« Je me fiche qu’elle soit absente depuis 5 mois, j’ai besoin de son numéro ! C’est une affaire d’extrême urgence d’ordre privé et je ne m’en expliquerai qu’avec elle ! »

Terry, du bout de son communicateur, fulminait. Les administrations se ressemblaient bien toutes lorsqu’il s’agissait d’obtenir des renseignements, ou pire encore des informations précises. En l’occurrence, il semblerait qu’obtenir le numéro de la sous directrice de la Lib’Corp ne semblait pas faire partie des priorités de l’association. Par mesure de sécurité ou par souci d’installer une notion d’inaccessibilité, l’heure n’était pas aux interrogations.

« Non, vous n’avez pas besoin de connaître mon identité. Si ça peut vous rassurer, je suis une ancienne connaissance… »

Tandis qu’il fut mis pour la énième fois sur liste d’attente –les systèmes de sécurité de la Lib’Corp tentaient certainement de pister son appel intraçable, ce qui ne jouait pas en sa faveur), le mutant s’interrogea vaguement de la raison de cette absence prolongée. Pour ce qu’il en avait connu de l’humaine à l’époque, cela ne lui ressemblait pas d’abandonner ses objectifs. Sa récente relation avec son leader y était sans doute pour quelque chose mais une voix féminine à l’autre bout du fil coupa court à ses réflexions.
Terry eut enfin ce qu’il voulait –après avoir bataillé pendant près d’une demi-heure. Il se força à remercier son interlocutrice –même si elle l’avait fait tourner bourrique, le mutant restait poli et mit fin à l’appel, un peu trop brusquement pour quelqu’un qui se voulait calme. Mais vu la situation, il était difficile de rester calme, n’est ce pas ?

Nath’ n’avait pas répondu à son appel. S’il pesta intérieurement, Terry n’en fit pas cas très longtemps. Il valait mieux que l’infirmier demeure à la Confrérie s’il ne se sentait pas capable d’affronter correctement la situation. Ils allaient avoir besoin de leurs meilleurs effectifs et si possible, en pleine forme. Le caméléon glissa le précieux numéro dans la poche de sa combinaison. Même s’il était convaincu que pouvoir joindre la compagne de son boss se révélerait très certainement utile dans les prochaines heures –ne fut ce que pour s’assurer qu’elle n’envisageait rien de déraisonné, il ne l’utiliserait qu’en cas de réelle nécessité, peu désireux de rentrer en contact directement avec elle, après toutes ces années. L’humaine toujours prompte à réagir en fonction de la situation par la force de l’habitude, devait avoir pris ses précautions en apprenant la disparition de Kenjiss, le mutant en était certain.

Après avoir fait le tour de la bâtisse pour s’en assurer la sécurisation et le maintien du niveau d’alerte en DEFCON 3, Terry retrouva Daniel au centre de contrôle. Leurs recherches à l’extérieur avec les pisteurs de la Confrérie –Sean et Oliver- n’avaient rien donné. Il n’y avait aucune trace, nulle part. Les ravisseurs avaient fait de l’excellent travail. Des professionnels, sans aucun doute. Petit à petit, l’étau des soupçons se resserrait autour du Cercle. Terry n’avait pas besoin de preuves supplémentaires pour incriminer la culpabilité de l’organisation anti-mutante. Cependant, il n’avait toujours aucune idée de l’endroit où pouvaient être retenus prisonniers Samarah et Kenjiss. Le mutant décida de suivre la piste de la logique. Les USA. S’il y avait bien un territoire parmi les plus inaccessibles pour les mutants à l’heure actuelle c’était bien celui-là. Il renvoya Sean et Oliver auprès des autres élèves, les chargeant de veiller sur les plus jeunes. Il se promit également de faire appeler Stephen, le jeune homme possédait des dons qui leur seraient vraisemblablement utiles…

Le mutant se mit alors à faire les cent pas dans la salle en attendant les autres, réfléchissant à un possible plan d’attaque. En l'absence de Kenjiss et vu les premières réactions qui avaient suivi l'annonce de sa disparition, toute la responsabilité ou presque de la Confrérie reposait sur ses épaules, une responsabilité partagée avec la dame des glaces. D'ailleurs celle-ci ne devrait sans doute plus tarder et ils pourraient enfin passer à l’action...

Visite d'une moscovite

La porte de l'ascenseur se referma silencieusement sur les deux slaves confréristes.
"_ DEFCON 2 alors ? Soit ! Répondit la blonde en sortant une nouvelle fois son holophone de la poche arrière de son jean, mais attendons pour le déclencher d'être arrivées au centre de contrôle. Si je préviens les surveillants tout de suite, ils auront le temps de se préparer psychologiquement."

Elle fit virevolter ses doigts agiles sur le pad numérique de son appareil et écrit en moins de vingt secondes un petit message d'alerte à destination d'Henri, d'Emmett et de Kyle.
Ç'allait être la première fois dans l'histoire de la Confrérie que le seuil d'alerte atteindrait un niveau si bas. Ce serait une occasion unique d'évaluer le sang froid des élèves !

L'ascenseur descendait lentement, Maria se retint de sourire trop ostensiblement quand Twikjeya avança l'idée qu'il serait préférable que Kenjiss se soit suicidé.
Elle aurait pu lui répondre que, de son avis personnel, il aurait dû mettre fin à ses jours sitôt son ignominie zoophile révélée, mais n'en fit rien : c'était certainement un test !

Lors de l'incident de la plate-forme transatlantique, Twikjeya avait eu l'occasion d'assister à deux évènements antithétiques. D'une part, elle avait pu se rendre compte que Kenjiss trahissait clairement tous les idéaux confréristes, d'une autre, que Maria était venue à son secours alors qu'elle-même, poignardée, était en train de baigner dans son propre sang.

Lors du débriefing, des deux, qui avait bénéficié de la clémence de l'Ange de la Mort ? Kenjiss !
Lors du débriefing, des deux, qui avait été désavoué ? Maria !
La fidélité de Twikjeya à l'égard du leader -cela pouvait même être identifié à de l'attachement- était trop forte pour qu'elle souhaite aussi froidement sa mort !

"_ On aura besoin de la liste complète des mots de passe susceptibles de fonctionner, annonça Maria en croisant les mains, j'ai l'impression que notre cher Kenjiss, par excès de prudence, a posé des pièges un peu partout dans son ordinateur. Il nous faudra plusieurs essais pour apprendre à tous les éviter…"

Règle n°1 : ne pas ouvrir le dossier intitulé "Informations personnelles" affiché ostensiblement sur le bureau d'accueil !


