[RP] Requiem for a Kenjiss

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On murmurait que Twikjeya s'était discrètement assurée du concours d'un mutant pour faire pleuvoir sur le cortège funèbre de fines gouttelettes juste suffisante pour donner à la procession l'allure la plus sinistre qui soit. Le ciel gris et le vent froid achevaient de dresser un portrait glacial de l'enterrement du mutant le plus bouillant qu'il soit.

C'était une cérémonie intime au fond du parc de la Confrérie -et on savait combien ce parc était grand- à laquelle n'avait été conviés que les amis proches. Les médias s'étaient contentés de la version officielle de la mort de Kenjiss, à savoir une séquestration par un quelconque groupuscule, et les journalistes étaient tenus à l'écart par une équipe de mutants télépathes qui les dissuadaient d'approcher de la Confrérie pour l'instant. Ce cercle des amis proches comptait tout de même une centaine de personnes en plus des confréristes. Pourtant, ni les dictateurs sud américains (Commandante Kenjiss ? Si, si !), ni les mafieux russes (Da Tovarich Kenjiss!) pas plus que les chefs de guerres africains (Monsieur Kenjisse ?) qui s'étaient acoquinés avec le mutant n'avaient pu se déplacer.

Le cercueil -bien évidemment fermé- était porté par six solides gaillards. Outre Oleg, cinq autres baroudeurs aux visages durs, tatouages vainement dissimulés sous de discrets bérets mats et uniformes sans marques, portaient le corps du tatoué. Bien qu'un seul de ces colosses aurait probablement put porter le morceau de bois à une main, personne n'aurait osé leur disputer l'honneur d'accompagner leur compagnon en terre. C'était les stéréotypes des mercenaires d'élites, des costauds à qui on ne la faisait pas, et qui avaient probablement exécutés plus de gens que quiconque en avait jamais vu. Les porte flingues typiquement en charge des dossiers « on ne pose pas de question sous peine de voir maman mourir dans un accident de voiture » qui géraient des « affaires » données par des monsieur en costards noirs dans de grosses enveloppes en papiers craft. Ces même types que l'on retrouvait dans les région les plus moisies du globes, muscles saillants, machettes à la main et mégots au bec, à baigner dans la gadoue, habillés de surplus intraçables et flinguant à tout va des mecs tout aussi peu recommandables. La jolie tête de mort que certains avaient probablement pu apercevoir sur le biceps gauche de Kenjiss était probablement tatouée également sur ceux de ces charmants individus membres d'une quelconque milice innomable. Des compagnons d'armes probablement.

Twikjeya suivait juste devant le cercueil, telle la guide d'une procession morbide vers sa dernière demeure. La jeune mutante avait pour l'occasion revêtu une robe parsemée de dentelles à l'aspect sinistre, et elle se protégeait négligemment de la pluie avec un ustensile probablement vieux de quelques siècles, tout à fait en accord avec le personnage. Elle n'avait pas poussé le vice jusqu'à dissimuler ses cheveux enserrés dans un chignon sévère sous un voile de crêpe noir mais avait glissé entre ses doigts squelettiques une rose noire dont les piquants transperçaient sa blanche peau, la décorant d'un fin filet rougeâtre. Jusqu'ici, personne n'avait osé dépasser ou même côtoyer la dame des glaces en tête du cortège. Parce que personne ne connaissait aussi bien Kenjiss, parce qu'on savait que Twikjeya était mortifiée par sa disparition, mais aussi et surtout parce que l'on ne pouvait marcher à côté de la douleur silencieuse et digne de la jeune russe sans se sentir 1) affreusement inutile 2) totalement ridicule 3) parfaitement mal à l'aise.

Il avait été jugé inutile de diffuser de la musique, et le cortège se déplaçait donc silencieusement dans les sous bois de la Confrérie. Un colonel étoilé claudiquait sur une canne en bois sans se plaindre, et ce qui paraissait être une secte mutante itinérante du fin fond des USA restait fermement groupée en queue du cortège, chuchotant entre eux, comme choqués de se trouver parmi tant de gens si bien habillés, à l'instar du riche homme d'affaire accompagné de deux poulettes à peine majeures qui essuyait une larme d'un gros doigt boudiné.

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Ce costume Daniel ne l’avait porté souvent dans sa courte vie. Il avait assisté à plus d’enterrement de vieux milliardaires que de personnes proches. Il y avait peu de choses qu’il respectait vraiment (au point d’arrêter de faire le con) et la mort en faisait parti. S’il n’avait put se résigner, à mettre des boutons de manchette, il avait mit une cravate et coiffé ses cheveux. Son air austère lui donnait un nouveau charme mature. Mais … il n’en jouait pas. Il suivait la procession, d’un pas lent, le regard fixé sur le dos de miss Elkash.

En définitif il n’avait pas eu le temps de connaître son patron. Il s’était contenté, de l’image dégagée par les médias, pour venir frapper à la porte de la Confrérie. Puis les semaines passants il n’avait vu que l’effet de son « absence » sur leur communauté. Il le regrettait un peu. Kenjiss avait toujours intrigué le jeune homme. Sa mort avait suscité un intérêt dans la presse. Les reporters les plus aventureux avaient essayé de retracer son parcours. Impossible. Cet homme était un des colosses. C’était sans aucun doute mieux comme ça. Il méritait la paix.

Dire au revoir était aussi un moment où l’on se projetait vers l’avenir. Ils ne pouvaient rien savoir. La mutante extralucide avait disparue sans laisser de trace. Il était pourtant clair que leur organisation était mal en point. Personne n’avait encore clairement osé aborder la question de la succession. Gray entendait les jeunes dans les couloirs. Malgré le calme apparent tout le monde avait un peu peur. Si les Etats Unis avaient put enlever et tuer Kenjiss qui pouvait les arrêter.

L’autre mutante était à Londres et n’allait pas très bien. Dany ne se sentait pas touché plus que cela. Cette fille il ne la connaissait pas. Elle s’était contentée de s’introduire dans son esprit pour faire la morale sur l’Oiseau Blanc. Il plaignait un peu plus la danseuse de tango peut être. Enfin ce n’était pas encore la fin du monde. Ils pouvaient empêcher que la vision ne se réalise. Cette assurance apaisait un peu le jeune mutant. Il ne voulait pas condamner sa nièce à la torture et aux expériences.

Monsieur Gray, premier du nom, avait fait envoyer une magnifique fleur ainsi qu’un chèque assez rondelet pour montrer sa sympathie. Si de sympathie il s’agissait vraiment. Son fils était peut être irrécupérable mais il était son sang. C’était aussi une manière de rassurer tout les actionnaires de sa Compagnie. Le mois de février ne devait pas être encore plus froid que celui-là. A vrai dire le jeune homme ne pensait pas à tout cela. Ses yeux noirs étaient tristes. Ce n’était pas de la comédie.

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"_ Ainsi, c'est elle Twikjeya Elkash ? Chuchota Aleksandrov Yevgeniyen en se penchant vers sa fille, on ne m'avait pas menti : c'est une vraie beauté glacée !"

Maria, accrochée au bras de son père lui envoya un grand coup de coude dans les côtes.
"_ Papa, souffla-t-elle, exaspérée, moins fort, c'est inconvenant !"

Le colosse à la mâchoire carrée et aux cheveux blancs ne parut même pas sentir le coup.
"_ C'est que la solitude commence à me peser, se justifia-t-il à voix basse,un petit sourire au coin des lèvres, je redoute de plus en plus de finir ma vie seul…"

"_ Les putes de luxe ne te suffisent plus ?" Grinça Maria entre ses dents.

"_ Hé ! Elles me coûtent cher à force, répondit-il du tac-au-tac une lueur taquine dans les yeux, ça te gênerait vraiment que cette Twikjeya devienne ta belle-mère ?"

Elle avait bien conscience que son père était en train de la titiller. En ce jour funèbre, il était d'humeur plutôt espiègle :
"_ Je n'ose même pas l'imaginer : j'ai été spectatrice d'une séance saphique entre elle et Vanessa là-bas…"

Elle désigna d'un petit coup de menton la silhouette de Tousled qui marchait à quelques mètres d'eux, la tête baissée. Tel un chien de prairie aux aguets, Aleksandrov leva le nez et détailla ostensiblement la jeune femme.
"_ Ta Twikjeya me plait de plus en plus ! Chuchota-t-il un sourire ravi aux lèvres, mais c'est étrange, il me semble l'avoir déjà rencontrée, cette Vanessa."

Maria soupira longuement.
"_ Vu son métier, ça ne m'étonne même pas !"

Le cortège avançait à pas lents vers le fond du parc de la Confrérie Moderne. La porte-parole s'était très sobrement vêtue d'une grande robe noire qu'elle maintenait pour ne pas la voir traîner dans la boue. Ses traits étaient dissimulés par un grand chapeau de deuil à bords larges et un voile noir… Elle se retenait de l'arracher et de le visser sur la tête de son père pour cacher son air un peu trop jovial en ces circonstances.
"_ Le gamin là-bas, ce ne serait pas l'héritier des Gray d'Angleterre, par hasard ?"

Maria ne prit même pas la peine de lever les yeux.
"_ Daniel, oui…"

"_ Il ressemble fort à son père. C'est un bon parti, tu sais…"

"_ Papa, ferme-la maintenant ! Ordonna-t-elle entre ses dents, nous sommes à un enterrement, je te rappelle…"

"_ Bof, Kenjiss n'était qu'un traître à la cause… Tu ne m'as pas dit qu'il couchait avec une inferior ?"

