Jack attendait patiement dans sa voiture. Il avait à la main une balle d'un fusil de tir, les doigts parcourant la surface de la munition, à la recherche de la moindre imperfection. Entre son index et la surface de la balle se trouvait un morceau de lime, qui retravaillait le profil jusqu'à rendre la surface suffisament lisse pour que cela convienne à l'agent. Sniper un jour, sniper toujours. Chacun avait ses préférences pour les munitions, la forme de la balle, la quantité de poudre dans les douilles. Jack avait toujours eu l'habitude préparer chacune de ses balles à la main avant de les utiliser. Une fois la balle suffisament affutée à son gout, il la placait dans un chargeur. Chacun avait un marquage correspondant aux différentes balles qu'il avait préparée. Entre les antis-blindage, les têtes creuses à fort pouvoir stoppant, les chemisées qui avaient le plus fort potentiel de dégat sur un corps humain, etc...

Il aurait pu passer la journée ici, à s'occuper seulement de ses munitions. Mais un écran s'alluma, et Jack vit le visage de l'agent du renseignement qu'il avait contacté 2 heures plus tôt.

Des nouvelles??

Oui, mais pas du coté auquel on s'attendait. On a fait un scan large des communications, par internet rien, par appel ceux qui sont cryptés sont trop court pour qu'on arrive à briser le code, mais les sniffeurs que l'on a placé ont intercepté plusieurs messages écrits qui ont été émis il y a deux heures. On n'a pas encore l'émetteur, mais on a pu cracker les codes de cryptages, les messages restant plus longtemps sur le réseaux. Deux sont interessant. C'était exactement au moment de votre première visite selon votre opérateur. Voici le message:

Citation :

"Le nid n'est plus utile après le passage du prédateur. La survie ne tient qu'à l'envol"

Pour Jack s'était assez clair. Si c'était vraiment au moment de sa visite à l'appartement d'Appleby, c'est que quelqu'un devait le surveiller.

Vous avez la localisation du receveur??

Oui, en France. Zone rurale, assez isolée. On a pu définir une zone restreinte, mais pas assez précise pour une intervention directe.

Je me débrouillerai. Je dois faire vite, et des renforts n'arriveraient pas assez vite. Elle va surement bouger. Envoyez les données sur mon PDA, je me rend à mon transport. Continuez de chercher.

L'agent opina de suite et rompit le contact. Jack démarra, et partit en trombe. Il ne lui fallu que moitié moins de temps pour retrouver son vaisseau. Il transborda rapidement son matériel, et décolla au plus vite. Les coordonées transmisent à l'ordinateur de bord, il mit le cap sur la France, puis passa en mode automatique, pour aller se préparer. Il prit deux armes de poing, un pistolet plasma et un à balles solides, munie d'un silencieux. Il prit aussi un fusil d'assault, et un fusil de tir AEM. Il avait découvert récement les derniers modèles, et il devait avouer qu'il les appreciait de plus en plus, le paramètre douille et poudre étant écarté par une propulsion dix fois plus efficace et précise, le recul étant largement réduit. Il ne prit que des munitions anti blindage et à tête creuse.

Il chargea le tout dans le bungie, vérifia que la mitrailleuse sur son toit était opérationelle, même s'il ne comptait pas s'en servir. Il eu a peine finit ses préparatifs que l'ordinateur signala l'approche des coordonées choisies. Boulogne sur Mer était en vue. Un bois était situé à quelques kilomètres de la ville. Jack revint à son poste de pilotage, et prit en charge les dernières manoeuvres. Une fois posé, il ouvrit la porte de la soute, et sortit le bungie.
Alors qu'il allait partir sur les chapeaux de roue, il reçu un appel.

On a pu rétrécir la zone d'intervention à quelques maisons. Coordonées transmises. La surveillance vie les caméras de surveillances dans le quartier est opérationnelle. Si on la voit sortir, elle ne nous échappera pas.

Bien. J'arrive.

Il alluma les phares surpuissants du bungie, et démarra en trombe, bien que le moteur soit plus silencieux qu'on pourrait le penser. Jack s'engagea sur les chemins de campagne à vive allure, traversa les champs en ligne droite pour gagner du temps. A l'approche de l'orée de la forêt, il éteignit ses phares, et se prépara à s'engager sur les routes plus conventionelles. Il n'allait pas être discret, mais là c'était sans importance. Mais son instinct l'incita à regarder autour de lui. Il avait une impression sur laquelle il n'arrivait pas à mettre des mots. Comme si... on l'osbervait, ou était suivit. Pourtant il n'y avait pratiquement aucune chance que quelqu'un soit là pour lui, ou dans le coin. C'était impossible.

L’horloge sur le mur avait finit par exaspérer l’humaine qui l’avait décrochée et posée face cachée sur la table. Ainsi, les heures continuaient de défiler mais June ne les voyait plus et ne se sentait plus narguée par cette aiguille qui n’avançait pas. De cette façon, l’humaine avait l’impression de ne plus voir le temps qui semblait s’être suspendu depuis la veille. Mais ce n’était qu’une impression. L’incertitude dans laquelle l’avait plongé la visite de Twikeyja, elle continuait hélas de la ressentir dans toutes les fibres de son corps

La seule lueur d’encouragement qui l’aidait à tenir pour l’instant était le message de Virginie qu’elle avait reçu dans le courant de l’après midi. Une piste…

« C’est moi. Ça avance. L’équipe est prête. On est dans le jet. On va à Vancouver. La Confrérie a une piste. Je te rappellerai dés que j’en saurai plus. Toi, reposes toi, penses à t… ta santé. »

C’était maigre, mais au moins c’était quelque chose. Un début. Un espoir. Comment la Confrérie l’avait-elle trouvée cette piste, elle l’ignorait et elle n’avait même pas songé à le demander à son assistante. Il fallait limiter les communications, par mesure de sécurité. Ils avaient enfin un point pour commencer les recherches et c’était le principal.

