Il pleuvait aujourd'hui.
Rien de bien étonnant après tout. On était pas dans une ville réputée pour son beau temps.

Damon déambulait dans les rues, la tête basse cachée sous son capuchon pour lui protéger le visage de la pluie, les cheveux lui tombant devant les yeux. Le chiot était caché à l'intérieur de son blouson, lui aussi à l'abri de la pluie si ce n'est sa tête qui dépassait de temps en temps par la fermeture éclaire ouverte à la moitié de sa route.
Son objectif de la journée était de se faire embaucher dans un des pubs du secteur comme muscicien pour avoir assez d'argent pour lui permettre de se présenter à l'institut. Il était fermement persuadé qu'avec de l'argent, il serait plus facile d'y rentrer.
Le soucis... c'est qu'il ne savait pas par où commencer. Il fit un rapide Check Up.

- Je suis là, j'ai mes mains, j'ai ma guitare...

Instinctivement, il porta la main à son dos, perché sur son sac, protégée par une gaine en cuir se trouvait sa guitare, bien au sec fort heureusement.

- Maintenant... il ne me manque plus qu'à savoir par où je vais commencer ! Bon sang...

Damon pouffa de rire en baissant les yeux sur son chiot qui le dévisageait, la langue pendante et ses deux yeux vairon braqué sur lui.

- J'ai l'air idiot à parler tout seul, hein le chien ?

Pendant qu'il riait à moitié, une plan de route se fit dans son esprit et il se décida enfin à commencer par un pub non loin de là.
Il ne lui fallut pas longtemps pour arriver devant la double porte à battant en bois épais. Quand il poussa la porte de gauche, une douce chaleur lui prit le visage. Il ferma les yeux et soupira d'aise, ça changeait de la pluie car même si ils étaient en été, elle était fraiche.

Il y avait pas mal de monde dans ce pub. Des jeunes surtout. Et il décida de se détendre un peu avant de se lancer. Il fouilla dans ses poches et en tira un billet tout humide.
Après une très courte hésitation il fonça droit au bar et commanda une bière brune et c'est avec cette dernière en main qu'il se trouva une place en plein milieu du pub entouré par les clients.
Il n'était pas sociable. Mais le contact humain lui faisait du bien parfois. Et c'était une de ces fois là justement.

La journée avait pourtant bien commencé. Chiara avait profité d'une journée de temps libre pour s'éclipser de l'Institut et profiter de Londres. Elle avait parfois besoin de s'organiser ces petites escapades de quelques heures, seule, pour se ressourcer.
Elle se sentait aussi bien que possible à l'Institut mais la claustrophobie la menaçait de temps en temps. Non pas qu'elle fut une solitaire par nature simplement la promiscuité forcée la fatiguait un peu. Elle avait besoin de s'aérer.

Elle s'était donc prévu un programme minuté : 2 bonnes heures de shopping, un dernier saut dans une librairie pour refaire un plein et ensuite s'installer dans un salon de thé pour bouquiner en se laissant bercer par les discussions feutrées des clients. C'était un de ses petits rituels favoris en Italie et elle l'avait simplement adapté à son nouveau pays (un pub au lieu d'un café).

En tout cas c'était ce qui aurait du se passer en théorie. Si la météo londonienne n'avait pas fait des siennes. Elle avait pourtant bien vérifié les prévisions : "risque de courtes averses".
Courtes averses ?? Il tombait des cordes oui ! La pluie ne la dérangeait pas en soit mais 1) ses cheveux allaient frisoter de manière ridicule et 2) toute cette humidité affolait un peu son pouvoir. Il valait mieux aller s'abriter.

Elle entra dans le premier pub venu, commanda une bière et chercha une place où s'asseoir.

*Le pilier de comptoir qui finit sa nième bière de la journée ? Non merci. Le groupe d'adolescentes qui gloussent ? Je tiens à mes tympans, merci. Ah ? ici... *

Elle se faufila dans le bar et s'installa à coté de ce qui semblait être un musicien - en tout cas la guitare était un indice. Ce ne fut qu'une fois sa première gorgée bue qu'elle remarqua le chiot blotti dans la veste de son voisin.

*Oh génial...*

Ce n'était pas vraiment qu'elle n'aimait pas les chiens mais plutôt qu'elle préférait ne pas en avoir un à moins de 100 mètre d'elle. Tout à coup le poivrot et les glousseuses ne semblaient plus si désagréables.

"Vous... commença-t-elle avant de réaliser la jeunesse de son interlocuteur, tu es sur que tu as le droit de l'amener ici ?"