"_ Maman aussi, non ?"

Aleksandrov perdit immédiatement son sourire.
"_ Je suis parfaitement conscient de ma place dans la chaîne alimentaire, Maria ! Quoiqu'il en soit, je ne vais pas verser une larme pour cette fripouille… Surtout quand je sais que c'est ma chère petite fille qui va prendre sa succession ! Je suis si fier !"

Maria stoppa net et retint son père en lui posant la main sur la poitrine. Elle laissa passer devant eux le reste de la procession.
"_ Ça suffit les conneries, papa ! Cracha-t-elle en relevant son voile, une fois assurée que plus personne ne pourrait les entendre, non seulement rien n'a encore été décidé, mais en plus je ne suis pas certaine d'en avoir vraiment envie !"

"_ Tu plaisantes, j'espère ?"

"_ Quand l'infamie de Kenjiss a été révélée, j'ai proposé de le remplacer par une Troïka avec Elkash et Nohlann ! Depuis, je suis considérée par tous comme une ambitieuse de premier ordre, avide de pouvoir ! A l'époque, cette chère Twikjeya avait même promis de me trancher la gorge si jamais je donnais un peu trop l'impression de reluquer le trône… Tu comprendras que je sois un peu refroidie !"

Aleksandrov tourna le regard vers l'avant du cortège funèbre, qui arrivait maintenant à l'endroit de l'inhumation. Il plissait les yeux pour mieux distinguer l'Ange de la Mort.
"_ Il me suffit d'un mot de ta part, Maria, assura-t-il d'un air très solennel, un seul mot et je me charge de faire disparaître ton problème !"

Maria rabattit le voile noir sur ses yeux.
"_ Pour l'heure, le seul problème à faire disparaître c'est ton air enjoué ! Prends une attitude morose et rejoins-nous autour du tombeau."

D'un pas décidé, la russe s'éloigna de son père et se dirigea vers l'attroupement d'éplorés qui commençait à se disposer en demi-cercle autour du cercueil.

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Le ciel pleurait. La foule aussi. Un beau jour pour mourir.
La pluie pesait lourde sur les épaules des convives, fardeau supplémentaire qu’il fallait ajouter à leur peine. Ni rire, ni chant, ni musique, mais du silence ponctué par des sanglots.
Nathaniel se trouvait au milieu de la procession funèbre, habillé impeccablement d’un costume noir, et s’étant débarrassé pour l’occasion de son masque. Contrairement aux jours précédents, il paraissait plus concentré, plus attentif sur ce qui se passait autour de lui. Ses yeux passaient d’un visage à l’autre, analysant chacune des émotions qui les traversaient, et se les imaginant déjà à sa portée. Aujourd’hui, il avait un vaste de choix de saveurs qui s’offrait à lui, et ce cadeau, ce présent magnifique il le devait à Kenjiss. Nathaniel lui en était grandement reconnaissant.
Mais aussi affamé fut-il, il n’avait pas pour projet de se ruer sur chacun des convives et de s’en repaître. Ce serait déplacé et assez ingrat de sa part envers la mémoire du mort. Mais dès que celui-ci serait en terre et la cérémonie achevée, la donne changerait du tout au tout. Nathaniel n’aurait plus de compte à rendre, et le loup pourrait circuler librement dans la bergerie.
En cette heure toutefois, il cachait ses projets derrière un air fixe et attristé. Peu seront ceux à pouvoir le percer à jour derrière ce visage crispé par la douleur et l’incompréhension. Pour parachever cette mascarade, lui aussi pleurait. Oh, des larmes discrètes, à peine esquissées au coin de ses yeux mais dont l’existence était indéniable. L’une d’elles parvint cependant à lui échapper, dévalant sa joue vers sa mâchoire, dans une tentative de fuite aussi vaine que futile. Il l’essuya d’un revers de la manche, l’empêchant d’atteindre son but imbécile. Il lança un coup d’œil à ses proches voisins, vérifiant qu’on l’avait bien vu se livrer à cette petite faiblesse passagère. On ne lui répondit que par quelques œillades rapides et gênées. Il s’en contenterait.

La Confrérie était entrée en ébullition les jours précédents l'enterrement. Suffisamment pour que Nathaniel sorte de la léthargie dans laquelle il s’était enfoncé. Sa mutation lui avait joué quelques tours, mais la voilà de nouveau opérationnelle, avec un Nathaniel plus frais et dispo que jamais. L’annonce de la disparition de Kenjiss n’avait éveillé que peu de choses en lui, une pointe de désemparement, un sentiment anodin de disparition, rien de plus. Il en était autrement pour les autres. Beaucoup étaient ceux à se pavaner avec un air d’indifférence désinvolte, dédaigneux et sûrs de leur supériorité. Ils avaient tout vu, tout vécu et rien ne pourraient les atteindre ou les briser. Pourtant le jour de l’annonce, une grande partie de leurs convictions s’étaient fissurées.
Certains s’étaient effondrés sur eux-mêmes à l’annonce de la disparition de Kenjiss. D’autres avaient tenté de chercher du réconfort entre les bras (ou les cuisses) de leurs camarades pareillement bouleversés, afin de ne pas affronter cette tragique absence seuls, au plus sombre de la nuit. Plus rares furent ceux à se retirer, s’isolant afin de mieux comprendre et accepter cette peine, ce vide qu’on leur imposait.

Rêvassant sur ce que lui avait apporté ces derniers jours, il me remarqua pas tout de suite que le cortège se figeait peu à peu. Nathaniel faillit même se cogner contre les personnes qui le précédaient, mais il parvint au dernier moment à stopper sa course, sauvant par là même les apparences. La file se divisa en deux, et chacun put bientôt assister à la création d’un parfait demi-cercle autour de la dernière demeure du défunt. Un bête trou dans le sol.
Kenjiss irait donc rejoindre les vers.
Nathaniel étouffa un début de sanglot à cette idée. Ou bien un rire

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Le reflet renvoyé par le miroir avait triste mine. Terry n’avait pas beaucoup dormi ces derniers jours. Le mutant croisa à peine son propre regard et épingla une rose noire à son costume. Il enfila sa veste d’un geste morne et quitta sa chambre à pas lent. L’atmosphère de la Confrérie ne lui avait jamais parue aussi lourde qu’en ce matin de janvier. Il n’y avait pas un seul bruit dans les couloirs, pas même un faible murmure. En mémoire de celui qui les avait aidés, accueillis et parfois même leur avait sauvé la vie, les élèves respectaient l’ambiance désormais mortuaire des lieux depuis leur retour de la Zone 56.

Dans le parc, Terry suivit la procession en silence. Un silence réellement morbide, parsemé de sanglots dans la foule. Tout de noir vêtu, il avait même été jusqu’à remplacer ses traditionnelles mitaines par des gants en cuir noir. Les iris de ses yeux affichaient une teinte étrangement sombre également, presque ébène. Le mutant était en deuil. Et tout son corps traduisait cet état, jusqu’à la pointe de ses cheveux. Jamais, pas une seule fois dans sa vie, il ne s’était imaginé la possibilité de devoir enterrer son vieil ami. Mais malgré son immense tristesse, le mutant se forçait à avancer, la tête toujours droite. Pas après pas, vers le tombeau du mutant. Sa dernière demeure.

L’air déterminé, son regard fixé sur le cercueil porté par les colosses devant lui, Terry ne réfléchissait plus à rien. Tout cela lui semblait si… irréel. Tellement impossible. Pourtant, il ne rêvait pas. A cet instant, tout son être n’était que rancœur, amertume et tristesse. Il sentait la pluie humidifier son visage. Le vent glacial se plaisait à le faire frissonner. La douleur et le vide ressenti étaient trop importants pour que cela ne soit pas réel. Trop de sensations pour n’être qu’un affreux cauchemar. Twikjeya était à quelques pas de lui. Et plus que les autres, elle avait l’air de souffrir également. Le lien qui l’avait unie au mutant avait toujours été un peu ténu.

Ce fut lorsqu’il arriva au pied du caveau que le mutant se rappela à quel point il détestait les enterrements. Il n’en n’avait vécu qu’un seul tout au long de sa vie, et non des moindres. A l’époque, perdre son frère lui avait largement suffit. La peine que l’on ressentait était si grande lorsqu’on perdait un proche que l’on était persuadé qu’on ne pourrait pas survivre une seconde fois à la perte d’un autre proche. Les colosses déposèrent le cercueil à terre. Terry sentit un nœud se créer au fond de sa gorge. Il inspira lentement pour le contenir. Daniel et Nathaniel arrivèrent bientôt près de lui. Et Maria accompagnée de son père ne tarda pas à les rejoindre. Tous étaient présents, au premier rang. Tous une dernière fois pour accompagner Kenjiss dans son dernier voyage. Pour lui rendre un dernier hommage. C’est bien là, hélas, tout ce qu’ils pouvaient encore faire.

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Matinée du 29 janvier 52

Virginie était silencieuse. Elle écoutait le moteur du bus qui les emmenait vers la banlieue de Langley. Ce chemin lui rappelait la première fois qu’elle s’était rendue à la Confrérie. Ça ne remontait qu’à quelques mois. Pourtant elle avait l’impression que c’était il y a une éternité. Était-ce cela de se sentir vieux ? Koji évoquait souvent cette impression. Avoir l’impression d’avoir déjà vécu une vie alors que la sienne ne faisait que commencer.