Une minute plus tard, la porte du Centre de contrôle s'ouvrait sur les deux jeunes femmes. En entrant, Maria jeta un coup d'œil circulaire à la modeste assemblée. Elle ne vit d'abord que Terry et Daniel et retint une grimace de dépit. Super ! Une sacrée partie de plaisir en perspective ! Chacun de ses mots allait devenir prétexte à conflit et à accusation diffamatoire... Pour ces deux oiseaux, même le fait qu'elle préfère le thé au café était la marque d'une ambition abyssale !

Puis, juste après, elle remarqua la présence de Vanessa… Elle lâcha un petit soupir de soulagement silencieux : ouf, une alliée !
"_ Quelqu'un a-t-il des nouvelles de Nathaniel ? Demanda-t-elle innocemment, espérant voir l'arrivée d'une seconde personne sur laquelle elle pouvait compter, Twikjeya juge que nous devrions passer en DEFCON 2 et je préférerai l'avoir avec nous avant de nous lancer."

En cas de réponse négative de la part de ses confrères, elle lui enverrait un petit message pour l'inviter à les rejoindre… Elle alla s'asseoir sagement aux côtés de la prostituée.

Les confrères étaient enfin réunis et le caméléon coula un regard vers leur petite assemblée, en silence. L’heure était grave. Mais il ne s’attarda pas en considérations personnelles et prit rapidement la parole

"Nath ne se sentait visiblement pas bien. Autant qu’il reste ici. Un mutant affaibli ne nous sera d’aucune utilité sur le terrain"

Ainsi mit-il fin sans détour aux sous-entendus tranchants de leur dame de glace. Elle voulait passer en DEFCON 2 ? Soit. Ce ne serait pas lui qui irait à l’encontre de cette initiative. Terry voyait presque déjà le gouvernement américain aux portes de la Confrérie, alors lui non plus ne lésinerait pas sur la sécurité. S’il saisit le regard douteux que Maria lui envoya lors de son entrée dans la salle de contrôle, le mutant n’en montra rien et continua

"Et comme le souligne si justement Dan’, il pourra nous servir de relais au besoin. Mais passons au plus urgent"

Il se tourna vers Maria et Tousled

"Avons-nous établi un contact avec l’Institut ?"

Mais ni lui, ni Daniel n’obtint de réponse. Car c’est à cet instant qu’une silhouette surgit dans la salle de contrôle. D’abord surpris, Terry esquissa un geste défensif avant de s’arrêter brutalement. L’étrangère ne semblait pas les menacer. Elle demanda simplement à parler avec Twik’

Le caméléon en resta presque bouche bée. Qu’est-ce que c’était encore que ce délire ? Comment cette femme était-elle rentrée jusqu’ici sans que personne ne l’aperçoive. Et pire encore, par quel miracle était-elle donc au courant de la situation ? Était-ce possible que des informations aient déjà échappé à leur contrôle ?

"Qu’est ce que…."

Terry balbutia légèrement avant de se reprendre. Pour sa défense, on ne voyait pas souvent, même jamais en vérité, une inconnue se présenter dans la salle de contrôle, l’air de rien. Si la Confrérie n’était pas actuellement en DEFCON 2, il aurait presque pu croire qu’elle venait boire une tasse de thé avec la slave. Sauf que Twikjeya ne buvait pas de thé…

"Qui êtes-vous ?" demanda-t-il finalement, puisqu’elle avait déjà clairement exprimé l’objectif de sa visite

Et il attendait visiblement une réponse. Sur le qui-vive, Terry se tenait prêt à intervenir au moindre geste suspect de la part de l'inconnue. Il coula néanmoins un regard tendu vers la dame des glaces, guettant quelle serait sa réaction. Après tout, c'était elle la sollicitée...

Une fois n'était pas coutume, Maria était d'accord avec Gray : elle non plus ne voulait pas laisser Nath' sur la touche. Au vu de la gravité de la situation actuelle, il était probable que toutes les bonnes âmes s'avèrent utiles. Et puis, avec la tronche de zombie dépressif qu'il traînait en ce moment, elle craignait qu'il déambule comme une âme en peine dans les couloirs de la Confrérie et que sa simple vision génère des envies de suicide à tous les élèves qu'il croiserait.
C'est pourquoi, n'écoutant ni Twik, ni Terry, Maria sortit en silence son portable et tapa un petit message de soutien à destination de l'infirmier.

Alors qu'elle se démenait à trouver des tournures de phrases rassurantes, la réunion commença. On lui demanda des nouvelles du Nouvel Institut.
"_ Le Nouvel Institut n'en sait pas plus que nous, répondit-elle sans arrêter la valse de ses doigts sur le clavier, ni lever le nez de son écran, l'inverse aurait été étonnant, d'ailleurs !
Je me dois de vous apprendre qu'en cas d'attaque contre l'une des deux organisations, nous avons conclu un accord pour un plan d'entraide mutuelle, basé sur nos téléporteurs.
Bien évidemment, vous vous en doutez, c'est surtout intéressant pour notre propre protection..."

Le message était terminé, elle l'envoya d'un clic, un air de chipie dans les yeux :
"_ Et si jamais c'est l'Institut qui se trouve être attaqué, j'ai déjà prévu de leur envoyer en renfort spécial…"

Mais elle n'eut pas le temps de révéler ses desseins machiavéliques.
Elle venait enfin de lever les yeux de l'écran de son portable et s'était rendu compte que plus personne ne l'écoutait ! Et ce, depuis qu'une espèce de pouffe, se la jouant reine de beauté venue des îles, avait fait une entrée inattendue dans la salle de contrôle !
Sans aucune gêne, l'intruse commença à interpeller Twikjeya.

