Forum de Jeux de Rôle Futuriste - Inspiré des Mutants de Marvel (X-Men)
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Les caméras étaient partout : une dans chaque salle, voire plus pour surveiller les pièces les plus importantes de la collection de la National Gallery. Thomas, agent de sécurité sérieux tout dévoué à son travail, prenait un café en alternant son regard entre un magazine automobile et les multiples écrans de contrôle. Il ne remarqua donc rien du vol qui se produisit ; cependant l'ordinateur le détecta, et aussitôt s'alluma quelque voyant lumineux et se déclenchèrent quelques bip sonores qui firent relever la tête de Thomas. Il soupira et prit son talkie-walkie.
Les gens se dispersaient autour d'eux. L'évènement était passé : ils n'étaient maintenant pas plus intéressants que les cadavres accrochés aux murs, qu'ils venaient voir pour l'Art, pour la culture, parce que c'était beau, sans en être convaincu et sans comprendre au fond ce que c'était. Un vigile du musée s'approcha en courant, et s'arrêta pile devant eux, les inspectant d'un regard rapide, un peu suspicieux ; il demanda ce qu'il s'était passé. Sinéad prit l'initiative de répondre :
- On m'a volé mon portable, et en poursuivant le voleur j'ai trébuché et ai entraîné monsieur... ?
Ce n'était pas tant qu'elle voulait savoir son nom ; mais elle avait formulé ça d'une telle manière qu'elle fut obligée de s'arrêter, regardant l'homme au nez mal en point, sa phrase en suspens.
- Nathaniel Albenco.
Tiens. Pas très anglais, comme nom. Espagnol peut-être ? Peu importait, après tout. Sinéad se retourna vers le garde.
- J'ai donc entraîné monsieur Albenco dans ma chute. - Je vois. Nous n'avons malheureusement pas pu arrêter le voleur, mais s'il est encore dans le musée, nous le repèrerons bientôt. - Nous devons aller à l'hôpital, le coupa-t-elle. Pourriez-vous appeler un taxi ?
Elle n'était pas vraiment en état de conduire - et son hallucination de tantôt l'inquiétait - et si Monsieur Albenco en avait une, qu'il aurait probablement pu conduire, il n'en fit pas part.
- Bien sûr. Vous pouvez me suivre ?
Le vigile n'était pas délicat ; Sinéad sourit et s'efforça de marcher sans rien laisser paraître. Elle y arrivait assez bien - tout du moins sa marche, plutôt lente, semblait assez normale. Elle faisait cependant continuellement une faible grimace de douleur telle que ceux qui ne connaissaient pas la Rêveuse pouvaient la prendre pour son expression habituelle. C'était une erreur. Les lèvres de Sinéad formaient habituellement une sorte de sourire neutre - non pas un sourire joyeux : son expression était trop pensive, trop rêveuse justement pour qu'on puisse la décrire ainsi. Habituellement, son front n'avait pas ces rides formées uniquement par la douleur. Elle serrait sa mâchoire, supportant intellectuellement sa douleur physique.
Les voilà dans le taxi, seuls ou presque. Monsieur Albenco avait indiqué leur destination, un hôpital qu'elle ne connaissait pas, apparemment non loin d'ici. Peut-être pas non plus le plus près. Étrange. Elle le regarda. Son nez n'était pas gravement atteint, mais il saignait toujours un peu, malgré le mouchoir qu'elle lui avait donné. Il devrait de toute façon probablement passer un examen. De nos jours, on fait passer des examens médicaux pour n'importe quoi, pensa-t-elle. Elle s'autorisa à pousser un léger soupir. La douleur se calmait peu à peu. Elle se sentait un peu fatiguée. Rien de bien grave. Dans quelques semaines, elle n'y penserait plus du tout. Du moins, elle l'espérait. Elle avait tellement de travail à faire... Aisling. Zut. Elle devait la prévenir. Avec quoi ? Évidemment, elle avait perdu son portable. Qui plus est, elle ne connaissait pas son numéro par cœur. Tant pis, elle lui laisserait un message sur son mail. Du moins, si ce Monsieur Albenco le voulait bien...
- Excusez-moi, est-ce que ça vous dérangerait de me prêter votre portable ? Je devais rencontrer ma fille...
Dernière édition par Sinéad O'Hegarty le Dim 1 Mai 2011 - 15:35, édité 1 fois
Nathaniel Albenco
Type Gamma
Sujet: Re: [RP] Deux mutants en peine Jeu 6 Mai 2010 - 17:22
Le sang continuait de perler au coin de ses narines. À l’aide d’un mouchoir, Nathaniel tentait néanmoins d’en limiter l’écoulement. Il lança un regard morne à sa chemise, devenue presque entièrement pourpre. Seules quelques taches de blanc ici et là rappelaient la couleur d’origine du vêtement. Au prix où il l’avait payé, c’était vraiment regrettable. Enfin, il n’allait pas s’apitoyer durant trois jours sur l’état lamentable de sa chemise, il en rachèterait une autre avec son maigre salaire et la vie continuerait comme elle l’avait toujours fait. L’homme cala sa tête contre le dossier de son siège, bercé par le bruit du moteur. Tenant fermement le bout de papier au niveau de son nez, il contempla le plafond de l’habitacle, perdu dans ses pensées. La femme à ses cotés n’avait pas dit un mot depuis qu’ils étaient montés dans le taxi. À peine avait-elle lâché un soupir en s’asseyant. Nathaniel avait indiqué au chauffeur l’adresse de l’hôpital dans lequel il travaillait. Quitte à passer plusieurs heures dans un établissement médical, autant que ce soit celui dans lequel il se sentait à l’aise.
« On aurait pu me taxer d’accro au boulot je pense. Je ne vivais pleinement que dans mon travail, et même pendant un jour de congé, je m’arrangeais pour y retourner. Je n’avais rien à faire chez moi et ce musée ne m’offrait qu’une petite distraction passagère. La rencontre avec cette inconnue n’était pas sans avantage. »
Cette femme allait rentrer dans son monde. Grand, froid et aseptisé. Le fond sonore n’était que pleurs, cris et chants de malheur. Le lieu était un nid inextricable de souffrances, il n’y avait rien de beau dans cet ailleurs sordide. Tout y était laid, et seul Nathaniel percevait cette dimension obscure. Lorsque l’on réunissait à un même endroit un trop grand nombre de peines, la terre s’abreuvait de ce mal et s’en retrouvait irrémédiablement corrompu. Malgré toute la bonne volonté des médecins et du personnel médical, l’hôpital n’en demeurait pas moins une antre de mort. L’espoir, la joie et la vie même n’avaient pas leur place entre ses murs. Au moins une personne était morte sur chacun des lits de l’hôpital, les nouveaux patients l’ignoraient et chaque soir ils s’endormaient là où quelqu'un s'était éteint. Même si les draps étaient nettoyés à chaque fois, le sang invisible demeurait. Nathaniel était partagé entre la pitié et le mépris. Lui seul semblait comprendre la nature vraie du bâtiment. Une bête avide à l’apparence monstrueuse pour peu qu’on y prenait garde.
« Bien sûr certaines vies étaient sauvées, d’autres y voyaient également le jour. Quel comble se serait si l’hôpital le mieux équipé ne pouvait équilibrer son nombre de décès avec ceux qu’il sauvait. Mais les murs n’en restaient pas moins salis par chaque existence perdue. Petit à petit, ils se couvriraient de rouille et de sang séché, peu à peu, les corps s’entasseraient dans les sous sols de la bâtisse. Il s’agissait d’un immense cimetière, instrumentalisé et géré par l’argent, les bons sentiments n’y changeront rien ! »
Il fut tiré de ses sombres songes par la voix hésitante de la femme. Il tourna la tête vers elle et la dévisagea sans le cacher. Elle souhaitait son portable ? Il n’avait rien contre cette idée et de bonne grâce il palpa son pantalon. Le téléphone n’y était pas. Son visage resta impassible mais il ne put s’empêcher de sourire intérieurement. Il glissa la main qui ne tenait pas le mouchoir dans l’une des poches de sa chemise, imbibée de sang comme le reste de l’habit. Il en ressorti un portable vieux de plus de quinze ans, l’un de ces modèles qui trouvait plus leur place chez un antiquaire ou un collectionneur. Il tendit le téléphone moite à la jeune femme, ne laissant rien paraître :
- Vous devriez l’essuyer avant, recommanda t’il d’une voix nasillarde, mais il doit encore marcher.