[Je suis désolé du temps de réponse, j'ai passé mon temps à courir à droite et a gauche pour préparer mes sorties de Février et j'ai pas eu l'occasion de te répondre avant, désolé pour l'attente et merci d'être venu me tenir compagnie ]

Il gardait un œil partout, les doigts jouant avec le bord de son verre.
Il vit entrer la jeune femme, se disant que c’était une cliente comme les autres, il ne tarda pas à se concentrer sur le fond de l’objet qu’il faisait pivoter du bout des doigts, les yeux rivés sur les reflets ambrés qui dansaient dans le liquide.
Mais il fut tiré de ses pensés. Avant tout, par un parfum, puis il sentit la jeune femme s’installer tout à coté en lui jetant un coup d’œil rapide. Il avait l’habitude des regards, que ce soit critique, de la pitié ou de la curiosité, il s’était habitué et tourna à peine la tête pour regarder au travers de son rideau de cheveux pour voir à quoi ressemblait la nouvelle venue.

Apparemment, ce n’était lui qu’elle regardait, mais le chiot dans sa veste qui tremblotait légèrement, le truffe dépassant tout juste de la fermeture éclaire remontée à la moitié de sa veste en daim épaisse.
Et quelques secondes plus tard, il en eu la certitude.

Elle lui adressa la parole, une phrase, mais en une seconde elle passa du ton neutre utilisé en général a celui plus familier qu’on utilisait avec ses cadets. Les doigts qui dépassaient de ses mitaines se refermèrent sur le bord du verre tandis qu’il le porte à ses lèvres pour prendre une petite gorgée.
Ce ne fut que quand il reposa le verre lentement sur la table en bois qu’il haussa les épaules. Il ne voulait pas la regarder. Il n’aimait pas le regard des gens en général. Peu sociable et il l’assumait de toute façon.

« Je préfère le garder ici, il n’embête personne et il n’a pas à rester sous la pluie. »

Une fois de plus, le verre tourna sur son axe tandis que Damon lui donnait la force de tourner du bout des doigts. Il hésita un instant de plus et ouvrit de nouveau la bouche pour poser une question. Cette dernière se referma presque aussitôt alors qu’une seule note était sortit du fond de sa gorge.
Il s’éclaircit la gorge et l’esprit et cette fois-ci tourna un œil dans la direction de la jeune femme.

« Pourquoi, sa présence vous dérange. »

Le ton était neutre, ce n’était pas une provocation et encore moins une question. C’était un fait, il le sentait. Du moins, il l’avait sentit quand elle avait posé les yeux sur le chiot.

Son voisin prit son temps avant de lui répondre. Ce qu'il fit sans même la regarder.

« Je préfère le garder ici, il n’embête personne et il n’a pas à rester sous la pluie. »

Autant pour la chaleur (humaine) qu'elle était venue rechercher en s'abritant dans ce pub. Le ton froid la choqua, plus que la réponse en elle-même. La méchanceté, la jalousie ou la moquerie étaient des sentiments qu'elle pouvait accepter de susciter. Mais cette froide indifférence la laissait sans voix.
Qu'avait-elle fait pour déclencher une telle réponse ? Sa question était en soit plutôt innocente. Maladroite, certes, mais sans aucune mauvaise intention.

« Pourquoi, sa présence vous dérange. » reprit son interlocuteur daignant lui jeter un coup d'oeil cette fois-ci.

Chiara se sentit rougir, piquée au vif. Se faire remettre en place par quelqu'un de 10 ans son cadet n'était pas une expérience agréable. Elle allait répliquer mais se retint au dernier moment. Elle ne voulait pas se lancer dans une dispute avec un parfait inconnu. Surtout que malgré son ton désagréable il avait plutôt raison : le chiot n'avait pas à rester dehors sous la pluie.

Elle reprit une gorgée de bière. L'alcool lui réchauffait le corps et lui déliait la langue.

"Très bien, tu as raison. Il pleut, le chien reste."

C'était sorti plus froidement que ce qu'elle avait imaginé. Son intention était de s'excuser, pas de braquer encore plus le jeune homme.

Bizarrement, la gaucherie qui la caractérisait lors de rencontres ne se faisait pas sentir lorsqu'il s'agissait de parfaits inconnus, de gens qu'elle ne comptait jamais revoir (voisin de bar, amant d'un soir,...) C'était la crainte de décevoir qui la mettait mal à l'aise et il est difficile de décevoir quelqu'un lors de votre première rencontre.

Elle sourit, tentant ainsi d'adoucir ses propos.

"Désolée, reprit-elle, c'est juste que moi et les animaux... Mais s'il reste dans ton manteau, pas de problème pour moi"

Elle sourit de plus belle, bien décidée à percer la carapace de son interlocuteur. Peut-être n'y avait-il rien à découvrir en dessus mais ce n'était pas comme si elle avait beaucoup d'autres choses à faire en attendant que l'averse cesse.