Maria hallucinait !
Comment cette traînée avait-elle fait pour arriver jusqu'ici malgré le système de sécurité en alerte DEFCON 3 ??
Passablement énervée et vexée, elle hurla psychiquement :
***Henri !!! Henri !!! Tu m'entends ??***

Les pensées du brave télépathe lui arrivèrent, empreintes d'un stress palpable.
***Maria, oh Maria, je suis heureux de t'entendre !
Je t'en supplie, accorde-nous encore une minute avant de passer en DEFCON 2 ! Nous ne sommes pas près du tout ! On doit retirer la tête de Kyle coincée dans…***

***Ferme-la et écoute, coupa-t-elle sèchement, une intruse a réussi à pénétrer dans l'enceinte de la Confrérie !!***

Petit silence radio d'une seconde. Henri digérait l'information.
***Une intruse ? Et où est-elle ?***

Maria fulmina intérieurement.
***Mais ici, voyons ! Avec nous dans la salle de contrôle ! Scanne tout de suite son esprit... et trouve ses intentions !***

La voix mentale du télépathe se fit désolée :
***Mais enfin Maria, je te l'ai déjà dit, je ne suis pas Lemington, s'excusa-t-il. A une telle distance, je ne peux capter que les pensées qui me sont directement adressées, comme les tiennes !***

***Alors, approche-toi dans ce cas ! Et vite !***

***Mais Kyle ? Il a la tête dans…***

***On s'en contrefout de Kyle et de sa tête !! C'est une situation d'urgence ! Rien ne nous dit qu'elle ne va pas nous zigouiller avec une arme bizarre ! Grouille-toi !!!***

Les coudes posés sur la table, les doigts entrelacés devant sa bouche, Maria était restée stoïque pendant tout ce dialogue silencieux. Seuls les muscles crispés de sa mâchoire trahissaient son état d'esprit.
Elle se leva, sans paraître menaçante, mais les mains dégantées. Le caméléon avait posé la bonne question, la plus pertinente à ce stade de la discussion. Elle tenta une réponse.
"_ Apparemment, Terry, nous avons affaire à Madame Soleil... Ou bien au fantôme des Noëls futurs !"

Il ne faudrait pas plus de deux minutes avant qu'Henri ne soit derrière la porte... Ce long délai ne rassurait pas la russe.

Twikjeya ne balbutiait pas. Twikjeya n'hallucinait pas. Twikjeya n'était même pas surprise. Non pas qu'elle s'attendait à l'arrivée d'une jeune femme bronzée -en cette période- au centre de Contrôle de la Confrérie -vous savez, le truc inviolable- sans la moindre blessure -merci pour les millions dépensés en vain Kenjiss- en baragouinant un charabia incompréhensible, mais la jeune slave préférait aborder les nouvelles surprenantes d'un point de vue purement analytique. Jusqu'à preuve du contraire, parler sans réfléchir et ouvrir de grands yeux n'avait jamais fait avancer le débat.

La sombre slave resta donc silencieuse pendant une éternité, deux secondes, qui lui suffirent à analyser la nouvelle venue. Parfaitement immobile, gardant les mains jointes dans une posture quasi religieuse, Twikjeya prit tout de même la peine de relever la tête pour observer la nouvelle arrivante. Bien que la vue soit un sens dont elle avait appris bien malgré elle à se passer voilà peu, elle ne pouvait négliger aucune source d'information supplémentaire. Le style de la jeune femme était original et tout à fait inapproprié à la saison, mais de bon goût. Légèrement décalé, mais la jeune russe ne se serait permis aucun commentaire sur l'originalité d'une tenue lorsqu'elle ne la choquait pas. Critiquer alors que l'on portait en permanence des robes à rallonges et autres vêtements qui paraissaient parfois sortir d'un livre d'histoire était ... "gonflé". C'était un terme de Kenjiss. Tout comme les commentaires sur ses robes, bien qu'il ne le formule pas en ces termes.

Les yeux clairs de la mutante fuirent sur ses congénères, qui réagissaient selon ses prévisions. C'était particulièrement satisfaisant de pouvoir prévoir leurs réactions à une situation donnée. Sans doute connaissait elle de mieux en mieux le comportement des... "autres". Il ne lui restait jamais que 95% du comportement "normal" à décrypter. Néanmoins, la nouvelle venue tenait à s'adresser à elle. Twikjeya ne pouvait donc se complaire dans ses analyses et une voix tranchante s'éleva bientôt. Ce n'était pas encore la lame de rasoir verbale que la beauté des ombres réservait à certaines situations, mais on était loin de la mélodie qui s'échappait parfois de ses lèvres lorsqu'elle mettait un point d'honneur à soigner sa voix.

Vous connaissez mon nom et mes capacités mais vous ignorez mon aspect... La petite silhouette sombre se leva enfin, accompagnée de son éternel cliquetis. Vous vous préoccupez de mes lames alors que mille autres pièges vous attendaient ici, pièges que vous n'avez guère eut de mal à ne pas déclencher... Vous parlez d'avenir et croyez savoir que je ne pourrais vous tuer...

Twikjeya fit quelques pas et s'arrêta à une distance respectueuse de la nouvelle venue, laissant sa robe retomber paisiblement.

Contradictions et approximations semblent vous définir... Alors dites moi, Une main plus crochue que jamais émergea d'une manche noire, paume tendue, doigts menaçants que venez vous faire ici ?

Twikjeya se forçait à bouger beaucoup (hé oui, se lever et tendre la main, c'était énorme), moins pour menacer l'inconnue que pour rassurer ses congénères. Elle ne se sentait pas particulièrement menacée par l'arrivante. Une femme persuadée que la plus grande menace de la Confrérie était ses lames n'était guère dangereuse. Elle disposait de bien d'autre moyens pour l'éliminer que de vulgaires armes. Et si cela ne suffisait pas, il y avait toujours le lance roquettes automatique que Kenjiss avait tenu à installer malgré son opposition à l'aberration que constituait une arme de cette puissance en intérieur et en sous sol. Le tatoué avait tranché en affirmant que plus c'était gros, plus c'était efficace. Il avait enchainé avec une demie douzaine de sous entendus salaces pour ne pas la laisser continuer le débat sur le prix d'une pareille installation, et les destructions qu'un seul tir engendrerait... Au final, elle avait écopé d'une démonstration personnalisée de la virilité selon Kenjiss. Inutile de préciser l'inutilité totale de cet épisode douloureux.

Maria supportait difficilement la situation actuelle ! Elle haïssait littéralement les gens qui se mettaient au centre de tous les regards à son détriment ! Il ne pouvait y avoir qu'une seule vedette !

***Henri, où en es-tu ?*** Pensa-t-elle, le visage verrouillé par la mauvaise humeur.

***Devant la porte de l'ascenseur, Maria, j'attends qu'il arrive !***

***OK... On abandonne le plan. Apparemment, notre amie est une télépathe, elle a réussi à capté notre conversation !***

***Une télépathe, vraiment ?***

***Ou une précog', peut-être... Quoiqu'il en soit j'aimerais qu'on lui refuse le plaisir d'avoir eu raison et que tu ne débarques pas ici.***

Quelques secondes de silence psychique...
***C'est toi qui voit…*** Répondit le brave Henri.

