Le flic venait de passer une petite heure à l’hôpital à se faire recoudre la peau, et les aiguilles : ça picote ! Aussi loin qu’il se souvienne il avait toujours eut une trouille bleue des seringues, aiguilles, échardes et autres trucs qui picotent. Il avait beau être plutôt massif, Ernesto était douillet comme une fillette. Il avait poussé des petits gémissements aigus à chaque fois que l’infirmière s’approchait de lui avec les instruments de tortures, mais s’était calmé une fois qu’il prit le temps de ruminer sa soirée. Emporté par ses pensées, il oublia l’affreuse sorcière en blouse blanche qui lui triturait la gorge et se focalisa sur évènements récents.



Il venait de tuer un gosse, et il n’était pas habitué à cette routine policière barbare qui consistait à dessouder les gens. D’ailleurs, pourquoi était-il devenu flic ? Les collègues balourds, la violence, les incendies volontaires, les tueurs, les violeurs, les anti-mutants, les pro-mutants, les proxénètes et les trafiquants en tout genre étaient devenus son lot quotidien. C’était ça la vie dont il avait toujours rêvé ? Pas vraiment.



-Joli tatouage inspecteur.



Il décela une pointe d’ironie dans la voix de l’infirmière et murmura.



-Superman…



Enfin sortit de cet enfer du picotement qu’est l’hôpital, il se rendit au green scale, un bar qu’il affectionnait particulièrement de par son ambiance rétro et ses caipirinhas dosées au millilitre près. A peine les portes poussées qu’il se sentait chez lui, ce rade était un peu comme sa deuxième maison, ou plutôt la troisième vu que cette place était déjà occupée par son bureau. Les cocotiers et boiseries exotiques égayaient un peu sa soirée moisie. Il prit place sur un tabouret en bambou du bar intérieur et fit un petit signe à Jared en tapotant sur la planche du comptoir.



-Tu me mets la même chose que d’habitude s’il te plait…mais force un peu sur le rhum.



Chose étrange, des regards se posaient sur lui. Ernesto n’avait pas l’habitude d’essuyer les affres de ses concitoyens, il était plutôt du genre passe-partout, tout du moins aimait-il à le croire. Il avait un peu oublié que sa chemise blanche était maculée de sang, ses cheveux décoiffés, et qu’il dégoulinait encore de la pluie froide de cette nuit tourmentée.



Il bu cul sec son verre et prit la direction des toilettes pour se refaire une petite beauté. Il quitta sa chemise et la jeta dans la poubelle des toilettes ainsi que sa cravate puis referma sa veste de costume sur son marcel blanc. Enfin, il sortit de la poche de sa veste son petit peigne à cran d’arrêt et se recoiffa. Une fois beau comme un sou neuf il repartit s’asseoir au comptoir. Toujours le même petit geste de la main.



-La même chose s’il te plait mon p’tit père.



Un dernier verre, puis il rentrerait chez lui. Ou alors il allait passer au boulot, juste histoire de faire son rapport. Oui, il prendrait définitivement la direction du commissariat. Malgré tout le chagrin qu’il éprouvait pour le gamin, c’était comme ça, la vie était ainsi faite. Demain serait un autre jour, et il se servirait de l’expérience de cette nuit pour devenir plus fort. Après tout, s’il avait tiré avant de parlementer le policier aurait certainement pu blesser le gamin à la jambe et à cette heure ci il serait encore en vie. Ernesto se promit d’aller faire un tour au stand de tir de la police de Vancouver, afin de réviser ses fondamentaux. La sonnerie de son portable (riders on the storm des Doors) le tira de sa réflexion. Il regarda le nom de l’appelant : Nichinsky, son coéquipier. Veg’ éteignit l’engin agaçant.



*Désolé Tom, pas ce soir. Qu’est-ce que j’pourrais faire pour me changer les idées ? Dommage qu’il n’y ai pas de concours de danse ce soir.*



Un groupe de jeunes femmes partit dans un grand éclat de rire, mais s’arrêtèrent net lorsqu’il se retourna vers elles.



*Putain, c’est vraiment marqué sur ma tronche que je suis flic ?*



Aucune de ses connaissances n’était présente dans ce bar, alors il ne lui restait plus qu’une seule option. Tant pis s’il passait pour un vieux croûton aux yeux des petits jeunots mais il sortit le journal de la poche de sa veste et s’empressa de lire la page des sports et s’enthousiasma du résultat de ses équipes préférées de foot US. Sans relever la tête il s’adressa à Jared.



-Nom de dieu mon p’tit père, tu t’rends compte que Quinton Ramsey a gagné 200 yards à la course en un seul match ?



Peu lui importait que le sport national du Canada fut le hockey, Ernesto était Américain et sa plus grande passion après ses enquêtes était le foot Américain. Voila bien la seule chose qui lui manquait depuis son départ de Détroit, quelqu’un a qui parler de sports. Le policier s’enfonça encore un peu plus dans sa lecture.

Vanessa avait passé une longue journée et avait envi de se changer les idées ! Elle se doucha, se changea, et quitta son appartement des bas quartiers pour rejoindre un endroit plus jovial et prendre un verre et, pourquoi pas qui sait, se trouver de nouveaux clients aux porte-feuilles bien fournis.
Elle avait cru comprendre que « The Green Scale » appartenait à un confrériste. C'était donc une occasion en or de découvrir un peu une autre facette de ce décor édulcoré.