Elle n’était pas pour faire ce voyage. Elle l’avait bien dit à June. Ce n’était pas le moment de se faire remarquer. Bernie et Basile étaient repartis dans leurs pays respectifs. Samarah était toujours mal en point. Madame Hara faisait front comme elle le pouvait devant l’onde de choc. Alors les filles s’étaient donc proposées pour accompagner la numéro deux de la Lib Corps à l’enterrement de Kenjss. Un fond avait été débloquer pour leur permettre de prendre l’avion. Un moyen de locomotion beaucoup plus rapide et confortable pour une femme enceinte jusqu’aux yeux.

Léa somnolait au bout de la ranger. Sa présence rassurait un peu Virginie. Le danger était entrain de les rapprocher. Dans l’adversité on s’accrochait les uns aux autres. C’était un peu la même chose avec Almare. Cette nouvelle lui faisait bonne impression. Elle était curieuse de la connaître mieux quand les évènements le permettrait. Ce ne serait pas de sitôt. Personne n’était dupe. La communauté mutante était en crise. La demoiselle essayait d’éloigner ses craintes. Elle ne voulait pas que son humeur rejaillisse sur ses amies.

Elle aurait aimé être avec Luc. Mais le jeune homme était parti dés que sa blessure l’avait permit. Il était plus en sécurité loin des institutions. Elle n’avait pas put être assez égoïste pour le retenir. Il y avait aussi Artie qui la préoccupait. Virginie sentait à quel point les horreurs de la Zone 56 l’avait marqué. C’était inévitable ! Elle aussi était hantée par le son des explosions et l’odeur de la chair brûlée. Elle refusait de dormir assez longtemps pour pouvoir rêver. Il n’y avait que dans les bras de Luc qu’elle se sentait réellement en sécurité.

Le portail était surveillé. La relation entre June et Kenjiss n’était plus un vrai secret dans la sphère mutante. On les laissa entrer. Virginie tenait un parapluie qu’elle maintenait au-dessus de l’humaine en silence. L’austérité du lieu la prit immédiatement à la gorge. Elle n’avait encore enterré personne. Tout cela lui était complètement inconnu. Suivant les conseils de Koji elle s’était habillée en noir. Elle avait acheté une robe simple et sobre à la hâte avant de partir. Cette couleur lui avait toujours donné le bourdon.

On les conduisait dans le parc de la Confrérie. Les silhouettes massives, de tout les camarades de guerre du défunt, donnaient un air martial au paysage. La jeune fille n’était pas du tout à son aise. Elle serrait le pomaut du parapluie tellement fort que le métal se froissait sous sa poigne. Le vent faisait voleter les rares cheveux rebelles de son chignon. Son regard se posait sur tout ces corps voûtés par l’abattement. Avait-elle sa place parmi eux ? Que représentait-elle pour le disparu ? Excepté un visage à peine vu sur une plate-forme et le prénom d’une connaissance de sa compagne ?

Sa main libre allait doucement serrer celle de la veuve. Elle regardait le cercueil passer. Il était fermé. Mais la plupart des proches savaient exactement l’allure du mutant allongé à l’intérieur. Son cœur se contractait douloureusement... si Virginie avait put ressentir une douleur musculaire. D’un commun accord les deux adolescentes restaient en "garde du corps" prés de la jeune femme. Certes June était là seule à avoir le droit de se recueillir auprès des confrérites. Mais mieux valait être prudentes. Virginie n’était pas là uniquement en tant qu’amie mais aussi en tant que protectrice.

Gracile et muette elle observait la cérémonie sans sentir ses propres larmes glisser le long de ses joues. Ce silence de mort était trop propice à la méditation. Cette mort était injuste. Des flashs lui revenait. Auraient-ils put empêcher cela ?

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Malgré sa réticence envers les avions (oui oui, si l'humain était fait pour voler, il aurait des ailes! pour l'instant seuls quelques mutants étaient "conçus" pour ça...), Almare avait embarqué pour le Canada dans cet oiseau métallique de malheur.
Cependant, après les récents évènements, elle ne ressentait pas le malaise qu'elle craignait. En effet, comment pouvait-on se préoccuper d'une si petite appréhension quand on avait lutté pour sa vie et celle de ses semblables?

Le jeune fille s'installa sur son siège et ferma les yeux en instant. La scène lui revint en mémoire : les confréristes à la mine abattue transportait un corps sanglant. Le départ précipité. Et les larmes de Virginie en annonçant la nouvelle à quelqu'un -elle ne savait pas qui- qui semblait compter pour elle.
Elle soupira. Vraiment l'intolérance, la peur, et l'incompréhension pouvait mener à de bien tristes extrémités. La colère qu'elle ressentait lui fit pousser un léger grondement, et elle s'efforça de respirer calmement pour se contrôler et ne pas déclencher la panique dans l'avion par une transformation intempestive.

Quelques heures plus tard elle se trouvait au milieu d'une assemblée à la mine morose. Elle aperçut Virginie dans une robe noire. Malgré les circonstances, elle-même ne s'était pas résolue à porter des vêtements un peu plus féminins, mais elle était vêtue d'un jean noir, un chemisier et un gilet noirs, qui, s'ils lui changeaient des ses habituels t-shirts et sweats un peu décontractés, paraissaient un peu plus de circonstance en cet occasion. Un long manteau noir en drap de laine complétait sa tenue.

Almare essaya de se rapprocher de Virginie, mais la foule était dense, alors elle se contenta de lui faire un petit signe de la main, sans être assurée d'être vue.
Elle suivit ensuite le cortège vers l'endroit où devait être inhumé Kenjiss.
Une profonde tristesse l'envahit alors et quelques larmes coulèrent sur ses joues. Elle n'avait certes jamais rencontré cet homme, mais s'il était pour la Confrérie ce qu'était Miss Lemington pour l'Institut, elle compatissait sincèrement, et partageait, la peine des membres de l'organisation adverse.

Elle laissa la pluie ruisseler sur son visage et dissimuler ses larmes.

Pouvoir · Type Gamma

A peine rentré qu'il était déjà repartit. Plus ou moins remis de ses blessures, Luc avait put rentrer chez lui en France, dans son appartement. Il n'avait pas prit la peine de regarder ses mails, son courrier ou même d'ouvrir le frigo pendant deux jours, se contentant de regarder le plafond allongé sur son lit, ou de dormir. Il n'avait avalé quelque chose que pour la forme, et surtout parce que son organisme réclamait son dû d'énergie, avec tout ce qu'il avait dépensé pendant cette petite "escapade". Il repensait encore et toujours aux visages tordus par la douleur et la mort, au sang qui avait coulé... toujours le même visage qui le hantais. Il rêvait que ça s'arrête, que rien ne soit arrivé. Mais c'était arrivé... tout comme le corps du directeur de la confrérie avait été privé de sa tête lors de l'assaut.

Quand Virginie lui avait annoncé qu'elle accompagné June à l'enterrement, Luc n'avait pas pu s'empêcher d'imposer sa présence dans le groupe. Il savait combien son amante était forte, mais il savait aussi que laisser June seule avec un seul garde du corps était risqué. Il l'avait vue à l'Institut, en larmes, une paire de main protectrice sur son ventre arrondit. Faire le lien avec la mort du Confrériste n'avait été l'affaire que de quelques secondes pour le mutant qui avait assisté à une de leur précédente rencontre, sur la TransA. Elle en devenait donc une cible potentielle.

Le taxi l'ammena à la grille, passant la horde de journalistes bloqués à l'entrée. Heureusement que les vitres étaient teintées. Les hommes qui gardaient l'entrée étaient accompagné par le majordome. Il le reconnu, où du moins Luc le pensa. Ca datait de sa visite à la Confrérie avec Maria. Ils étaient arrivés dégoulinants de sang vert, après une rencontre mémorable avec un béhémot. C'était la première fois qu'il avait utilisé ses pouvoirs de manière offensive. Des souvenirs certes, mais pas les meilleurs. Et c'était la seule fois où il avait rencontré le directeur en chair et en os.

Le mutant rejoignit le groupe qui attendait derrière le cerceuil. Il aperçu Virginie en compagnie de June, et d'une autre jeune fille. Léa qu'elle s'appellait. Une très proche amie de June et Virginie.
Le convois se mit en route sous la pluie, une longue procession s'étirant derrière le cerceuil en marche, mené par la jeune femme d'origine russe. Son nom était trop compliqué à retenir pour que Luc s'y attarde pour le moment. Le jeune homme se tint derrière les trois femmes, un poil en retrait. Il se contenta de garder le silence et d'observer tranquillement les autres personnes venues à l'enterrement. Il avait reconnu quelques confréristes au premier rang, ainsi que quelques personalités et magnas. Les supporteurs de la Confrérie surement.

Le cerceuil était maintenant posé, encadré par les colosses qui le portait. La cérémonie allait commencer. Luc sentit sa gorge se serrer. Il n'avait jamais assisté à un enterrement.