Habituellement. Quand il s’adressait aux gens, même si c’était sans le vouloir. Il leur faisait une telle impression qu’ils se rétractaient presque immédiatement.
C’est ce qu’il avait escompté avec la jeune femme. Qu’une fois de plus, elle ne répondrait pas et se contenterait de se braquer.

"Très bien, tu as raison. Il pleut, le chien reste." Lui arriva pourtant aux oreilles alors qu’il ne s’y attendait pas.

Il passa sa main droite sur les mèches qui lui barraient la vue. Et fixa la jeune femme sans vraiment la voir.
Il savait comment se comporter dans la rue avec des gens qui vivaient comme lui. Mais c’était des gens qui n’arrivaient pas à s’en sortir et lui voulait se sortir de là. Et si c’était ce qu’il voulait, il devrait apprendre à composer avec tout les gens, pas seulement ses « semblables » de la rue.

"Désolée, c'est juste que moi et les animaux... Mais s'il reste dans ton manteau, pas de problème pour moi" reprit-elle.

Son menton monta et descendit de quelques centimètres dans un assentiment silencieux.
Il fit tourner de nouveau son verre entre ses doigts et en bu une nouvelle gorgé avant de reprendre ce qu’il pensait être un début de conversation civilisé.

« Apparemment, vous avez plus de tolérance que bien des gens… Merci.»

La boulle de poil s’agita à l’intérieur de la veste et couina une fois, mais Damon n’en tint pas compte, il apprenait petit à petit à connaitre l’animal et ce dernier rêvait tout simplement.

Il se perdit un instant dans ses pensées. Mais quand il en vint à se rendre compte que se demander à quoi pouvait bien rêver le chien était aussi idiot que le sourire qui venait d’apparaitre sur son visage. Il retrouva son air de statue de marbre.

En regardant si elle avait remarquer son sourire qu’il pensait idiot, il la vit sourire en retour. Il ne savait pas si c’était lui ou si elle souriait par politesse. Ses yeux étudièrent le visage de son interlocutrice un instant de plus que la politesse ne le permettait.
Il aimait ce genre de visage. Il ne se l’expliquait pas.
Surpris de nouveau par ses propres pensés il replongea une troisième fois dans son verre, ses joues rosissant légèrement sous l’effet de la gène… ou bien de l’alcool ou de la chaleur du pub ? Allez savoir.

Ses efforts furent récompensé par un remerciement et un sourire. Bien. Elle était sur la bonne voie. La plupart de ses amis en Italie étaient expansifs, surs d'eux et exubérants - et elle les adorait ainsi - mais elle avait toujours eu un petit faible pour les gens plus renfermés. Cette distance ne cachait parfois rien d'autre qu'une absence totale de conversation. Le plus souvent toutefois ces personnes se révélaient très intéressantes et valaient amplement le temps pris à mieux les connaitre.

Chiara avait le sentiment que c'était le cas avec son interlocuteur. Ce jeune homme avait une histoire et sa curiosité était piquée. Le tout était de réussir à le mettre en confiance pour qu'il se confia.
Pour ça elle avait une idée :

"La prochaine tournée est pour moi. Tu reprends la même chose ?"

Le meilleur moyen de forcer les gens à se confier était encore de les faire beaucoup parler, de tout et de rien. Ils finissent toujours par lâcher un détail ou deux par inadvertance.

"Tu n'es pas du coin, n'est-ce pas ? L'accent, expliqua-t-elle consciente que malgré ses 3 ans passés en Angleterre ses propres origines sautaient au visage dès qu'elle ouvrait la bouche. Tu viens d'arriver ?"

Chiara remarqua la rougeur qui gagnait son voisin.

*Bon sang...*

LE détail qui la faisait craquer chez un homme. Un beau brun, renfermé et rougissant. Il avait vraiment tout pour qu'elle fonde. Dommage qu'il soit si jeune... Pour détourner ses pensées - s'il a plus de 18 ans ce n'est pas du détournement de mineur, non ?- elle finit son verre. Elle allait devoir ralentir un peu parce qu'à cette cadence dans une heure elle danserait sur le bar.

Il était concentré sur son rythme cardiaque. Le calmait calmerait ses joues et le détendrait un peu. Et pour le coup. Il en avait besoin. Mais la voix de la jeune femme lui revint aux oreilles aussi surement qu’un boomerang revient toujours à départ de sa course si il est bien lancé.

"La prochaine tournée est pour moi. Tu reprends la même chose ?"

Il leva son verre encore à moitié plein, le liquide tournant lentement au rythme de la rotation qu’il lui avait donné.
Il fini par secouer la tête de gauche à droite.