***En effet... Retourne plutôt auprès des élèves et aide Kyle !***

***Ouais… il était vachement furax quand je lui ai dis que je devais le quitter pour venir te voir…***

***Je te tiens au courant...***

La communication télépathique s'acheva, Maria fut à nouveau seule dans son esprit.

C'est le moment que choisit Daniel pour intervenir. Sans poser aucune question, ce gentil petit mouton offrit à Ishtar l'attention qu'elle quémandait.
Non ! Il n'était pas question que cette pouffe puisse ainsi mener la danse !

Enfin quoi, elle débarquait chez eux, sans tambour ni trompette, en sauveuse… Personne ne s'interrogeait sur les raisons de cet étrange altruisme ? Il devait y avoir des motivations personnelles derrière tout ça !
Maria adressa à Gray un petit geste d'apaisement :
"_ Attends une petite seconde, Daniel, fit-elle en levant l'index, tu ne vois donc pas que cette pétasse se fiche ouvertement de notre gueule !"

Puis, se tournant vers Ishtar :
"Mademoiselle, reprit-elle très poliment même si le "pétasse" planait toujours entre elles, je crains que nous ne soyons pas impressionnés par vos mises en garde !
J'ignore quelles sont vos sources nous concernant, mais permettez-moi de vous apprendre que vous avez sous-estimé Kenjiss : nous sommes ici tous convaincus qu'il est bien assez grand pour se sauver tout seul !
Et quand bien même il ne le serait pas, vous avez également surestimé notre attachement à lui ! Sa sainteté est loin d'être irremplaçable et nous ne nous sentons pas prêts à nous jeter dans le premier guet-apens venu pour sa pomme !"

Elle croisa le regard de Twikjeya, espérant lui faire comprendre : "Je te prierais d'attendre une seconde avant de me saigner à blanc pour haute trahison. J'ai un plan !"

"_ En plus, poursuivit-elle avec un sourire carnassier, vous nous promettez rien de moins que la mort de Lemington dans deux jours si nous ne faisons rien…
C'est une excellente perspective et il serait bien dommage de risquer de la manquer en levant nos fesses de ses sièges !

Vous vous êtes trompée de cible, Ishtar, nous ne pouvons rien pour vous... A moins, évidemment, que vous soyez prête à acheter nos services ?
Vous auriez dû contacter le Nouvel Institut : je suis certaine qu'eux auraient été prêts à croire en vos fadaises pour sauver leur morue !"

Si son discours faisait mouche –Maria ne bluffait d'ailleurs qu'à moitié- les cartes changeraient de mains et Ishtar serait forcée d'avouer ses propres motivations.
De sauveuse, elle serait rétrogradée au rôle de quémandeuse d'aide… Et ça, c'était bien plus confortable pour eux !
Dans le cas contraire, de toutes façons, la réponse de l'intruse serait forcément riche en informations !

Le mutant ne répondit rien à la remarque quasi-acerbe de la porte parole concernant la nouvelle venue. Elle s'était présentée et Terry hocha simplement la tête. Il écouta en revanche attentivement la suite de son discours qui apportait enfin des nouvelles de la situation depuis le début de leurs recherches. Sans grande surprise, celles-ci se révélèrent alarmantes. Mais pouvaient-ils réellement s'y fier ? En vérité, ils n'avaient plus beaucoup d'autres possibilités. Ishtar semblait être leur dernier recours malgré le tas de questions qui fourmillait dans l'esprit du caméléon. Qui était-elle vraiment ? D'où venait-elle ? Pourquoi tenait-elle absolument à les aider ? Comment pouvait-elle savoir tout ça ? De la précognition ? C'était à peu près la seule chose dont il était certain. La femme qui se trouvait devant lui devait être dotée d'un don de précognition assez développé... Pourtant, comme l'avait relevé Twik' elle ne semblait pas tout savoir. Alors comment être sûr que l'on pouvait s'y fier ?

"Je veux bien vous croire, mais qu'est ce qui me garantit que je peux vous faire confiance ?"

A part le fait évident qu'elle aurait apparement pu les tuer sans difficulté si elle l'avait vraiment voulu. Après tout, l'intruse avait réussi à s'infiltrer à l'intérieur de la Confrérie à leur insu à tous...

Et il n'était pas le seul à émettre quelques réserves dans la salle. Si cela n'était pas étonnant, les raisons demeuraient bien différentes pour celle qui manifestait à présent son désaccord. Maria. Et son envie maladive, sa soif de pouvoir. Elle l'aveuglait littéralement. Elle avait déjà réussi à envouter Tousled... Heureusement, Daniel et surtout Twikjeya restaient des cibles beaucoup plus difficiles à appâter...

Et puis, le mutant en eut assez. Assez du comportement puéril et avide de la jeune Russe. Une voix glaciale qui lui était totalement étrangère -comprenez celle qu'il avait lorsqu'il s'énervait franchement- trancha soudain l'atmosphère déjà tendue qui régnait dans la salle de contrôle

"Ca suffit Maria ! Pour une fois dans ta vie, cesse de vouloir tout t'approprier. La situation nous échappe totalement et je ne laisserai pas une gamine prête à s'asseoir sur le siège de la Confrérie par n'importe quel moyen condamner Kenjiss pour un caprice de diva ! Si nous pouvons tenter quelque chose, nous le ferons !"

Terry n'écoutait d'ailleurs plus les railleries de Maria et sans attendre, il saisit son communicateur. La porte parole avait apparemment transmis son numéro à un membre de l'Institut et tandis que celle-ci préférait tenir tête à Ishtar, le caméléon prit les devants et laissa un message sur le communicateur d'un certain Nakor.

"Ici Terry Nohlann, de la Confrérie Moderne. Maria vous a laissé mon numéro. Nous avons peut-être localisé Kenjiss et Samarah et je pense que vous devriez venir ici le plus rapidement possible. Recontactez-moi lorsque vous serez en route"

Message court et bref, mais il n'en fallait pas plus. L'essentiel était dit et quelque part, Terry ne leur laissait pas le choix. Ils devaient venir. Ils les attendaient...