Il marqua un temps, parler accentuait l’écoulement nasale et son mouchoir commençait à avoir triste mine. Toutefois il reprit :
- Cela va vous paraître sans doute un peu brusque, mais j’ai horreur de ne pas connaître le nom des gens qui m’accompagnent, conclut-il d’un ton calme.
Sinéad O'Hegarty
Type Sigma
Sujet: Re: [RP] Deux mutants en peine Dim 16 Mai 2010 - 13:21
Ce Monsieur Albenco n'était donc pas si antipathique que ça - et peut-être que les premiers mots qu'il lui avait jetés à la figure ne révélait que sa tendance à s'emporter facilement, ou qu'il tenait vraiment à la blancheur de sa chemise - puisqu'il chercha aussitôt son téléphone. Il lui tendit un téléphone antique - est-ce qu'au moins il envoyait des e-mails ? - venu tout droit d'une poche de sa chemise salie de sang, et donc ensanglanté lui-même. Elle l'attrapa entre deux doigts, un peu rebutée, gratifiant néanmoins Nathaniel d'un "Euh... merci" assez hésitant.
- Vous devriez l’essuyer avant, recommanda-t-il d’une voix nasillarde, mais il doit encore marcher.
Elle ne se fit pas prier : toutefois ce n'est pas du portable qu'elle se soucia en premier : posant le téléphone sur un mouchoir, elle en sortit un autre pour s'occuper de Nathaniel. Contrairement à ce qu'elle avait pensé d'abord, son saignement n'avait pas l'air de vouloir s'arrêter. Elle ne lui demanda pas s'il voulait qu'elle s'occupât de sa blessure - elle n'y pensa en fait même pas.
- Cela va vous paraître sans doute un peu brusque, mais j’ai horreur de ne pas connaître le nom des gens qui m’accompagnent.
Sinéad se retourna vers Nathaniel, forçant la ceinture en se penchant vers lui, mouchoir à la main. Maintenant qu'elle le regardait en face, elle voyait qu'il saignait effectivement beaucoup. Allons : en l'essuyant avant, il devrait marcher, se dit-elle en esquissant un sourire.
- Ce n'est pas brusque.
Effaçant du mieux qu'elle put le sang du visage de Nathaniel, elle lui tendit ensuite son paquet de mouchoirs.
- Vous en aurez besoin plus que moi, je crois.
Puis Sinéad se remit à sa place, reprenant en main le téléphone de Nathaniel et l'essuya lentement, précautionneusement, tout en réfléchissant. Son nom ? Oui. Il y avait peu de chances pour qu'il la connût. Il aurait fallu qu'il lût des magazines spécialisés, des articles sur les recherches sur le vaccin Genesis. Peu de chances pour cela. Sinéad ne tenait pas particulièrement à garder sa nature de mutante inconnue. Mais ce n'était pas quelque chose qu'elle aimerait dévoiler au premier venu non plus. La Grande-Bretagne, même si c'était un État pro-mutant, avait son lot de haineux, ces gens qui méprisaient sans raison et sans fin les mutants. Nathaniel Albenco était-il de ceux-ci ? Peu importait. Elle n'avait aucun moyen de le savoir, sauf à lui demander directement - mais c'était inutile. Toute cette réflexion était inutile ; elle révélait pourtant une chose tragique : la peur qu'ont les mutants à être reconnus, même là où ils se croient saufs.
- Désolée : j'aurais dû me présenter tout à l'heure, dit-elle une fois le téléphone propre. Je m'appelle Sinéad O'Hegarty.
Ceci dit, elle essaya de faire fonctionner le téléphone. Une antiquité, vraiment. Comment est-ce que ces machins-là fonctionnaient, déjà ? Aucune commande vocale, elle supposait. Des boutons. Voyons voir. Ah, oui. Ah, non. Le sang de Monsieur Albenco n'aurait pas pu le faire boguer, n'est-ce pas ? Pourtant, on aurait dit. Tant bien que mal, elle arriva à l'envoi de messages. Zut, encore un bogue. Elle allait revenir en arrière, et néanmoins lut - innocemment, accidentellement - le message affiché. Bizarre. Elle n'était pas sûre d'avoir compris. Sans même réfléchir, elle le relut. Bizarre, vraiment. De la prose ? Non. C'était étrange et mystérieux. Elle eut un frisson. Ridicule, vraiment. Et que faisait-elle ? Pourquoi lisait-elle cela ? Quelle indiscrétion, vraiment. Sinéad revint en arrière, dans la liste des messages. Le message était daté du 11 août 2041. C'était le dernier message de sa boîte. Elle tourna sa tête vers Nathaniel. Est-ce qu'il avait vu quelque chose ? Qui garderait un message pareil pendant 10 ans ? Vraiment, c'était bizarre. Ce n'étaient pas ses affaires, se dit-elle. Elle ne pouvait pourtant pas s'empêcher d'y penser. Qu'est-ce que cette femme voulait lui dire ? C'était, peut-être, un simple message amoureux. Inutile de se tracasser dessus. Elle continua sa recherche d'envoi d'un e-mail. Ah, voilà. Envoyer. E-mail.
Citation :
Aisling, on m'a volé mon portable et en courant après le voleur, j'ai eu une crampe... je vais vers l'hôpital
Quel hôpital, d'ailleurs ?
- Où est-ce que nous nous dirigeons, d'ailleurs ? demanda-t-elle à Nathaniel. - Hôpital John Hunter, répondit celui-ci.
Ce nom lui disait quelque chose, mais quoi exactement, elle n'en savait rien.
Citation :
Aisling, c'est maman. On m'a volé mon portable et en courant après le voleur, j'ai eu une crampe... je vais vers l'hôpital John Hunter. Rien de grave, ne t'inquiète pas. Je reviens à l'Institut ce soir. Ne réponds pas, j'ai emprunté un téléphone.
E-mail envoyé. Ouf. Le problème était réglé. Et sitôt après, le taxi s'arrêta.
- Nous sommes arrivés, dit le chauffeur, jetant un œil vers Nathaniel, le suspectant visiblement d'avoir laissé son hémoglobine sur ses fauteuils. Cela fera 22 livres 70.
Sinéad régla la note, puis ne se fit pas prier pour descendre. Elle tituba un peu, rejoignant Nathaniel. Le chauffeur les avait laissés juste devant l'entrée de l'hôpital. Heureusement. Elle était fatiguée, usée par une douleur sourde.
- Merci, dit-elle en lui rendant son téléphone.
Elle pensait encore à ce texte étrange. Elle avait tout à fait oublié de supprimer son propre message.
Dernière édition par Sinéad O'Hegarty le Dim 1 Mai 2011 - 15:35, édité 1 fois
Nathaniel Albenco
Type Gamma
Sujet: Re: [RP] Deux mutants en peine Jeu 27 Mai 2010 - 17:03
Le taxi s’arrêta à un feu rouge, au croisement de quelque grande avenue dont Nathaniel ne se souciait pas de connaître le nom. Figé au milieu d’autres véhicules, le taxi sortait néanmoins du lot grâce à sa couleur jaune candy, se démarquant du fait de l’aspect très fluo de sa carrosserie. Le chauffeur avait des goûts somme toute assez douteux et assurait à ses clients une discrétion assez relative. Nathaniel tout en se mouchant le nez, crut voir à travers la vitre des visages hilares l’observant et se moquant ouvertement de la kitshité ouvertement affichée du taxi. L’infirmier se détourna de ces masques rigolards et reporta son attention sur la femme assise à ses cotés. Elle le prit de cours en se penchant vers lui pour essuyer son visage. De par ce simple geste elle lui rappelait un peu sa mère lorsque encore enfant, il revenait à la maison la bouille entachée de crasse et de terre. Elle prenait alors un mouchoir et lui frottait les joues et le bout du nez pour chasser la saleté. La réminiscence de ce qu’avait pu être sa mère il y a des années lui fit un effet bizarre. Non pas qu’il éprouva quelque remord mais il ressentit tout de même un vague malaise à ce souvenir. Il laissa faire l’inconnue et le sentiment d’avoir retrouvé ses huit ans ne le quitta pas vraiment tout le temps qu’il fallu pour faire disparaître les dernières traces de sang. Lorsque ce fut fait, la femme lui tendit un paquet de mouchoir que Nathaniel prit en souriant, faisant mine de montrer un quelconque sentiment de gratitude qu’il ne ressentait pas. Il prit un autre mouchoir et se le plaqua sur les narines, tentant une nouvelle fois de stopper le saignement.