« Il faut que je reste lucide. »

Pas plus d’explication que ça. Oh, ses lèvres l’avaient brulé un instant de dire pourquoi il voulait avoir l’esprit clair. Mais au mieux ça le ferait passer pour un pauvre jeune homme sans le sous et au pire… on aurait pitié de lui. En fait… les deux lui donnait une impression de pitié.

Pour le coup, les rougeurs de ses jours disparurent et laissèrent place à son expression de statue de marbre rien qu’à pensé qu’on pusse avoir pitié de lui. Mais il n’eut pas plus l’occasion de se verser dans sa morosité que ça. La voix de son interlocutrice lui caressant de nouveau les oreilles.

"Tu n'es pas du coin, n'est-ce pas ? L'accent, tu viens d’arriver ?’’

Il but une nouvelle gorgée et vida les trois quart du liquide qui restait dans son verre avant de tourner la tête vers elle pour observer ses traits de nouveau. Il s’offrit cet instant là avant de lui répondre.

« Je suis Français… enfin. En partie. »

**Tu parles trop, tu parles trop** se rabâcha t-il.
Mais il se fit violence. Donc il se força à ouvrir la bouche une troisième fois pour relancer la discussion à son tour comme ça se faisait chez les gens normaux.

« J’suis pas le seul… vous avez trop gouté au soleil pour être d’ici. »

Il pouffa de rire, surpris par la propre tournure de sa phrase. Il se passa instinctivement une main sur le visage avant de regarder droit devant lui un couple à une table en train de rire.

« Désolé, dans ma tête ça sonnait mieux comme phrase. »

Ses propos étaient hésitants, retenus. Chiara le sentait sur ses gardes, comme si chaque mot était d'abord longuement pesé.
Son refus ne la surprit qu'à moitié. Dommage, elle n'allait pas pouvoir compter sur l'alcool pour délier la langue du jeune homme. Ce serait surement plus long... Il fallait juste continuer à le faire parler. Et encore cette réserve dans la voix, la posture. Il avait pourtant paru se détendre un peu quelques secondes plus tôt. Quelque chose qu'elle avait dit l'aurait froissé ? Mais Chiara n'avait fait que lui offrir un verre...

« Je suis Français… enfin. En partie. » continua-t-il

Ah un début de commencement ! Avant qu'elle ne puisse demander des détails, il la questionna sur ses origines.

« J’suis pas le seul… vous avez trop gouté au soleil pour être d’ici. »

Chiara laissa échapper un éclat de rire faisant écho à son interlocuteur. Elle se faisait la même réflexion chaque fois que le légendaire temps anglais faisait des siennes. Très souvent donc ! Effectivement sa peau dorée et ses cheveux de jais ne la classait pas d'instinct dans les "anglaises pure souche".

« Désolé, dans ma tête ça sonnait mieux comme phrase. »

"Pas de problème ! Je viens d'Italie, un pays où le soleil n'est pas juste une créature légendaire... Je suis ici temporairement, pour aider des amis. Ils avaient besoin de soutien et apparemment ma présence rend service."

Ce n'était pas vraiment un mensonge. Les gens de l'Institut étaient vraiment devenus des amis et, même s'il lui arrivait d'en douter, elle rendait service. Ce petit mensonge valait mieux que la vérité : j'ai plaqué ma vie en Italie sur un coup de tête pour venir travailler dans une école pour mutants, d'ailleurs j'en suis une !
Elle n'avait jamais ressenti le besoin d'avouer son "état" à ses amis ou à sa famille, ce n'était pas pour tout déballer à un parfait inconnu.
De toutes façons, elle n'était pas le sujet de la conversation. Elle reprit donc son interrogatoire :

"En partie français seulement ? Quelle partie alors ? Et que viens-tu faire ici ? A part fuir le soleil bien sur."

"Pas de problème ! Je viens d'Italie, un pays où le soleil n'est pas juste une créature légendaire... Je suis ici temporairement, pour aider des amis. Ils avaient besoin de soutien et apparemment ma présence rend service."

Il pouffa. Le genre de début de rire contenue de toute ses forces par la force de l’habitude.
Il en fut surpris lui-même et tourna un œil pour lancer un regard en coin et voir si interlocutrice avait noté quelque chose dans son comportement dont elle pourrait se moquer. Mais elle riait encore suite à la phrase précédent du jeune homme, ce qui le rasséréna.

Ses dents se serrèrent quand elle lui posa la série de question qui vint ensuite. Il se morigéna lui-même. Il parlait trop et du coup laissait trop de fenêtre pour une discussion. Mais après tout… n’était-ce pas ce qu’il voulait ? Parler.