Pouvoir · Humaine

On l’avait traitée de folle. Virginie plus particulièrement et plutôt deux fois qu’une. Le docteur Velasquez lui avait également vivement déconseillé un tel déplacement dans son état. Mais paradoxalement, tout le monde savait que personne ne pourrait l’empêcher de se rendre à l’enterrement de Kenjiss. Même dans la mort, il resterait le père de son fils. A cela, rien n’y changerait. Et June n’était pas connue pour sa lâcheté, au contraire. De toute façon, sa relation avec le leader confrériste n’était plus un secret pour bon nombre de leurs proches respectifs. Depuis la TransAtlante pour certains, et plus récemment depuis qu’elle s’était réfugiée à l’Institut. La dissimulation n’était plus possible à présent. C’était le moment qu’ils avaient redouté et repoussé. A la seule différence –et non des moindres- que June serait seule désormais pour l’assumer. Enfin presque. Kenjiss était peut-être parti, mais il avait néanmoins laissé une trace de son passage derrière lui. Et le ventre arrondi de l’humaine ne laissait que peu de doutes quant à la nature de cette trace. Une surprise pour certains. Une abomination sans doute, pour d’autres. Mais peu lui importait. On l’avait privée de Kenjiss. Personne ne lui enlèverait leur fils. Jamais. Il n’y avait plus que cette farouche volonté qui lui permettait de tenir le coup pour l’instant.

*Quelque part entre les ombres...*

Bernie ayant été retenu par ses obligations professionnelles, ce furent Virginie et Léa qui accompagnèrent June. Bien que celui-ci lui fit clairement savoir qu’il n’était pas du tout pour qu’elle fasse ce voyage. Difficile cependant de raisonner une tête de mule. Impossible même lorsque la tête de mule en question se retrouvait veuve et enceinte. L’humaine n’avait plus dormi depuis l’annonce de la mort de Kenjiss. Les seules heures de sommeil dont elle avait bénéficié, elle les devait aux prescriptions –minutieusement surveillées- du docteur Velasquez. Elle s’était également enfouie dans un silence morbide, souligné par un regard vide, teinté de tristesse. Pour ceux qui la connaissaient, le contraste était effrayant. La jovialité, la bonne humeur et le dynamisme qui caractérisaient si bien l’humaine avaient tout simplement disparu. L’étincelle de vie qui l’avait toujours animée, quelque soit les évènements qu’elle avait traversés, s’était finalement éteinte avec la mort de Kenjiss.

Le voyage en avion lui parut interminable. Entre la somnolence et le chagrin. Heureusement Virginie et Léa veillaient au grain. June n’avait pas du tout la tête à se méfier du moindre fait et geste des gens qui l’entouraient. Cependant, même si elle n’accordait désormais que peu d’importance au fait que la proche sphère mutante apprenne sa relation avec Kenjiss, la future mère ne désirait toujours pas voir sa vie privée étalée dans les journaux. Le petit groupe se fit donc le plus discret possible. June portait une longue robe noire. Toute simple, elle mettait en valeur des formes qu’il n’était plus possible de cacher. Même avec la longue veste, noire également, qu’elle avait revêtu. Quant à ses yeux, ils étaient dissimulés derrière une paire de larges lunettes noires. Autant pour masquer son regard bicolore que ses yeux rougis par ses larmes des derniers jours.

A bord du taxi, l’humaine se rendit à peine compte qu’elle franchissait le portail de la Confrérie. Un lieu qu’elle s’était pourtant promis d’éviter comme la peste. Cruelle ironie du sort, si elle se parjurait aujourd’hui, c’était pour venir enterrer celui qu’elle aimait. Cachée par les vitres teintées de la voiture, elle aperçut les médias pour l’instant retenus par les grilles du bâtiment. Machinalement, elle passa une main sur son ventre. Le chauffeur les déposa dans le parc de la Confrérie. Il y avait déjà du monde. Elle reconnut quelques têtes, notamment celles de la porte parole, de Twikjeya et de Terry mais la plupart des connaissances de Kenjiss lui était étrangères. Elle aperçut Luc également, un peu plus loin.

L’humaine avait l’impression d’assister à un mauvais rêve. A ses côtés, Virginie tenait un parapluie. Car bien évidemment, pour ne pas gâcher l’ambiance déjà funèbre, la pluie était au rendez-vous. Epuisée par son chagrin et la fatigue, ses gestes étaient lents. La future mère mobilisait ses dernières forces pour avancer sans s’effondrer. Le soutien de l’adolescente n’était pas superflu. Le contact de sa main au creux de la sienne lui évitait de s’écrouler. Léa ne pouvait s’empêcher de lancer quelques regards furtifs de temps en temps, pour s’assurer qu’il n’y avait aucun danger. Bien sûr, elle était triste aussi, mais surtout pour son amie car finalement, elle ne connaissait pas le mutant personnellement.

June sentit son cœur se déchirer si cela était encore possible, lorsque les colosses qui emportaient le cercueil passèrent devant elle. Sa main se crispa dans celle de Virginie lorsque la cérémonie commença. Elle n’avait même pas pu lui dire au revoir ni le voir une dernière fois…

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Jusqu’au jour J, Léon hésitait à se rendre à Vancouver car il ne savait pas vraiment si sa présence était souhaitée à la cérémonie. Même s’il s’était mis d’accord avec Samarah sur sa destitution du poste de co-directeur du Nouvel Institut il y a de cela plusieurs mois, le visage et le nom du mutant demeurait tout de même indissociable de la direction du pensionnat anglais, mondialement reconnu pour être en quelque sorte le rival de la Confrérie, dirigé par feu-Kenjiss. La présence de Léon aurait pu être interprétée comme une boutade de la part de l’Institut, comme s’il avait voulu montrer à toutes les personnes présentes que le pensionnat situé en Angleterre possédait encore ses dirigeants. Mais au-delà de la rivalité qui pouvait exister entre la Confrérie et le Nouvel Institut, Léon se devait avant tout d’aller rendre un dernier hommage à celui qui fut autrefois un camarade de classe au lycée, un allié de circonstance lors de certaines batailles, un ami qu’il avait perdu de vue et avec lequel il n’avait jamais vraiment pu renouer contact. Pour toutes ces raisons, Léon avait accepté de se rendre au Canada plus pour dire au revoir à Kenjiss la personne qu’à Kenjiss, le leader de la Confrérie même s’il y avait bien évidemment de cela également.

Le mutant n’avait pas demandé aux autres pensionnaires de l’Institut lesquels comptaient se rendre à l’enterrement. Chacun avait organisé son voyage par ses propres moyens et c’était peut-être mieux ainsi : voir débarquer tout un groupe de personnes provenant toutes du « camp adverse » aurait surement fait jaser et l’heure n’était pas à la provocation. Aujourd’hui, Kenjiss était la raison pour laquelle tous s’étaient réunis et ce n’était pas de Léon que viendrait le détournement d’attention. Tout de noir vêtu, le mutant avait fait le voyage jusqu’au Canada la veille de la cérémonie et désormais installé, dans la voiture qui le conduisait sur le lieu de rendez-vous, il se remit à penser à tous les moments qu’il avait partagé avec le leader de la Confrérie. Ses souvenirs le ramenèrent sur les bancs du lycée, durant les années où Kenjiss et lui-même avaient été dans la même classe, à suivre les mêmes cours ennuyants. Il était probable que le tatoué avait oublié cette période de sa vie mais aux yeux de Léon, celle-ci faisait partie de ses années d’innocence, avant que tout ne bascule et qu’il ne vienne à devoir combattre pour assurer sa survie. Lui vint également en mémoire une histoire que lui avait raconté sa mère, lors de sa visite à Boston alors que Léon était pensionnaire à l’Institut Xavier. Cette dernière aurait fait la rencontre de Kenjiss dans un magasin et aurait tenté de le convaincre que tous les humains n’étaient pas mauvais ou contre la population mutante. Et malgré les avertissements de Léon quant au fait que le tatoué faisait parti de la Confrérie qui, prônait la suprématie des mutants sur les humains, la mère de celui-ci n’avait cessé de lui répéter qu’elle avait senti qu’il n’était pas aussi mauvais ou sans-cœur que le mutant le supposait.

La voiture s’arrêta devant le portail du domaine où était bâtie la Confrérie. Le chauffeur baissa la fenêtre afin de montrer l’invitation de Léon puis la remonta, en attendant que l’on ouvre les grilles pour laisser entrer Léon. Plusieurs personnes étaient déjà présentes et le mutant se hâta de les rejoindre. Il tenta de se faire le plus discret possible et évita d’être à l’avant de la foule. Léon reconnut parmi les invités quelques têtes, de sa propre maison et de la Confrérie, mutants et humains et décida de se rapprocher d’Almare. Il posa une main sur son épaule dans un signe de réconfort puis leva les yeux afin de voir passer le cortège funèbre. Léon avait le cœur serré par la tristesse mais aucune larme ne vint couler sur son visage. Le mutant demeurait impassible alors que des colosses portaient le cercueil de son ancien camarade de classe et alors qu’il passait à sa hauteur, il lui offrit par un léger hochement de tête un dernier salut.

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Musique

Lorsqu'ils posèrent le cercueil près des grands chênes du fond du parc, les colosses s'écartèrent respectueusement. Un trou rectangulaire avait été creusé dans le sol encore humide, et une simple pierre tombale encore non gravée étaient les seuls signes qui permettaient d'affirmer qui l'on enterrait. Tout était très simple et contrastait étrangement avec les costumes de deuils hors de prix qu'affichaient certains convives. Personne ne se plaignit néanmoins de la boue qui maculait des chaussures hors de prix. On enterrait Kenjiss, et cela valait bien la peine de détruire une paire hors de prix. La plupart des personnes présentes étaient tristes. En dépit du fait qu'il s'agisse parfois des pires salauds du continent, tous étaient liés au tatoué d'une façon ou d'une autre, et si ils regrettaient parfois moins l'homme que ses millions et réseaux faciles, ils ne pouvaient se départir d'une certaine mélancolie.