Soucieux de ne pas tacher davantage sa chemise déjà bien sale, il ne fit pas réellement attention aux manipulations de la femme qui se présenta quelques instants plus tard sous le nom de Sinéad O’Hegarty. Un nom qui ne lui disait absolument rien en dehors du fait qu’il était inhabituel. Nathaniel replongea dans ses pensées aussitôt et pour tout le reste du voyage, ne parlant avec Sinéad que lorsque cela s’avérait nécessaire. Il cherchait à anticiper sur les futurs événements de la journée. Il était certain de devoir rester quelques heures à l’hôpital, temps qui pourrait s’avérer perdu s’il ne le comblait pas de façon constructive. La femme pourrait peut-être lui apporter davantage de contentement que le simple fait de se faire recoller le nez. Enfin ils furent tous les deux face à l’hôpital, le véhicule s’immobilisa face au bâtiment et les laissa là après qu’ils aient réglé le voyage. Nathaniel admira la vue de ce sanctuaire de mort et se prépara à entrer lorsque la femme lui tendit son téléphone. Il le récupéra et le remit dans une de ses poches après lui avoir glissé un « De rien. » apathique. Soudain il se figea, inquiet. Il n’avait pas été prudent et n’aurait pas dû prêter son précieux portable. Il lança à O’Hegarty un regard suspicieux, cherchant à savoir si elle avait lu quelque chose qu’elle n’aurait pas dû voir. Après tout il était aisé de tomber sur sa boite de réception où pourrissait la charogne d’un ancien message dont les mots étaient encore gravés dans l’esprit de l’infirmier. Il les connaissait par cœur et n’avait gardé le sms que par pur sentimentalisme. Il se savait posséder certaines faiblesses et le message en faisait partie.
Il y a dix ans, alors qu’il était seul chez lui, comme à son habitude et perdu dans son absence de pensées, il avait reçu le message d’adieu de l’une de ses plus proches amies. Sa seule amie. Sur le coup il ne comprit pas ces quelques mots, pourtant simples, mais d’une manière imperceptible, ils le changèrent à jamais. Il est difficile de mesurer quand exactement la monstruosité naquit dans l’âme de Nathaniel, en revanche cet événement fut une étape décisive. Dans l’obscurité qu’était sa chambre, le message avait paru aussi lumineux qu’un phare au milieu d’un océan d’ombres.
« Toutes ces choses que j'ai vues, senties, goutées, entendues, touchées, toutes ces choses là et d'autres encore, celles ayant été apprises, vécues, comprises, assimilées puis partagées et enfin perdues. Il ne me reste rien de ces choses. Dans l'ombre vide où je suis maintenant, il n'y a plus que ton visage. »
Nathaniel regarda O’Hegarty, l’esprit toujours embrouillé par les doutes, et d’un ton prudent il demanda à la jeune femme si elle était prête à y aller.
Sinéad O'Hegarty
Type Sigma
Sujet: Re: [RP] Deux mutants en peine Sam 19 Juin 2010 - 23:23
Si elle était prête à y aller ? Et pourquoi ne le serait-elle pas ?
- Oui.
Et elle s'élança d'une marche assez maladroite vers le grand bâtiment blanc - blanc, c'était l'unique façon de le décrire : où s'arrêtait un mur, où commençait le plafond ? Même les ombres avaient pâli et s'étaient fondues dans l'uniforme, informe hôpital. Tout le personnel médical était blanc, aussi : ce n'étaient plus même des hommes et des femmes, mais des sarraus qui opéraient, qui ouvraient le blanc ventre des blancs patients et tricotaient les blancs organes avec leurs blancs scalpels. Elle, blanche brebis, marchait égarée dans ce monde blanc. Était-il pur, ce blanc ? N'était-il pas aveuglant ? perturbant ? fascinant ? Elle frôla un mur.
- Tout est si blanc.
Son murmure avait traversé ses blanches lèvres sans qu'elle n'en fût consciente - c'était le murmure d'un fantôme, ou d'une morte. Elle touchait le mur et découvrait de nouvelles sensations, et toujours la même. Tout était enfin silencieux. Elle ferma les yeux. Le monde n'était pas noir - il était blanc. Un blanc royal et majestueux - il lui sembla entendre, au lointain, un albatros prendre son envol. Elle pouvait s'entendre respirer.
Un trouble. Quelque part, elle n'était plus inerte. Elle sombra à nouveau dans un silence complet.
Encore ? Pourquoi ne pouvait-elle jamais dormir ? On l'appelait. Ailleurs. Son corps la réclamait, mais elle ne voulait pas rentrer. Pas encore, non. Elle s'éloigna prudemment, voulut fusionner à nouveau avec son monde albâtre. Mais il était apparu une autre forme, une ombre. Elle la reconnut aussitôt.
- Oh, c'est vous. Mais que faites-vous ici ?
Elle n'avait pas de voix, mais les mots étaient là. Sa présence s'effaçait lambeaux par lambeaux. Tout redevenait calme, si calme. Cette sensation lui était nouvelle et familière à la fois. Elle chuchota, de peur de briser sa matrice :
- J'ai rêvé.
Nathaniel Albenco
Type Gamma
Sujet: Re: [RP] Deux mutants en peine Mar 13 Juil 2010 - 2:42
Jamais le hall ne lui avait semblé aussi clair. Les murs de nacre luisaient comme si des essaims de lucioles s’y étaient accrochés. Les lumières elles aussi étaient bien plus brillantes que d’habitude, chaque ampoule était comparable à un mini soleil qui aurait pu suffire à alimenter une ville en électricité durant des décennies. La nuque raide, Nathaniel s’était figé à quelques mètres de la jeune femme. Ses yeux écarquillés, sa respiration rapide, étaient autant d’indices quant à son trouble et aux émotions causées par cette bizarre hallucination. La clarté de son environnement immaculé l’aveugla bien plus efficacement qu’un projecteur géant braqué sur son visage. Ses autres sens, bien que n’étant pas inhibés de façon aussi brutale, devinrent suffisamment altérés pour lui faire perdre toute perception correcte de la réalité. L’odeur du romarin vint lui chatouiller les narines tandis qu’une saveur sucrée lui emplit la bouche. Il sentait également, sans pouvoir dit si cela était réel ou non, le délicat effleurement de caresses sur sa peau comme si tous les nerfs de son corps avaient choisi au même moment de lui faire éprouver pareille sensation. D’aussi loin qu’il s’en souvienne, Nathaniel n’avait jamais vécu moment plus étrange et délicieusement singulier. La raison avait dû déserter le hall d’hôpital pour que l’infirmier se sente si étranger à ce qu’il l’entourait. C’était simple, il ne reconnaissait rien alors qu’il était plus que familier à ce lieu. Des visages pourtant habituels lui apparurent si déformés qu’il ne parvint à mettre aucun nom sur l’un d’eux, et les sons eux aussi semblèrent affectés par le phénomène. Ils étaient étouffés, comme venus de loin ou émis de derrière un mur épais. Les mots ne se distinguaient plus les uns des autres, juste un bouillonnement sonore indéchiffrable. Plus rien n’avait de sens dans le linceul virginal qui avait recouvert l’hôpital. L’air était opaque, oppressant, les distances faussées, et Nathaniel ne parvenait plus à se situer dans l’espace.
Il savait néanmoins une chose. La femme était devant lui, immobile et dans un état très semblable au sien. Qu’avait-il bien pu leur arriver à tous les deux ? Leur avait-on jeté un maléfice à leur entrée ? Au fur et à mesure que le monde devenait de plus en plus irréel, cette pensée paraissait de moins en moins absurde. Ces frissons qui parcouraient le corps de Nathaniel n’étaient-ils pas les signes avant coureurs que quelque chose d’énorme s’approchait ? Un dieu lovecraftien n’allait-il pas tarder à faire son entrée dans le hall de l’hôpital avant d’engloutir ce dernier dans une dimension infernale et chaotique ? Une déchirure se dessina dans l’air face à l’infirmier, et dans cette béance de l’air, un œil blanchâtre vibrait. Nathaniel le fixa, la pupille immense en fit de même. Pendant quelques instants, ils ne firent que se contempler. Soudain l’infirmier se sentit vider de ses forces, toute la fatigue du monde venait de s’abattre sur ses épaules. Ses jambes flanchèrent et il s’effondra aussi sûrement qu’une marionnette dont on venait de couper les fils. Une seconde après la chute, le bruit de son crâne s’écrasant contre le sol se répercuta dans tout le hall.