La nuit commençait à tomber sur Boulogne-sur-Mer et tandis que Bernie tentait de remonter le moral de son amie en lui préconisant d’arrêter de se manger les doigts (c’était toujours mieux d’en laisser un pour le lendemain !), le communicateur de June vibra à nouveau

"Le nid n'est plus utile après le passage du prédateur. La survie ne tient qu'à l'envol"

Mais cette fois, les nouvelles n’étaient pas bonnes… June qui avait espéré des nouvelles du front désenchanta rapidement lorsqu’elle comprit l’avertissement de Léa

« Merde ! »

Le sourire de Bernie se figea

- Quoi ?
« Il faut que je parte ! »
- Tout de suite ? Et dans ton état ? Pas question ma vieille, t’es venue jusqu’ici, je ne te laisserai pas ressortir seule

June s’était déjà précipitée sur ses vêtements, perruque, lentilles et compagnie

« J’ai pas le choix Bernie, ils ont fouillé mon appart. Il ne faudra pas longtemps pour qu’ils tracent l’appel de mon contact jusqu’ici. Il est peut-être même déjà trop tard »

La jeune femme se bagarra quelques secondes avec sa splendide perruque blonde et ses lentilles –c’est que, ce n’était franchement pas facile à mettre ses trucs-là avec les mains qui tremblent- et enfila tant que mal sa veste. Elle passa malgré tout une main sur son ventre qui protégeait encore un petit être qui était loin de se douter de la situation de ses parents.

*je t’en fais voir de toutes les couleurs en ce moment, j’espère que tu ne m’en voudras pas trop*

- Si tu pars, je viens avec toi ! Et ce n’est pas négociable, s’impressa d’ajouter Bernie qui mit ainsi court aux futures protestations de son amie. Il ne la connaissait que trop bien

« Très bien, si tu y tiens » June n'avait de toute façon pas le temps d'argumenter de batailler pour que Bernie reste ici. Quoiqu'elle dise, le jeune homme était à peu près aussi têtu qu'elle, c'était peine perdue, il ne l'écouterait pas et n'en ferait qu'à sa tête !

- Et comment ! Dis moi simplement où on va

Ca, c’était une bonne question et l’humaine répondit la première chose qui lui passa par la tête, sans réfléchir

« A Aix… on descend à Aix-en-Provence… Plus je m’éloigne et mieux ce sera, il ne faut pas qu’on nous trouve, surtout pas mon bébé »

Le fait qu’il y avait sans doute quelqu’un là-bas qu’elle aurait bien aimé voir, n’entrait donc absolument pas en compte dans sa décision. Bien entendu

Bernie fit le tour de son appartement afin de s’emparer du nécessaire pour survivre en cas de problème. Il jeta un dernier coup d’œil à l’humaine. Elle était méconnaissable en blonde et les lentilles transformaient à merveille son regard vairon en deux yeux bruns insondables. Bernie tenta une ultime plaisanterie pour détendre l’atmosphère

- Tu sais que le blond ça ne te va pas du tout ?
« C’est possible, mais je ne suis pas la seule dans ce cas », répondit l’humaine du tac au tac en repensant à la perruque blonde qu’avait utilisé un certain tatoué, lui aussi pour pouvoir mieux se fondre dans la masse

- J’espère que cela suffira le temps d’atteindre ma voiture
« De toute façon, je ne peux pas faire mieux, sauf si tu connais un truc pour masquer 7 mois de grossesse »

En guise de réponse, Bernie empoigna June et l’entraîna doucement mais fermement derrière lui. Avant de quitter le pas de la porte, il sonda d’un rapide coup d’œil la rue. Tout semblait calme. Ils n’avaient qu’une centaine de mètres à parcourir à pieds dans les vieilles ruelles de la ville jusqu’au rempart, là où était garée la voiture de Bernie. Il avait pris l’habitude de se garer là-bas car c’était plus facile le matin pour se rendre au boulot. Mais en l’occurrence, Bernie aurait apprécié d’avoir garé sa voiture plus près…

Il prit la main de June qui comprit aussitôt son idée. Dans son état, ce n’était pas recommandé de courir. De plus si on les voyait courir, cela pourrait paraître suspect. La meilleure solution résidait donc dans la simulation. Les deux jeunes gens simulèrent un couple se promenant à la tombée de la nuit, calmement…Si on omettait le stress qui faisait battre à tout rompre le cœur de l’humaine

Que quelques mètres, ils allaient y arriver non ?

La trace était devenue tangible, précise, saisissante. Doux et heureux hasard que de pouvoir traquer corrélativement à sa propre fuite. Après plusieurs longues minutes, la technopathe avait réussi à localiser l'intrus, et à déterminer sa nature humanoïde : les appareils utilisés par la BCGDCA changeaient rarement de signaux, et on ne confiait l'usage de ces machines que quasi exclusivement à ces pourritures d'humanos. Quelle erreur.

Sans plus y réfléchir, Domino avait entamé sa course à la seconde près. Une seule information lui suffisait, elle l'avait eu : sa cible n'était pas encore arrivée à destination, mais Domino y serait avant elle. Boulogne sur mer, la porte à côté de sa planque improvisée. Elle n'avait besoin de rien d'autre pour la pousser à assouvir des instincts qu'elle refoulait bien trop souvent pour être pleinement satisfaite. Ce ne serait qu'une victime parmi tant d'autres, mais elle méritait au moins toute l'attention sadique et cruellement intelligente de la mutante, jusqu'à sa mort. En constant contact mental avec ses appareils personnels, la mutante s'informait et élaborait un tas de scénarii en fonction de ce que les machines lui communiquaient. Elle n'avait pas le droit à l'erreur, les répercussions d'un tel échec seraient beaucoup trop douloureuses, même si on se limitait à un éventuel second rapt de la mutante par le Cercle.

La technophathe avait d'ores et déjà établit un périmètre à ne pas dépasser, la discrétion étant préférée. Longeant de long en large ce secteur aux lignes imaginaires, Domino eut la précaution de poser quelques pièges, mais rien de bien suffisant. L'urgence de la chose lui avait fait omettre quelques préparatifs, mais peu importait. Sans moyens ou pas, sa cible, cet humanoïde anonyme, allait mourir. Avec la vitesse démesurée de quelqu'un de trop souvent pressé par le temps, Domino s'arma. Tout son attirail était exclusif, car de sa propre confection : quatre grenades à plasma venaient accompagner deux pistolets paralysants à décharge électrique, tandis que quelques couteaux et lames composaient avec un brouilleur sonique et un fusil d'appoint conventionnel modifié. Des objets trafiqués volés à ses victimes ou lors de sa fuite, mais là n'était pas la clé de son équipement.