Le plus grand des mercenaires, un titan de près de deux mètres trente, prit la parole. Les murmures se turent et bientôt tous firent silence pour écouter les dernières paroles d'un homme qui avait lui aussi connu Kenjiss. Le mutant avait un accent allemand à couper au couteau et fit frissonner un convive presque deux fois centenaire grâce à quelques mutations génétiques, qui se souvenait de quelques désagréables expériences que les années n'étaient pas parvenues à effacer.

Kenjiss était un de nos frères d'armes. Nous avons subit le feu ennemi, rampé dans la boue et partagé de maigres rations ensemble. C'était un combattant aguerri, un professionnel. Il sautait de dix mille mètres sans parachute pour baliser notre atterrissage. Prompt à aller au feu, résistant à la douleur, c'était un vrai guerrier. Nous avons souffert 90 jours largués en pleine Sibérie, prisonnier d'un froid glacial. Nous avons fait exploser des centrales nucléaires clandestine, provoqué la reprise des hostilités entre l'Inde et le Pakistan en 2041. Quasiment 30% des départs des grandes guerres de ces vingt dernières années sont de notre fait. Et c'est au nom de cette solidarité et de cette amitié que j'appelle chacun ici présent à continuer la lutte que Kenjiss avait incarné. Mort aux inferiors.

Les autres mercenaires hochèrent la tête, rassurés de savoir que des télépathes gardaient tout micro à longue portée de se braquer sur eux. Et ces hommes au cœur de pierre se sentaient pourtant vaciller en fixant le cercueil. Ce n'était pas comme perdre un frère au combat, là où il devait mourir... C'était le destin, la fatalité, mais ce n'était pas normal. Et ils ne bougèrent pas, attendant que chacun vienne rendre son hommage au cercueil avant qu'il descende dans la fosse.

Il n'y eut que Gowan l'écossais, le plus petit et le plus râblé du groupe, pour faire deux pas en arrière lorsque la silhouette noire passa devant lui. Ses lèvres frémirent silencieusement et un soupir s'échappa de ses lèvres, perceptible peut être uniquement de Twikjeya.

Caointeach .... Il se retint de cracher par terre de dégoût.

Elle passa telle une ombre, indifférente aux superstitions d'un mercenaire, aux regards salaces d'un vieillard russe, aux frissons des mères et aux coups d'œil d'un Oleg prêt à rattraper la faible-femme-éplorée au moindre signe de faiblesse. Twikjeya s'accroupit près du cercueil et y posa une rose noire maculée de sang qu'elle fixa sur le couvercle avec une bague de métal. Mais la main était profondément entaillée par cette rose qu'elle avait violemment serrée et une longue trainée brunâtre que la pluie ne lava pas subsista sur la planche lorsqu'elle laissa glisser sa main sur cette boite qui renfermait sa victime. Le chêne portait désormais l'infamante marque de la meurtrière, et tous voyaient en ce sang le chagrin d'une pupille désormais orpheline. Twikjeya ne murmura rien, mais à l'instar de Gowan, ses lèvres formèrent des mots indistincts. Et ce fut tout. La petite silhouette sombre, tête basse et blanche main liserée de rouge, s'éloigna du groupe pour l'attendre quelques pas plus loin, comme pour frapper dans le dos chacun des convives. Mais elle se contenta de rester là, fixant l'orée du bois et le cercueil de ses yeux glacials, indifférente à la pluie qui s'intensifiait. Et nul n'alla la voir, car personne ne savait que lui dire.

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Ils étaient tous là. Daniel regardait le grand trou noir à un mètre devant eux. La pluie venait en ramollir les contours. Elle lissait la terre. Les murmures étouffés créaient une atmosphère pleine de mal être. Cimetière lieu sacré des morts que les vivants ne devaient pas déranger. Il les avaient vus. Terry, Vanessa, Nathaniel et Maria… ceux avec qui il devait composer au quotidien. On aurait pu croire à une espèce de solidarité devant l’épreuve. Il n’en était rien. Chacun était muré dans son silence et décidé à y rester.

La voix de l’orateur força le jeune homme à se redresser. Il y a des signes qu’on ne peut combattre. La voix d’un ténor avait bercé l’enfance de ce jeune riche. Il retrouvait dans ses intonations un peu de cette autorité anglaise qui lui avait imposé des règles. Le nom de l’homme ne lui revenait pas. Le discours était ferme et solennel. L’archétype d’un hommage militaire qui rappelait combien ce monde était imparfait.

Cette lutte Gray la prenait-elle à son compte ? Il ne s’était jamais intéressé à ce combat entre race avant de connaître sa nature. Il n’avait pas envie de faire la guerre. Il voulait juste sauver sa peau. Kenjiss était mort. C’était dommage et peut être révoltant. Mais pour lui c’était surtout une cause de futures complications. Le caractère injuste de cette disparition le touchait parce qu’il avait été sur place et qu’il avait vue leur ennemi.

Quand il vit la Elkash avancer au milieu des colosses. Il l’observait faire sans le moindre signe d’émotion. Pour une fois toute remarque était proscrite. La rose était sombre et lourde de symbolisme. Dany devinait, entrevoyait, le lien qui se brisait. La foule retenait son souffle. Il aperçu du coin de l’œil quelques membres de l’Institut qui avaient fait le déplacement. Ils étaient réunis quand il était trop tard. Mais une chose était sûre… cette perte sonnait le cor d’une nouvelle guerre.

Les traits sombres le beau milliardaire s’avançait à son tour. Il attrapait une poignée de terre humide dans le creux de sa main. Daniel était un athée de pure souche. Mais il y avait une force à laquelle y croyait, celle de la mémoire collective. Personne n’oubliait les martyrs. Kenjiss était l’un d’eux. Ses convictions nourriraient encore des hommes. Sans un mot dit le mutant laissa la terre s’écraser sur le cercueil. Indifférent aux autres il montra le premier signe de respect envers son supérieur. Une révérence raide et sincère pour un adieu.

Puis il regagna sa place.

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Maria était parvenue à rattraper le premier rang des pleureurs juste avant le début de l'oraison funèbre.
Bon... Tout, pour l'instant, se déroulait selon le programme prévu et cela suffisait à réconforter la porte-parole. Elle prit le temps de remettre en place son voile noir, de défroisser sa robe et de raidir la colonne vertébrale.

Alors que le mercenaire prononçait les premiers mots de son hommage, elle sentit son père se glisser discrètement derrière elle. Elle ne broncha pas et garda un air sérieux et concentré pour écouter l'ex-compagnon d'armes de Kenjiss.
"_ Je rêve, murmura Aleksandrov dans le creux de l'oreille de sa fille, vous avez autorisé des membres de l'Institut Moderne à venir assister à la cérémonie ? Vous croyez vraiment que Kenjiss aurait apprécié ?"

Maria gratifia son père d'un nouveau coup de coude dans les côtes avant de tourner légèrement la tête pour lui répondre malgré tout.
"_ Je te rappelle que ce ne sont pas eux nos ennemis, papa, chuchota-t-elle exaspérée, ce sont des frères et sœurs égarés par un idéalisme exacerbé.
Ils reviendront tous tôt ou tard à la raison, j'en suis convaincue ! Et d'ici là, on sera toujours prêts à les accueillir en ces lieux !"

Aleksandrov n'avait pas fini :
"_ Et la nana en cloque qu'on a croisé, c'est bien celle que je pense ?"

"_ Oui…"

"_ Est-ce vraiment raisonnable de l'avoir invitée ? Que vont penser tous vos investisseurs ?"

"_ On veut garder un œil sur elle. Qui sait ce que donnera la progéniture de Kenjiss ?"

Ce fut la fin de l'échange. Aleksandrov Yevgeniyen, à cours de questions, se tut enfin et attendit sagement la fin de l'hommage.

Quand le mercenaire, en conclusion de son oraison funèbre, scanda "Mort aux inferiors", Maria et son père répétèrent solennellement la formule, les mains posées sur le cœur, les yeux clos.

Puis ce fut le défilé des derniers adieux. Twikjeya, la première, évidemment, déposa sa fleur sur le cercueil et se retira. Suivi Daniel Gray, qui opta pour la tradition de la poignée de terre.
Maria saisit la rose rouge sang que lui tendit son père.
A pas lents et mécaniques, elle s'approcha à son tour du cercueil.
"_ Tu peux reposer en paix, Kenjiss, murmura-t-elle en caressant le bois du bout des doigts, nous la gagnerons ta guerre !"

Elle déposa délicatement la fleur sur le couvercle et s'éloigna lentement.
La cérémonie n'était pas tout à fait terminée, mais Maria devait partir, sans prendre le temps de se retourner, ni de papoter avec les invités.
Il fallait maintenant qu'elle remplace Emmett à l'entrée, puis Henry, resté seul face aux élèves, pour qu'ils puissent, à leurs tours, aller rendre un dernier hommage à l'ancien maître de maison. C'était ce qui avait été convenu.

Elle s'éloigna du cortège, la démarche chancelante, les bras croisés sur la poitrine, comme transie de froid.