C'était inadmissible. Ces âmes faibles et apeurées agissaient sans aucune concertation, sans la moindre logique. Pis encore, les masques tombaient, les traitres se dévoilaient sans crainte. Ils suivaient tous aveuglément une inconnue aux belles paroles, qui pouvait se targuer d'avoir convaincu ceux que l'on prétendait pourtant parmi les dirigeants les plus intelligents de la bâtisse.
Si Twikjeya avait compris la manœuvre de Maria, elle ne l'approuvait pas. L'intention était louable, et c'était bien pour cette seule raison que la jeune russe échappait à une sanction immédiate et définitive.
Terry, en revanche, désespéré par cette situation qui l'avait visiblement pris au dépourvu, s'était jeté sur l'os tendu par l'inconnue avec une absence totale de réflexion, et avant qu'elle n'ait pu faire le moindre geste pour l'en empêcher, pleurait dans le micro pour que leurs ennemis jurés débarquent ici. La sombre dame ne manifestait jamais ses émotions, mais elle ne put s'empêcher de plisser les yeux en fixant le caméléon, qui avait insulté sa consœur. Maria avait beaucoup de défauts, mais au delà de la façade de femme superficielle et écervelée qu'elle s'amusait à construire pour cacher sa véritable nature se dissimulait une intelligence diabolique et un machiavélisme sans borne. C'était visiblement bien trop pour qu'un individu aussi simple d'esprit que le mutant en comprenne toutes les subtilités. En outre, traiter la jeune femme de «gamine» suffisait à retourner la sombre dame contre lui. Ses capacités mentales limitées ne lui permettaient visiblement pas de capter toute l'étendue de la situation, et la panique montante lui faisait prendre les mauvaises décisions. La jeune russe tourna la tête vers Terry dans un cliquetis, l'œil mauvais. Il était rare que les pupilles bleutées expriment un quelconque sentiment mais à cet instant précis, le mutant était la cible d'un mépris dédaigneux, d'une pitié sans borne qu'elle ne se connaissait pas. On n'insultait pas Maria. Certainement pas lorsque l'on était un homme. L'arrogance machiste des représentants mâles avait déjà suffisamment régné du temps de Kenjiss, quand bien même il s'agissait d'une façade, à l'instar du comportement bourru du mutant. Mais voir ce caméléon se targuer de prendre le contrôle de la situation en parlant de la sorte à Maria n'était pas tolérable, et la voix glaciale de la sombre prêtresse se chargea de lui rappeler.

Monsieur Nohlann. Avez vous compris l'étendue de la situation que vous prétendez en phase d'échapper à notre contrôle? Vous contactez l'Institut Moderne sur les suppositions d'une intruse arrivée ici voilà une minute et quinze secondes, trahissant ainsi tous les idéaux de la Confrérie. Vous agissez sans l'approbation générale et vous permettez de manifester publiquement votre mépris à l'égard de quelqu'un qui prend, elle, le temps de gérer la situation.

Elle fit un pas supplémentaire, lèvres sensuellement plissées dans une moue dégoutée. A croire qu'elle ne parviendrait jamais à être laide tant son amour du maintien la préoccupait.

Vous paniquez visiblement monsieur Nohlann. Veuillez vous écarter de la console de communication. Immédiatement. Vous venez de pactiser avec l'ennemi. Pire, vous proposez de sauver Samarah Lemington.

Pivotant brusquement, la sombre dame fit face au reste de la salle, qui restait silencieux. Sa voix portait, claire et ferme. Twikjeya ne s'était jamais affirmée comme une dirigeante alors que Kenjiss régnait, mais elle paraissait monter sur le trône sans vergogne.

Nous ne savons rien. Une inconnue. Elle fixa Ishtar pendant une fraction de seconde. Une information ? N'y aurait il pas piège plus grossièrement tendu ? Elle inspira profondément. Kenjiss vaut il la peine d'être sauvé s'il est détenu par un ennemi suffisamment puissant pour le contenir ? Des pertes valent elles la peine d'être subies si nous sauvons également Lemington ? Ce ne sera que lorsqu'une réponse aura été apporté à ces questions que nous nous pencherons plus en détail sur les informations qu'une intruse totalement inconnue et prétendument extralucide nous livre en présentant le spectre de notre annihilation comme pour nous forcer à mordre à l'hameçon.

La jeune femme soupira. Evidement, cela aurait été trop facile comme ça. Elle s’y était préparée. Et malgré la tension qui montait, elle garda toujours son calme avant de continuer. S’énerver n’aurait servi à rien. Elle jeta un œil à la porte d’où ne jaillirait plus le télépathe envoyé ailleurs. Au moins une bonne chose de faite. Elle s’éclaircit la voix et prit à nouveau la parole, fixant fermement la porte parole et la sombre dame des glaces, les deux plus coriaces à convaincre finalement. Mais rien d’étonnant à cela, n’est-ce pas ? Elle prit soin d'insister sur quelques mots :

« Mr Nohlann n’a trahi aucun idéaux. Il a fait ce qu’il pensait être la meilleure décision à prendre sur l’instant, inutile de vous emporter et de lui reprocher son comportement. Il a fait ce qu’il devait faire. Vous voulez des preuves ? Je le comprends et vous en aurez. Mais pour cela, il faut que les membres du Nouvel Institut vous rejoignent... Il n’est nulle question de piège. Vous parlez de diriger la Confrérie sans votre leader… regardez la paranoïa qui s’installe déjà. Je suis seule et vous me voyez pourtant ennemie. Kenjiss est indispensable à l’équilibre de votre institution. Et que vous le vouliez ou non, il en va de même concernant le Nouvel Institut et sa gardienne »

Son regard s’attarda cette fois sur la porte parole russe. Une ambitieuse, une perfide que rien n’arrêtait. Qui se croyait invincible, au dessus de tout. Et pourtant… Si elle savait… Son ton se fit grave, presque solennel lorsqu’elle reprit :

« Vous devriez vraiment me croire quand je vous dis que vous avez besoin de Kenjiss parmi vous. Je peux vous assurer que vous ne voudriez pas savoir ce qui vous attend vous, et tous les mutants, si vous laissez votre orgueil et votre soif de pouvoir diriger vos décisions à cet instant »

Ishtar s’interrompit. Il n’y avait aucune menace dans ses paroles. Simplement une sincère mise en garde qu’ils devaient à tout prix prendre au sérieux. Ses interlocuteurs devaient comprendre, absolument comprendre que la situation leur échappait. Ils pouvaient encore agir. S’ils parvenaient à se décider rapidement.