"En partie français seulement ? Quelle partie alors ? Et que viens-tu faire ici ? A part fuir le soleil bien sur."

Il inspira profondément et occupa ses mains en faisant tourner le verre de plus en plus vite entre ses doigts, le chiot agacé par le bruit du verre sur le bois sortant de temps en temps la truffe de la fermeture éclaire pour lancer un coup d’œil courroucé à cet objet bruyant qui l’empêchait de dormir en paix.

« Voila qui fait beaucoup de questions d’un coup, non ? »

Il stoppa son récipient et tourna la tête vers elle avec un très léger sourire entendu. Mais autant jouer le jeu. Il était touché, il devait assumer.

« Je le suis d’adoption. Ma famille est espagnole de base. J’avais 4 ans quand on a emménagé. »

Ses yeux se plissèrent dans une parfaite attitude de renard tournant autour d’un poulailler. Son ombre de sourire s’étirant un peu plus.

« Et je suis ici pour trouver un travail. Et pour me protéger de la pluie. »

‘’Jouons aux cons’’ pensa t-il. Ce qui ne fait rien pour retendre la peau au niveau de son visage qui était prenait un pli assez dérangeant pour lui. Il avait oublié ce que c’était un sourire et à chaque fois qu’il lui arrivait de sourire, il pouvait se reprendre avant que ce soit visible. Là, il souriant et avait beaucoup de mal à le faire disparaitre.
Il tendit la main entre eux et prit une cacahuète dans un petit bol pour la faire rouler dans sa paume avant de la glisser par l’ouverture de son blouson pour la donner aux chiots qui lui en mordit les doigts de délice.

Sa "plaisanterie" réussit à atteindre son but. Le jeune homme se dérida un peu et s'autorisa même un petit pouffement de rire. Bien, bien. Elle le voulait détendu et en confiance !
Malheureusement ses questions le firent tiquer.

« Voila qui fait beaucoup de questions d’un coup, non ? »

Malgré son sourire, il lui faisait gentiment comprendre qu'elle en demandait beaucoup. Ce qui était totalement vrai. Si la situation avait été inversée elle aurait déjà pris la fuite depuis longtemps devant une telle avalanche d'indiscrétion. Mais le monde est ainsi fait : une jolie femme peut se montrer indiscrète et fouineuse alors qu'un homme se comportant de la même façon passera pour un dragueur cherchant à se caser. Une immense injustice mais Chiara pourrait s'en accommoder.

« Je le suis d’adoption. Ma famille est espagnole de base. J’avais 4 ans quand on a emménagé. Et je suis ici pour trouver un travail. Et pour me protéger de la pluie. »

Espagne nota-t-elle dans un coin de sa tête. Il faudrait y revenir plus tard. Les questions sur la famille risquait d'être trop personnelles pour le moment. Il avait répondu aux précédentes mais Chiara ne voulait pas le harceler... Disons qu'elle ne voulait pas qu'il le remarque.

*Attendons un peu...*

Le travail : voila un sujet sans risque.

"Du travail ? Dans quel secteur ?"

Chiara continuait à cogiter tout en parlant et en lui souriant. S'il travaillait il devait être majeur. Ou alors un mineur émancipé. Oh là il aurait une histoire à raconter ! Ou alors...
Ces divagations se stoppèrent à la vue du chiot. La scène aurait pu être touchante - le jeune maître nourrissant son animal - si l'animal en question n'avait pas été une de ces créatures maléfiques que sont les chiens.

Il la sentit. C’était à peine visible. Un crispement des mains, un léger mouvement des épaules, une variation d’expression d’une seconde à peine. Il savait que ce n’était pas le fait qu’il est avancé là main pour prendre la cacahuète qui avait donné une mauvaise impression à la jeune femme. C’était surtout le fait que le chien avait refait son apparition durant quelques secondes qui provoquaient ces réactions. Au moins, il avait une arme contre elle si il voulait s’en débarrasser pensa t-il en souriant.

Mais elle avait eu le temps de poser une autre question avant de se rétracter à la vue du chien. Question intéressante de surcroit.

"Du travail ? Dans quel secteur ?"

Il fini son verre et prit deux ou trois secondes de réflexion, les yeux dans le vague pour savoir ce qu’il pourrait dire et ce qui ne fallait pas qu’il dise.

« C’est pour ça que je suis là. Je voulais demander au patron si il cherche un musicien pour faire de l’animation. Je veux du changement dans ma vie. Autant commencer par un nouveau boulot. »

La chose qui était sure, c’est qu’il n’irait pas lui dire qu’il vivait dans la rue. Parce que mieux que le chien, la réaction serait immédiate.