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Nakor n'avait pas attendu longtemps avant de prendre sa décision : il irait à l'enterrement de Kenjiss. Après tout, ils avaient tous, mutants des deux bords, luttés afin que lui et Samarah soient libérés, ils avaient partiellement réussi et quelque part au fond de lui, le vieil homme regrettait qu'aucun d'entre eux ne soit parvenu à retrouver le pauvre homme suffisamment tôt pour pouvoir le sauver. C'était un adversaire à certains moments certes, mais c'était un grand et puissant mutant, qui avait lutté de toutes ses forces pour la cause mutante. Même si Nakor désapprouvait totalement ces pratiques, il ne pouvait rester là, de marbre. Et c'est donc après une longue vie d'économie au sein de l'Institut, que Nakor acheta un billet d'avion en première classe pour Vancouver. En effet, les fond du professeur étaient opulent, il n'y avait donc aucun problème pour ce genre de transaction. Surtout qu'elles étaient bien rares. C'est donc en repensant soudainement à tous ces morts qui avaient jalonné la vie de Nakor, que ce dernier commença à se vêtir. C'est que cela prenait du temps à son âge, de choisir un habit et surtout de bien le mettre. Le vieux fou termina tout de même la petite séance d'essayage et se retrouva donc, avec un costume noir, chemise blanche, cravate rouge, jaquette anthracite, chaussure noire cirés et surtout son chapeau haut de forme. Nakor prit enfin sa canne et se rendit à l'aéroport. Le voyage ne dura pas très longtemps, en effet, pour s'épargner les désagréments d'un vol aussi long, le professeur avait prit des somnifères, comme à chacun de ses longs voyages en avion. Un peu avant son arrivé, le vieil homme se réveilla dans l'avion, il avala son plateau repas, bu un excellent verre de vin rouge, venu des côtes du Rhône au sud de la France, son cher pays d'origine. Et voilà qu'il était d'aplomb.

Nakor s'était débrouillé pour arriver avec un peu d'avance au Canada. Après tout il y avait encore un petit bout de chemin à faire avant d'arriver à la Confrérie Moderne. Le professeur monta dans un taxi qui parlait français, et s'amusa à employer sa langue natale

"Aux portes de la Confrérie mon cher monsieur.
-Avec plaisir mon bon monsieur!"

Le chauffeur venait de répondre avec cet accent canadien si extraordinaire et amusant. Voilà qui fit sourire Nakor. Mais lorsqu'il fut arrivé, toute trace de jovialité venait de disparaitre. L'ambiance était lourde par avance et les nuages au rendez vous. Nakor remercia le chauffeur, le paya et se rendit jusqu'au lieu de la cérémonie. La fatigue se fit ressentir, mais pas celle du combat, non car les blessures qu'avait reçu le vieil homme s'étaient vite en-aller. Il avait reprit des forces à l'infirmerie puis dans sa propre chambre et était retourné à l'enseignement. Mais là, cette fatigue était celle d'un vieillard qui avait enterré bien du monde au court de sa vie, et qui en enterrait encore une. Soudain, son visage ridé extrêmement marqué par le sérieux et la rudesse de la vie, Nakor s'avança. Il y avait foule, mais quelques mutants étaient là pour s'assurer que les choses se feraient à huit clos d'humain. Ils le laissèrent donc passer et le vieil homme put donc se rapprocher de la procession qui venait à peine de démarrer. Au loin, Nakor put voir cette femme, Twikjeya, un cadavre vivant, une morte marchant au devant du cercueil. Un peu après on pouvait voir Maria, au bras d'un homme plus âgé, lui ressemblant fortement. Puis on pouvait voir des gens de la Confrérie, des jeunes mutants, tous murés dans un silence de douleur et de repentir. Certains pleuraient déjà. Nakor se rendit compte qu'il y avait aussi là Virginie, Luc, Almare et cette Mademoiselle Appleby enceinte jusqu'au bout des ongles. Il décida alors de suivre la procession de loin, son chapeau le protégeant de la pluie et sa canne l'aidant à avancer sur ce terrain. Nakor présentait alors un visage terriblement fermé, en pensant à la perte d'un énième mutant pour des raisons aussi folles que maudites. C'est donc en soufflant longuement, que le professeur marmonna dans sa barbe

"Cette folie ne cessera donc jamais!"

Puis Nakor avança, en suivant la procession. Un homme proche du tombeau fit un discours qui fit ouvrir les yeux en grand au vieillard, mais qui amena aussi un sourire léger et espiègle sur le visage buriné de l'ancien. Décidemment, sacrés confréristes, ils ne perdaient jamais le nord. Nakor secoua donc la tête, comme pour dire délicatement non à tout cela et à cette petite prière que certains membres reprenaient déjà en cœur. Il s'approcha ensuite de ses jeunes amis et posa une main chaleureusement sur l'épaule de June.

"Toutes mes condoléances mon enfant!"

Il glissa un sourire dépité à Virginie et glissa en français à Luc

"Content de te voir en pleine forme mon cher petit! Veille bien sur ces dames veux-tu?"

Et il tapota l'épaule du fier maitre de la roche en disant sa dernière phrase. De là où il se trouvait, il put voir que la russe repartait déjà et que Maria suivait le mouvement après s'être approché du cerceuil. Voulant montrer que l'Institut souffrait réellement de la perte de Kenjiss, Nakor se mit en route et claudiqua avec sa canne jusqu'au dessus du cerceuil. Il avait croisé Maria en chemin et l'avait salué délicatement et avec tout le sérieux possible. En effet, ce devait être la première fois qu'elle ne le verrait pas rire ou sourire. Le professeur approcha alors de la tombe, une fois que son tour vint et jeta au sein de la tombe, une poignée de terre qu'il venait de ramasser

"Puisses-tu demeurer enfin en paix Kenjiss!"

Puis Nakor se signa, comme dans un respect religieux et s'éloigna. Il marcha alors droit sur Twikjeya et, en la regardant droit dans les yeux, il prit la parole d'un air grave et sincère

"Je sais très bien ce que vous pensez de nous ou ... d'eux ... mais peu importe tout cela, aujourd'hui nous sommes réunis pour saluer le départ d'un puissant et grand mutant, alors cela vaut ce que cela vaut mais ... soyez sûre de ma sincérité quand je vous le dis : vous avez toutes mes condoléances!"

Puis il continua à fixer un peu cette femme froide, afin qu'elle puisse s'exprimer si elle en avait envie, puis se retira et se tint aussi à l'écart, afin de ne plus gêner personne et de se recueillir en paix, devant cette procession funèbre. Nakor ne versa aucune larme, il en avait déjà trop versé, à bien trop de reprise, mais son visage était dur, fermé et triste.

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La pluie ruisselait sur le visage cadavérique de la mutante sans qu'elle ne fasse un geste pour l'en empêcher. Elle avait fermé depuis bien longtemps son archaïque, mais très précieux parapluie, et laissait l'eau marteler ses joues glacées. Twikjeya ne craignait guère l'eau lorsqu'elle tombait du ciel, et espérait bien marquer au fer rouge son personnage dans la mémoire des invités. Elle serait « la dame tout en noir très pâle qui, abrutie de douleur, se laissait tremper », la petite silhouette sombre de cet enterrement.

Des premiers qui passèrent rendre un hommage funèbre à Kenjiss, seuls quelques un osèrent lui glisser un mot de soutien, parcourant les quelques mètres qui la séparaient du groupe pour y revenir tout aussi rapidement, décontenancés par la voix froide de la mutante des glaces. Nakor fut de ceux là. Le regard du vieil homme évita les boucles d'oreilles surdimensionnées qui malmenaient les oreilles de la dame de l'ombre et encadraient son visage dans un étrange carcan d'acier pour la fixer directement dans les yeux. Twikjeya n'avait jamais interagi directement avec celui qu'un tatoué ulcéré définissait comme un « vieux connard d'ancêtre arthritique qui lui chiait dans les bottes » et se félicita pour la trois cent millième fois de sa courte existence de connaître sur le bout des doigts les moindres détails des fiches de renseignement de la Confrérie.

Deux grandes opales irisées inexpressives fixèrent donc le doyen de l'Institut. La jeune femme hocha légèrement la tête dans un inévitable tintement. Et une voix glaciale émergea de cette silhouette de douleur.

Je vous remercie. Mes vœux de rétablissement à mademoiselle Lemington.

Le moment n'était pas venu de déclencher les hostilités avec l'Institut. Et qu'importe qu'elle pense ces pacifistes incapables de la moindre décision efficace, il aurait été plus que stupides de tomber dans leurs pièges. A plus forte raison que le vieil homme était tout à fait respectueux. Et accessoirement capable de l'étrangler en un clin d'œil avec sa canne. Et en dépit de son grand âge, il était fort probable que Nakor la battait à plat de couture dans n'importe quelle discipline un tant soit peu sportive, à l'exception de l'escrime. Quand bien même une flopée de mercenaires endurcis se tenaient prêt à intervenir pour défendre la pupille de Kenjiss, il aurait été de fort mauvais goût de gâcher les obsèques de celui qu'elle était censée aimer par dessus tout. Aussi Twikjeya n'ajouta elle pas le moindre mot et regarda le vieillard s'éloigner sans qu'une émotion ne vienne déformer un visage lisse au possible. A peine battit elle des cils lorsqu'une goutte d'eau plongea sur son oeil. Trempée, sa robe alourdie par les trombes d'eau qui se déversaient à présent, les deux mains posées sur son parapluie planté en terre, la meurtrière observait le spectacle des désolés qui se recueillaient. Ça et là, des visages plus familiers que d'autres apparaissaient. Et au détour d'un manteau, le spectacle infamant d'un ventre distendu par la progéniture du traitre.