Sa conscience fut presque happée par la brutalité du choc. Ses yeux cherchèrent un soutien invisible tandis qu’une flaque rougeâtre se formait sous sa tête. Des bruits de pas autour de lui, des cris d’affolement, des questions sans réponses. Il en était la cause, tout comme la femme qui l’accompagnait. Tous les deux s’étaient écroulés sans raison visible par le commun des mortels. Tous les deux s’étaient affaissés en même temps dans une synchronisation parfaite dont on aurait pu croire qu’elle était le fruit d’un entraînement commun. Et désormais, tous les deux luttaient à la frontière de l’éveil. Nathaniel fut le premier à faillir. Il s’évanouit. Plus tard, quelques heures après sans doute, il s’éveilla dans un des lits de l’hôpital. Il avait franchi le pas et était passé de l’autre coté, il n’était plus infirmier mais patient. Il devait sourire. Il aurait dû sourire. Mais ses traits ne changèrent nullement. Le trauma-crânien était certainement assez important pour lui ôter tout contrôle sur son visage. Ce n’était pas grave. Il s’amusait de la situation malgré qu’il ne la comprenait toujours pas. Sa fatigue ne l’empêchait pas d’exulter comme à chaque fois que la vie lui imposait de dures épreuves. Elle avait tenté de nombreuses fois de le briser, mais n’y était jamais parvenu. Nathaniel sourit et cette fois ci le geste ne fut pas seulement pensé. Il porta son attention sur le lit voisin où une forme inerte commençait à s’agiter. Quelques mots ensuite, à peine formulés, emplit de cette même étrangeté qui avait marqué son évanouissement. La femme avait rêvé, et Nathaniel conclut que lui aussi. Ses songes avaient frôlé la conscience de quelqu'un d'autre, certainement celle de cette même inconnue allongée sur le lit, et même s'il ne s'expliquait pas un tel phénomène, il n'eut d'autre choix que de l'accepter. Il quitta son mutisme et sa voix prit la relève comme un refus du silence.
- C'était tellement vaste, tellement...absurde. Je crois que j'ai touché du doigt l'éternité.
Dernière édition par Nathaniel Albenco le Dim 14 Aoû 2011 - 14:44, édité 2 fois
Sinéad O'Hegarty
Type Sigma
Sujet: Re: [RP] Deux mutants en peine Dim 18 Juil 2010 - 17:59
Elle entendit une voix. On lui parlait. Et n'était-ce pas Monsieur Albenco ? Pourquoi devait-il lui répondre ainsi ? Ses pensées filaient, son esprit ne tenait plus et elle ne pouvait plus résister. Son monde de blancheur s'effondra et elle revint à elle.
Sinéad émergea lentement et prenait en même temps conscience de l'étrange gravité de sa situation. Elle ressentait une affreuse migraine - la lumière l'agressait et elle dut fermer les yeux un moment, en profitant pour réfléchir. A côté, dans le lit, se trouvait Nathaniel Albenco. Ils devaient être dans l'hôpital John Hunter. Que s'était-il passé ?
Ils avaient pris le taxi ensemble, elle s'en souvenait. Puis... elle lui avait rendu son portable, et ils étaient rentrés dans l'hôpital, non ? Pourtant, elle ne s'en souvenait pas vraiment. Elle avait du mal à dire ce qui venait de se passer. Sa bouche pâteuse, son front chaud lui faisaient penser à une sorte de cauchemar ou de sommeil hanté. Mais ça ne pouvait pas être ça. Tout à l'heure aussi, elle avait eu une sorte de moment d'absence, presque une hallucination. Est-ce qu'elle était malade ? Pourtant, avant ça, elle se sentait en forme... Son mal de tête ne diminuait pas. Elle appela une infirmière. En attendant, elle regarda autour d'elle. Une chambre banale d'hôpital : deux lits, une petite télévision, une armoire, des tiroirs... rien de bien intéressant. La mutante reporta son attention sur Nathaniel. Les deux fois où elle avait halluciné, il était à côté de lui. Un peu gros pour une coïncidence, non ? Juste après s'être fait voler son portable... Peut-être qu'elle voyait des liens là où il n'y avait rien, mais c'était bizarre. Ce message aussi, sur son téléphone, était étrange. Même les mots qu'il venait de prononcer étaient curieux : « C'était tellement vaste, tellement... absurde. Je crois que j'ai touché du doigt l'éternité. » S'il était mutant, il aurait facilement pu lui causer ce genre d'hallucinations. Mais pourquoi ? Et puis, s'il était mutant, il n'aurait pas été si surpris par son pouvoir. Et normalement, dans l'hypothèse où c'était un mutant, il devait connaître son pouvoir depuis des années - depuis la puberté. C'était vraiment bizarre.
- C'était vraiment bizarre, dit-elle en s'éclaircissant la voix. Absurde, peut-être... je ne sais pas. Ça ne...
À cet instant, on toqua à la porte et une infirmière – du nom d'Angela Lightwood, à en croire son badge – rentra dans la chambre.
- Ah, vous êtes tous les deux réveillés ? dit-elle en balayant du regard les deux mutants. Vous vous êtes tous les deux effondrés d'un coup, et pour l'instant nous n'avons rien trouvé... - Auriez-vous du Doliprane, ou quelque chose comme ça ? - Vous êtes migraineuse ? - D'habitude non, mais là... - Attendez, je vais chercher ça.
Sinéad la regarda partir d'un air désespéré. Son mal de crâne passerait, mais elle risquait d'avoir bientôt des ennuis : « ils n'avaient rien trouvé » elle avait dit. Elle n'avait pas particulièrement envie qu'ils fassent des examens et qu'ils découvrent qu'elle était mutante... ce n'était pas un grand secret, mais on ne savait jamais... et pour Albenco ?
- Ça ne vous est jamais arrivé ? D'avoir ce genre... d'hallucinations.
Sa voix était volontairement douce : elle ne prononçait pas le mot, mais bien sûr, sa question était une manière indirecte de lui demander si c'était un mutant et elle voulait lui faire comprendre que, même si c'était le cas, elle n'aurait rien contre lui.
- Si c'est la première fois que ça vous arrive, vous devriez peut-être en parler...
Nathaniel Albenco
Type Gamma
Sujet: Re: [RP] Deux mutants en peine Sam 14 Aoû 2010 - 22:02
Ses yeux vides, inanimés et dépossédés de toute étincelle vitale, contemplaient le visage silencieux et impassible de sa voisine, toujours en sommeil. Ces yeux là ne disaient rien, aucune émotion, aucun sentiment, c’est à peine s’ils voyaient les choses. Ces yeux là ne portaient aucun jugement, aucune manifestation d’intérêt, ils se contentaient de transpercer du regard et de voir au travers des corps physiques, comme si l’opacité de la matière n’avait plus d’emprise sur eux. Ils sondaient à leur façon l’âme des êtres, si tant est qu’une telle notion existe, mais toujours est-il qu’ils parvenaient à saisir un bref instant l’essence même d’un objet, d’une personne, de telle façon que celle-ci se livrait dans son entièreté, laissant de coté les masques et les secrets. Il suffirait d’un effleurement, une simple caresse, si légère qu’on douterait de son existence, il suffirait d’un souffle pour que Nathaniel ait accès à l’esprit d’O’Hegarty qui gisait toujours dans son lit, à moitié comateuse. Il fut tenté de se lever et de se rendre aux cotés de la jeune femme, puis de violer le royaume de sa conscience, sans scrupule ni remords, s’approprier sa vie et son histoire pour satisfaire sa curiosité morbide. Il avait toujours fait ainsi après tout, ne demandant jamais le consentement de ceux victimes de son pouvoir, abusant de leur fragilité pour les déposséder de leur substance et de leur humanité. Ses mains posées sur son ventre convulsèrent, parcourues d’une crispation traduisant de sombres et violentes envies. Sa gorge se noua et une délicate goutte de sueur vint rouler le long de sa joue jusqu’à son menton. Il avait faim. Et il était chez lui. L’hôpital était son terrain de chasse et comme n’importe quel prédateur attiré par l’odeur d’une proie de premier choix, ses pulsions le poussaient à s’approcher de la femme alanguie et de la dévorer. Qui pourrait s’en rendre compte après tout ? Il était hors de tout soupçon, ses collègues le connaissaient (ou du moins pensaient le connaître) et le croyaient inoffensif, et si les docteurs venaient à retrouver O’Hegarty dans un état catatonique, ils mettraient ce nouveau symptôme sur le compte de son évanouissement. Nathaniel se redressa sur ses coudes, le corps tendu vers le lit voisin. Ses yeux que l’on crut morts quelques instants plus tard se ravivèrent pourtant d’un éclat brillant. Le plaisir de la chasse avait su redonner à ces yeux éteints leur énergie de naguère. Le monstre au masque d’homme s’extirpa de ses draps, comme s’il se débarrassait d’une mue embarrassante, et posa pied à terre. Il ne tint pas compte des nausées qui l’assaillirent, ni même de la violente douleur à l’arrière de son crâne. Ses longs doigts agités de spasmes se tendirent vers la silhouette emmitouflée de sa voisine. Péniblement, il fit un pas, puis deux, s’approchant lentement d’elle. Centimètre après centimètre, il grignotait la distance qui le séparait de sa proie. Bientôt il pourrait la toucher, bientôt il pourrait lui voler une partie de son être afin de s’en repaître. Bientôt il n’aurait plus faim.
