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[RP] Disgressions philosophiques à propos d'un crâne - terminé

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Sinéad O'Hegarty

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Sinéad O'Hegarty

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MessageSujet: [RP] Disgressions philosophiques à propos d'un crâne - terminé [RP] Disgressions philosophiques à propos d'un crâne - terminé EmptyLun 6 Juil 2009 - 0:56

Il y avait un fond vert - des rideaux avec quelques motifs plus clairs, des rideaux calmes, serrés, riches, et ennuyeux. Un petit meuble dans cette pièce vide, un tapis dessus, aux motifs persans et d'un rouge, noir contrastant avec le vert des rideaux. Divers objets étaient posés dessus deux globes terrestres, une mandoline, des instruments de mesure, des livres, un carnet, des flûtes... sur ce meuble s'appuyaient deux jeunes gens, tous deux richement vêtus, révélant les coutumes vestimentaires du XVIème siècle. Le sol dallé aux couleurs ternes ne retenait pas l'œil : des ronds, un carré, des figures géométriques étaient ses motifs mais ces symboles ne lui donnaient pourtant aucun intérêt.
La toile était transparente de symboles de richesse, matérielle certes, mais bien plus encore culturelle, scientifique, en un mot spirituelle : les globes, les instruments de mesure, les livres n'étaient pas anodins. Des symboles de la Renaissance, de l'essor de l'Homme...
Il y avait cette étrange forme au milieu. Une figure de couleurs, que quelqu'un de non avisé ne reconnaîtrait pas du premier coup. L'anamorphose, bien exécutée, était une étrange méthode de représentation d'une figure étrange. Une figure qui n'était pas là, ne pouvait pas être là : cela n'avait rien à faire ici. Cela suffisait à faire de ce crâne la partie la plus intéressante du tableau.

The Ambassadors la fascinaient. Dans cet amas de peinture, pour beaucoup très ressemblantes, presque à la limite de l'écœurement, cette toile était une bouée de sauvetage, une part d'intérêt qui restait à l'art.
Dans la quatrième pièce de la National Gallery, plus de six toiles abordaient un thème religieux ou mythologique, onze étaient des portraits - bien sûr il y avait d'autres oeuvres dignes d'intérêt. Mais voilà : Sinéad était là, devant la toile, assise sur un banc, depuis cinq minutes. Elle ne prenait pas des notes ou, comme certains étudiants, ne reproduisaient pas fidèlement l'œuvre de Holbein pour acquérir une certaine expérience du dessin. Elle ne faisait que penser. Cette toile lui faisait l'effet d'un miroir - un miroir de pensées.

Pourquoi y avait-il un crâne et pourquoi ce crâne était-il anamorphosé ? Là était la question. Bien entendu, et en quelque sorte, ce crâne pouvait lui aussi représenter l'avancée scientifique... la connaissance du corps humain. Mais non, ce n'était pas son vrai sens.
L'omniprésence du temps.
La mort.
Vanité.

Pour un observateur extérieur, Sinéad aurait paru un peu étrange. Oui, certes, on venait ici pour admirer les tableaux... les contempler... non point les fixer, et de temps à autres regarder ailleurs, pensivement. Regarder dans le vide.
A proprement parler, bien sûr, on ne regarde pas dans le vide - ni même peut-on regarder le vide lui-même. C'est une expression trompeuse : de fait, on ne regarde pas. On a les yeux ouverts, qui peuvent sembler regarder quelque chose, mais ceux-ci fixent l'infini, ne cherche pas à regarder. On ne fait que voir, comme on entend sans écouter. La pensée se met alors pleinement en marche.