Ses yeux glissèrent vers la jeune femme, la jaugèrent un instant et il renvoya la question.

« Et vous, c’est quoi votre domaine… à part l’humanitaire pour vos amis, bien entendu… Vous bossez ou vous êtes à la Fac ? »

Le fait est que pour lui… il ne lui donnait pas 28ans, mais plus 25. Et vu la population de ce bar, il se disait que c’était surement une étudiante plus qu’une travailleuse en plein break.

Son verre fini, il le fit glisser un peu plus loin sur le bras du bout des doigts et se tourna enfin vers elle pour lui faire fasse. De toute façon, ça ne servirait plus à rien de jouer les types intéressé par le liquide dans son verre… vu qu’il n’y en avait plus.
Il se dit pendant un instant qu’il aurait dû accepter l’offre d’un second verre.

Pendant que le jeune homme parlait, Chiara réussit à attirer l'attention du seurveur assez longtemps pour commander un thé. Elle avait définitivement renoncé au café : les anglais semblaient avoir des difficultés à saisir le principe d'espresso...

« C’est pour ça que je suis là. Je voulais demander au patron si il cherche un musicien pour faire de l’animation. Je veux du changement dans ma vie. Autant commencer par un nouveau boulot.
- Un artiste, hein !"

Elle hésita un peu avant de poursuivre. Avait-elle envie de le revoir ? Certes elle avait très envie de découvrir ce qui se cachait derrière cette méfiance mais elle s'arrangait généralemt pour le faire en une seule fois et ne plus revoir cette personne ensuite.
Elle n'était pas opposée au principe de se faire de nouveaux amis. Simplement viendrait un moment où sa "condition" finirait par atterir sur le tapis. Elle n'avait jamais affronté ça encore et ne souhaitait pas le faire. Une forme de lacheté sans doute.

Malgré tout cela, elle s'entendit poursuivre :

"Si ça ne marche pas pour toi ici, je connais un bar qui recherche des musiciens."

Chiara fouilla un instant dans son sac et en resortit un portefeuille aussi gros que la plupart des sacs à main normaux. Elle en tira une carte et la tendit au jeune homme. C'était une carte toute blanche sur laquelle figurait seulement le nom du bar et une adresse. Toutes les autres informations était stockés sur la micropuce intégrée ; il suffisait de la passer devant un lecteur pour y accéder.

"Je suis une habituée, dis leur que tu viens de ma part. Je ne te promets pas que tu sera embauché mais tu auras au moins une audition."

Habituée était un euphémisme. Elle y filait dès qu'elle avait une soirée de libre pour boire (trop), danser (un peu) et flirter (beaucoup).
Elle avait toujours aimé faire la fête et ça c'était accentué depuis son arrivée en Angleterre. Sans doute un besoin d'evacuer tout ce stress : en Italie elle vendait des livres, ici elle devait aider des ado complexés. C'était un autre niveau de respnsabilités !

Elle espérait qu'avec ce coup de pouce il oublierait qu'elle n'aait pas répondu à la question sur son travail - même si la possibilité qu'on la prie pour une étudiante flattait énorment son égo !

Au moment où il ouvrait de nouveau la bouche pour proposer un second verre, il la vit commander un thé.
Profitant de la présence du serveur et de la bonne occasion il leva une de ses mitaines et dressa l’index et le majeur pour signifier que la commande serait double vu qu’il voulait un thé aussi.
C’était plus doux que la bière et au moins… il ne finirait pas sous la table si il en abusait. Quand il tourna les yeux vers elle, Chiara répondait par une exclamation qui fit sourire Damon malgré lui.

" Un artiste, hein ! "

Il s’éclaircit la gorge et secoua la tête lentement.

« Je ne dirais pas artiste. Mais disons que je me débrouille assez pour essayer d’en vivre. »

Puis, vint la proposition.

"Si ça ne marche pas pour toi ici, je connais un bar qui recherche des musiciens."

Il était très intéressé, bien entendu. Il valait toujours mieux avoir une porte de sortie en cas de problème. Et la jeune femme lui offrait une alternative si il ne trouvait pas de travail ici. Et il en fut reconnaissant. Et bien qu’il ne lui en dit rien, quand il prit la carte du bout des doigts, on pouvait clairement le lire sur son visage.

Il fit tourner la plaquette entre ses doigts un instant, trouvant un nouveau jouet pour s’occuper l’esprit une dizaine de seconde avant de la ranger en sécurité dans son blouson avec un nouveau hochement de tête de remerciement.


"Je suis une habituée, dis leur que tu viens de ma part. Je ne te promets pas que tu sera embauché mais tu auras au moins une audition."