Combien ses espoirs furent déçus lorsqu’elle parla de nouveau, cette fois-ci avec bien plus d’énergie que la première fois. Elle se réveillait pour de bon, échappant par la même à sa mise à mort. Son bourreau la voulait endormie, mais en échappant des griffes du sommeil, O’Hegarty venait de s’épargner une expérience particulièrement désagréable. Le monstre fit demi tour, de mauvaise grâce, et regagna son antre de coton blanc. Sa tentative de festin ainsi reportée, il n’avait plus qu’à attendre un moment plus propice pour agir. La femme émergea peu à peu de son semi-coma, reprenant conscience avec son environnement et se remémorant très certainement les événements qui l’avaient menés ici. Elle regarda autour d’elle, tout comme lui-même l’avait fait quelques minutes plus tôt. La seule différence était que lui connaissait parfaitement la structure des chambres de son hôpital, ce qui n’était certainement pas son cas à elle. Aussi eut-il tout le loisir de la dévisager tandis qu’elle prenait connaissance des lieux, mais lorsqu’elle tourna la tête dans sa direction, il roula sur le coté et lui présenta son dos. On frappa à la porte et une infirmière, Lightwood qu’il ne connaissait que de loin en loin, entra dans la pièce. Avec professionnalisme, elle leur rapporta le pourquoi de leur présence ici ainsi que, détail plus inquiétant, l’absence totale d’explications sur leur évanouissement. Or depuis des années, les humains avaient cette fâcheuse tendance à voir dans tout événement inexpliqué des agissements mutants. La foi en des interventions divines avait laissé sa place à la suspicion anti-mutante et tout au long de sa carrière, Nathaniel avait dû jouer tout en subtilité pour ne pas se faire cataloguer comme détenteur du gène X. Que ses efforts s’écroulent à cause d’une simple syncope lui était tout bonnement insupportable. Mais il n’était pas vraiment inquiet. L’enquête ne dépasserait pas le cadre de la paranoïa habituelle et l’affaire se tasserait. Nathaniel se rallongea sur le dos et porta son attention sur le court échange entre sa collègue et sa proie potentielle. Son regard alla de l’une à l’autre, suivant des yeux un match invisible que seul lui percevait. Lorsque l’infirmière conclut le dernier coup d’estoc par une prise de congé bien sentie, toute l’attention de l’homme revint vers O’Hegarty. La porte claqua de nouveau et ils se retrouvèrent de nouveau seuls. Le silence n’eut pas le temps de s’installer que déjà elle s’adressa à lui pour lui faire la conversation. Non pas qu’il eut quelques réticences à lui parler, après tout il l’avait fait tout au long de leur escapade en taxi, néanmoins les questions qu’elle posa, plus ou moins clairement, le coupèrent dans son élan. Il ne devait pas quitter son rôle d’humain lambda, car en lui répondant sincèrement, il menacerait par là même sa survie. Sans parler du fait que l’infirmière menaçait de revenir. Toutefois il y avait ce bizarre sentiment de…communion entre eux deux. Comme si pour la première fois, Nathaniel se retrouvait en tête à tête avec l’un de ses semblables et comme si pour la première fois, il pouvait s’exprimer librement, sans crainte d’être jugé. Il en était quasiment certain maintenant, cette femme était une mutante. Les questions qu’elle posait déjà, plus que suspectes et d’autant plus que la femme semblait habituée à parler d’un tel sujet, et surtout les hallucinations qui avaient précédé leur malaise. Nathaniel était incapable d’une telle chose, malgré la maîtrise de sa mutation. Matérialiser des choses qui n’existaient pas n’était pas son domaine d’expertise et ne le serait sans doute jamais. Alors se pourrait-il qu’O’Hegarty soit la source du phénomène ? Or si cela avait été le cas, au vu de sa mine hébétée, elle n’en avait pas conscience. Comment pouvait-elle ignorer cela ? Ce qu’elle avait invoqué quelques heures auparavant, si c’était bien elle l’origine, était juste innommable. Nathaniel avait eu la sensation de se retrouver face à la galaxie tandis que son regard se perdait dans cet œil gigantesque. Comme si l’Univers s’était manifesté à lui dans un espace trop confiné. Son esprit n’avait pu supporter une telle vision et il avait flanché. Et dire que l’infirmier avait failli s’attaquer à un tel pouvoir. Qui sait ce qu’il lui serait arrivé s’il était venu au bout de sa manœuvre. Son corps aurait sans doute implosé, submergé par des flots d’incompréhension et de terreur face à ce vide immense.
C’était tellement excitant ! Il la voulait cette éternité, ce vide ! Cette dimension sans mesure ni limite, il voulait se l’approprier, pour lui seul. Il voulait faire l’expérience de cette écrasement brutal de son être, se sentir broyé par l’incommensurable supériorité de cette chose. Plus jeune, il avait essayé de regarder en face le soleil, il s’y était brûlé les yeux, ce qui ne l’avait pas démotivé de recommencer. À cette femme qui lui avait prouvé l’existence d’une telle dimension, il devait la vérité. Peu importe les risques, si l’infirmière revenait, il l’absorberait comme mille autres avant elle.
D’un ton presque enjoué, il prit la parole comme elle l’avait invité à le faire. Il avait des choses à dire, tellement de choses qu’il n’avait jamais confié à personne. La vérité, c’est tout ce qui importait. - Je n’ai jamais eu d’hallucinations, mademoiselle O’Hegarty, pas au sens où vous l’entendez du moins. Des réminiscences de passé lointain, des souvenirs aussi vivaces qu’à l’instant où ils ont été vécus, des images qui occultent ma vue et me font perdre tout sens de la réalité, oui. Mais ce ne sont pas des hallucinations. Les hallucinations sont des choses qui n’existent pas. Or ces expériences que je viens de vous décrire, existent bel et bien, il ne s’agit pas d’hallucinations, de chimères qui disparaissent et qui ne se basent sur rien. La vérité mademoiselle O’Hegarty, car c’est le but de votre question, c’est que tout ce qui pourrait arriver dans cette chambre sera bel et bien réel.
Un sourire se dessina sur ses lèvres, un sourire grinçant qui laissait deviner une dentition tenant davantage du fauve que de l’humain.
- La vérité, c’est que je dévore les gens et que vous êtes coincée ici, avec moi.
Et son estomac gargouilla, concluant ces derniers mots.
Sinéad O'Hegarty
Type Sigma
Sujet: Re: [RP] Deux mutants en peine Jeu 19 Aoû 2010 - 13:10
Quand Nathaniel se mit à parler, il sembla différent. Bizarrement, il n'était plus cet homme un peu colérique qui lui avait crié dessus quand elle était tombée sur lui ; il n'était pas non plus l'homme mystérieux à qui s'adressait le message sur son portable. Non, il paraissait content, comme si se retrouver en tête-à-tête avec elle lui semblait soudain quelque chose de très bien. Il semblait différent.