La présence éphémère de l'Homme : la richesse, la connaissance, tout cela n'ayant pour destination finale rien d'autre que l'oubli, la poussière, la mort, le néant. Un crâne. Il y avait un crâne déformé. Ils ne semblaient pas voir ce crâne. Les Hommes ne voient pas le temps, la mort...
Elle songea à ce qu'elle pensait, et se rendit compte que cela paraissait bien mortuaire. Non, ce n'était pas ce qu'elle était... elle cherchait en fait à comprendre d'elle-même ce qui avait poussé Hans Holbein le Jeune à peindre cette figure-là. Peut-être que ça n'allait pas plus loin. C'était juste l'éphémère.

Elle s'était mise en robe noire ; sobre de la tête aux pieds. Sa coiffure était des plus simples : cheveux lisses, mi-courts, touchés sans originalité. On voyait bien que la femme n'était plus à l'âge de la prime jeunesse, que pour elle les conquêtes amoureuses étaient déjà passées : oh, non, ce n'est pas que Sinéad n'avait plus droit à l'amour, mais que les passions n'avaient plus place dans sa vie. Il y avait malgré cela un charme certain à l'immobilité de la mutante. Tout autour d'elle, des visiteurs, des touristes allaient et venaient. Certains amateurs d'art contemplaient les peintures, murmuraient des compliments, flirtaient avec une toile qu'ils trompaient l'instant d'après. Elle bougeait à peine - ses yeux cherchaient parfois un détail, de temps à autre elle se redressait. Cela faisait quinze minutes qu'elle ne parlait pas.

La question était d'abord métaphysique : l'être tend au néant, y a-t-il alors un sens à la vie, la richesse, la connaissance ? C'était une question qu'elle se posait déjà vingt ans plus tôt. Elle avait une réponse. Elle en cherchait parfois d'autres. Sa réponse ne lui convenait pas - pas tout à fait. Elle était décevante, oppressante presque. Son regard revint se concentrer sur le tableau. Elle était curieuse d'une chose qu'elle savait devoir éviter : un crâne. Il y avait un crâne.
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Nathaniel Albenco

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MessageSujet: Re: [RP] Disgressions philosophiques à propos d'un crâne - terminé [RP] Disgressions philosophiques à propos d'un crâne - terminé EmptyMer 8 Juil 2009 - 1:05

La poussière s’entassait depuis des jours dans son appartement, enfin son appartement, le quatre pièces qui lui servait parfois de logement, un espace où il y vivait peu car Nathaniel n’aimait pas être seul. Aimer est encore une exagération, il n’aime rien pourtant être entouré lui permet de se sentir mieux. Car c’est seulement dans ces instants qu’il peut exister, calquer sa vie sur les autres, les comprendre ou plutôt les disséquer. Et rien ne le motivait dans le vide de ces pièces, ici un lit impeccablement fait, là une petite bibliothèque dont les livres avaient été rarement ouverts, on pouvait aussi entrapercevoir une cuisine blanchâtre ainsi qu’un salon sobrement décoré, une table à peine et quelques coussins.
Vautré dans son fauteuil depuis une heure déjà, Nathaniel ne savait pas trop comment s’occuper, remplir ce néant momifié. Les yeux errant dans la vague, ceux-ci s’arrêtèrent sur la bibliothèque plantée là juste pour la décoration. Une idée lui vint, il sourit, un coup de vent plus tard, la poussière retrouva sa place sur un fauteuil vide.

