. Une nouvelle pression et les gants se rétractaient et disparaissaient dans l’instant.
Le second changement concernait la couleur…
"_ Le noir ? C’est non, je te dis ! C’est complètement has been. Je n’ai vraiment pas envie qu’on me prenne pour une méchante !"

"_ Tu sais Maria, lors des missions d’infiltration, le blanc n’est pas vraiment recommandé…"

La russe avait levé le doigt et n’avait répondu que deux mots :
"_ Tissu chromoélectronique !"

Dépité, Conrad s’était assis en se pinçant les yeux.
"_ As-tu la moindre idée de combien coute un morceau de ce truc ? "

"_ N’aies pas peur pour les caisses de la Confrérie, je paierai de ma poche… Fais-moi un devis sachant qu’il faut recouvrir toutes les pièces de l’armure, me faire une cape surmontée d’une capuche et un masque pour le contour des yeux et le haut du visage !"

Depuis son discours d’ouverture, elle était devenue un visage connu de la Confrérie Moderne, pas question qu’on la reconnaisse sur un holofilm en train de saigner des humains en mission.
"_ Maria, c’est de la technologie récente, encore instable…"

"_ Je ne compte pas m’en faire une tenue pour me confondre avec le paysage. Je voudrais simplement pouvoir switcher entre trois couleurs : du blanc pour la parade, du noir pour la discrétion et du rouge sombre en cas de tâches. Alors, combien penses-tu que ça va me coûter ? "

"_ Je dirais… Pour cinq mètres carrés de tissus et la main d’œuvre… 50 000 crédits, à vue de nez… Et deux semaines de délai. "

"_ Considère que tu as à ta disposition 70 000 crédits et trois semaines. Travaille correctement et je ne te demanderai pas de me rendre la monnaie."

L’opération avait fait frémir d’un iota le compte en banque surchargé de la russe, mais le résultat était là ! Sa tenue de protection était maintenant « mettable ». Maria enfila son masque, rabattit sa capuche sur ses cheveux blonds puis pressa un bouton situé sur la saignée de son bras droit. Toutes les cellules chromoélectroniques réagirent en diapason et le costume noir passa instantanément au blanc… Une nouvelle pression et tout deviendrait rouge sang.
Du bon boulot tout ça !

Deux minutes plus tard, Maria s’installait dans le jet… Elle put remarquer qu’elle n’avait pas été seule à trouver la combinaison de base un peu trop classique !

( Suite)