Cette dernière phrase de son interlocutrice fit naitre un magnifique sourire en coin. Rien de moqueur, mais il était clairement taquin quand il haussa les épaules en plantant son regard sur elle pour lui demander.

« Je dis que c’est la jolie petite brune qui vient souvent ici qui m’a donné la carte ou je pourrais avoir un nom à un moment ou un autre de la discussion ? »

Il s’autorisa même un véritable sourire l’espace d’une seconde avant de se désigner lui-même.

« Damon, Damon Aberon. Autant prendre les devants.»

Le jeune homme ne formula pas clairement son remerciement. Chiara aimait autant ça. Elle n'avait pas agi par bonté d'âme ou par sympathie pour lui. Elle avait fait ça... à vrai dire elle ne savait pas vraiment pourquoi elle s'impliquait ainsi. Sans doute parce que ça ne lui coûtait pas grand chose.

Il joua un instant avec la carte avant de la ranger puis enchaîna un brin moqueur :

" Je dis que c’est la jolie petite brune qui vient souvent ici qui m’a donné la carte ou je pourrais avoir un nom à un moment ou un autre de la discussion ?
Damon, Damon Aberon. Autant prendre les devants, poursuivit-il "

L'ironie de la situation la fit sourire.
Elle avait sciemment évité de se présenter depuis le début de la conversation. Elle aimait imaginer ces interlocuteurs parler de cette mystérieuse brunette partie après une longue discussion sans même laisser un nom.
Sans nul doute un reste de ces heures passées, adolescente, à dévorer des romans à l'eau de rose. L'héroïne y était toujours mystérieuse !

Mais en l'occurrence, elle n'avait pas vraiment le choix cette fois-ci. Elle ne pouvait s'en prendre qu'à elle même : quand on tend des perches...

" Enchantée Damon. Chiara, se présenta-t-elle "

Un prénom d'accord, elle y était plus ou moins forcée. Mais pas de nom. Elle espérait juste qu'il serait trop bien élevé pour insister.

Leur commande arriva alors. Chiara se servit aussitôt une tasse : elle préférait boire son thé brulant. Se bruler la langue était un risque à courir pour en profiter pleinement. Avant de l'entamer elle prit le temps de respirer son fumet à plein poumons.

Elle jeta un coup d'oeil discret à Damon pour s'assurer que la distraction inattendue mais bienvenue avait rempli son rôle.

Tout comme Chiara, quand la serveuse vint avec leur commande, il se jeta littéralement sur sa tasse, réchauffant la paume de sa main un instant avant de porter le liquide brulant à ses lèvres.
Il en frémit de délice et de l’effet que procura le thé chaud dans ses os. L’engourdissement momentané de la surface de sa langue la calma un peu également. Il parlait trop. Autant profiter de cet effet pour se détendre et donner des réponses plus réfléchies la prochaine fois. Mais rien ne vint pendant un moment.

Il hésita à tourner la tête vers elle, car outre les effets que produisait la décoction dans son organisme, la douce chaleur qui s’emparait de lui le laissait imaginer qu’il risquait de rougir de nouveau à la moindre gêne qui s’offrirait à lui.

" Enchantée Damon. Chiara "

Il médita sur ce prénom un instant, faisant tourner ce dernier sur sa langue dans un demi-ton sans vraiment se rendre compte qu’il le disait à voix haute.

« Et bien ça sera plus pratique pour votre offre alors… » enchaina t-il, neutre, malgré le fait qu’il avait dû prononcer le prénom à voix haute une dizaine de fois pour bien le retenir.

Il lui lança un regard en coin discret avant de retourner à son thé.
Elle était bien gentille, mais il n’allait pas non plus lui servir comme ça. Alors il médita sur ce qu’il pouvait bien lui dire d’autre en silence.
Le thé fumant tournant dans la tasse dans un mini-maelström donné par le mouvement circulaire que donnait sa main sur la tasse.

Un mouvement dans son blouson le tira de sa rêverie de nouveau. Décidément, ce chiot était une part de sa conscience qu’il remerciait grandement.
Tant il sortait de sa rêverie, une chose question lui vint instinctivement. Rien de bien important, c’était même ridicule, ce qu’il s’empressa de souligner d’ailleurs :

« C’est ridicule comme question, mais ça vient de me passer par l’esprit. Pourquoi… »

Il laissa un blanc, le temps de river de nouveau son regard sur le visage de la brunette.

« … cette peur des chiens ? »

Bon, là c’était une question idiote de son point de vue. Alors il but une nouvelle gorgée de thé, ce qui eu pour effet de le réchauffer de nouveau, réchauffant son teint sans pour autant qu’il vira au rouge comme au début de la conversation.