Il suivit les couloirs à l’origine blanc, mais aujourd’hui tirant plus sur le verdâtre, puis il fut assailli par le fracas des rames, les conversations des gens, les supplications des mendiants, et bien d’autres agressions sonores. Mais sourd à tout ces bruits, Nathaniel marchait tranquillement, puis une fois sur le quai, il attendit. Un monstre de métal rouge tout en longueur s’engouffra dans la lumière après avoir quitté son antre d’obscurités, le jeune homme bondit dedans dès que les portes se furent ouvertes et s’installa confortablement sur un siège. Il y avait une vieille femme debout, juste à coté de lui, n’ayant nul endroit où s’asseoir et qui parvenait avec peine à tenir debout. Nathaniel la lorgna du coin de l’œil, il pouvait effectivement dans un élan de gentillesse, lui offrir sa place. Il aurait pu oui, mais les portes s’ouvraient déjà sur son arrêt, il descendit, ne se souciant plus des douleurs d’articulation de la grand-mère.
Toujours dans cet élan impressionniste, Nathaniel sortit de la rame du métro, paya un billet, décocha un regard insistant sur l’hôtesse d’accueil et soupira d’aise. Des allées de tableaux, la plupart des croutes, l’art était si subjectif (du moins c’est l’argument que l’on avançait à chaque fois), de ce fait on acceptait ici un peu tout et n’importe quoi. Il s’approchait d’abord d’une toile, faisant mine de s’y intéresser, parcourant rapidement le descriptif. Puis il partait dans une autre direction et recommençait son petit stratagème. Dans son dos, il percevait les mouvements des autres amateurs d’art (bien que lui-même ne se considérait pas comme tel), et cela lui suffisait.
Il passa deux heures ainsi, prêtant moins attention aux tableaux qu’aux gens. Beaucoup étaient des touristes, le pandémonium des langues étrangères qui se mélangeaient résonnait dans chaque couloir nouvellement découvert. Lors de ses errances culturelles, Nathaniel avait croisé quelques uns de ces hommes et femmes habillés de noir, les cheveux long et souvent gras, des petites lunettes et une écharpe autour du cou, clamant leur appartenance à un nouveau mouvement de jugement esthétique, ils étaient clownesques. Cette flânerie devint rapidement harassante pour les jambes du jeune homme, ce qui l’amena naturellement à se trouver un banc où s’asseoir. Une fois chose faite, il s’étira en tout sens, fit craquer ses articulations et se prêta à son activité favorite, l’observation de la foule. Un de ses seuls véritables hobbys. Quelques minutes s’écoulèrent et pendant cette durée, Nathaniel vit passer une obèse et son mari tout aussi énorme, deux adolescentes qui gloussaient et dont la présence semblait incongrue dans un tel lieu, un groupe de touristes armés d’appareils photos numériques, un jeune anticonformiste anarcho-gothico-rockeur, et bien d’autres personnalités grotesques. Mais dans toute cette agitation, il y avait une femme noire qui ne bougeait pas. Droite, raide plutôt, avec quelques restes de beauté sur le visage. Statique, elle ne quittait pas la peinture face à elle, Nathaniel avait devant les yeux l’espèce la plus rarissime de personnes qui fréquentaient les musées ou les galeries, les dévoreurs compulsifs. Des visiteurs obsédés et compulsifs qui auraient pu rester là à fixer une toile durant des jours s’ils l’avaient pu. Des affamés de couleurs comme lui l’était de douleurs. Ils étaient semblables.
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Sinéad O'Hegarty

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MessageSujet: Re: [RP] Disgressions philosophiques à propos d'un crâne - terminé [RP] Disgressions philosophiques à propos d'un crâne - terminé EmptySam 2 Jan 2010 - 17:22

Ils n'étaient pas si semblables que ça. A vrai dire, Sinéad n'était pas une affamée de couleurs ; ce qu'elle cherchait en venant ici, au musée, c'était des racines, des liens : plus que du visuel, elle cherchait du culturel. Et des réponses. Elle cherchait une certaine philosophie, un art de vivre qu'elle pourrait s'approprier et avec lequel elle pourrait vivre en harmonie avec elle-même. En cela, cette toile était fascinante - mais aussi dévastatrice, puisque de fait elle ne lui apportait que des réponses insatisfaisantes. Elle aurait dû s'interrompre et aller chercher ailleurs, mais sa curiosité avait fait qu'elle avait dû rester et explorer à fond tout ce que pourrait lui révéler en elle ce tableau.
Elle se sentait assez fatiguée d'avoir été statique pendant aussi longtemps. D'ailleurs, depuis combien de temps était-elle là ? Elle regarda son portable : 17h22. Depuis plus de deux heures ?! Impossible. Elle avait l'impression que ça faisait vingt minutes à peine... avait-elle été si absorbée dans ses pensées ?
En plus, elle devait sortir avec Isleen ce soir (pour une fois). Si elle voulait être à l'heure, il lui fallait se presser. Elle tapa un e-mail pour la prévenir :