Elle poussa la porte quand un groupe de jeune-femmes quittait les lieux avec une drôle d'expression sur le visage, pénétrant l'endroit sous les regards tournés vers les jolies demoiselles. Ainsi, le spectacle des mateurs avait de quoi se poursuivre avec un paysage des plus intéressant.
Vanessa portait une petite jupe légère et coupée en diagonale, comportant de nombreux plis qui devait sans doute permettre de voir ce qui s'y cachait quand elle tournait rapidement sur elle-même – douce idée que celle-ci dans de nombreux esprits – et une sorte de chemisier sans manche – avant et arrière décolletés – et ne tenant au corps que par une étroite lanière entourant son cou après s'être croisée sur sa poitrine. Ses pieds portaient de petites sandalettes faites d'étroits rubans de cuir aussi blanc. La jupe était crème et fleurie, alors que son haut tirait légèrement sur le jaune-orangé. Ses cheveux mi-longs frisés, bruns avec des mèches blondes et orangées, était garnis d'un petit flot ocre aux reflets dorés sur le coté droit de la tête, la diagonale de la robe légère montant dans la même direction.
Sur son oreille droite, elle avait inséré une fleur artificielle de monoï qui clignotait dans divers tonalités colorées.

Spoiler:

Elle scruta rapidement la salle pour repérer le seul type qui semblait seul et avoir besoin d'un minimum de compagnie, professionnelle ou non !
Elle avait l'œil pour cette catégorie de personne, habituée depuis des années qu'elle les cherchait instinctivement, autant pour son plaisir que pour sa survie.
Le type était assis au bar avec un verre à la main et un journal à demi sur posé sur le comptoir dans l'autre.

Sans hésiter et comme si elle le connaissait depuis toujours, elle s'approcha de lui, passa dans son dos en le frôlant, tira un tabouret et s'y installa.
Se tournant vers lui, elle lui offrit son plus beau sourire agrémenté d'un « Salut ! » amical de vieilles connaissances.

« Un cocktail fruité sans alcool, patron ! »

Elle avait lancé ça vers la personne qui se trouvait de l'autre côté sans réellement prêter attention à celle-ci, pas plus qu'on son sexe. Déjà, elle louchait sur le journal de l'inconnu, mais sans non plus le faire trop visiblement et vulgairement, mais plutôt pour s'informer de son centre d'intérêt et éventuellement rebondir sur le sujet si elle y avait quelque connaissance.

* Merde ! Le sport ! Fait chier !
Les types ne peuvent-ils jamais avoir d'autres centre d'intérêt que le sport et mon cul ?
Ouai, bon, okay, mon cul, c'est parfait ! *

Elle sourit à nouveau, plus amusée de ses propres pensées que de toute autre chose, mais destinant ce rictus charmant à son nouvel interlocuteur...

L'homme paraissait impressionné, ou au moins gène de cette soudaine intrusion de Vanessa !
Il se tourna vers elle pour enfin se décider à parler, sortant une petite phrase qui fit sourire la professionnelle, tant elle était inattendue :

« C’est jolie ça...mais faut pas être épileptique.
– J'aime beaucoup, oui, et j'avoue aimer me faire remarquer ! »

Elle sourit de plus belle, une petite lueur de satisfaction luisant dans son regard déjà étincelant de vie.
L'inconnu plia ensuite son journal pour se tourner vers elle alors que le barman lui apportait le breuvage commandé et qu'une vieille chanson passait en fond sonore.
Aussitôt, l'homme commença à se mouvoir pour en suivre le rythme, ce qui laissait clairement présager qu'il espérait danser, et c'est ce qui se confirma immédiatement qu'il eut ouvert la bouche :

 « C’est le genre de musique que j’aime, un petit rythme jazzy. Mais bon…c’est peut-être un peu vieux pour vous. »

Elle l'envisagea de bas en haut avec un regard taquin non dépourvu d'humour avant de se lever en lui attrapant la main tout en affirmant :

« Vous savez, j'ai été élevée dans les cabarets rétro... Ça me convient parfaitement ! »

Elle n'était pas une excellente danseuse, loin de là, mais aimait se trémousser pour se changer les idées, n'attendant souvent qu'un signal furtif pour passer à l'offensive en espérant se récupérer quelques billets supplémentaires.

« Si vous n'avez pas trop peur pour vos pieds... »

Elle éclata cette fois littéralement de rire, d'un rire franc et cristallin qui dénotait une jovialité prononcée et non feinte.

Le tirant par la main, elle l'entraina au centre de la grande salle pour commencer à se remuer à peu prêt au rythme de la musique qu'elle avait déjà entendu une ou deux fois auparavant dans sa prime jeunesse, ce qui lui permettait d'anticiper légèrement les notes suivantes afin de surprendre son compagnon de piste.

Elle commença alors à le regarder dans les yeux sans plus faire vraiment attention à où elle mettait ses pieds, souriant comme une enfant sur un manège, visiblement très heureuse d'avoir si rapidement trouvé quelqu'un avec qui partager sa solitude...