Ses lunettes dotées de senseurs lui permettant de détecter les différentes sources d'énergie ou d'analyser n'importe quel circuit électronique étaient en effet un atout de taille. Une fois combinées avec ses talents technopathiques, peu de machines résistaient à son appel. Il suffisait donc que sa cible en dispose pour que la situation tourne à son avantage...

Dissimulée à une centaine de mètre de l'endroit où elle attendait le passage de sa cible, Domino guettait attentivement. L'homme, ou plutôt la chose qu'elle voyait conduire avait l'air coriace, et surtout très bien équipée, mais la mutante ne se défila pas, au contraire. La saveur tant souhaitée du défi l'emplit rapidement, elle allait agir, et vite. Ses pouvoirs mutants eurent tôt fait d'établir un lien avec le bungie de l'humano, si bien qu'elle esquissa un sourire en coin significatif du plaisir malsain qu'elle éprouvait.

- Boum.

D'un seul coup, le bungie décrocha de la route pour aller s'engouffrer dans les arbres à une allure folle. Sans même attendre l'impact, Domino courrait déjà vers sa victime.

Rage et vengeance. Désarçonnée face à ces deux sentiments, Domino en avait oublié la vigilance la plus élémentaire, mais peu importait. C'était marche ou crève, et cela depuis toujours.

Indéniablement, l'humanoïde l'avait surprise. La mutante manquait souvent de discipline et de sang-froid face aux membres du Cercle, entraînés à faire face à toutes les situations en effaçant le moindre risque d'étonnement de leurs esprits. Une tare. La promesse d'un combat rude offert par une étonnante répartie ne faisait qu'exacerber l'excitation, le plaisir. Par conséquent, cette pourriture d'humano allait le payer cher, très cher.

Malgré sa cécité passagère, Domino réussit à reprendre ses esprits rapidement. La moindre paresse lui serait fatale, il fallait qu'elle bouge constamment histoire de compliquer la tâche de son adversaire et de sauver sa peau. Mais il était hors de question de laisser une telle attaque impunie.

Sa peau frémit. Cet humanoïde empestait la technologie mais pourtant, Domino n'arrivait pas à affirmer une quelconque emprise sur ses câbles. Le toucher... Là résidait sûrement la seule solution, mais comment y parvenir ? Sans arrêter de se mouvoir, la mutante recouvrait peu à peu la vue, et explora en un temps éclair les éventualités qui s'offraient à elle. Le bungie était toujours proche, prêt à lui servir...

D'une pensée, elle reprit le contrôle de l'appareil. Il fallait reconnaître que le Cercle ne lésinait pas sur les moyens qu'il donnait à ses agents, ce qui paradoxalement lui nuisait et lui profitait, mais à l'instant présent, le véhicule allait lui offrir une diversion salvatrice. Poussant ses capacités au maximum, Domino l'envoya le plus rapidement possible distraire l'humano, une nouvelle fois chargé par la bête mécanique, créant ainsi l'opportunité d'approche que la mutante n'avait en aucun cas le droit de laisser passer. En effet, ce court laps de temps ne lui délivrerait que quelques secondes, et cela devait suffire coûte que coûte.

Une fois le bungie en route, Domino se mit en marche. Surprendre l'humano grâce à un angle mort, l'étreindre, le faire souffrir. Ce seul shéma baigné de promptitude violente lui paraissait faire l'affaire. Sans avoir vraiment les idées claires, elle s'approchait de sa cible parallèlement à la machine qu'elle était en train de contrôler, fidèle à un timing diaboliquement parfait. Elle vit son ennemi se débarrasser du véhicule en le déchirant comme une feuille de papier, mais au moins son attention était ailleurs, et c'était ce qu'elle souhaitait.

D'une geste vif et précis, elle empoigna de ses mains les bras de l'humano par le dos, et amorça son emprise. Le potentiel de sa mutation était multiplié une fois un contact physique mis en place, et cette petite merde du Cercle qu'elle commençait à parasiter allait en faire les frais. Domino arborait un sourire carnassier, car elle était parfaitement consciente de ce qu'elle était en train de ressentir. Elle n'arrivait toujours pas à prendre le dessus sur les dispositifs placés dans les avant-bras de l'humano, mais une prémisse de lien s'était incontestablement formée, d'où découlerait une certaine maîtrise...

- Le sens-tu ? Lui murmura-t-elle, sens-tu cette perte de contrôle, cette sensation de ne plus être tout à fait maître chez soi ? Est-ce que tu sens cette putain de saloperie, ordure !!?

Domino se recula peu à peu, et dégaina une lame de sa ceinture.

- Tu vas crever, connard.

A peine eût-elle le temps d'avancer que l'humano la propulsa sèchement en arrière d'un revers du bras avec une force inouïe. L'air furieux qui dominait son visage ne présageait rien de bon, mais Domino continuait de sourire.

Que le spectacle commence...

Inconsciente de l’apocalypse qui se déchainait de l’autre côté de l’océan, June courrait. Car malgré toutes les mesures de prudence qu’ils avaient voulu prendre, l’humaine et Bernie avaient accéléré le pas pour parcourir les derniers mètres qui les séparaient encore de la voiture. Ils s’engouffrèrent à l’intérieur et leurs portières claquèrent à l’unisson. Le cœur de June battait à tout rompre dans sa poitrine. Cela faisait longtemps qu’elle n’avait plus ressenti cette poussée d’adrénaline. Celle de la peur qui vous tordait les entrailles lorsque vous saviez le danger à vos trousses. Cette sensation grâce à laquelle vous pouviez réaliser la chance d’être en vie et qui vous poussait inlassablement vers la volonté de le rester. Un sentiment que la jeune femme connaissait bien mais dont elle se serait bien passée aujourd’hui. Car aujourd’hui, c’était différent. Elle était enceinte. Elle ne risquait plus uniquement sa propre vie. Et la simple idée de savoir son fils –sa chair et son sang !- en danger aussi la rendait malade.

"Démarre Bernie, vite !"

Son ami ne se fit pas prier. Les pneus de la voiture crissèrent sur le sol dallé de l’avenue du port et la voiture fila le long des remparts. Deux phares aveuglants crevèrent la nuit alors que la voiture s’engouffra sur la départementale. Bernie, bien que calme d’apparence, était proche de l’état d’anxiété de l’humaine. Le stress généré par la peur était contagieux. A cet instant, il savait que son amie venait de l’embarquer dans une aventure comme elle seule pouvait le faire. Une aventure à haut risque et potentiellement mortelle. Le jeune homme jeta un coup d’œil à ses mains sur le volant. Il se savait légèrement rouillé mais il allait devoir récupérer ses réflexes de survie à présent.