Citation :
je suis encore au musée
on se rejoint devant

Elle n'eut pas le temps d'écrire plus puisque son portable lui échappa des mains à cet instant précis. Hébétée, elle le regarda s'éloigner d'elle quelques millisecondes avant de comprendre que s'il s'éloignait, c'était parce que quelqu'un le tenait. Et si cet homme s'enfuyait avec, ce n'était probablement pas pour lui en offrir un neuf.
Une fois que toutes ces pensées se connectèrent entre elles, Sinéad s'élança à la poursuite du voleur (elle laissa d'ailleurs son sac à main sur le banc) en criant :

- Eh ! Arrêtez-vous !

Il était assez peu probable qu'il s'arrêtât sur ce simple ordre, mais dans l'action, elle n'y pensa pas trop. Elle n'arrivait pas à le rattraper, et il allait bientôt sortir de la salle.
Ses bottines n'étaient pas faites pour ce genre d'exercice. Sinéad tomba peu après le début de sa course, et se retint à la seule chose qu'elle put attraper, entraînant ainsi Nathaniel avec elle.
Confuse, elle essaya de se relever pour continuer sa course-poursuite, mais la douleur qu'elle ressentit à sa jambe droite l'empêcha de se relever. Crampe. Elle voulut hurler mais se retint en se mordant les lèvres. Elle observait en même temps qu'elle était sur quelqu'un, et se dégagea aussitôt, puis essaya de s'en excuser, entre deux halètements de douleur.

- Exc... excusez-moi.

La mutante parvint ensuite vers le mur, sur lequel elle s'appuya, en restant assise. Elle aurait presque envie de pleurer, mais pour l'instant, elle subissait encore cette violente douleur physique qui lui accaparait presque toutes ses pensées. Elle ne songea pas du tout à demander de l'aide à cet inconnu qu'elle avait bousculé.
Qui d'ailleurs demanderait de l'aide à un inconnu ?
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MessageSujet: Re: [RP] Disgressions philosophiques à propos d'un crâne - terminé [RP] Disgressions philosophiques à propos d'un crâne - terminé EmptyVen 5 Fév 2010 - 23:36

Cinq minutes avant l’Evénement.
Son esprit avait dérivé sur un tout autre ailleurs. Après s’être conforté dans l’idée qu’il avait de la femme aux couleurs, un autre individu avait attiré son attention. Un homme. Gros, laid, hideux. Monstrueux. Non pas que Nathaniel entretenait une once de préjugés à l’égard des obèses mais l’incongruité de sa présence dans un tel lieu se mesurait à l’aune de son tour de ventre. Parce qu’il ne voyait pas ce qui l’entourait, ses yeux flasques glissaient sur les peintures comme si elles étaient faites d’huile, sa bouche moite était sujette à des crispations molles qui donnaient à peine l’impression de la vie.
Comment la femme aux couleurs pouvait rivaliser d’intérêt face à ce mastodonte de la malbouffe, cette représentation grasse de la haine de soi ? Et pendant que Sinead se faisait chaparder son portable de la manière la plus candide qui soit, Nathaniel contemplait sans se cacher cet ogre qui se détachait sur l’un des tableaux d’Oswald, un peintre norvégien hanté par la pensé du néant.