Twikjeya ne plissa pas les yeux et continua à observer la foule. Nissja était très occupée à donner à Kenjiss une petite aquarelle qu'elle avait peinte elle même, marchant toute seule au milieu de ces adultes sans même jeter un regard à sa mère comme celle si l'avait demandé. Mais tous ceux qui savaient qui était cette petite fille blonde s'écartaient de quelques centimètres sur son passage, par mesure de sécurité. L'ange blond essuya une larme non feinte et courut se mettre au sec à la Confrérie, sous le regard vigilant du service de sécurité.

Pouvoir · Type Omega

Comme les autres, le mutant avait pris une poignée de terre qu’il avait jetée dans la fosse. Et comme les autres, il s’était ensuite reculé pour laisser la place à ceux qui souhaitaient encore rendre un dernier hommage au mutant, non sans avoir murmuré alors agenouillé devant la sépulture

"Nous n’étions pas tout le temps d’accord, mais je te jure que ta mort ne sera pas vaine mon vieil ami"

Il avait appris la grossesse de June. Si la nouvelle l’avait dans un premier temps plus qu’étonné, le constater par lui-même aujourd’hui restait tout aussi déstabilisant. Mais il ne dévisagea pas très longtemps l’humaine. C’était déplacé et elle n’avait certainement pas besoin de ça en plus maintenant. Cela devait déjà être assez dur pour elle…

La cérémonie touchait à sa fin et Terry s’éloigna pour aller se mettre à l’abri d’un arbre, un peu en retrait. Il gardait un œil sur les personnes présentes. Celles qui s’en allaient lentement. Celles qui s’attardaient pour des raisons sans doute aussi diverses que variées, bonnes ou mal intentionnées. Et puis, il y avait les confréristes. Les élèves avaient déjà rompu les rangs. La plus jeune personne qui restait à présent proche de la tombe était la fille de Twikjeya.

Twikjeya. Des deux femmes, Terry sentait qu’elle était celle dont il devait se méfier le plus. Elle ne l’avait jamais vraiment apprécié. Et lui non plus, tout à fait réciproquement. Ses tendances viscéralement extrémistes y étant sans doute pour quelque chose. De plus, lui non plus n’avait pas oublié certaines menaces de mort profanées quelques mois auparavant.

L’absence définitive de Kenjiss signait irrémédiablement un tournant pour la Confrérie. Restait à savoir maintenant quelle direction prendrait l’institution. Qui la dirigerait… et surtout comment. Il n’était pas tout à fait faux d’affirmer qu’il avait été l’ombre du mutant pendant des années. Il avait travaillé et espionné pour son compte et cela lui suffisait assez bien. Terry ne s’était jamais vraiment senti la fibre d’un meneur. Cela ne voulait pas dire qu’il ne fallait pas se méfier de lui.

Si le mutant s’était longtemps déclaré comme pacifiste durant de longues années sur bien des points, les choses allaient peut-être changer. Après tout, lui aussi l'avait prononcé. Cette phrase. Trois mots. Mort au infériors. On n’assassinait pas impunément sans conséquence. Certains ne tarderaient pas à l’apprendre à leurs dépends. Mais était-ce vraiment une solution pour autant que de laisser la direction de la Confrérie aux mains des deux femmes ? L’une frôlant une folie quasi hérétique envers le genre humain et l’autre, qui n’avait pas hésité à se projeter sur le siège de la direction lorsque Kenjiss vivait encore ? Le mutant soupira. Il y avait des évènements dont on se passerait bien. Il allait devoir surveiller tout cela de très près et les personnes de confiance se révélaient au final peu nombreuses...

Pouvoir · Humaine

Le sentiment de savoir l’être aimé si proche et pourtant inaccessible à jamais était insupportable et tailladait en lambeaux le cœur de l’humaine chaque fois que son regard se posait sur le cercueil. Heureusement, elle avait des lunettes. Mais si celles-ci étaient efficaces pour cacher ses yeux, elles étaient en revanche parfaitement inutiles pour masquer les fines larmes qui perlèrent malgré tout sur ses joues.

En réalité, l’humaine ne connaissait que très peu de personnes qui avaient côtoyé le tatoué. Bercée d’interdit et de secrets, leur relation n’avait pas rendu possible beaucoup de rencontres et de contact d’un côté comme de l’autre. Ses compagnons d’armes restaient de parfaits inconnus, des visages qu’elle oublierait sans doute après la cérémonie, des noms qu’elle retiendrait à peine. C’était mieux ainsi, tous ne paraissait pas être de bonnes fréquentations. Mais leur discours… Un discours qui la frappa de plein fouet au cœur. Un discours qu’elle-même approuva finalement d’un murmure. Une telle menace aurait du la blesser ou l’effrayer. Il n’en fut rien. Ils avaient tué Kenjiss. Ces ordures… Les Infériors, sa propre race, ne méritait en définitive que la mort. Cela faisait longtemps que la future mère doutait du genre humain, ses convictions personnelles mise à mal par tout ce qu’elle voyait, entendait, constatait dans la rue ou à la Lib’Corp. Aujourd’hui… aujourd’hui venait de lui apporter le coup de grâce.

C’est à peine si elle releva la tête lorsque Nakor lui apporta ses condoléances. Ce n’était qu’une formule de politesse. Cela ne ramènerait pas l’être aimé. Il n’y avait rien à répondre à cela. Elle n’était pas en état de répondre de toute façon. Le vieil homme le comprendrait certainement et ne s’en offusquerait pas. Elle ne sentit pas non plus le regard de Léon ni de Terry se poser sur elle, pas plus que les yeux perçants de la dame des glaces. June était déconnectée de la réalité. Elle avançait d’un pas lent, chancelant vers la tombe. Elle fut la dernière à s’en approcher. A s’agenouiller. Parce qu’elle ne voulait toujours pas y croire. Parce qu’elle ne pouvait pas partir et décrocher son regard du sombre cercueil. Parce qu’elle n’avait plus la force ni la volonté de bouger. De se relever. De faire un pas de plus. De continuer à vivre. Peu lui importait si elle attirait l’attention en s’attardant ainsi devant la tombe. La mort la privait du père de son enfant, elle pouvait bien encore lui voler quelques instants. Les derniers.

Elle avait deux roses dans sa main. Elle les avait serrées si fort durement la cérémonie en quête d’un réconfort qui ne viendrait pas, qu’il ne serait pas étonnant d’apercevoir également au creux de sa paume quelques coupures, bordées de gouttes de sang. Une rose blanche et une rose noire. A première vue, cela pouvait paraître anodin. Cela ne l’était pas.
La noire symbolisait un deuil qui s’annonçait long, la blanche l’espoir malgré tout. La vie qu’elle portait au creux de son ventre et qui signifiait que Kenjiss ne serait pas mort en vain. Elle déposa les deux fleurs délicatement sur le cercueil. Murmura quelques mots qu’elle seule et la mort entendirent tandis que sa main caressait doucement le bois du cercueil. La rose blanche tranchait sur toutes les autres, qu’elles soient noires ou bien rouges sang. Premier et dernier signe d’un fils à son père qu’il ne connaitrait jamais. Un message éternel, même par delà la mort. L’amour ne mourait jamais, n’est-ce pas ? Il pouvait être fragile, difficile, compliqué, disparaitre ou changer de visage, on ne l’oubliait pas lorsqu’il était sincère.

Ce fut Léa qui osa la première s’approcher de l’humaine. Elle posa une main sur son épaule pour l’inviter à se relever. Il était temps de partir. De vivre avec les souvenirs et non pas dedans. Mais cela demanderait du temps. Beaucoup de temps… Qu’importe les semaines, les mois ou les années, l’humaine serait entourée dans cette épreuve. Elle ne serait pas seule pour affronter le deuil. Ses amis l’aideraient à ne pas sombrer, cependant elle seule devrait avoir la volonté de continuer. Manifester une envie de vivre. On pouvait être présent et entourer une personne durant cette terrible épreuve, mais malheureusement on ne pouvait pas décider à sa place. L’adolescente lui murmura tandis qu’elles s’éloignaient pour rejoindre Virginie, laissant derrière elle la tombe du mutant :

- Promets-moi que tu ne baisseras pas les bras, June. Pense à votre fils. Il va avoir besoin de toi… »

L’humaine l’entendit en même temps qu'elle sentit une légère contraction au creux de son ventre mais ne répondit rien. Elle ne pouvait plus promettre quoique ce soit dans son état…

Pouvoir · Type Sigma

Son regard se focalisait sur une personne en particulier. Elle n’avait pas vue Almare. Elle n’avait pas non plus entendu monsieur Asakura se glisser parmi la foule. Aujourd’hui cette jeune fille n’était pas la pensionnaire de l’Institut. Aujourd’hui elle était avant tout l’amie de June. Ce n’était pas exagéré. Malgré leur différence d’âge, ou bien le statu d’employée de l’une envers l’autre, le lien était réel. Virginie était rassurée que l’humaine ne soit pas seule en cet instant. Travailler à la LC avait facilité les choses c’était un fait. Mais ce n’était pas l’unique raison de leur entente. Ces deux femmes partageaient des valeurs communes. L’adolescente ne saisissait pas encore combien celle-ci avaient été ébranlées dans le cœur de son aînée…

Il fallut que la voix du vieux professeur de science arrive juste à sa droite pour mettre fin à sa contemplation malheureuse. June ne prenait pas la peine de répondre. Elle était à des années lumière de ce parc. La jeune soupirait de chagrin. Ils étaient tous perdus. Tous les deux échangeaient l’un de ces regards tristes et solidaire dont les mutants avaient l’expérience. Le sourire de Virginie le fût tout autant en entendant la recommandation adressée à son beau français. Tandis que Nakor s’éloignait elle tandis la main en arrière pour frôler celle de Luc un court instant.