Sinéad était aussi attentive à sa voix, à l'attitude de Nathaniel qu'à ce qu'il disait : car de ce qu'il disait, elle ne comprenait pas grand chose. Il n'était pas clair, non ; il était trouble mais c'était elle qui en était troublée - elle avait assez mal au crâne sans que Nathaniel en rajoutât. Elle parvenait lentement à assimiler ce qu'il lui disait : déjà, que ce n'était pas lui qui avait provoqué ces hallucinations. Un mutant extérieur ? une simple coïncidence ? - Non, impossible. Et elle n'avait senti, ressenti, que Nathaniel. Elle ne savait pas trop ce que c'était. Un contact quasi physique avec l'esprit de l'autre. Mais pas la même sensation, pourtant, que lorsque Samarah s'introduisait dans ses pensées. Nathaniel l'appela. Elle releva les yeux.
- La vérité mademoiselle O’Hegarty, car c’est le but de votre question, c’est que tout ce qui pourrait arriver dans cette chambre sera bel et bien réel.
Ce qui pourrait arriver ? Et qu'est-ce qui pourrait arriver ? A cette question intérieure, Nathaniel répondit d'abord par un sourire : un large et menaçant sourire. Puis, il prononça un à un chacun des mots de sa réponse :
- La vérité, c’est que je dévore les gens et que vous êtes coincée ici, avec moi.
Sinéad resta sur place, interdite. Il le disait avec un accent de vérité dans la voix. Comme pour mieux appuyer ses dires retentit un grognement grotesque : son ventre qui protestait, qui se préparait déjà à faire bombance, peut-être. Sinéad avait rarement entendu un gargouillis aussi menaçant. Il se passa quelques secondes ainsi. Elle crut un moment que ce monstre - car c'était forcément un monstre - allait se jeter sur elle, mais non. Il attendait. Il la fixait, même. Ce lourd regard ne l'aidait pas à se calmer et à analyser la situation. Première chose à ne pas faire : paniquer. Un peu tard pour ça. Sa respiration s'était accélérée depuis longtemps. Inspiration. C'était un mutant. Un mutant cannibale ? Une mutation très rare... mais pas impossible. Expiration. Elle n'avait encore rien. Donc... Inspiration. Donc c'était un sadique qui savourait son plaisir. Non. Expiration. S'il lui avait dit tout ça, c'est que, pour le moment au moins... Inspiration. ... elle ne craignait rien.
- Je ne comprends pas, dit-elle de sa voix la plus assurée possible - c'est-à-dire qu'elle chevrotait, mais poursuivait quand même, et plus elle parlait, moins elle tremblait. Pourquoi est-ce que vous me dites ça ? Qu'est-ce que...
Elle ne put continuer : la porte s'ouvrit soudain, et Sinéad se retourna, et l'infirmière était là, intruse impromptue et innocente aussi.
- On ne sait pas trop quoi faire de vous. Il faudrait peut-être faire un examen plus approfondi... mais c'est possible que ce ne soit qu'un simple malaise... buvez, dit-elle en lui tendant un verre.
La mutante la remercia et s'empressa de boire, non pas tant pour atténuer sa migraine que pour la faire partir. Pas besoin d'impliquer une autre personne à ça.
- Je ne pense pas qu'il y ait besoin de faire un examen approfondi... c'était sûrement quelque chose de passage.
Elle ne dit rien à propos de sa crampe : elle ne voulait plus s'attarder ici, et délayer encore son départ. Elle pourrait très bien soigner ça à l'Institut - ce serait juste dans quelques temps. Et ça ne lui faisait presque plus mal, tant qu'elle ne bougeait pas.
- Reposez-vous encore un peu. Je repasse ici d'ici quelques minutes.
Quelques minutes. Après, elle sortirait de cette chambre qui puait le danger. Ils ne la garderaient pas. Elle n'avait rien de grave, et elle n'avait pas l'intention de croupir ici.
La porte se referma, laissant Sinéad seule. L'adrénaline retombait. La présence de l'infirmière avait été paniquante : elle était sûre que Nathaniel ne lui ferait rien - pas tout de suite -, mais l'infirmière ? Elle avait surveillé le monstre et il n'avait rien fait de particulier. Au contraire, il avait été tout à fait normal, revêtant à nouveau le masque qu'il devait porter chaque jour.
- Qu'est-ce que vous voulez dire par ces "réminiscences", "souvenirs" ...? Vous faites le mystérieux.
Elle songea à ce message, sur son portable, aussi. Cette bizarrerie. Si Monsieur Albenco était un mutant, ce message étrange pouvait bien être vrai, et pas seulement une sorte de message d'amour romancé. Mais pas s'il était un "mutant cannibale" - un homme-garou peut-être. Hésitante, elle se décida néanmoins à en parler.
- Lorsque vous m'avez prêté votre portable, j'ai eu du mal à le manipuler. Je suis arrivé à un message étrange. Un message vieux de dix ans ! J'aurais pu revenir en arrière, mais c'était si bizarre que je l'ai lu. Pardon. Mais ça n'aurait pas un rapport avec votre mutation ?
Ça ne collait pas. L'hypothèse que Monsieur Albenco fût un homme-garou, cannibale qui plus est, n'allait pas avec tout ce qu'elle avait vu jusqu'à maintenant. Une écrasante majorité de ceux-ci avaient des traits et des comportements très animaux. Or, il était humain au plus haut point - bien habillé, parlant bien, cachant bien son jeu. Est-ce qu'il cachait aussi les marques de sa mutation ? Possible...
- Quelle est votre pouvoir pour que vous dévoriez les gens ? Au fond, est-ce que ça vous plaît ?
Malheureusement, elle avait l'intuition que oui.
Nathaniel Albenco
Type Gamma
Sujet: Re: [RP] Deux mutants en peine Mar 12 Oct 2010 - 0:05
Elle avait tant de questions à lui poser, tant de réponses à obtenir, tant de curiosité à satisfaire. Nathaniel avait partagé avec elle une infime partie de sa vérité, et elle s’était jetée dessus comme un chien affamé plante ses crocs dans un morceau de viande. Pensait-elle que, puisqu’il lui avait montré un minuscule aperçu de son être, il allait continuer à se livrer sans concession ? Il avait des choses à apprendre sur elle, des choses à apprendre d’elle aussi. Il voulait connaître son histoire, ses moments de bonheur, ses peines, ses victoires et ses défaites. Il voulait lire l’ouvrage de son existence, qu’elle n’est pour lui plus aucun secret, qu’elle ne représente plus rien. Il voulait l’assécher comme d’autres avant elle. La vider complètement de sa substance, la momifier pour qu’elle ne soit plus qu’un cocon de souvenirs périmés et usés. Et lorsqu’il y serait parvenu, alors peut-être lui offrirait-il à son tour le conte de sa propre vie. Pourquoi pas après tout ? Ses égarements valaient bien d’être narrés, peut-être O’Hegarty pourrait y trouver un intérêt qui lui échappait. Il n’avait que faire de son passé et de ses erreurs, seul l’immédiat l’intéressait.
Toutefois il devait freiner cette envie brutale et monstrueuse car la nature mutante de la jeune femme amenait trop d’inconnues pour qu’il puisse se nourrir d’elle sans danger. Une intuition presque animale lui soufflait que ses capacités ne lui seraient d’aucun secours et que pire encore, son esprit pourrait ne pas sortir indemne de l’expérience. Mais un fauve même blessé peut encore mordre. Et si Nathaniel ne pouvait user de ses talents sur O’Hegarty , soit, il atteindrait son but par des moyens détournés. La mutante était bien trop appétissante pour qu’il la laisse filer dès la première difficulté. La parole serait sa nouvelle arme. Il l’obligerait à parler. Elle avait lu son message, et alors ? Croyait-elle pouvoir le tenir avec si peu ? Jamais ! Il serait le seul à assouvir sa curiosité, elle n’aurait rien d’autre que des bribes, des esquisses de souvenirs, de bien maigres lots par rapport à ce que lui obtiendrait. Il allait parler. Oui, beaucoup et bien. Il allait lui faire miroiter le vain espoir d’en apprendre plus sur lui, et pendant qu’elle se débattrait avec ce qu’il daignait lui offrir, Nathaniel l’assassinerait par derrière. Ensuite de quoi, il extrairait de son cadavre encore fumant, l’amère vérité de la jeune femme.
Nathaniel tourna la tête vers elle, toute marque de sauvagerie ayant désormais désertée ses traits. À cet instant, il parut aussi inoffensif qu’un agneau. Un charmant sourire plaqué aux lèvres, des yeux pétillants de douceur, il chuchota d’une voix calme :
-Qu’attendez vous de moi, mademoiselle ? Quelle est la vraie portée de vos questions ? Vous avez touché à quelque chose qui aurait dû toujours vous rester hors d’atteinte. En lisant ce message de prime, qui ne vous était à aucun moment destiné. Ensuite en m’écoutant tout simplement. Peut-être vous en ai-je déjà trop dit ?