Elle sourit gentiment à sa question même si cela ne la ravissait pas. Elle aurait du profiter de la situation pour en apprendre plus sur lui, sur son travail et enchainer ensuite sur des questions plus personnelles comme sa famille. Au lieu de cela c'est elle qui se retrouvait à répondre aux questions. Elle avait mal mené la conversation et ne pouvait s'en prendre qu'à elle-même.

"Tu veux dire, à part le fait que ce sont des créatures démoniaques ? Plus sérieusement..."

Elle fut interrompue par la sonnerie de son téléphone. Elle hésita à renfiler ses gants avant de l'attraper mais s'abstint par manque de temps. Elle n'était pas stressée, il n'y avait pas de raison pour que le couteux appareil subisse quoique se soit.
L'Institut.
Elle releva les yeux vers Damon et s'excusa en grimaçant :

"Désolée, je dois le prendre ça pourrait être important."

Puis elle se détourna légèrement pour tenter d'obtenir un peu d'intimité - tâche vouée à l'échec dans un pub bondé.

"Oui ? Ah salut ! ... Hmm ... "

On avait besoin d'elle à l'Institut. Les arrivées récentes de nouveaux élèves avaient rompu le rythme de vie paisible du manoir. Cela ne la dérangeait pas. C'est pour cela qu'elle avait signé après tout. Elle jeta un œil à la fenêtre. Dehors la pluie s'était calmée. Assez en tout cas pour qu'elle ne risque pas de court-circuiter le taxi qui la ramènerait à la maison.

"Non pas de souci je m'en occupe ... Oui je m'en charge. Je saute dans un taxi et j'arrive. ... Je t'en prie. A toute à l'heure !"

Elle referma le téléphone et revint à Damon.

"Navrée, c'est important, je dois te laisser. Ce fut un réel plaisir. J'espère te recroiser un jour."

Les deux premières phrases étaient vraies, la dernière pas entièrement. Disons qu'elle n'avait pas encore tranché. Damon semblait être un garçon fort sympathique mais ce n'était pas forcement ce qu'elle recherchait en ce moment. Le hasard - qu'elle avait aidé en donnant la carte à Damon - ferait son œuvre.
Lui offrant un dernier sourire, elle lui tendit la main.

Il avait suivit la conversation avec attention.
Oh, vous ne saviez pas qu'il était curieux ? C'était limite maladif/pervers parfois. Enfin... dans le bon sens du terme si il pouvait y avoir un bon sens.

Apparemment, la personne à l'autre bout du combiné demandait un service à la jeune italienne. Et Damon sourit quand il se rendit compte qu'il n'appréciait pas de se voir privé de compagnie.
Mais à part ses lèvres, rien ne trahissait son sentiment.

Il se redressa donc, une main sur le buste pour soutenir le chiot pour pas qu'il ne tombe dans le tréfonds de son T-shirt et de sa main libre s'empara de celle que lui tendait la jeune femme.
Encore une fois, il se surprit à apprécier le contact humain à ce point. Sa paume était chaude ou c'était une impression ? En tout cas, la sensation qu'il sentait de nouveau dans ses joues, ça ce n'était pas un des fruits de son imagination.
Il inclina légèrement la tête, faisant passer ses cheveux devant son visage, laissant juste son sourire de visible.

- Le plaisir était partager. J'espère avoir cette chance aussi. Peut-être dans votre fief. Qui sait... peut-être que je n'aurais pas de chance ici.

Il prit sa guitare d'une main et la recala sur son dos d'un geste presque machinal, le quittant pas Chiara des yeux.

Chiara serra brièvement la main du jeune homme tout en lui accordant un dernier sourire. Il avait été, après tout, de très bonne compagnie.

"Peut-être que non. Mais ne te portons pas malheur."

Elle renfila ses gants et mit son manteau dans la foulée. Elle déposa sur le comptoir largement assez d'argent pour payer leurs consommations à tous les deux. Elle ne payait qu'en liquide, se méfiant de ses effets sur l'électronique. Une fois ses affaires rangées en bon ordre dans son sac, elle prit congé de Damon.

Arrivée à la porte, elle se retourna pour lui adresser un dernier salut.

Arrivée dehors, elle ne tarda pas à attraper un taxi. Le chauffeur la regarda bizarrement lorsqu'elle lui donna l'adresse de l'Institut mais s'abstint de tout commentaire.
Elle se désintéressa aussitôt de lui et se surprit bientôt à ressasser la conversation qu'elle venait d'avoir. Elle ne savait quoi penser de cette rencontre. Était-ce une bonne chose de lui avoir fourni une chance de la revoir ? Bah, le Destin - même si elle ne croyait pas vraiment en cela - se débrouillerait bien tout seul.

Elle se chassa ces idées de la tête. Pour le moment.