- Pourquoi le sud, Judy ?

Parler. Interrompre ce silence oppressant. Parler pour ne pas penser à ce qu’ils fuyaient. Parler pour se prouver qu’ils étaient encore en vie. June avait fermé les yeux et mit quelques secondes avant de répondre. Dans la précipitation, c’est la première idée qui lui était venue à l’esprit mais pourquoi précisément ? La raison, si elle la devinait à peine, était encore inconsciente.

"Je ne sais pas… Pour fuir Londres… Pour fuir le plus loin possible…

- Et seulement pour ça ?

Bernie gardait les yeux sur la route mais il n’avait pas oublié ce qu’il avait dit à June dans son mail. La jeune femme ouvrit les yeux et sourit légèrement. Même maintenant, son ami n’avait pas perdu l’habitude de lire en elle comme dans un livre ouvert. Elle passa une main sur son ventre tandis que l’autre s’agrippait à la portière. La voiture filait à toute allure, Bernie ayant volontairement oublié la notion de respect de vitesse.

"Peut-être pas, avoua la jeune femme, il y a peut-être quelqu’un là-bas susceptible de m’aider. Et désormais c’est la seule personne que nous ayons encore..."

- Mais tu ne le connais pas…


"Je sais et dans notre situation je pense que c’est un avantage. Ceux qui me poursuivent ont sans doute déjà décrypté ma vie de a à z pour me retrouver si rapidement après avoir découvert ma relation avec Kenjiss. Et je ne vois pas comment ils pourraient savoir quelque chose que j’ignore moi-même… " du moins, elle l’espérait vivement. Il était facile de découvrir ce que l’on cachait avec toute la technologie que le Cercle avait à sa disposition, mais ce que la jeune femme elle-même cherchait à savoir depuis des années ?

Bernie devait admettre que le raisonnement de son amie était logique, comme toujours. June avait une tête et elle savait s’en servir. Ce qui lui avait permis de sauver sa peau déjà bien des fois.

- Et en admettant que ce soit bien lui, que feras-tu s’il ne te reconnaît pas ?

La jeune femme n’eut pas le temps de répondre. Quelque part derrière eux, une explosion venait d’illuminer la forêt qu’ils longeaient sur 2 kilomètres à la ronde au moins.

Bernie jeta un coup d’œil dans son rétro-viseur, anxieux.

- Ce sont eux tu crois ?

"J’en sais rien et j’ai pas du tout envie de le savoir ! Accélère !"

June se cramponna et le jeune homme ne se fit pas prier. Il enfonça l’accélérateur et la voiture frôla bientôt les 150 kilomètres à l’heure sur une route qui n’en tolérait sans doute pas plus de 90. June serra les dents. Après tous leurs efforts, il n’ était pas question de tomber. Ils lui avaient déjà pris Kenjiss, il était hors de question qu’ils lui prennent aussi son bébé

"Fonce, Bernie ! Fonce, je t’en supplie ! Ils ne faut pas qu’ils le découvrent !"

Désemparée, des fines larmes perlèrent sur ses joues. Cette fois, ses deux mains étaient posées sur son ventre. Une bien maigre protection contre la menace qui rôdait mais qui prouvait de façon indéniable ce dont June doutait depuis des mois. Elle ne s’en rendait pas encore compte mais son instinct maternel était bel et bien là. Prêt à tout pour sauver sa progéniture…

Une douleur stridente s'était soudainement diffusée dans sa main droite. Domino projetée à terre, son arme propulsée au loin, l'humano avait su reprendre le contrôle la situation en quelques secondes. Derrière sa mine malsaine, presque enthousiaste, la mutante cachait une légère part de peur, de doute. Cet ennemi là était d'une autre trempe que les autres qu'elle avait déjà eu l'occasion d'affronter, et même de tuer. Le challenge qu'il représentait avait un goût amer, car il présageait une potentielle défaite, avec toutes les terribles conséquences qu'elle engendrerait. Pourtant, elle sentit une brusque et agréable montée d'endorphine lui redonner sa conscience meurtrière. Troublée, elle n'avait pas écouté ni compris les palabres de l'humanoïde, trop occupée à savourer la moindre palpitation d'adrénaline. Là résidait toute son énergie, et la déployer n'était le résultat que d'un pur désir assassin.

Elle leva les yeux vers sa cible, une démence incontrôlable convulsant sous ses pupilles. Elle sentit contre sa peau le contact pernicieux et métallique du câble qui s'était enroulé autour de sa cheville. L'humano l'avait dans sa ligne de mire, appuyait progressivement son doigt sur la détente. Agir... agir...

Un instinct sauvage anima son corps. D'un écart d'une rapidité incroyable, elle se mit en mouvement, et la balle que venait de tirer son ennemi vint seulement écorcher son bras. Sans se soucier de la douleur, elle prit le câble des mains, et y déchargea une secousse technopathique. L'humanoïde eut un rictus de douleur. Ses mains étaient lacérées, mais le câble avait cessé son emprise.

Domino se leva. Sans plus réfléchir, obéissant aux ordres que lui donnait sans relâche son corps, elle entama une chorégraphie macabre, une lame dans chaque main. A présent face à face, l'humanoïde essuyait tant bien que mal les assauts répétés de Domino, qui ne lui laissait pas une minute de répit. La mutante avait réussi à le taillader à plusieurs endroit, mais l'esquive dont faisait preuve son ennemi l'empêchait de lui infliger la moindre blessure sérieuse. Dépassé au début, l'humano stabilisait sa position, et parait de plus en plus de coups. La rage qui guidait les gestes de la mutante la rendait imprécise, lui interdisait de prendre le dessus devant les règles de combat dont faisait preuve sa proie. D'une contre-attaque, l'humanoïde réussit à l'atteindre au visage, mais l'une des tentacules de la mutante lui infligea une nouvelle décharge, le faisant reculer.

Domino cracha une dent. La distance qui les séparait lui permit d'aviser. Il fallait continuer à le harceler.