Sa voix enfla mais sans violence, sans discordance. C’était logique après tout, sa tirade était au final une composition musicale allant crescendo, vers une apothéose dévoilant une violence entière et parfaitement assumée.
- Vous voulez ma science n’est-ce pas ? Vous voulez savoir quels événements m’ont transformé en ce que je suis ? Les gens, les choses, les actes, tout ce qui aurait pu me marquer, qui aurait dû me marquer même, ne l’a jamais fait. Je suis comme ça mademoiselle O’Hegarty. Je suis entier, inamovible à ma façon. Rien ne m’atteint vraiment, j’ai cette splendide indifférence à l’égard de toute chose. D’une certaine façon, oui cela me plait. À qui cela ne plairait-il pas ? J’agis et je ne me pose aucune questions, ni avant ni après. Tout ce que j’entreprends, c’est par choix et non par émotion. Je suis une volonté jamais entachée par la morale ou l’éthique. Ce message que vous avez lu, ce n’est qu’un vieux souvenir oublié. Vous imaginez quel genre de cinglé conserverait sciemment un sms vieux de dix ans sur son portable ? Je ne suis pas ce type d’hommes. Au contraire, je suis quelqu’un de parfaitement raisonnable.
Il conclut son plaidoyer en lui souriant. Un sourire parfaitement divin et parfaitement lumineux, donnant l’air d’être parfaitement sincère. L’air seulement, car il était aussi parfaitement faux.
- À votre tour. Ma question est simple : qui êtes vous ?
Sinéad O'Hegarty
Type Sigma
Sujet: Re: [RP] Deux mutants en peine Jeu 4 Nov 2010 - 23:01
Sinéad était, de manière générale, raisonnable : avant d'agir, elle essayait de voir calmement la situation, de la comprendre, puis se demandait ce qu'il fallait faire. Cela nécessitait, parfois, un grand sang-froid, c'est-à-dire de réfréner ses sentiments. Conséquemment, par habitude de cette froide analyse, elle n'était pas de celles qui ne cessaient d'exprimer avec passion leurs sentiments ; au contraire elle en venait parfois à les observer eux-mêmes. Bien sûr, elle n'arrivait parfois simplement pas à retenir ses sentiments lorsqu'elle le voulait : ils s'échappaient, la submergeaient, la trahissaient. Le sourire de monsieur Albenco n'était pas chaleureux, au contraire : il lui donnait des frissons. Il n'était pas fou, non, probablement pas ; mais, et c'était bien pire, il était malsain. Il s'exprimait sans violence, en murmurant ; c'était presque un agréable flot de paroles, une voix douce mais masculine qu'elle entendait. Comme Sinéad l'écoutait, elle comprenait que monsieur Albenco était une violence - une violence froide, une violence sans colère ; une violence inhumaine en fait. Il avait, peut-être dans son vouvoiement, une façon de s'exclure d'elle, ou de l'exclure, elle. Il était, à ce qu'il lui disait, frappé d'indifférence - n'avait-il pas pourtant, plus tôt, été énervé de sa maladresse ? été inquiété de ce que son sang pût tâcher sa chemise ? -, et son esprit était dénué d'émotion. C'était donc une sorte de machine. Une machine qui n'avait conservé ce message, dans son portable, non pas parce qu'elle y tenait, mais au contraire parce que ce message l'indifférait : pourtant, ce message était troublant - tout était flou pour Sinéad. Nathaniel parlait clairement, mais s'entourait d'un mystère, ne répondait pas à ses questions : elle lui avait demandé ce qu'était son pouvoir, et il n'avait pas répondu. C'était, probablement, délibéré. Elle ne voulait plus s'attarder ici.
Elle prit son temps pour répondre, regardant monsieur Albenco - si elle ne l'avait pas fait, elle ne se serait pas senti tranquille ; elle aurait eu l'impression de tourner le dos à la bête -, choisissant ses mots. Elle perdait en fait du temps, elle attendait que l'infirmière revînt.
- De toute ma vie je n'ai, je crois, jamais rencontré quelqu'un d'aussi effrayant, mais aussi d'aussi froid, que vous, monsieur Albenco. Vous devez certainement le savoir, et d'ailleurs c'est ce que vous recherchez. Mais, et je vous l'ai déjà dit, vous ne dites pas tout. Vous n'êtes pas clair. Je vous ai demandé ce qu'était, précisément, votre pouvoir. Vous ne m'avez pas répondu.
Elle soutenait son regard. Il était, psychologiquement, en position de force, mais elle ne se laissait pas faire. Sa franchise était une force, peut-être une force aussi grande que les grandes phrases obscures de l'infirmier. Lui s'amusait à obscurcir ses propos ; elle au contraire aimait que tout fût clair et net.
- Vous me dites que vous êtes indifférent à tout ? Que vous êtes, en somme, une sorte de robot sans sentiment ou sans souvenir ? Je ne vous crois pas.
Elle ne pouvait en fait pas y croire : ce ne serait plus un homme. Même le plus déshumanisé des mutants restait un homme. Et puis, il y avait tout ce mystère qu'elle ne supportait plus... elle sentait les mensonges de monsieur Albenco - peut-être d'ailleurs que ce n'étaient pas des mensonges, que ce qu'il disait était vrai, mais alors ce serait une vérité tordue, tordue autant que le mutant.
- Qui je suis ? J'ai bien peur d'être beaucoup plus banale que vous, monsieur Albenco. Je n'ai aucune particularité aussi forte que la votre ; j'ai vécu assez longtemps, j'en ai les souvenirs. J'ai été marquée par ma vie. Moi, ça ne me plairait pas d'être indifférente. Je ne vivrais plus. Même si, dans certaines situations, j'aimerais bien le devenir... Qui je suis donc... question simple mais trop vaste. Vous voulez, peut-être, que je vous raconte tout ce qui s'est passé depuis ma plus tendre enfance jusqu'à aujourd'hui ? C'est ce que je suis, ou plutôt ce qui fait ce que je suis. C'est la même chose... je suis qui je suis à cause de tout ce que j'ai vécu, mais aussi parce que je me souviens. Vous, vous ne vous souvenez plus de rien. Est-ce que vous pensez que vous êtes encore quelqu'un ? - Finalement, dit l'infirmière Lightwood, on ne vous gardera pas. C'est probablement bénin, mais vous devriez faire attention, tous deux... probablement exceptionnel... si ça arrive à nouveau, bien sûr, prenez contact avec votre médecin, dit-elle en s'adressant principalement à Sinéad.
Sinéad avait sursauté. Elle n'avait pas entendu l'infirmière rentrer dans la chambre. Elle la regarda. Si elle avait entendu quelque chose qui lui avait paru bizarre, elle n'en laissait rien paraître. Même si c'était le cas, c'était trop tard. En tout cas, elle ne se fit pas prier : elle quitta son lit prestement, récupéra ses affaires. Il ne lui restait plus que quelques formalités administratives, et elle échapperait à ce monstre. Elle dut l'attendre toutefois. Cela eut paru bizarre ; et puis, ils avaient partagé la même chambre, pour les mêmes raisons. Certainement qu'ils devraient remplir des papiers communs. En vérité, elle avait envie de s'enfuir de cette chambre, de fuir ce monstre. Mais, en levant ses yeux sur Nathaniel, elle vit que le monstre était déjà parti. Il savait qu'il n'aurait pas une autre opportunité : leur discussion était finie. Alors, il avait revêtu à nouveau son masque, celui qu'il avait eu lorsqu'elle l'avait rencontré. Elle pensa que, selon lui, seul le visage, ce comédien, s'animait. Ce masque humain et vivant cachait le monstre indifférent et mort.