Une minute avant l’Evénement.
Nathaniel souriait d’une si cruelle ironie, et puis il ne comprenait toujours pas ce qui justifiait la présence de ce déchet humain, et pourtant ce n’était pas faute de s’imaginer toutes les possibilités imaginables. S’était-il perdu et succombant à la fatigue, s’était avachi sur le banc pour reposer les boudins qui lui servaient de pattes ?
Trente secondes avant l’Evénement.
Ou alors peut être qu’il était venu ici dans l’espoir d’épier les jeunes et jolies jeunes femmes ? Non, trop stéréotypé, et puis il y a sans doute bien meilleur endroit qu’un musée pour cela.
Quinze secondes avant l’Evénement.
Nathaniel n’entendait pas la cavalcade qui se jouait près de lui, trop concentré par son obèse. Il s’imaginait sa respiration semblable à un pneu crevé. Une sifflement entrecoupé de couinements grotesques et qui…
Il se sentit happer vers l’avant, il vit le sol, il n’eut pas le temps de comprendre, son nez s’écrasa violemment par terre, du sang gicla et il manqua de se sectionner la langue. Nathaniel se redressa, un peu groggy, les idées trop troubles pour savoir encore ce qui venait de se produire. Il vit quelqu’un s’éloigner de lui en bégayant, et puis ses yeux se posèrent sur son col. Alors que ce matin il était blanc, le voilà rouge. Et ça s’étendait sur le devant de la chemise, comme un ruisseau sanguinolent sans fin.
Il palpa son nez, si celui-ci n’était pas cassé, du sang coulait néanmoins en continu.
Du sang sur son habit, impossible.
Il pencha la tête en arrière et tourna la tête dans la direction de Sinead, une lueur menaçante au fond des yeux. Puis il explosa :


- Dites donc, cela vous arrive souvent de vous jeter sur les gens comme ça ? Une chemise toute propre, vous savez le temps que ça prend à nettoyer le blanc ? Surtout le sang, c’est salissant et impossible à enlever ! Regardez moi ça, j’en ai foutu partout avec vos conneries vous pouvez être fière de vous, avec tout ça j’ai l’air bien malin englué dans ma propre hémoglobine !

Les regards se tournèrent vers eux de façon prévisible. Certaines personnes avaient vu le vol (et pas grand monde au final n’avait pris le fuyard en course), et une altercation entre deux individus c’était bien plus passionnant que la détresse d’une faible femme.
Nathaniel aurait pu prendre en pitié Sinéad, et lui épargner ce genre de scènes, car son air crispé et son regard désolé aurait fait fondre plus d’un homme. Mais lui n’avait en premier lieu, aucune pitié, encore moins pour de grands yeux humides et surtout, c’est ce qui le motivait avant tout, les gens s’attendaient à ce qui braille un minimum après une telle agression. S’il était resté stoïque, les spectateurs auraient pu trouver cela bizarre, et Nathaniel craignait par-dessus tout, d’être suspect aux yeux des humains.
C’est qu’il tenait à sa tranquillité plus qu’à tout autre chose.
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MessageSujet: Re: [RP] Disgressions philosophiques à propos d'un crâne - terminé [RP] Disgressions philosophiques à propos d'un crâne - terminé EmptyDim 28 Fév 2010 - 1:45

Ça lui faisait mal. Ce n'était pas insupportable. La douleur physique, elle connaissait. Cela faisait quelques temps qu'elle ne l'avait pas éprouvée.
Céder à la panique, ce n'était pas son genre. C'est pourquoi et malgré la colère palpable de Nathaniel, elle préféra se concentrer sur sa douleur. Se concentrer est un terme inexact pour ce qu'elle faisait, à propos : elle voulait tout à la fois échapper à sa peine et en saisir les informations nécessaires à son bon soin.
Elle eut la vision trouble. Rien de grave, jugeait-elle.
Dans la douleur, une foule de mots, d'images, de sons, de sensations, lui venaient. Les premières notes de l'Hiver de Vivaldi, des cours d'immunologie, Isleen, son portable, les couleurs flamboyantes d'une toile obscure et des mots d'amours de jeunesse se bousculaient en elle. Elle allait bien. Elle le savait : très probablement, juste une crampe.
Elle leva ses yeux noirs vers l'infirmier. Il lui parlait, lui bousculait des mots de haine et de colère. Elle aurait voulu lui répondre proprement : avec plus de fermeté, plus de calme, ironiquement placide - de manière à, sans aucun doute, placer un fossé entre eux deux et à exprimer une domination ferme intellectuelle. Elle n'en avait pas l'esprit : aussitôt qu'elle eut l'idée, elle l'oublia dans une giboulée de douleurs.