L'humanoïde chargea, une animosité semblable à celle de la mutante dans le regard. Elle para à l'aide de son fusil d'appoint, qui ne supporta pas le choc de l'attaque. D'un coup de crosse sur le sternum, elle réussit à le faire reculer de nouveau, étouffant son amertume dans un hoquet. Elle dégaina un pistolet paralysant et tira. L'humanoïde, sonné, n'eût pas le temps d'éviter le projectile libéré par l'arme, qui le frappa en pleine poitrine. La décharge électrique lui fit pousser un cri. Domino ne perdit pas de temps et fonça. A hauteur de sa cible, elle lui infligea un violent coup de pied au visage, faisant surgir une giclée de sang. Profitant des quelques secondes que lui offrait l'effet paralysant de son arme, elle réaffirma la domination qu'elle avait entamé sur les améliorations technologiques de son ennemi. Agenouillée au-dessus de l'humanoïde qui gisait à terre, la mutante usa de l'une de ses tentacules pour chaque câble. Elle sentit un frisson de souffrance parcourir l'échine de l'humano. Souriante, tirant une nouvelle lame de sa ceinture, elle baissa ses lèvres juste au-dessus de celles de Jack.


- Comment croyais-tu t'en sortir ? lui murmura-t-elle, Tu as été plus coriace que tes précédents semblables, mais tu n'échapperas pas à la règle. Je suis Domino. Je suis votre bête noire, et la vendetta mutante ne fait que commencer.

Toujours souriante, elle leva son bras armé, prête à en finir. Mais une force inconnue l'entrava. Tournant sa tête à son arrière, elle vit l'un des câbles serrer progressivement son poignet.

- Impossible...

Domino fut catapultée dans les airs avec une force effarante. La dernière chose qu'elle perçut fut la joie haineuse de l'humanoïde, débordant de son regard sanguinaire.

Tout ce passa si vite. Son doigt pressa la détente de l'arme qu'il tenait. Une balle partie. Il avait visé juste, elle touchera son but. C'était si simple... Mais pas tout le temps. L'humanoïde vit son adversaire réagir à la dernière seconde, et bougea juste ce qu'il faut pour ne pas être atteint par la balle, ou presque. Juste une éraflure. C'était rageant. Mais ce n'était pas finit. Il la tenait encore par le cable. Seul problème: elle comptait pas rester prisonnière bien longtemps. Les deux mains sur le cable, à s'en déchirer la peau, elle déchargea ce qui devait être une onde technopathique. Saloperie de mutant. Une douleur, vive, cuisante. Il fallait relâcher la prise. Le cable se desserra, glissa entre ses mains, revint se cacher à sa place habituelle. Douleurs encore...

Jack se tenait le poignet, en le secouant pour faire passer les fourmis brulantes qui parcouraient tout son avant bras droit. Il vit au dernier moment Domino lui fonçer dessus, complétement enragée, un couteau dans chaque main. Il se mit en position de garde, et tenta de parer les coups. Plusieurs passèrent sa garde, mais ne firent rien de grave, lui infligeant seulement quelques égratignures. Il prit rapidement le rythme des coups portés par la mutante, qui ne semblait plus vraiment réfléchir. Il para de plus en plus de coups, jusqu'à trouver une faille. Il s'y engouffra, et lui décocha une sévère droite dans le visage. Mais la victoire fut de courte durée, car au passage il fut en contact avec l'une des tentacules, qui lui déchargea une nouvelle onde dans le système de contrôle de son amélioration.

L'humanoîde se resaisit rapidement, et lui fonça dessus pour maintenir la pression. Lui lança un coup de pied, que la mutante para avec un fusil. Il se brisa en deux sous l'impact, et Domino s'en servit pour le frapper au sternum avec l'un des bouts. Il recula, en suffocant, car il venait d'avoir la respiration coupée, et prit une nouvelle décharge, mais cette fois d'un pistolet électrique. Il ne put empêcher la mutante de prendre le dessus. Il se retrouva plaqué au sol, tandis qu'elle prit le contrôle de son amélioration... du moins c'est ce qu'elle put penser.

Quand il put se reconcentrer, Domino était au dessus de lui, un couteau à la main. Il fallait réagir, et vite. Un arbre au dessus, une branche... les cables!!! Ils réagirent... plus lentement, mais ils réagirent. L'un d'eux partit silencieusement faire le tour d'une branche basse, tandis que Domino savourait sa "victoire". Mais son sourire s'effaca quand elle tenta de lui asséner un coup de poignard qui aurait été fatal. Ce fut au tour de Jack de sourire.

Idiote, et prétentieuse... tu t'es levée 100 ans trop tôt pour me tuer.

Le cable se rembobina, et tira Domino vers le haut. Et cette fois, pas question de lui laisser le temps de faire quoi que ce soit. Jack se dégagea, et tira sur le cable de toutes ses forces, en rembobinant en même temps. La mutante se retrouva catapultée vers le haut, frappa la branche qui se cassa sous le choc, et retomba au sol. Jack airlines, bienvenue à bord, et bon voyage.

L'humanoïde s'approcha, tira une partie du cable, et l'utilisa pour étrangler la mutante. Il maintint la pression pendant quelques secondes, puis relâcha la pression, ce qui eut pour effet de bloquer le sang vers le cerveau, puis de l'inonder d'oxygène et de CO2. Syncope immédiate.

Tu as de la chance, les patrons te préfère vivante... quoi que, je ne sais pas si c'est de la chance.

L'humanoïde retourna au bungie, et sortit une mallette. Il l'ouvrit, prit une capsule qu'il arma dans un pistolet pneumatique, et revint vers Domino. Il lui appliqua le canon sur la base du cou et appuya sur la gachette. Jack venait d'injecter à Domino l'équivalent de trois doses de tranquillisants pour mutant type Béhémot, le même genre qui a été utilisé pour neutraliser un mutant à Vancouvert alors qu'il était inarétable, et qui enverrait ad patres deux ou trois Fléau avec une seule dose. Domino ne se réveillera pas de sitôt, quand elle sera entre les mains du Cercle.

Jack la souleva par la taille, et l'installa dans le bungie, en prenant soin de lui attacher les mains avec des menottes classiques, qui ne pourraient se défaire autrement qu'à la main, et non électroniquement.
Une fois ceci fait, il contacta le QG

Ici Ortiz. J'ai eu un souci sur le chemin. Projet Domino neutralisé.