La pierre tombale était encore vierge comme si l’on retardait le moment de dire adieux. Virginie sentait de façon infime les doigts de June se contracter. Elle impulsait elle aussi une légère pression de sa main en signe de soutient. Que pouvait-elle faire d’autre ? Ses sens repéraient presque instantanément l’arrivée de Luc dans leur dos plus proche encore. Sa présence silencieuse donnait un peu de courage à la londonienne. Elle aurait voulu se réfugier entre ses bras. Mais pour l’heure se place était ici.

Miss Elkash passait, prés d’elles, aussi sombre que les autres fois. L’odeur du sang mouillé surprenait le nez de la jeune mutante. Ses yeux bleus dérivaient vers la coupure. Une vision qui provoquait un petit haut de cœur. Virginie avait vu assez de sang pour sa vie entière sur le champ de bataille de la « zone ». La sobriété et la force de son geste accentuait l’atmosphère funeste. Cette atmosphère était entrain de fissurer le bouclier de la petite blonde. Maria avait l’air tout aussi déboussolée. Mais pourquoi les avait-on privés de monsieur Kenjiss ?

L’apparition de ce petit ange blond attirait l’attention de la jeune femme. Elle était si jolie. Si belle qu’elle détonnait avec la scène. Virginie la regardait et se revit au même âge… Puis elle imaginait le petit garçon de June. Plus loin encore l’un de ses enfants à elle. Ce cycle éternel sur lequel ils n’avaient aucune véritable prise. Beaucoup de personne s’arrêtèrent devant le cercueil de monsieur Kenjiss. La seule chose qu’ils partageaient tous était l’air grave des jours de deuil.

Lorsque June sortie du rang pour avancer Virginie voulut immédiatement lui emboîter le pas. Cependant Léa la retenait gentiment en lui attrapant le bras. Cette fois elles ne devaient pas l’accompagner. Cet adieu la future mère devait le faire seule. Une paire de yeux clairs suivit donc la progression de l’humaine dans l’allée. Elle devinait le flot de larme qui se mélangeait à la pluie. C’était affreux. Ni tenant plus la mutante se tournait vers son compagnon et alla se blottir contre lui. Toute cette souffrance lui était insupportable. Elle pleurait pour les vivants, ceux qui restaient, avec l’absence. Le souvenir de leur avenir lui noua les tripes une fois de plus.

-« Ne meurs jamais… d’accord ? »

En levant son regard elle aperçue enfin sa camarade de classe. Le regard triste elle lui fit un sourire amical et encourageant. Almare n’était pas arrivée à la belle époque des mutants, ça non. Léa et June étaient revenaient lentement vers eux. Leur amie fit son possible pour essuyer ses larmes. Elle se permit même d’embrasser la joue de Luc et sans prévenir, elle chuchotait ce que son cœur croyait depuis un bon moment :

-« Je t’aime. »

Trois petits mots timides qu’elle n’avait encore jamais osé lui dire. Un aveu aussi sincère que précieux quand on connaissait un peu la demoiselle. Ce n’était peut être ni l’endroit ni le moment. Mais n’était-ce pas la plus belle des façons de croire en la vie ? Les filles les rejoignaient et les amoureux durent reprendre leur rôle de protecteur. S’attarder ici n’était pas très recommandé. Il était tôt encore et leur avion partait dans quelques heures.

-« June, est-ce que tu veux … manger un peu ? »

Le docteur Velasquez n’avait pas oublié de donner ses orders.

Pouvoir · Humaine

Entourée de Léa et Virginie, June s’éloigna lentement du lieu de cérémonie, laissant derrière elle une partie de son cœur à jamais dans la tombe du mutant. Elle savait qu’elle ne reviendrait pas ici, qu’elle ne pourrait plus se recueillir près de lui. Qu’elle n’avait plus que leurs souvenirs désormais, des souvenirs qu’elle conserverait jalousement au plus profond de son être, un trésor secret qui n’aurait dorénavant pas de prix. June avait refusé de mettre un pied à la Confrérie quand Kenjiss était encore en vie, maintenant qu’il était mort, une telle folie reviendrait à signer son arrêt de mort. Elle ne leur avait jamais fait confiance et ce n’était pas la mort de Kenjiss qui allait la faire changer d’avis, au contraire ! Les Confréristes ne laisseraient pas ce crime impuni, les humains allaient payer… Et ils paieraient cette mort de leur sang ! Le cœur meurtri de l’humaine approuvait pour l’heure toutes ces morts en devenir, mais aux yeux de la Confrérie, elle était également humaine et donc une cible potentielle… Même si elle était devenue l’amante de Kenjiss –quelle ignominie !- et qu’elle portait leur fils, cela n’effacerait jamais sa condition d’humaine aux yeux des membres de la Confrérie Moderne.

L’ironie du sort voulut qu’elle passât en cet instant à quelques mètres à peine de l’assassin de son compagnon. Assassin en compagnie de sa petite fille. Si seulement, elle l’avait su… Mais elle ne leur accorda pas un regard, trop accablée par la tristesse de la perte d’un être cher. De toute façon, la jeune chirurgienne lui avait laissé un souvenir assez désagréable lors de leur unique rencontre, la journée était déjàbien assez maussade sans vouloir en ajouter davantage…

Elle n’avait pas entendu Virginie murmurer à Luc ces trois mots qu’elle-même ne pourrait plus jamais dire. Et cela valait peut-être mieux… L’adolescente était parvenue de justesse à faire disparaitre ses larmes lorsque l’humaine et Léa revinrent à sa hauteur. Celle-ci s’inquiéta de son bien-être. Mais c’était inutile.

« Je n’ai pas faim Virginie… » répondit-elle simplement à l’adolescente, premiers mots qui franchissaient ses lèvres depuis ce matin

Elle se doutait que sa jeune amie ne faisait qu’appliquer à la lettre la liste de conseils du Dr Velasquez mais l’humaine avec son estomac noué de chagrin était bien incapable d’avaler quoique ce soit pour le moment. L'appétit et la gourmandise de l'adolescente n'étaient plus un secret depuis longtemps pour June, hélas ils n'étaient pas encore contagieux. Lorsque le trio franchit les grilles du parc, suivi de près par Luc, la future mère resserra instinctivement sa longue veste autour de son ventre. Le taxi qu’elles avaient emprunté était toujours là – il les avaient attendu contre une rémunération plus qu’alléchante – et les trois femmes s’engouffrèrent dedans, à l’abri des journalistes curieux. Un long et pénible voyage attendait à présent l’humaine… dont la traversée d'un océan ne serait finalement que la partie émergée de l’iceberg. En dessous, dans les flots tourmentés et glacés, immergée dans sa douleur, le retour à la vie s’annonçait bien plus lent et difficile…

Pouvoir · Type Gamma

[ Comment ça je suis à la bourre ]

Luc resta immobile sous la pluie, indifférent aux trombes d'eaux qui tombaient sur le cortège. Ses yeux suivaient le groupe de Virginie, June et Léa, observant tout les mouvements autour d'eux. Des discours furent prononcés, appelant pour la plupart à la haine des humains, à leur élimination, leur éradication. Luc soupira. La haine n'était pas prête de s'éteindre. S'éteindrait-elle un jour?? N'avait-elle jamais cessé d'exister?? Le jeune mutant n'en savait rien.

Le professeur Nakor passa à côté de lui, visiblement content de le voir ici. Luc inclina la tête pour le saluer. Il lui recommanda de bien veiller sur les filles. Le jeune homme souri.

Ne vous inquiétez pas pour elles, il ne leur arrivera rien aujourd'hui.

Luc fit partit de ceux qui ne bougèrent pas pour aller saluer le cerceuil. Lui, un parfait inconnu, s'approcher de la sacro-sainte dépouille?? Il retint un rictus d'ironie. Il n'avait pas envie de mourrir ou d'attirer l'attention des "amis" de Kenjiss. Par contre son corps se tendit quand se fut au tour de June d'aller une dernière fois à la rencontre du père de son rejeton. Virginie n'accompagna pas la future mère, sur un signe de son amie Léa. Elle vint le voir pour se blottir contre lui. Luc passa ses bras protecteurs autour du cou de sa compagne, qui tremblotait sous les coups des émotions qui la traversait. Le jeune homme ne vit pas ses larmes, les devinant seulement.

Léa et June, plus malheureuse que jamais, revenaient. Virginie les aperçu. Avant d'aller les rejoindre, elle lui déposa un délicat baiser sur la joue, et prononça deux mots qui illuminèrent le coeur du jeune homme. Il souria et se pencha pour l'embrasser. Il lui souffla à l'oreille:

Te quiero, mi amor.

Luc laissa Virginie rejoindre June, qui avait l'air d'avoir du mal à trouver son chemin. Elle était complétement boulversée, et le jeune homme le savait, il lui faudrait un long moment avant de pouvoir se sortir de cet état. Les prochaines semaines allaient êtres longues et décisives. Mais au moins elle était bien entourée.
Le mutant les suivit, doucement, tranquillement. La pluie ruissellait sur son visage, comme les larmes qu'il aurait pu verser. Il avait déjà appelé un taxi. Il ne repartirai pas de suite du canada, une pause s'imposait avant de reprendre ses activités.

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