- Vous n'avez...

Elle était oh, petite fille, elle n'était qu'une petite fille, a doll, yes just a dolly, elle ne pouvait pas savoir ce que ça faisait de mourir yet tell me dolly, does it hurt to die ?, elle l'imaginait, elle savait, instinct, elle le savait d'instinct, d'Einstein elle le savait.

- Du sang ? C'est blanc, c'est salissant ce sang.

There was a crooked man, and he went a crooked mile,
And found a crooked sixpence against a crooked stile,
He bought a crooked cat, which caught a crooked mouse,
And they all lived together in a little crooked house.


- Sauf si cette chemise est vieille, elle sera comme neuve demain, comme hier neuve. L'hémoglobine Hb, c'est un concentré de vitalité : c'est vital.

There was a cramped mutant and she went cramped and wild
She was stolen by a cramped up-heart
And rushed into a cramped-wit man
They all fought together in a little cramped mausoleum.


- Il y a quelque chose de louche.

On la rappelait à elle : c'était un appel involontaire, puissant. Elle se sentait soudain épuisée d'avoir tant ouvert son esprit, violée d'avoir fait tant déborder son esprit d'elle-même.

- J'hallucine.

- J'hallucine.

Brusque retour à la réalité. Elle se sentait brûlante. Rien n'avait changé autour d'elle. Cela avait duré quelques secondes.
Sa douleur était toujours présente, mais égarée, diffuse dans sa propre confusion.
Avait-elle parlé ? Elle n'en était pas sûre. Si elle l'avait fait, les gens ne s'étaient rendus compte de rien, car personne ne s'était approché, bien que tout le monde les regardât. Typique réaction : l'incident ne se révélant pas très grave, personne n'aidait, mais personne pour autant n'abandonnerait de se délecter de ce délicieux tableau : mieux que les émissions d'holoréalité, un spectacle gratuit et réel leur était offert. C'eût été de mauvais goût de le refuser.
Elle se calma, et se concentra sur le plus urgent pour le moment. Elle venait d'halluciner - elle en était certaine. Pourtant, elle n'avait - elle pensait n'avoir - qu'une crampe. Alors quoi ? Est-ce que c'était plus grave que ce à quoi elle pensait ?

- Je dois aller à l'hôpital.

Elle se leva péniblement, essaya de se calmer encore. Elle écouta son pouls. Il ralentissait, très légèrement.
Maintenant, l'autre con. Non, l'autre personne.
Ne pas céder à la colère, ni créer de boucs émissaires.

- Je suis désolée... je vous dis.

Elle alla chercher, boiteuse s'appuyant contre le mur, son sac tombé à quelques pas, et en sortit une toute petite trousse de secours - en ce Sinéad était plus craintive que prudente.
Elle s'approcha de Nathaniel, lui prit la face d'une main ferme et forte et épongea son sang. Elle n'avait pas le temps, pas l'envie, d'être délicate et elle faisait cela à contrecœur, quoique espérant que sa rudesse gênerait l'homme, rude lui-même.

- Je ne crois pas que vous ayez une fracture. Même si je crains que ça ne vous empêchera pas de passer vous aussi par l'hôpital... et ses urgences.

Grimaçant, elle relâcha soudainement Nathaniel. Ce n'était rien. Ses yeux en peine ne le révélaient pas, mais elle connaissait plus sourde douleur.
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