« Je n’ai commis aucune erreur stratégique. Je suis venue à votre rencontre simplement parce que vous êtes plus proches de l’endroit où ils sont retenus que le Nouvel Institut. Il est donc plus logique que ses membres vous rejoignent ici »

Elle se tourna enfin vers les deux hommes présents de la pièce, ceux qui étaient prêts à la croire et leur déclara, reconnaissante :

« Je n’ai que ma parole à vous offrir pour l’instant, je sais que c’est peu. Mais bientôt, je pourrai vous en apporter davantage, elle jeta un œil à la porte parole et ajouta, quant à ma motivation, je n’en ai qu’une seule, vous aider vous ainsi que tous les mutants, tenter de sauver ce qui peut encore l’être. Un tel altruisme vous paraîtra sans doute étrange pour vous qui attendez toujours quelque chose en retour, mais je n’ai absolument rien à gagner. Au contraire… »

La jeune femme se fit un instant songeuse. Elle n’avait en effet rien à gagner personnellement dans cette histoire. Pire, elle savait qu’elle courrait un très gros risque… Elle se ressaisit et accrocha le regard de Daniel, le seul réellement pragmatique de la bande, prêt à agir. Et déclara d’une voix claire, mais ferme

« Zone 56, une base secrète de la BCGCDA dans le désert d’Arizona »

Maria faisait face à la console de sécurité de la salle de contrôle. Une fois encore, elle avait eu droit à une douche d'insultes en tous genres… Pour ne pas changer, on lui renvoyait dans la figure son ambition démesurée alors qu'elle ne parlait qu'avec la voix de la raison et de la prudence élémentaire.
Elle tapota une série de touches sur le clavier de la console et soupira de dépit : ses chers confrères mâles étaient vraiment de gros boulets !

Faire partie d'une organisation amenait des devoirs.
Par exemple, quand les membres représentants faisaient face à une tierce personne -potentiellement ennemie- il était nécessaire qu'ils montrent une cohésion dans leurs idées.
Car sinon, fatalement, on recevait en pleine face des affirmations comme : "Vous voyez, vous êtes désunis ! Laissez-moi vous offrir une solution !".
C'est ce que fit, bien évidemment, la dénommée Ishtar qui était loin d'être la moitié d'une imbécile.
C'était une astuce basique d'astrologue dans laquelle se laissaient embourber les gogos ! Et, apparemment, Terry et Daniel se complaisaient dans ce rôle de gogos !

Évidemment, Twikjeya était du même avis qu'elle ! Normal : l'ange de la mort n'était pas du style à se laisser guider par de simples apparences.

Et, maintenant, Gray semblait désireux de prendre les rênes de l'opération et d'imposer à tout le monde son rythme… Et c'est elle que l'on accusait d'être ambitieuse !
"_ Daniel, Terry, êtes-vous conscients de ce que vous êtes en train de faire ? Demanda-t-elle posément, sans le moindre soupçon d'agressivité, vous acceptez de confier nos vies aux mains d'une parfaite inconnue dont le seul argument est "allez, les gens, faites-moi confiance, je suis avec vous ! Promis-juré-craché !" !"

Elle posa les yeux sur Ishtar, la cible qu'elle leur annonçait -une base secrète du BCGDCA- revenait à leur dire : "Hé, les mecs, mettez-vous un flingue sur la tempe et tirez ! Faites-moi confiance, vous survivrez et, en plus, ça sauvera Kenjiss !" :
"_ Le désert de l'Arizona, rien que ça ?"

Elle ricana et tourna le regard à nouveau vers les deux hommes :
"_ Vous voyez, face à votre naïveté, elle ne prend même pas la peine de tisser un guet-apens subtil ! Allez-y si vous voulez, mais moi, il n'est hors de question que je suive !
Vous courrez à nue mort certaine tous seuls ! Là, nous sommes dans le domaine de la sélection naturelle : les plus idiots disparaissent les premiers !"

Elle tourna le regard vers la console qu'elle avait manipulée quelques secondes auparavant.
"_ De toute façon, pour l'instant, il y a plus urgent !"

Elle espérait que cette fois-ci, les autres la laisseraient jouer son atout sans lui couper, par bêtise, l'herbe sous le pied :
"_ Je viens d'activer le mode DEFCON 2, expliqua-t-elle très calmement à l'adresse d'Ishtar, si le jet de l'Institut Moderne apparaît maintenant dans le ciel de la Confrérie Moderne, il sera immédiatement abattu sans sommation !
Vous affirmez obtenir des preuves si on laisse d'abord l'ennemi entrer ici… C'est un peu facile, non ?
Je suis sincèrement désolée de vouloir gâcher la surprise, mais vous devez absolument en dire plus ! A défaut de nous livrer tout de suite vos preuves, révélez-en au moins la nature !
Je ne désactiverai le DEFCON 2 qu'après avoir obtenu une réponse convaincante !"

Elle se tenait debout devant la console, sans ses gants. Son regard passait d'une personne à l'autre, très rapidement. Elle était prête à défendre comme une lionne la console si quelqu'un s'en approchait, confrère ou non… Daniel et Terry désapprouverait sans doute –mais que ne désapprouvaient-ils pas la concernant ?-
Mais Twikjeya la soutiendrait peut-être…

Toute cette histoire m'agace profondément.

Oui c'était bien Twikjeya Elkash qui venait de prononcer cette phrase. La dame de glace réputée pour son mutisme permanent et son désintérêt complet pour ce que les gens normaux appelaient émotions venait de se lâcher complètement. Sauter à poil sur la table en hurlant des chanson paillardes n'aurait pas produit un effet différent. Mademoiselle Elkash EXPRIMAIT UNE EMOTION. De là à ce que tous quittent la salle en courant pour sauver leur vie, il n'y avait qu'un pas.

Mais Twikjeya, et c'était peut être le pire dans cette histoire, était sincère. La pseudo supériorité de celle qui se prétendait leur messie était particulièrement irritante, car elle entrainait ses confrères dans des discussions incessantes et tout à fait stérile. Si ses ennemies avaient voulu plonger la Confrérie dans le chaos, ils ne s'y seraient pas pris autrement. Celle qui prenait les bonnes décisions était invariablement rabaissée par l'orgueil typique des mâles dominants autoproclamés et il était évident que cette situation s'enlisait au fur et à mesure de la conversation. De plus, si Terry Nohlan et Daniel Gray décidaient de s'en prendre physiquement à sa consœur, le combat serait rude et si elles pourraient (Twikjeya se rangeait évidemment du meilleur côté) s'en tirer sans blessures graves, il était peu probable qu'elles parviennent également à abattre le jet de l'Institut dans le même délai. Un des clones de Gray pouvait aisément désactiver les commandes de tir, et les deux mutantes se retrouveraient dans une situation particulièrement difficile lorsque Terry livrerait la Confrérie à ses amis de l'Institut, dénonçant la méchanceté des deux femmes qui refusaient de sauver leur chef. Mais ce n'était pas la seule raison qui avait amenée la sombre mutante à se dévoiler de la sorte. Elle reprit la parole.