Comprit. On prévient les services adéquats.

Qu'en est-il de la cible??

On ne l'a pas vu quitter la zone, mais aucune certitude. On fait un scan élargis mais ça ne donne rien.

On a un point de départ??

Oui, on a put localiser l'habitation concernée, on fait des recherches sur le propriétaire.

Bien. Envoyez l'adresse, je vais y faire un tour.

La communication se coupa, alors qu'en même temps sur son GPS une adresse s'affichait. C'était dans la ville, mais dans un quartier un peu à l'écart du centre ville. Il repera une impasse où il pourrait cacher son véhicule. Mais avec Domino à bord, ça changeait la donne. Devait-il la poser d'abord dans le vaisseau, ou y aller directement??

Appel à June de Virginie :

Citation :

-« June. C’est moi. Voilà on a retrouvé Sam. Ils ont retrouvé Kenjiss. Ils ne vont pas très bien. Ils ont été torturés. Je ne sais rien de précis sur Kenjiss. Mais Samarah est sous mes yeux. On va prendre soin d’elle. Dés que j’en sais plus je te rappelle. Fais attention à toi. Je crois que ce serait bien que tu viennes à l’Institut. Tu serais plus en sécurité avec nous. Je t’accompagnerai voir Kenjiss si tu veux… enfin on en reparle dés qu’on est rentré ! »

And someone way down here
Loses someone dear

Un petit coup surgissant au creux de son ventre. Une légère contraction que June ne sentit même pas dans la panique. Un écho au fond de son cœur. Et un infime pressentiment, presque inconscient que la terreur ancrée dans son regard bicolore balaya rapidement. Impossible de savoir si quelqu’un les suivait réellement mais dans le doute, ils fonçaient toujours dans la nuit. June s’était agrippée à la portière de la voiture. Bernie filait comme un dératé sur la route. Il faut dire que l’humaine l’avait habitué aux situations dangereuses par le passé, mais cette nuit, il devait bien avouer qu'elle se distinguait. Et puis, il sentait que c’était différent, cette fois. Les évènements s’emballaient les uns à la suite des autres, s’enchaînaient et rien ne semblait vouloir les arrêter. Comme si tout était soudainement sur le point de basculer vers un point de non retour.

L’humaine avait l’impression que la glaciale confrériste avait débarqué dans son appartement il y a quelques heures à peine, alors que cela faisait déjà bien plus de 24 heures. Peut-être même 2 jours ? Elle ne savait plus. Il fallait que cela s’arrête… Elle n’en pouvait plus. Il était loin à présent le temps où la future mère se moquait du danger, enchainait mission sur mission, sans jamais se poser et prendre une minute pour elle. Aujourd’hui, dans de telles conditions, elle ne tiendrait plus longtemps… Le stress et la fatigue, ce n’était vraiment pas recommandé pour une femme enceinte. C’était un fait établi, prouvé et vérifié. Et puis, ce n’était surtout pas bon pour le bébé.

Son communicateur vibra. L’humaine s’en saisit automatiquement. Il y avait toujours l’espoir d’une bonne nouvelle… La voix de Virginie tremblait et semblait hésitante.

Citation :

« June. C’est moi. Voilà on a retrouvé Sam. Ils ont retrouvé Kenjiss. Ils ne vont pas très bien. Ils ont été torturés. Je ne sais rien de précis sur Kenjiss. Mais Samarah est sous mes yeux. On va prendre soin d’elle. Dés que j’en sais plus je te rappelle. Fais attention à toi. Je crois que ce serait bien que tu viennes à l’Institut. Tu serais plus en sécurité avec nous. Je t’accompagnerai voir Kenjiss si tu veux… enfin on en reparle dés qu’on est rentré ! »

Le soulagement ne dura qu’une seconde. Samarah était sauvée mais son état avait l’air grave et surtout… surtout, elle eut la désagréable impression que Virginie ne lui disait pas tout à propos de Kenjiss. Cette fois, la panique ne parvint pas à effacer son pressentiment et l’humaine sentit son ventre se tordre en une horrible boule d’angoisse

"Fais demi tour !" déclara-t-elle d’une voix étranglée à Bernie
-Quoi ? Mais t’es folle ou quoi ? s’exclama-t-il, les yeux rivés sur la route. On a peut-être des cinglés aux trousses et tu veux qu’on leur fonce dessus tête baissée ? Pas question, t’as dit le sud on fonce vers…

"FAIS DEMI-TOUR !!! " lui hurla June qui perdit son calme

Bernie freina brusquement et la voiture dérapa dangereusement sur le bitume avant de s’arrêter. Il se tourna vers son amie et ce qu’il aperçut l’effraya. Il ne l’avait jamais vue dans un tel état, à la limite de l’hystérie. L’humaine se révélait déjà être un fameux spécimen d’ordinaire mais alors là… mieux valait ne pas la contrarier et satisfaire à sa demande.

- Okay d’accord, c'est bon... on y va, mais j’espère que tu sais ce que tu fais…

La voiture exécuta un virage à 180 °C et fila en trombe de l’autre côté de la route. Il y avait un chemin de campagne qu’ils venaient de dépasser à une centaine de mètres de là. S’ils parvenaient à le prendre, ça ne leur feraient qu’un petit détour, un maigre prix pour leur sécurité malgré la situation délicate…

La jeune femme ne contrôlait plus ses larmes. Ne réfléchissait plus. Elle avait peur. Elle avait mal. Elle redoutait à présent le pire. Le numéro de Virginie apparut. Pas question d’attendre qu’elle rappelle. Elle l’appela directement et l’adolescente ne tarda pas à répondre. Elle dut affronter une humaine au bord de la panique et un dialogue précipité, difficile, presque incompréhensible.

"Virginie… je… on fait demi-tour. Je ne sais pas… quand… on arrivera là-bas… peut-être poursuivi…Comment vont-ils ? Sam’ … est-ce qu’elle est consciente ? Et lui ? Comment va Kenjiss ? Virginie, dis-moi qu’il va bien, je t’en supplie. Dis-moi qu’il est vivant ! Je t’en supplie dis-le moi !"

L’écho de sa voix brisée ne demandait qu’une seule petite chose en retour. Une chose que l’adolescente ne serait malheureusement plus en état de lui fournir malgré son éternel optimisme. Elle n’avait pas voulu la voir en face, mais la triste réalité était bel et bien là, incontournable. Intransigeante. Et surtout cruelle. Leur fils ne connaitrait jamais son père...