Nathaniel Albenco
Type Gamma
Sujet: Re: [RP] Deux mutants en peine Ven 17 Déc 2010 - 23:58
Ses lèvres restaient résolument closes. Sa voisine avait pris la relève et comblait le silence de sa voix haut perchée. Elle l’amusait. Elle l’amusait car elle avait peur mais tentait de ne rien montrer et son masque de courage se fissurait peu à peu à chaque seconde. Elle allait craquer ! Forcément ! Se mettre à pleurer, ou se ruer en dehors de son lit, ou appeler au secours ou bien encore se jeter par la fenêtre pour tenter de s’échapper. Cette crispation qu’elle avait au coin des lèvres, cette façon d’éviter son regard étaient autant d’indices sur son état mental. Et puis surtout, preuve absolue et irréfutable de son angoisse, elle niait. Elle niait les mots que Nathaniel avait pu prononcer, elle niait la réalité qui lui avait offerte, elle le niait lui aussi en tant qu’être. Elle ne pouvait pas comprendre, accepter et tolérer, qu’il puisse exister un homme qui correspondait au portrait qu’avait dressé l’infirmier de lui-même. Pourtant cet homme là existait. Jamais Nathaniel n’avait été aussi sincère avec quelqu’un. Jamais il ne s’était livré de cette façon, à aucun moment. Il avait dit la vérité. Celle-ci était ignoble et infâme dans sa nudité, mais était-ce raison pour ne pas l’accepter ? N’en demeurait-elle pas, malgré sa laideur, la vérité juste de ce qu’il était ? Que la femme rejette ainsi l’essence même de Nathaniel aurait dû énerver ce dernier. Dans la normalité, il se serait levé pour l’abattre comme un animal. Mais il se moquait de ce qu’elle ait pu dire ou faire. Elle l’avait vu comme un monstre et ses paupières s’étaient immédiatement refermés devant pareille horreur. Ce n’était pas grave. Ils faisaient tous ça les gens normaux. Pourtant, ce moment qui aurait pu continuer éternellement, ou peu s’en faut ; ce moment qui aurait pu lui procurer un plaisir indéniable, ne dura pas.
Il fut interrompu de façon aussi inopinée qu’irritante. L’infirmière encore. Cette même infirmière qui n’avait eu de cesse de s’inviter dans la chambre et de se cacher derrière son rôle de personnel hospitalier. Cette femme avait freiné O’Hegarty dans son élan d’auto persuasion, chose déjà impardonnable, mais en plus, elle leur mentait. Cette Lightwood sentait qu’il se tramait dans cette chambre, des événements hors du commun des humains. Et elle était attirée par cela, tout comme une mouche l’était par du vinaigre. Elle ne pouvait refreiner cette pulsion qui la poussait plus avant vers eux, elle voulait goûter à l’exotisme et au danger que représentaient les deux mutants. C’était son choix et Nathaniel respectait ce goût de l’aventure.
Mais Lightwood ne pourrait pas sortir indemne de cette chambre. Nathaniel ne pouvait se permettre de laisser l’une de ses collègues se promener au sein de l’hôpital, l’esprit hanté par des questions et des doutes. Non, il fallait que Lightwood redevienne lisse, plate, sans relief. Comme tous les autres. D’un bond souple, Nathaniel quitta son lit et s’approcha rapidement de l’infirmière. En à peine une seconde, il fut à ses cotés. Ne lui laissant pas même l’occasion de réagir, il plaqua sa main sur la bouche de la jeune femme, l’empêchant de hurler. Celle-ci voulut se débattre et ses doigts frêles vinrent s’enfoncer dans le poignet de son agresseur. Le monstre au visage d’homme ne broncha pas. Il tourna la tête vers Sinéad. Ses yeux étincelaient d’une avidité inhumaine, et du regard, il la défiait d’intervenir. Imperceptiblement, ses lèvres formèrent un sourire. Il la voulait avec lui dans l’instant. Il voulait qu’O’Hegarty l’accompagne là où lui le déciderait. Qu’elle essaie donc de résister, cela ne rendrait le jeu que plus amusant. Mais peu à peu, elle se rendrait compte qu’elle s’enfonçait inexorablement dans des sables mouvants et que sa lutte ne faisait que l’entrainer que plus rapidement vers le fond. Certain de l’influence qu’il exerçait sur sa « semblable », il reporta son attention sur son autre victime.
- Je vous réponds maintenant. Mon indifférence, mon inhumanité dirais-je même, je la transfère en d’autres. Ainsi je me débarrasse chaque fois un peu plus de ce vide.
Il retroussa ses lèvres, découvrant ses canines et rapprocha son visage de l’infirmière désormais tétanisée par la pupille glaciale qui la fixait. Un flot gelé se déversa dans la bouche de Lightwood, qui crû sans doute se noyer. Des choses rampantes glissèrent au fond de sa gorge jusqu’à son estomac. De là, les monstruosités se répandirent dans tout l’abdomen, tels des vers agiles. Très vite, l’infirmière ne fut plus qu’une poupée molle, à peine maintenue en équilibre par la poigne d’acier de Nathaniel. Une fois qu’il eut pris ce qu’il désirait en elle, il la repoussa en arrière, la laissant s’affaler sur le sol. Fixant le mur face à lui, il se parla plus à lui-même qu’à O’Hegarty :
- Elles sont si brèves ces émotions. À peine ingérées, elles ne sont déjà plus qu’un souvenir lointain, un concept que je peine à reformuler. Vous comprenez ? Vous comprenez maintenant ?
Sinéad O'Hegarty
Type Sigma
Sujet: Re: [RP] Deux mutants en peine Dim 30 Jan 2011 - 14:48
Les monstres n'existent pas. Elle le savait depuis longtemps – elle avait appris que seuls les hommes pouvaient être monstrueux. Face à elle, cette forme menaçante, humanoïde seulement en apparence, et si changeante – elle avait cru qu'elle était partie mais non, elle était toujours là, plus réelle encore dans sa menace. Elle tenait l'infirmière par la force, la ployant sans effort. Et elle la regardait, et ces yeux la paralysaient : ils lui semblaient des gouffres attracteurs auxquels elle ne pourrait pas échapper. Déjà elle se perdait ; elle oubliait de bouger et ne détournait pas le regard. Son corps aurait pu aller délivrer la femme fragile ; mais elle était déjà captive. Elle avait oublié aussi sa question quand cette forme parla enfin, d'une voix grave et sombre. Elle ne l'écouta pas, pas réellement, mais elle comprit ce murmure. Quelque chose se passa. La forme s'approcha d'elle, s'empara d'elle. Elle se sentit mourir. Elle poussa un râle silencieux et s'effondra à terre, inanimée. Un murmure encore. « Vous comprenez ? » disait-elle – à qui parlait-elle ? N'était-elle pas seule ici ? N'était-elle pas toute seule ?
Il faisait sombre et ce n'était pas la nuit mais les ténèbres qui les enveloppaient. Il ne faisait ni froid ni chaud – ni quoi que ce fût. C'était en dehors de ça : tous les sens les avaient quittés. C'était un cauchemar. L'idée d'une peur primitive était là. Une peur d'enfant ; une fillette seule face aux monstres sous son lit. Elle pleurait et plus elle les implorait de la laisser tranquille plus elle avait peur. Il y avait une voix, mais on ne l'entendait pas : on la comprenait. C'était de l'information pure, un langage absolu.
« Elle ne comprend pas. »
Cette voix, ce langage, faisaient écho en soi. C'était comme avoir soudainement une pensée qui n'appartenait à personne. La puissance de cette voix détruisait l'unité de soi. Irrésistiblement, la terreur envahit leurs esprits. Le sentiment pur les gagna – un sentiment d'une intensité insoutenable. Une intensité primitive, comme si jamais avant ils ne l'avaient éprouvé. Les larmes ne coulaient plus – elles étaient cependant devenus un torrent qui les emportait, les noyait. Ils coulaient. Ils pouvaient se débattre mais leurs efforts étaient vains. Ils étaient sans force. Ils moururent.
D'un coup, ses sens s'imposèrent à elle et elle sentit la réalité du monde l'écraser : elle s'éveilla, c'est-à-dire qu'elle naquit. Perturbée encore, elle mit du temps à se rappeler de son identité individuelle – les limites du soi s'imposèrent peu à peu à elle. En sentant la froideur de l'air, en voyant ces passants pressés à côté d'elle, elle redécouvrit son corps. Qu'elle était tout ça – ces bras, ces mains, cette voix – l'étonna et la déçut. Elle eût voulu être plus, plus grand, être absolue. Ces pensées la quittèrent doucement, et en peu de temps elle avait oublié ce cauchemar. Elle marcha, héla un taxi qui la ramena vers l'Institut.
En chemin, elle repensa à cet homme qu'elle venait de quitter. Il avait été un peu bizarre, mais finalement, ils étaient partis sans rien se dire. Quel était son nom, déjà ? Elle avait oublié. Elle chercha.