La zone 56 existe. Il est fort probable que Kenjiss y ait passé les dix premières années de sa vie. Il y est également sans doute né.

La mutante rejeta ses cheveux en arrière en s'approchant sans crainte de la console. A présent, si Maria voulait la lacérer pour haute trahison, elle était libre de le faire. Twikjeya ne se défendrait pas. Cela n'aurait fait qu'envenimer la situation.

Maria pourrais tu laisser le jet de l'Institut atterrir je te prie ? Nous n'avons pas besoin que les forces de l'ordre s'inquiètent de tirs anti aériens dans le secteur.

Twikie se retourna vers l'assemblée, lèvres pincées. La situation lui déplaisait,mais elle n'avait pas le choix. Un schisme était une éventualité qu'elle se refusait d'envisager, du moins pour l'instant. Tuer ces arrogants n'aurait fait que compliquer la situation, et diminuer encore les chances de survie de Kenjiss.

Nous ne prendrons aucun risque. Une observation préalable est nécessaire pour déjouer tout piège de l'ennemi. Et son regard se porta vers Ishtar. Une force de frappe combinée de l'Institut et de la Confrérie devrait suffire à décapiter les défenses de la base.

Elle activa son communicateur.

Oleg ? C'est moi. J'aurais besoin que tu détourne un de tes drones sur la zone 56. Oui... Oui je sais. Apporte les projections quand tu les auras. Les transmissions sont peu sûres.

Les pupilles azurées de la mutante fixèrent chacun des hommes de la pièce et dérivèrent sur Maria. Elles n'exprimaient aucune émotion (il était probable que Twikjeya s'était suffisamment exprimée pour les quelques millénaires à venir) mais la russe pouvait fort bien interpréter cela comme une supplique pour un soutien inconditionnel. Twikjeya n'avait pas la moindre chance face au pacifisme et à l'amateurisme combiné des deux sinistres individus qui feraient bien de ne pas manger à la Confrérie pendant quelques temps. Ou alors seulement des conserves qu'ils ouvriraient eux même...

Si les images montrent la moindre éventualité d'un piège, nous annulons l'opération et laissons Kenjiss mourir. Je ne sacrifierais aucune vie, pas même les vôtres, pour sauver un cadavre.

[HJ : je n'ai pas tenu compte de la résolution d'action que Tousled s'est octroyée sur Ishtar, parce que faut pas pousser... soyez logiques avant de vous lancer dans une manœuvre s'il vous plaît !]

La jeune femme s’était déjà écartée de la trajectoire douteuse et surtout pulpeuse des lèvres de la prostituée qui venait à elle bien avant que celle-ci ne fasse un premier pas en sa direction. Le reste n’avait duré qu’une poignée de secondes. Elle soupira, presque agacée. Ca aussi, elle l’avait prévu… Elle regarda d’un air las la prostituée, étonnée d’embrasser un mur plutôt qu’une ravissante métis et reprit, aussi calmement qu’elle le pouvait encore (il fallait avouer que les membres de la Confrérie se révélaient être assez doués pour vous faire perdre patience, à cause de leurs querelles veines et intestines) en jetant un regard froid à Tousled. Et dans sa voix, il n’y avait pas l’once d’un baffouillement ou d’un manque d’assurance tant attendu par la prostituée

« Je ne suis pas télépathe. Il suffisait de le demander si vous teniez tant à le savoir, mais je savais déjà que vous n’aviez pas prévu de le faire. La plupart de vos actes directs contre moi sont vains car je peux les voir se réaliser bien avant que vous y pensiez vous-même. »

Elle se tourna vers Maria et même Twikjeya qui commençait -enfin- à l’écouter.

« Cela satisfait-il votre curiosité et apaise vos craintes ? Je vous le dis et vous le répète, il n’y aura aucun piège de ma part puisque ma présence ici n’a d’autres raisons que de tenter de vous en éviter un maximum »

Ishtar s’approcha de la porte-parole, mains en vue, elle ne représentait aucune menace

« Je crois que nous avons perdu assez de temps. Des preuves, je vous l’ai dit, vous allez en avoir d’ici quelques minutes. Je vais vous les montrer, vous allez les vivre… vous pourrez alors juger mes dires par vous-mêmes. J’espère que cela vous suffira comme preuve de ma bonne foi. Tout ce que vous verrez sera réel, je ne suis pas une illusionniste. Ces choses arriveront si vous vous bornez à ne pas vouloir agir maintenant ! »

La jeune femme promenait à présent son regard entre les deux représentantes féminines de la Confrérie. Les deux hommes ayant déjà compris l’urgence de la situation. La dernière femme du groupe… non Ishtar préféra s’abstenir

« Mais c’est une expérience que je ne pourrai offrir qu’une fois dans un laps de temps aussi court, c’est pourquoi j’attends de vous que vous laissiez le jet de l’Institut se poser sans plus attendre. Il ne va plus tarder à arriver. Il en sortira 3 personnes, tandis qu’à son bord, 6autres attendront. Maintenant que vous savez ce qui va arriver dans les prochaines minutes, je crois qu’il serait de bon ton d’aller les attendre. Quant au bâtiment, maintenez le niveau d’alerte maximum, il faut le protéger du mieux que vous le pouvez »

Déjà, elle faisait demi-tour dans un claquement de tissus et de breloques, elle tournait ostensiblement le dos aux membres de la Confrérie. Elle voulait ainsi leur prouver qu’elle n’avait pas la moindre intention hostile envers eux. Il fallait cependant avouer qu’avoir l’assurance qu’il ne vous arriverait rien, aidait à prendre de telles décisions et agir de cette façon avec une certaine nonchalance, à la limite de l’insupportable