A ses côtés, Bernie se retenait à grande peine de consoler June. Les nouvelles n'avaient pas l'air bonnes. Mais il devait rester concentré sur sa conduite. Il tenta de repérer ce maudit chemin dans la nuit noire. Tout ce qu'il aperçut, fut une moto qui les croisa dans l'autre sens. Celle-ci sembla ralentir légèrement avant de les dépasser et de continuer sa route pour finalement disparaitre à l'angle de la route, derrière un bois...

Jack redémarra le bungie. Il se dégagea du fratras qu'avait provoqué le combat et repartit sur la route. Il roulait moins vite, devant surveiller les réactions de sa prisonnière, dans le cas improbable qu'elle se réveille. Il avait décidé de retourner au vaisseau, et de la mettre sous contrôle sédatif permanent afin d'éviter tout risque inutile. Et s'il y avait eu une poursuite, elle n'aurait fait que le géner. Empruntant à nouveau les chemins détourné, il pouvait rouler comme bon lui semble. Il savait qu'il n'y avait personne sur ces routes... quoi que.

Ici QG. Un véhicule suspect a été repéré. Il a fait demi tour précipitement et s'est mit à emprunter une route proche de la votre, à une allure inhabituelle.

Jack s'arrêta. Il vit sur son écran la route empruntée. S'il continuait pendant deux minutes il aurait une bonne vue.

Bien comprit. Je me met en position.

Jack accéléra d'un coup, et lança son véhicule à toute allure. Il arriva rapidement sur place. C'était une petite colline, et il avait une vue dégagée sur trois bons kilomètres. Il coupa les phares, descendit du bungie et sortit le fusil de tir qu'il avait embarqué précédement. Tranquillement, il s'installa sur l'amature metallique qui servait de toit au bungie, épaula son fusil, passa la lunette en mode vision de nuit, et inspecta la route signalée par le QG. S'ils n'avaient pas changés de route entre temps, il devrait ne pas tarder à les voir.
Ce qui arriva rapidement. Une petite voiture déboula à toute vitesse. Ses phares aveuglèrent un instant la lunette de visée, le temps que l'ordinateur de visée corrige automatiquement le problème. Jack avait maintenant une vue nette sur l'habitacle.
Il y avait un homme au volant, avec une femme à ses côtés. Il n'arrivait pas encore à voir son visage correctement. Le temps qu'ils se rapprochent, il se pencha dans le poste de pilotage, tapa une ou deux fois sur le HUD, et afficha le visage de June, ainsi que celui de l'homme qui était suspecté de l'avoir cachée. Il revint à la lunette de son fusil, et observa à nouveau. La femme ne ressemblait pas à celle qu'il avait vu sur les photos. L'homme par contre était le bon.

Jack grogna. C'était quoi cette merde? L'agent pointa son viseur sur la femme. Les mouvements de la voiture l'empêchait de voir correctement le visage. S'était-elle déguisée?? Surement. Elle devait savoir qu'elle était poursuivie. Il hésita un instant, puis pris la décision. Il désactiva les sécurités, les systèmes de tir et de visée se mirent en route, et le laser de tir se mit en marche. Un fin rayon vert balaya le kilomètre et demi qui les séparaient, pour venir s'écraser sur la poitrine du conducteur.

Jack inspira un grand coup, retint sa respiration, puis relâcha l'air doucement. Son coeur ralentit, l'adrénaline se mit à couler dans ses veines, affutant encore ses sens. Il écouta son coeur ralentir, se synchronisa avec son rythme. Les données atmosphériques étaient gérées par l'ordinateur de tir, et prenait en charge les derniers réglages. Le doigt du tireur glissa doucement sur la gachette, et s'appreta à appuyer....

Ici QG!! Pandore!! Je repète!! Pandore!! Agissez immédiatement selon les instructions pré-établies.

Jack se redressa, et failli jetter la crosse de son fusil sur le haut parleur. Pandore... un code d'annulation de toute les missions en cours et de rappatriement immédiat. Il n'était utilisé que dans deux cas: le QG s'apprêtait à lancer une opération de grandre envergure, soit une des bases du Cercle était attaquée.

Et merde!!!

L'humanoïde était plus que frustré. Il l'avait, il allait l'avoir. Et voila que ce put*** de code de m**** tombait. Il regarda la voiture continuer sa route, sans doute inconscient de ce qu'il venait de se passer. Jack tendit une main, le pouce et l'index tendit, mimant une arme.

On se retrouvera ma chère, on se retrouvera. Et là, je ne te louperai pas.

Il descendit du toit, rangea le fusil, et reprit le volant. Sa main hésita un instant avant de lancer le moteur. Il finit par écraser la commande dans un geste de colère. Jack écrasa la pédale d'accélération et partit en trombe, se foutant bien de se qu'il pourrait rencontrer sur sa route. De toute façon il vallait mieux qu'il n'y ai rien, sinon l'obstacle serait écrasé ou réduit en pièce par le bélier mettalique.
Jack rejoignit rapidement l'aéronef. Une fois à bord, il installa la mutante dans un caisson de contrôle. Il régla les paramètres de façon à ce qu'elle soit maintenu sous sédatif. Quand elle se réveillerait, ça serait à nouveau entre les mains du Cercle. Au moins il avait quelque chose à ramener.

L'humanoïde s'installa au poste de pilotage, et décolla rapidement, avant de partir plein gaz sur les USA. Il se demandait qu'est-ce qu'il s'était passé pour qu'on déclenche un code Pandore. Il avait bien une idée mais elle n'était pas plaisante.

Just because everything's changing

Trois mots… Trois petits mots… Trois simples mots qui avaient pourtant le don de détruire une vie en quelques secondes. Oui, trois mots réellement détestables.

Son cœur avait comprit avant même que Virginie ne tente de reprendre péniblement la parole. Ses sentiments avaient inévitablement traduit le silence de l’adolescente par l’insoutenable vérité. L’impossible éventualité. Celle qu’elle avait vaillamment repoussée jusque maintenant, celle qu’elle s’était refusée d’imaginer comme un scénario possible. Celle qu’elle ne se résoudrait jamais à accepter. Kenjiss devait revenir vivant. Il ne pouvait pas la laisser seule. Il ne pouvait pas abandonner son fils. Il devait…

Ses entrailles se liquéfièrent instantanément. June, sous le choc, lâcha son communicateur qui dégringola à ses pieds. Elle n’entendait plus les excuses sincères et chagrinées de sa jeune amie à l’autre bout du monde. Elle n’avait rien dit non plus. Elle en aurait été bien incapable. Seuls ces trois mots se répercutaient sans cesse dans sa tête. L’humaine voulut crier. Toute sa douleur. Sa colère. L’injustice. L’incompréhension. Mais aucun son ne franchit le bord de ses lèvres. Elle sentit sa respiration s’accélérer et devenir chaotique. Elle eut l’impression que l’air se raréfiait dans la voiture, avant de comprendre que c’était uniquement elle qui éprouvait de plus en plus de difficultés à respirer normalement.

- Judy ! Qu’est-ce qui se passe ?

Bernie avait enfin lâché la route du regard, alerté par les bruits de suffocation. Concentré, il n’avait rien vu du faisceau laser qui avait menacé sa vie l’espace d’une seconde. Inconscient de sa bonne étoile, une seule chose le préoccupait à cet instant. L’état de June. Son amie était en train de lui faire une belle crise d’angoisse. Rien que ça !

- Judy ! Qui était-ce ? Que se passe-t-il ? Bon sang, réponds- moi !

Un nœud au fond de sa gorge l’en empêcha. L’humaine ferma les yeux, laissant couler deux larges trainées humides le long de ses joues. Sa respiration s’accélérait. Elle ne parvenait pas à se calmer. Au creux de son ventre, quelqu’un d’autre semblait protester aussi. June sentit vaguement son bébé bouger. Trop peut-être. Mais accaparée par le chagrin, ses pensées allèrent d’abord à Kenjiss. Comment ? Qui ? Pourquoi ? Autant de questions. Et aucune réponse. La douleur au fond de son cœur explosa, atroce.

Bernie freina brusquement. Encore. Et gara la voiture sur le bas-côté de la route. June tremblait de la tête au pied. Il s’extirpa de la voiture en un éclair et rejoignit l’humaine côté passager. Sans lui demander son avis, il ouvrit la portière et la fit sortir. Mais ses jambes ne supportèrent pas son poids et la jeune femme tremblante s’écroula dans l’herbe, évitant le fossé de justesse. Agitée de spasmes et de sanglots, June fut prise de nausées. Bernie s’écarta juste à temps. Il ne pouvait faire qu’une seule chose, attendre que la jeune femme se calme et qu’elle veuille bien lui expliquer…

Cependant, il n’était pas idiot. Pour que June en soit réduite à un tel état de détresse, c’est que les nouvelles –vraiment- n'étaient pas bonnes. En tant qu'inspecteur de police rationnel et pragmatique, habitué à analyser les situations pour résoudre les crimes, il se demanda simplement lequel des deux prisonniers n’avaient pas survécu à son enlèvement. La terrifiante Samarah Lemington qui lui avait promis au détour d’une entrevue, voilà bien des années, de le réduire à l’état de légume s’il avait le malheur de faire souffrir June ou bien le puissant leader Confrériste et visiblement père du futur enfant de son amie ? Déformation professionnelle quand tu nous tiens… Bernie remballa ses habitudes de flic au placard. June n’avait pas besoin de ça maintenant. En plus, il savait qu’elle détestait ça.

Les minutes passèrent lentement, une impression d’éternité pour l’ami inquiet. Seule la respiration hésitante de l’humaine troublait encore par moment le silence oppressant de la nuit. June était à présent prostrée dans l’herbe, le souffle rauque. Elle n’avait même pas senti les bras réconfortants de son ami venir se poser sur ses épaules. Elle ne sentait plus rien. Elle n’était plus rien. Elle se sentait simplement… vide. Doucement, sa respiration retrouva un rythme acceptable. Elle était toujours secouée de tremblements et de sanglots. Mais elle suffoquait de moins en moins. Lorsqu’il fut certain qu’elle serait en état de lui répondre, Bernie s’approcha de son amie et murmura faiblement :

- Qui… ?

L’humaine leva péniblement la tête vers son ami mais fut incapable d’affronter son regard. Ses yeux fixèrent un point inexistant dans la nuit. Bernie eut cependant le temps d’apercevoir les yeux bicolores caractéristiques de l’humaine. Il y découvrit un regard éteint. Ses yeux, autrefois si joyeux et en permanence optimistes, venaient de perdre leur étincelle de vie. Et cela ne lui plu pas du tout. June inspira et tenta enfin de répondre entre deux spasmes.

"Ils ont… il… est… il est… il est mort, Bernie. Kenjiss est mort…"

Sa voix se noya dans un nouveau hoquet de sanglot. June s’entendait parler mais refusait pourtant toujours d’y croire. Même s’il ne le connaissait pas personnellement, l’annonce de sa mort laissa un gout amer à Bernie. Non seulement pour June mais parce que cela n’annonçait sans doute rien de bon pour leur avenir à tous. Comme si le monde mutant n’avait déjà pas assez de problèmes !

"Ils … l’ont tué… Ils ont tué le père de mon fils… Ils l’ont tué, Bernie ! Ils me l’ont pris !"

Sa voix seule reflétait tout le chagrin et la détresse qui agitaient le corps de l’humaine. Bernie eut de la peine pour elle. Sincèrement. Même si… Il la prit doucement dans ses bras et l’aida à se relever.

- Viens… Il ne faut pas qu’on reste ici… Tu dois te mettre à l’abri, maintenant plus que jamais !

Incapable de protester, June suivit Bernie sans broncher. En fait, il la porta presque jusqu’à la voiture. L’humaine n’avait plus aucune volonté, ni la moindre force. Bernie l’installa prudemment dans la voiture et reprit le volant. Il démarra en silence. Le voyage jusque l’Institut risquait d’être long avec June en larmes à ses côtés.

La voiture s’effaça rapidement dans un tournant et deux phares se rallumèrent dans la nuit un peu plus loin sur la route. La mystérieuse moto avait refait son apparition. Et dès que les fuyards s’étaient remis en route, la conductrice tout aussi mystérieuse lança sa monture chromée à leur poursuite. Il n’était pas question de les perdre de vue !