Terry ne recula pas devant les accusations, ni devant la menace potentielle que représentait la slave. Il avait agit, tout simplement. Peut-être un peu trop rapidement, dans la précipitation mais qui n’était pas suspect dans l’esprit de Twikjeya de toute façon ? Pour lui, l’équation était simple, Kenjiss disparu et Samarah disparue, ça faisait de gros problèmes en vue, de très très gros problèmes ! Alors, il n’y avait pas à tergiverser plus longtemps, même si sa décision impliquait de recourir à l’aide de l’ennemi. A cet instant, Terry avait bien conscience que tant la Confrérie que l’Institut étaient dans la même galère. Amputés de leur leader respectifs, quoiqu’en dise la jeune slave, ils étaient vulnérables. Malgré la férocité et l’implacabilité dont elle pouvait faire preuve, elle ne ferait pas le poids contre une attaque armée du bâtiment. Et lui non plus d’ailleurs… Personne dans cette pièce n’en aurait été capable à vrai dire. Ils pourraient sans doute résister un peu bien sûr, mais pas longtemps si l’Armée parvenait à désactiver les codes de sécurité

Il se tourna vers Maria et déclara

"Oui je suis conscient et non, je n’ai pas la moindre idée de ce qu’il va se passer, en revanche ce que je sais c’est que chaque minute nous est précieuse et toutes celles que nous perdons à nous quereller nous éloigne de notre but, sauver Kenjiss. De plus, il regarda cette fois Ishtar droit dans les yeux, je pense que pour quelqu’un qui a réussi à s’infiltrer entre nos murs sans qu’on s’en rendre compte, si elle désirait réellement notre perte, elle nous aurait déjà attaqué…"

Une simple déduction qui n’engageait que lui, mais cela lui semblait plus que probable. Si vous parveniez dans le dos de votre ennemi, vous pouviez alors très facilement vous en débarrasser. La méthode n’était certes pas honorable mais plutôt efficace. Or ici, Ishtar s’était d’emblée annoncée… Jugée innocente tant qu’on n’a pas prouvé le contraire. Terry pratiquait la présomption d’innocence. Il revint à Maria

"Nous risquons sans doute notre vie, oui, mais sûrement pas en se fiant à cette femme, plutôt en ne faisant rien… "

Puis le caméléon s’approcha de la slave. Il n’avait pas peur, non. Il était simplement énervé. Par sa méfiance permanente et en particulier sa non-activité des dernières minutes écoulées.

"Tu exagères Twikjeya ! Je ne pactise pas avec l’ennemi, et je n’ai jamais proposé de sauver Lemington, j’ai simplement suggéré une alliance le temps d’aller récupérer Kenjiss, car il ne faut pas se leurrer, nous serons plus puissants ensembles que seuls si nous devons affronter l’Armée. Sur le terrain, nous aurons chacun nos priorités, qui me semblent claires, malgré tes sous-entendus"

Lui aussi savait décocher un regard outré, dédaigneux ou bien encore implacable. Sa voix ne fut bientôt plus qu’un murmure. Ce n’était pas le premier différent d’opinion qui l’opposait à la slave et ça ne serait certainement pas le dernier. Les deux mutants n’ayant pas le même mode de pensées…

"Je sais ce que je dois à qui de droit, alors tes allusions douteuses de trahison, tu te les gardes, c’est pas le moment !"

Après tout, il défendait déjà la Confrérie alors qu'elle n'était même pas encore née. Le caméléon était rarement énervé, disons que certaines personnes plus que d’autres avaient sans doute le don d’exacerber cette partie de son caractère. Le mutant se tourna vers l’assemblée alors qu’Ishtar quittait déjà la salle. Elle avait parlé de leur fournir des preuves, Maria serait donc bientôt satisfaite. Il déclara donc simplement

"Avant de vous suivre, nous allons tous nous équiper. Il n’est pas question de partir sans mettre toutes les chances de notre côté"

Et si elle ne les en empêchait pas, l’étrangère gagnerait encore d’un cran la confiance du Caméléon…

Tousled avait loupé sa tentative de câlinage forcé, Gray avait appelé un clone tout aussi insupportable que lui en renfort, Terry avait réussi à aligner quelques mots sans l'agresser ni l'insulter et Twikjeya lui avait gentiment demandé de désactiver la défense anti-aérienne… La situation était totalement désespérée : Maria était désormais seule sur ce coup !

Elle leva les yeux au ciel et poussa un profond soupir de dépit… Il allait falloir qu'elle s'avoue vaincue !
Une fois encore, l'apparence de cohésion d'un groupe était primordiale et donc elle allait devoir se ranger à l'avis (suicidaire) de ses chers confrères…
"_ Ça va, j'ai compris…" Marmonna-t-elle en grinçant des dents.

Elle s'éloigna bien sagement de la console et prit ses gants résilles posés sur la table. Elle emboita le pas à Ishtar et donna une tape amicale sur l'épaule de Vanessa en passant.
"_ Bon, je pars devant, fit-elle en rengainant ses armes naturelles dans leurs étuis de coton blanc, après tout, quoiqu'on dise, je reste la porte-parole, je me dois d'accueillir comme il se doit nos nouveaux amis !"

Les confrères avaient accepté l'arrivée des intrus... Soit ! Elle jouerait professionnellement son rôle de représentante officielle et en ferait de même, même si ses convictions étaient autres.
D'un pas décidé, la blonde se dirigea vers la sortie, dépassa Ishtar sans même lui accorder l'aumône d'un commentaire, arrivée dans l'encadrement de la porte, se retourna une dernière fois :
"_ Et pensez à nous remettre en DEFCON 3, fit-elle en regardant plus particulièrement Terry et Daniel, sauf si vous voulez assister à un joli feu d'artifice !"

Elle jeta un dernier coup d'œil à l'intruse.
"_ Et toi, je t'interdis d'intervenir ! Lança-t-elle en la menaçant de l'index, c'est une affaire interne !"

Si la demoiselle était vraiment capable de lire l'avenir, elle comprendrait...

Ces derniers jours, les pouvoirs de Maria avaient évolués et personne n'était encore au courant : ses enzymes gloutons étaient maintenant capable de subsister seuls une bonne dizaine de minutes sur les objets qu'elle touchait... Comme par exemple les touches du clavier de la console !
Les bouts des doigts des imprudents qui viendraient les effleurer allaient avoir besoin de pansements !

C'était sa petite vengeance mesquine pour avoir été forcée à suivre l'avis général…
Pourvu qu'Ishtar ne vende pas la mèche !

La porte-parole disparut dans le couloir, un petit sourire mauvais aux lèvres et pria pour que ce soit un des garçons qui s'y colle !